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Éducation
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00:14 Si vous appréciez notre travail, soutenez-nous,
00:18 ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons continuer.
00:27 Nous avons le plaisir aujourd'hui d'initier une nouvelle chronique,
00:31 une chronique économique que certains attendaient depuis longtemps.
00:34 On a vu pendant ces trois dernières années que restaurateurs,
00:37 boulangers, cordonniers, coiffeurs ont mis la clé sous la porte,
00:41 nombreux ont mis la clé sous la porte, laminés par deux vagues,
00:46 deux vagues de tsunamis.
00:48 D'abord les mesures politiques de confinement
00:51 qui ont été mises en place par le gouvernement,
00:54 arbitrairement choisi, comme on a montré,
00:56 ce qui n'était pas dans la plupart des cas nécessaire.
00:58 Et puis la guerre en Ukraine qui fut un superbe prétexte
01:02 pour l'augmentation des prix de l'énergie,
01:04 cette deuxième vague qui arrivait et qui a affaibli gravement
01:09 les petites et moyennes entreprises.
01:12 Alors que pendant ce temps-là, les GAFAM,
01:15 Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft,
01:19 se sont enrichis comme jamais.
01:21 On a vu par exemple Bernard Arnault qui est devenu la première fortune mondiale,
01:25 qui en un an a doublé sa fortune,
01:28 pas 100, on ne sait même plus chiffrer,
01:29 mais on vous le montrera, de 100 milliards à 200 milliards,
01:33 ça donne le tournis.
01:35 Pourtant, on ne voit toujours pas les petits entrepreneurs bouger,
01:41 alors qu'il est évident que leur vie est en suspens
01:46 et qu'ils ne font rien,
01:48 ils sont voués à disparaître incessamment, sous peu.
01:53 On voit aussi que l'argent qui fuit dans les paradis fiscaux
01:56 a augmenté comme jamais,
02:00 et aucun politique, de la gauche à la droite,
02:03 ne soulève le problème.
02:06 On a le plaisir pour ces chroniques qui nous verront débattre
02:09 de 9 dames différentes,
02:11 d'accueillir Bernard Van Damme,
02:14 qu'on connaît, qui est économiste,
02:16 qu'on a déjà vu chez Kéros.
02:19 Bonjour Bernard.
02:21 Bonjour Alexandre.
02:23 Et qui, pour cette première émission,
02:25 qui est capitale, puisqu'on va introduire le sujet,
02:28 va nous parler de l'État qui est en fin de compte.
02:32 Beaucoup pensent que l'État est encore au service du bien commun,
02:35 mais il est en fin de compte,
02:37 et on le verra dans les politiques qu'il a prises,
02:40 par rapport aux petites et moyennes entreprises,
02:42 qu'il est au fait au service des grands capitaux,
02:44 des GAFAM, des multinationales.
02:46 Dans cette première émission, c'est de ça qu'on va parler,
02:49 des législateurs aussi, qui, dans les États occidentaux,
02:53 sont au service des grands propriétaires de capitaux,
02:56 qui leur fournissent des régimes fisco-privilégiés.
03:01 Et j'ai envie de citer un auteur de référence pour moi,
03:06 Danny Robert Dufour, qui, dans "Le Docteur m'abuse",
03:08 parle justement de la législation,
03:11 qui est aussi au service,
03:13 désolé pour nos avocats,
03:15 mais qui, même si certains...
03:19 David gagne parfois contre Goliath au niveau de la justice,
03:23 c'est souvent pour les plus grands que les lois sont faites.
03:27 Et Danny Robert Dufour parle d'une troisième classe,
03:32 la classe des maîtres,
03:34 parce qu'on croit qu'il y a les honnêtes gens,
03:36 et les malhonnêtes,
03:38 mais il y a une troisième classe qui est la pire,
03:40 celle des maîtres, qui profite du prestige des vertueux,
03:43 de tenir tout le monde tranquille,
03:45 afin d'en tirer tous les bénéfices possibles.
03:47 Et il s'adresse au lecteur,
03:49 "Tu dois être déçu, petit,
03:51 comme la plupart de tes très honnêtes congénères,
03:54 tu crois que la loi était faite pour que tout le monde y obéisse,
03:57 même les maîtres.
03:59 Eh bien non, la loi était faite pour que la plupart s'y soumettent,
04:02 afin qu'un tout petit nombre profite de cette soumission.
04:05 C'est même là la proposition centrale
04:07 de mes recherches sur la vertue morale,
04:10 et il cherche Bernard de Manville,
04:12 "La fable des abeilles", il le cite.
04:14 Il est évident que les premiers rudiments de morale,
04:17 avancés par d'habiles politiciens,
04:19 pour rendre les hommes aussi utiles les uns aux autres que dociles,
04:23 ont été principalement conçus
04:25 pour que les ambitieux puissent en tirer le meilleur profit
04:28 et gouvernent le grand nombre
04:30 avec plus de facilité et de sécurité.
04:33 Donc il y a une complexité des systèmes,
04:36 des régimes juridiques et fiscaux,
04:38 qui va faciliter grandement
04:41 la tâche des grands propriétaires, des grands possesseurs,
04:44 et qui va embarrasser et mettre des bâtons dans les roues
04:47 des petits entrepreneurs.
04:49 Elle va favoriser la concentration capitalistique,
04:53 on y est aussi par rapport à ce qui se passe avec Deleuze,
04:56 on va sans doute en parler cette fois-ci,
04:58 en supprimant en fin de compte la concurrence.
05:01 Et on verra, tu nous montreras,
05:03 qu'en fait, il n'y a pas de libre-marché.
05:06 C'est un truisme, c'est un mensonge.
05:08 Mais commençons par ce qu'on appelle
05:11 les 30 glorieuses, qui ne sont pas si glorieuses que ça,
05:14 et la Pax Americana.
05:16 Comment tout ça démarre ?
05:18 Oui, effectivement, le plan n'est pas à nouveau.
05:22 Si on remonte déjà à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
05:26 on arrive donc en 1947,
05:29 c'est le plan Marshall.
05:31 Les Américains investissent pas moins de 13 milliards de dollars
05:35 de l'époque.
05:37 Ils ont aujourd'hui un équivalent de 150 milliards d'euros.
05:42 Et ils investissent donc massivement en Europe.
05:45 C'est, je dirais, le point de départ
05:47 de ce qu'on a appelé les 30 glorieuses.
05:50 Et évidemment, les banquiers de Wall Street
05:54 octroyèrent donc des crédits aux États européens
05:58 qui étaient meurtris après la guerre,
06:01 mais évidemment sous garantie des États-Unis.
06:03 Le but, c'est évidemment de permettre d'acheter des biens,
06:07 des services exclusivement américains.
06:09 En rappelant que les États-Unis avaient financé les deux camps,
06:13 ont été considérés comme les sauveurs,
06:15 alors qu'en fin de compte, c'est quand même la Russie
06:17 qui a pillé les plus lourdes tribus et qui a libéré l'Europe,
06:21 et qu'à la fin de la guerre, ils se sont dit
06:23 "Bon, Hitler va perdre, allons du côté des vainqueurs
06:26 et finançons-les dans un intérêt purement mercantile et égoïste."
06:31 - Et donc c'est à partir de ce moment-là
06:33 que l'American Way of Life dont tu parles démarre en fin de compte.
06:37 - C'est ça, donc elle est mise sous tutelle de l'Europe véritablement
06:40 par les nouveaux maîtres américains.
06:42 Et donc l'American Way of Life,
06:44 qui est aussi popularisé par le cinéma hollywoodien,
06:48 par le jeans, le chewing-gum, le Coca-Cola.
06:51 En fait, on assiste à une standardisation
06:55 et une normalisation d'abord des processus industriels, commerciaux,
07:00 mais aussi ça entraîne une homogénéisation des goûts, des modes de vie,
07:06 de tout ce qui allait finalement devenir la société occidentale.
07:10 - Alors justement, suit la mise en place des institutions européennes,
07:16 de l'Union Européenne, qui pour certains n'est que...
07:22 - Un reflet finalement de la domination américaine.
07:26 - Voilà, c'est ça.
07:27 - Tout ça au service des Etats-Unis, donc avec le traité de Rome.
07:30 - 1957, 25 mars 1957, donc ça institue la Communauté Économique Européenne
07:38 avec les 6 États membres qui constituent la CECA,
07:41 la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier.
07:44 - De l'acier.
07:45 - Mais c'est surtout à partir de 1986, avec l'acte tunique,
07:49 qui préfigure les traités, le traité de Maastricht de 92,
07:53 le traité de Lisbonne ensuite, qui institue un marché unique
07:58 avec toute une série de réformes institutionnelles.
08:02 Et donc le droit européen va bousculer la hiérarchie traditionnelle
08:08 du droit international.
08:10 - On n'est pas du tout dans l'idée d'une Europe sociale,
08:12 mais d'une Europe économique où on monte les pays les uns contre les autres
08:15 avec le mastodonte allemand, celui qui deviendra le mastodonte allemand,
08:19 qui ne peut survivre que grâce au fait qu'il exporte énormément
08:24 et que les autres achètent.
08:26 On est dans une compétition avec les pays du sud
08:29 qui deviendront les plus endettés.
08:31 On n'est pas du tout dans une Europe sociale, comme vous le faites croire.
08:34 - Bien sûr. Il y a certaines mauvaises langues d'ailleurs qui disent
08:36 que l'Europe c'est un peu le quatrième Reich.
08:38 Donc c'est clair.
08:40 Mais les institutions européennes s'immiscent en fait toujours plus
08:43 dans la vie quotidienne des Européens.
08:45 Et ils imposent un mode de vie qui est même attentatoire
08:49 à nos libertés individuelles.
08:51 Et donc ça entraîne finalement ce qu'on peut appeler une globalisation.
08:56 - Oui, à cette globalisation qui fait suite au plan Marshall,
09:01 l'Europe va encore occidentaliser, je veux dire,
09:04 américaniser les différents pays en homogénisant les règles,
09:08 les lois, les structures, et en favorisant le grand capital.
09:12 - Absolument. Il faut savoir que c'est vraiment un marqueur
09:15 du changement d'époque.
09:17 Et auparavant, les échanges économiques étaient essentiellement
09:21 au niveau national.
09:23 En 1960, quand je suis né...
09:26 - Ca c'est le capital de rappel.
09:28 - Oui. 80% des biens qui étaient consommés en Belgique
09:32 étaient produits en Belgique.
09:34 Et les 20% restants, c'était essentiellement des produits
09:37 qui venaient des pays limitrophes, l'Allemagne, la France, etc.
09:41 Aujourd'hui, c'est tout à fait l'inverse.
09:44 80% viennent de l'extérieur, même de très loin, d'Asie, d'Afrique.
09:50 Alors que, par exemple, je me souviens que chez mes grands-parents,
09:53 tous les électroménagers, c'était le réfrigérateur,
09:58 la machine à laver, le sécheveux, et le fameux sacro-saint téléviseur,
10:03 étaient frappés de la marque ASEC.
10:06 - C'est quoi ?
10:07 - ASEC, c'est belge.
10:08 ASEC, c'est Atelier de Construction Électrique de Charleroi.
10:11 - Donc tout venait d'à-bas.
10:12 - Tout venait de Belgique.
10:14 Je crois qu'il y a beaucoup de jeunes téléspectateurs
10:17 qui n'ont jamais entendu parler des ASEC.
10:20 - Il y a des chances aussi que ces produits
10:22 étaient moins soumis à l'obsolescence programmée,
10:25 que c'était des produits solides.
10:27 - Très solides, absolument, tout à fait.
10:29 Et donc, évidemment aussi, petit à petit,
10:33 dès les années 60, nos gouvernants ont édité
10:38 toute une série de lois, notamment les grandes lois
10:40 d'expansion économique.
10:42 Et quand on regarde ces lois, on se rend compte
10:45 qu'elles ont été véritablement taillées sur mesure
10:49 pour les grands capitaux internationaux.
10:52 Donc on peut dire que nos décideurs ont véritablement
10:55 tout fait pour attirer ces investisseurs étrangers.
10:59 Ils ont vraiment fait ce qu'on peut appeler la danse du ventre.
11:02 - On voit petit à petit que des grandes multinationales
11:04 s'implantent en Europe grâce aux mesures qui sont prises
11:07 par ces jeunes institutions européennes.
11:11 On parle de Ford, General Motors, Caterpillar, Westinghouse...
11:15 - Westinghouse a racheté les ASEC, par exemple.
11:19 Et donc, en fait, tous ces grands groupes américains
11:23 font les flamboyantes Sixties,
11:26 et se sont donc implantées en Belgique.
11:29 - Et pendant ce temps-là, tout doucement,
11:30 les petits commerces commencent à décliner.
11:33 - Donc il faut savoir que le nombre de commerces
11:36 est passé en Belgique de 369 787 au 31 décembre 1947,
11:43 à 191 269 au 1er décembre 2015.
11:48 Donc c'est une perte de 178 518 commerces.
11:51 - La moitié. - 48% ! Presque la moitié.
11:55 - Tout en sachant que la population augmente.
11:58 - Absolument.
12:01 - Donc on est clairement dans une...
12:03 - Concentration. - Malconcentration.
12:05 - Tout à fait. Alors les économistes disent
12:08 "Oui, mais c'est parce que le nombre de commerces
12:10 était trop important, ils étaient trop petits
12:13 en termes de surface, trop peu productifs".
12:17 Mais c'est finalement ce qu'on voit les faces.
12:20 Parce que finalement, ce qui se passe,
12:22 c'est qu'il y a une concentration de la possession
12:26 de l'activité économique.
12:28 - Donc l'État accompagne cette disparition
12:31 de différentes manières.
12:34 - Oui, donc en fait l'évolution du petit commerce
12:37 à travers quelques dates est vraiment très significative.
12:40 Quand on voit ce qui se passe, on comprend très bien la chose.
12:44 Donc on va renforcer les obligations légales,
12:48 comptables, fiscales, pour contraindre de plus en plus
12:52 les petits commerces à sacrifier une partie de leurs bénéfices.
12:55 - Donc on complique la gestion administrative,
12:58 qui commence à complètement étouffer le petit indépendant
13:02 qui avant était propriétaire de son bâtiment,
13:05 habitait dans celui-ci, gérait ça en bon père de famille,
13:08 souvent d'ailleurs avec les enfants.
13:11 - Il n'y avait pas de différence entre la vie professionnelle
13:13 et la vie domestique. S'il devait se servir dans le magasin,
13:17 il descendait, il prenait le produit dont il avait besoin.
13:20 - C'est un peu compliqué aujourd'hui.
13:22 - La comptabilité était très simple.
13:25 - Même quasi inexistante.
13:28 Malgré tout, dès les années 50, on oblige les commerçants
13:32 à tenir une comptabilité.
13:35 On commence aussi à avoir l'accès à la profession
13:38 qui est réglementée. Donc là, petit à petit,
13:41 les choses se resserrent.
13:44 - Et puis les années 50, les supermarchés apparaissent ?
13:48 - Les premiers supermarchés, le premier c'était Delaize,
13:51 place Flanger à Bruxelles. Il y a ensuite eu les hypermarchés.
13:55 Ce sont des grandes enseignes qui pratiquent une stratégie
14:00 de concurrence qui est basée sur la recherche des prix les plus bas.
14:04 - Et des meilleurs emplacements.
14:06 - Et des meilleurs emplacements, bien sûr.
14:09 Dès les années 60, les commerçants sont obligés d'avoir,
14:13 outre un compte postal, un compte bancaire.
14:17 - Donc ce n'était pas le cas avant, ils n'avaient pas de compte.
14:19 - Pas nécessairement.
14:21 - Ils avaient une caisse où ils géraient...
14:23 - Il y avait très peu de gens qui, finalement, avaient un compte bancaire.
14:26 Les gens recevaient leur salaire en monnaie étonnante et trébuchante
14:30 à la fin, non pas du mois, même de la semaine parfois.
14:33 - Alors les hypermarchés et supermarchés profitent aussi
14:36 de l'accroissement, de la massification de la société automobile ?
14:40 - Oui. Donc les gens vont habiter en périphérie,
14:43 préfèrent que dans les centres urbains.
14:45 Et donc ils vont faire leur course dans les supermarchés
14:48 à cause de vastes parkings.
14:50 - Le summum, c'est aux Etats-Unis, évidemment.
14:52 - Évidemment.
14:53 - Il y a des maux, des énormes grandes surfaces
14:54 où les gens vont faire 200-300 km pour aller faire leur course.
14:56 - Absolument. Mais en Belgique aussi, on va vite faire 20-30 km
15:01 pour aller faire ses courses.
15:04 Alors en 71, apparaît la TVA.
15:07 - Taxe sur la valeur ajoutée.
15:09 - Voilà. Donc ça conduit...
15:11 - Un impôt indirect.
15:12 - Un impôt indirect, c'est clair.
15:14 Mais ça impose déjà une série de contraintes aux petits commerçants.
15:17 Plusieurs vont devoir déjà fermer à ce moment-là.
15:21 - Un impôt...
15:23 - Pour quelles raisons ?
15:24 Parce que ça devient de plus en plus complexe.
15:26 Ça nécessite pour les commerçants de devoir tenir une comptabilité,
15:32 donc d'avoir des connaissances en matière économique, fiscale, comptable,
15:36 ou alors de recourir aux services d'entreprise spécialisée.
15:40 Ça coûte, évidemment.
15:41 - Qui réduit son chiffre d'affaires.
15:42 - Ça réduit le chiffre d'affaires. Absolument.
15:44 - Alors apparaissent aussi les fameux code-barres.
15:47 Je ne savais pas que c'était apparu en 1976.
15:49 - Déjà. Absolument.
15:51 Et donc là, c'est vrai que ce sont surtout les grands commerces
15:54 qui gèrent leur stock avec le système de code-barres.
15:57 Mais ça permet justement une fluidité
15:59 qui n'est pas nécessairement accessible pour les petits commerçants.
16:03 Et puis alors en 79, apparaît Banc Contact et Mister Cash,
16:08 qui est un service qui devient de plus en plus obligatoire presque,
16:12 parce que les gens ont des cartes de banque.
16:14 - Couteux. - Couteux, évidemment.
16:16 Donc tout ça fait que finalement, la marge bénéficiaire se réduit.
16:22 Et alors, dès les années 80, se développe également le système des franchises.
16:27 - C'est-à-dire ? Explique-nous.
16:29 - Donc ce sont des entreprises, les grands groupes européens,
16:34 qui créent des petites entités, mais qui sont gérées.
16:39 - Qui leur appartiennent.
16:40 - Qui leur appartiennent. C'est la marque qui est gérée.
16:43 Donc c'est une enseigne au nom de la marque.
16:46 Mais la gestion est faite par des petits indépendants
16:49 qui sont pieds et poings liés, qui signent des contrats léalins
16:53 avec ces grands groupes, et donc qui sont surveillés
16:58 au niveau de la gestion de manière quotidienne.
17:00 C'est terrible pour ces petits commerçants.
17:02 - Un des meilleurs exemples, deux des meilleurs exemples,
17:05 c'est Starbucks et McDonald's.
17:08 - Oui, parce qu'on oublie parfois, mais McDonald's,
17:11 avant de faire des hamburgers, c'était un gestionnaire immobilier.
17:15 Et donc ils ont un parc immobilier très important, et c'est ça qui...
17:19 - Interpro aussi, d'une certaine manière.
17:21 - Absolument, oui, tout à fait.
17:23 - Les dépôts de boissons leur appartiennent,
17:26 les bâtiments, la plupart du temps, leur appartiennent.
17:29 Ils imposent au café les produits qu'ils vendent.
17:34 - Bien sûr.
17:35 - Ils leur imposent un loyer.
17:38 On connaît ici dans le coin une buvette d'une piscine
17:41 qui est hors de prix, qui est devenue hors de prix,
17:43 la personne ne peut pas payer.
17:45 - Ils sont véritablement en train.
17:47 - Ces gérants sont de faux indépendants,
17:49 qui travaillent comme des bêtes, gagnent très peu,
17:51 et doivent aussi engager du personnel sous-payé aussi.
17:54 - Oui, absolument.
17:56 Et donc tout ça fait que...
17:58 Il faut savoir aussi, c'est qu'on l'a dit,
18:01 les courtiers immobiliers qui ont travaillé pour ces grands groupes,
18:06 il y a une augmentation importante des loyers,
18:11 notamment 10% du chiffre d'affaires sur quelques années.
18:15 Donc dans les meilleures rues commerçantes,
18:18 c'est la chasse à ce type de pas de porte.
18:23 - La rue Neuve dans Monopoly.
18:25 - Par exemple, la rue Neuve, c'est significatif,
18:27 puisque avant, on reprouvait encore des cinémas,
18:30 des glaciers, des pâtissiers, des papetiers, des bagagistes.
18:33 Tout ça disparaît.
18:35 Et les enseignes, par exemple, qui sont passées de 1984,
18:39 ils étaient à 37%.
18:41 En 2011, on est à 95% d'enseignes.
18:44 - Donc d'enseignes, c'est défranchisés...
18:46 - Défranchisés, des grands groupes.
18:48 - Des grands groupes.
18:49 - On ne trouve pratiquement plus rue Neuve que des grands groupes.
18:52 - Donc il y avait encore plus de 60% de petits commerces individuels
18:57 qui appartenaient à une seule...
18:59 ou qui avaient un seul commerce dans la rue Neuve.
19:01 - Généralement tenus par un gérant.
19:03 - Mais là, il en reste 5%.
19:05 En 2011, il n'en restait peut-être plus, mais non.
19:07 - Peut-être, oui.
19:08 Alors en 1986, la communauté européenne
19:11 adopte la norme Edifact-ONU pour l'échange des données informatisées.
19:15 Ça permet un dialogue direct entre les ordinateurs,
19:19 des grands distributeurs et leurs fournisseurs.
19:22 Et donc, tout ce qui est livraison commandée directement
19:26 par l'état des stocks, la gestion à flux tendu.
19:29 Donc tout ça facilite les grands groupes,
19:31 au contraire des petites entreprises.
19:34 - Qui en même temps met une pression énorme sur les...
19:38 Par exemple, quand on sait qu'on appelle les grandes surfaces des monopsomes,
19:42 donc il y a plusieurs vendeurs, un seul acheteur,
19:47 ça met énorme pression sur les agriculteurs, par exemple.
19:49 - Ah bien sûr, bien entendu.
19:50 - Qui vont réduire leur marge, qui vont réduire leur coût.
19:53 Et alors aussi, par exemple, dans le domaine des stations essence,
19:57 il faut savoir qu'on impose les doubles cuves aux stations-service dès 1999.
20:03 - Les normes environnementales commencent à arriver.
20:05 - On commence à utiliser ces normes pour imposer...
20:08 - Ce qui peut parfois se comprendre, mais qui de nouveau complique la vie des petits.
20:12 - Des petits, donc les petits détaillants d'essence disparaissent
20:17 et il ne reste que les grandes compagnies.
20:20 Et alors évidemment, l'euro 2002, là ça va être une très mauvaise...
20:27 Les premières années de l'euro sont catastrophiques pour les PME.
20:30 C'est très très mauvais au niveau du chiffre d'affaires.
20:33 Et là encore, il y a une série de faillites.
20:36 Et alors, par-dessus le marché, puisqu'il y a eu l'histoire de la crise de la vache folle,
20:42 on impose la création de l'agence fédérale pour la sécurité alimentaire,
20:47 Lafsca, qui va s'amener dans les commerces et imposer
20:52 toute une série d'obligations, parfois totalement absurdes.
20:57 - C'est le fromage de herbe, si je ne me trompe pas, l'appellation contrôlée,
21:01 qui avait dû fermer et disparaître suite à un contrôle de Lafsca.
21:06 On peut penser que les grandes structures comme Quick,
21:10 qui font évidemment des quality burgers, la grande qualité,
21:14 ne seront pas trop embêtées par Lafsca tellement qu'ils ont une armée d'avocats,
21:19 d'avocats, de spécialistes, alors qu'un petit boucher ou un petit épicier
21:24 aura beaucoup plus de mal à répondre aux normes de Lafsca.
21:28 - Bien entendu. Et alors, là, notre liste, il y a également,
21:33 en termes de gestion du personnel, d'engagement.
21:36 Donc là aussi, les commerçants doivent recourir à un secrétariat social,
21:41 donc des coûts supplémentaires.
21:45 Et alors, tout dernièrement, il y a eu encore, pour notamment les cafés,
21:49 les restaurants, l'imposition de la fameuse caisse antifraude,
21:54 la black box, qui participe également à la même tendance.
22:00 Et donc voilà, finalement, la conséquence de cette évolution,
22:04 c'est que le chiffre d'affaires nécessaire pour la viabilité
22:08 et la rentabilité de ces commerces, de ces petits commerces, disparaît.
22:13 Et donc, ils sont obligés de passer à des surfaces de vente
22:18 de plus en plus importantes. Mais vu que les loyers ont augmenté,
22:22 ça devient infernal.
22:24 - C'est très clair. En 70 ans, tout était mis en place
22:29 pour privilégier les multinationales et tuer, c'est l'effet,
22:36 les petits commerces. Et on verra dans la deuxième émission
22:40 le système de... l'anonymat, les capitaux, les paradis fiscaux,
22:46 les fonds spéculatifs, comment ils ont participé,
22:51 avec l'exemple des salons de coiffure, comment ils ont participé
22:55 à cette destruction. - C'est sûr, on va voir ça
22:58 dans le prochain épisode. - Merci beaucoup, Bernard Van Damme.
23:01 - Avec plaisir.
23:03 (Générique)
23:28 - Libre à vous de consulter gratuitement la publication qui va suivre,
23:31 mais si personne ne s'abonne, si personne ne fait des dons,
23:35 il n'y aura plus de publication. Nous ne cherchons pas à vous soutirer
23:38 du pognon, nous avons simplement besoin d'argent pour continuer
23:41 notre activité. Si vous appréciez notre travail, soutenez-nous,
23:46 ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons continuer.
23:49 (Générique)
23:56 - Deuxième épisode de cette chronique économique avec Bernard Van Damme
24:01 qu'on retrouve pour parler de la prédation et de la concurrence déloyale.
24:06 Alors, aujourd'hui, le sujet, ce sera l'anonymat, les capitaux,
24:11 les fonds spéculatifs, essentiels, qui, en fin de compte,
24:15 assèchent littéralement le secteur. C'est vraiment une technique
24:19 de prédateur, ils se jettent sur leurs proies pour la manger,
24:24 ou même la manger et la faire revivre sous leur nom à eux aussi.
24:29 Ils vident le secteur de toute concurrence possible et s'imposent
24:34 avec leurs enseignes à eux. C'est ce que Deleuze a fait, Carrefour,
24:38 tous les autres, il y en a plein, Ikea. Ils dictent les prix,
24:42 et en définitive, qui est piégé en fin de compte ? Le consommateur.
24:46 Et aujourd'hui, tu vas nous parler d'un secteur, on pourrait en prendre plein,
24:51 on pourrait prendre la filière du bois, on pourrait prendre un cordonnier,
24:54 on pourrait prendre un boulanger, mais tu vas nous parler du secteur
24:57 des salons de coiffure pour dames à Bruxelles, pour illustrer
25:04 ce processus de prédation en partant de 1980 à aujourd'hui.
25:10 - Exactement. Alors, pour commencer, quelques chiffres.
25:14 Il faut savoir qu'en 1980, nous avions encore 4 000 salons
25:19 de coiffure pour dames. Et il ne restait déjà plus que 2 000, 10 ans plus tard.
25:24 Alors, d'après le Monitor Belge, il y a encore actuellement 18 000 salons
25:29 hommes-femmes tout confondus dans l'ensemble du pays, mais ce nombre
25:34 diminue à raison d'une centaine de salons en moins chaque année.
25:39 - Alors, qu'est-ce qui se passe ? - C'est ce que nous allons voir.
25:43 En fait, plus précisément, nous allons examiner quelles sont les stratégies
25:47 généralement adoptées par les fonds spéculatifs pour prendre en main
25:51 un secteur économique, et ici, en l'occurrence, les salons de coiffure
25:55 pour dames, pour véritablement assécher cette profession de toute concurrence.
26:00 - Alors, un de ces moyens, c'est ce qu'on appelle l'effet levier.
26:05 On sait notamment que les banques ne prêtent qu'aux riches.
26:09 Je viens d'ailleurs de voir un article récemment dans La Libre qui disait
26:13 que les PME avaient de plus en plus dur à obtenir un prêt auprès des banquiers.
26:17 Parle-nous de cet effet levier qui permet aux fonds spéculatifs de...
26:21 - En fait, l'effet levier peut se décliner de différentes manières.
26:26 Mais il faut savoir que les fonds spéculatifs disposent d'une assise
26:32 financière considérable. D'ailleurs, je dirais que c'est le but même,
26:36 c'est de concentrer un maximum d'argent pour permettre justement
26:41 de développer toute une série de stratégies.
26:44 Et possédant donc ce volume financier, ils vont faire donc appel aux banques
26:50 pour obtenir des prêts. Donc généralement, quand ils attaquent un secteur,
26:54 ce n'est pas avec l'argent propre, c'est avec l'argent des banques.
26:58 Et notamment via une série de techniques, comme par exemple ce qu'on appelle
27:04 les LBO, c'est un nom un peu barbare. En anglais, ça veut dire "Leverage Buy Out".
27:09 Qu'est-ce que c'est ? C'est en fait un montage financier qui permet
27:13 le rachat d'une entreprise en ayant recours à de l'endettement.
27:18 - Donc en fait, ils n'ont rien. - Ils n'ont rien au départ.
27:20 - La plupart des milliardaires se sont créés comme ça aussi.
27:23 - C'est-à-dire qu'ils ont de l'argent, mais ils ne le mettent pas.
27:27 L'argent, c'est à la limite de garantie. - La banque leur prête.
27:31 - C'est la banque qui leur prête. - Avec cet argent prêté, ils...
27:34 - Ils achètent, donc leur concurrent ou tout un secteur, on va le voir.
27:38 Et petit à petit, ils vont se rembourser sur la dépouille de la cible
27:45 qu'ils veulent attaquer. Et l'enjeu va consister à devenir majoritaire
27:52 dans un secteur. - Et à s'attaquer au secteur des indépendants.
27:57 - Voilà. Il faut savoir que dans les années 80, le secteur des salons de coiffure,
28:03 c'est encore une myriade de petites entreprises disposant essentiellement
28:07 de capitaux propres, modestes. - Comme on l'avait dit, c'est des gens
28:11 à qui le bâtiment leur appartient, qui travaillent en famille.
28:15 - Souvent, c'est monsieur et madame qui tiennent le salon de coiffure.
28:18 - Qui en vivent. - Qui en vivent. Bien, bien sûr.
28:21 Et qui accueillent leur clientèle. C'est une clientèle essentiellement locale.
28:26 - Fidèle. - Fidèle. Parfois même, c'est de mère en fille
28:31 qu'on va dans le même salon de coiffure.
28:34 Donc la clientèle est circonscrite au quartier.
28:38 Nous allons voir quelle va être la stratégie du fonds spéculatif.
28:45 La première étape, c'est de créer une marque. - Olivier Dachkin.
28:49 - Par exemple, ou Jean-Louis, je ne sais plus comment. Enfin, voilà, une marque.
28:54 Et donc, qui sera déclinée évidemment à toutes les sauces.
28:58 Pas seulement au niveau de l'enseigne du salon, mais il y a également
29:01 tous les produits qui sont vendus. Les shampoings, les brosses,
29:06 ce qu'on appelle le "merchandising".
29:09 Alors, l'important aussi, c'est l'implantation.
29:12 Et donc, les implantations de ces commerces nécessitent
29:18 le recours auprès d'agents spécialisés.
29:22 - Il y a des agents immobiliers qui commencent à se mêler de tout ça.
29:25 - À se faire des études de marché, de "traffic shop" comme on dit.
29:28 On engage des urbanistes, des architectes, des décorateurs.
29:32 Rien n'est laissé au hasard.
29:35 Et donc, évidemment, le fonds va chercher de manière rigoureuse
29:39 les emplacements au sein des villes les plus rentables.
29:43 - Et les plus chers. - Et les plus chers.
29:45 Donc forcément, le prix immobilier, les prix vont commencer à augmenter.
29:50 Donc ça, c'est la première étape.
29:52 Alors, une fois les premières implantations décidées,
29:56 les travaux d'aménagement sont terminés,
30:00 il faut s'outiller, il faut installer des infrastructures.
30:04 Et là encore, effet de levier.
30:06 Donc on peut même dire économie d'échelle.
30:08 Puisque par exemple, pour acheter du matériel,
30:11 l'enseigne, la grande enseigne, va évidemment investir en grande quantité.
30:17 - Oui, exemple des 16 cheveux.
30:19 - Par exemple, le petit commerçant, lui, il a besoin de 4, 3, 4, 16 cheveux.
30:25 Il va voir son fournisseur, il lui va dire "bon, très bien,
30:28 votre 16 cheveux, je vais vous le faire à 100 euros par exemple".
30:31 Ok, et il n'y a pas moyen de... non, non, c'est 100 euros.
30:34 - 400 euros par mois, pour les 4.
30:36 - Voilà, pas moyen d'avoir une ristourne.
30:38 Tandis que la grande enseigne, elle va débarquer chez le fournisseur
30:41 en lui disant "voilà, moi j'ai besoin de 1000, de 3000 16 cheveux".
30:46 Et donc, qu'est-ce qu'il va faire le fournisseur ?
30:49 Il est en train de réfléchir, il dit "oh, c'est quand même un marché intéressant,
30:53 je vais faire les 16 cheveux à 80 euros pièce".
30:57 "Ah bon, ok, très bien, attendez".
30:59 Et alors l'enseigne va voir un concurrent et lui dit
31:03 "dites, il y a un Ilfis qui propose ses 16 cheveux à 80 euros,
31:07 et vous Broun, vous les proposez à combien ?"
31:10 Broun réfléchit également, il va dire "mais ça, il faut absolument gagner le marché,
31:14 il faut prendre le marché à notre concurrent, on va les faire à 65 euros".
31:18 - Ce qui participe évidemment directement à la précarisation de la main d'œuvre
31:22 et au fait qu'on fait produire en Asie, en Afrique, dans des zones franches.
31:29 - Bien sûr, le matériel, c'est clair, dans les zones à bas coût.
31:33 Et donc là aussi, il y a un avantage incontestable.
31:37 Alors, pour l'engagement du personnel, là aussi,
31:41 on va voir toute une série d'avantages bien réels.
31:45 D'abord au niveau du personnel, de direction.
31:48 On travaille donc sous le modèle de la franchise.
31:53 C'est-à-dire que ce sont des indépendants eux-mêmes qui vont signer un contrat.
31:58 - Oui, des faux indépendants.
32:00 - Des faux indépendants avec la main,
32:03 qui vont, donc, pour éviter les problèmes de gestion,
32:07 le contractuel devra mettre de sa poche aussi, il ne faut pas oublier.
32:11 Un gérant en franchise, il doit investir une somme en termes de garantie.
32:17 Et puis, ensuite, ça va être une véritable pression qui est mise sur sa tête.
32:23 Une pression psychologique importante,
32:26 parce qu'il va devoir vraiment surveiller son chiffre d'affaires, les coûts,
32:32 sachant très bien qu'il a une armada, une armée de réviseurs d'entreprise,
32:38 de comptables qui surveillent tout cela,
32:40 comme le cuisinier suit le lait sur le feu, quoi.
32:45 Et donc, c'est intolérable sur le plan psychologique.
32:50 - Donc, il va rapporter cette pression sur les salariés.
32:54 - Aussi, c'est évident.
32:56 Et justement, au niveau des salariés, en fait,
32:58 ceux-ci sont souvent engagés par le biais des cellules emploi,
33:01 donc des agences, des offices régionaux.
33:04 - L'agence d'intérim aussi.
33:07 - L'agence d'intérim également.
33:08 Mais ça veut dire que les marques aussi peuvent bénéficier de subsides publics,
33:13 par exemple en créant leur propre académie.
33:16 C'est un grand mot pour une école de coiffure.
33:19 - Ce qu'ils ont fait. - Ce qu'ils ont fait.
33:21 - Qui existe.
33:22 - Et donc, ces grands groupes profitent de la manne publique.
33:27 Ils profitent aussi de leur entre-genre, de leur puissance,
33:32 pour faire danser les politiques, les décideurs.
33:35 - Qui aiment ça, accueillir dans leur commune.
33:37 - Évidemment, avoir des enseignes, c'est bien vu.
33:40 Et donc, il faut savoir pourtant que les salaires dans ces boutiques franchisées
33:48 sont beaucoup plus bas que ceux dans les autres salons tenus par des indépendants.
33:53 - Et puis ça change toute la vie d'un quartier quand même.
33:55 Le fait d'avoir un McDo ou un Cuic.
34:00 - C'est des gens qui viennent de l'extérieur aussi.
34:03 - Ça change le rapport social. - Totalement.
34:07 Et alors, ce qui est très important aussi, c'est que le métier même chez ces franchisées
34:15 est basé sur une segmentation à l'instar du téléhorisme dans les grandes usines manufacturières.
34:23 Donc, on transforme ce métier d'artisan en une sorte de prolétariat.
34:29 - Il y en a qui fait le shampoing, il y en a qui...
34:31 - Voilà. Donc, c'est plus un savoir généralisé.
34:35 Il y a un fractionnement cloisonné des tâches.
34:38 Et finalement, on fait d'un beau métier manuel, artisanal,
34:42 une sorte de bullshit job payé au lance-pierre.
34:47 Et à l'inverse, par contre, dans les salons qui étaient tenus par des propriétaires indépendants,
34:53 je dirais que l'apprenti était encore valorisé, respecté.
34:58 Il apprenait son métier avec une sorte de maître coiffeur,
35:02 un petit peu comme dans les corporations d'autrefois.
35:05 Il y avait les apprentis, il y avait les compagnons et les maîtres.
35:11 Et l'employé, dans ces salons, était généralement bien respecté.
35:16 Il partageait l'avis du couple, des gérants, il mange à la même table.
35:21 Alors que dans les salons commerciaux industriels, ce sont des numéros interchangeables.
35:29 Alors évidemment, ces grosses boîtes vont miser beaucoup sur la pub et le marketing.
35:37 C'est d'ailleurs une grande partie des frais.
35:41 Alors l'avantage concurrentiel se joue également de manière magistrale,
35:46 puisque l'indépendant, eu égard à ses moyens limités,
35:51 en termes de publicité, il va se limiter à une distribution d'un flyer dans les boîtes aux lettres du quartier.
35:58 Il va mettre éventuellement une publicité dans le journal communal,
36:03 ou un quart de page dans le carnet de balles du bourgmaistre.
36:07 Alors que la grande enseigne va utiliser des panneaux publicités,
36:13 les grands affichages remèdes carrés, les couvrir des trams.
36:18 On se souvient des trams avec cette marque du salon de coiffure,
36:21 qui sillonnent toutes les rues des villes.
36:25 Ils vont mettre des publicités dans les grands journaux régionaux, nationaux,
36:30 dans les hebdomadaires, toutes boîtes.
36:33 Et ça c'est la partie publicitaire.
36:36 Mais il y a aussi la stratégie marketing, qui est très importante.
36:39 Donc on fait appel à toute une série de spécialistes dans ce domaine,
36:44 pour attirer le chaland.
36:46 Et tout ça est basé évidemment sur la modernité, les tendances.
36:53 Ils vont créer les tendances en train de compte.
36:55 Ils créent les tendances, mais elles sont aussi relayées par toute la presse,
36:58 les magazines féminins.
37:00 Et en fait ils vont cibler essentiellement la jeune femme citadine de 20 à 25 ans.
37:06 C'est un petit peu du billet à trois bancs,
37:08 parce qu'ils savent qu'en ciblant cette clientèle particulière,
37:11 ils vont toucher les autres.
37:13 Notamment les mères, les grands-mères,
37:15 qui ne rêvent que d'une chose, c'est de ressembler à leur fille,
37:18 ou à leur petite-fille.
37:19 Et donc adieu les permanentes d'antan,
37:22 vif les coupes brushing et les colorisations neopunk.
37:26 Et donc grâce à l'appui d'agents spécialisés,
37:31 ils vont relooker les salons,
37:34 étudier l'image sous les moindres détails,
37:39 la déco des salons, l'uniforme du personnel, etc.
37:44 Et leur modèle économique va leur permettre de proposer des prix plus attractifs,
37:49 en tout cas tant qu'ils ont encore des concurrents, des PME.
37:54 Mais on peut penser qu'après ça va monter en flèche, qu'il n'y aura plus personne.
37:58 C'est une véritable arme de destruction massive.
38:01 C'est donc la politique tarifaire.
38:04 Donc des prix cassés qui renfoncent les petits indépendants.
38:08 Par exemple, une visite chez un coiffeur indépendant
38:12 pouvait valoir autour de 50, 80, parfois 100 euros
38:17 dans un salon de marque.
38:21 On va brader les prix et donc ça va faire mouche.
38:25 Forcément la clientèle, surtout en période de crise économique,
38:29 va être attirée par ces prix.
38:32 Et donc les commerçants indépendants, eux,
38:36 vont devoir s'adapter.
38:38 Ça veut dire faire des sacrifices et réduire leur marge bénéficiaire
38:43 jusqu'à, dans certains cas, se mettre véritablement le couteau sous la gorge.
38:50 Et ça c'est catastrophique.
38:52 C'est pour cela qu'on ne doit pas s'étonner du nombre de faillites
38:56 et le nombre de salons qui ont disparu depuis les années 80.
39:01 Donc aujourd'hui, les enseignes détiennent le haut du pavé.
39:06 – Dans tous les secteurs.
39:08 – Dans tous les secteurs.
39:09 Et donc ici, au niveau des salons de coiffure,
39:11 ils vont à un moment donné relever leurs prix.
39:14 Et donc c'est là où évidemment la clientèle,
39:16 les consommateurs vont être également pris pour cible.
39:20 Mais ça c'est grâce au fait qu'ils ont réussi à assécher complètement le secteur.
39:26 Ils ont fait quasiment disparaître la concurrence.
39:30 Alors nous avons pris donc ce secteur économique,
39:33 et comme tu le dis très bien,
39:36 cette stratégie est applicable dans tous les domaines.
39:42 On aurait pu aussi bien parler, je ne sais pas,
39:45 de la fabrication des machines d'outils, le bois de construction,
39:49 l'industrie agroalimentaire, le secteur de la restauration, on en reparlera.
39:55 Et partout donc les fonds spéculatifs, je dirais même des fonds requins,
40:00 mènent la danse et engloutissent les petits poissons
40:03 qui ne peuvent pas résister à la déferlante.
40:06 Alors en plus à côté de ça, ça c'est grave, c'est clair,
40:09 mais en plus maintenant il y a la numérisation,
40:12 des acteurs comme les Gaffam.
40:15 Les Gaffam, oui.
40:16 Et donc je pense que là, avec la révolution Internet des années 90,
40:20 au début du 20e siècle,
40:22 on risque vraiment d'apporter le coup fatal
40:25 à l'économie de marché traditionnelle telle qu'on l'a connue jusqu'à présent.
40:29 Justement, ça sera l'objet de la troisième épisode,
40:33 "Mourir ou muter ?"
40:35 Car sachez-le, petite et moyenne entreprise, c'est pas rigolo d'ailleurs,
40:39 si vous ne faites rien, vous allez disparaître
40:42 et nous ne serons plus contournés de multinationales,
40:45 toutes les mêmes, dans tous les pays,
40:47 ce qui est déjà quasiment le cas,
40:49 mais nous on vous aime bien, on aime bien,
40:51 le petit commerçant qui a son cachet,
40:55 qui se distingue des autres,
40:57 qui crée du lien social et qui fait un quartier.
41:00 Ce sera pour le troisième épisode.
41:02 Merci, Madame.
41:03 Avec plaisir, bientôt.
41:04 [Musique]