Burn out, réforme du bac : Pourquoi Monsieur Le Prof a démissionné de l’Éducation nationale l Speech

  • l’année dernière
Burn out, conditions de travail, réforme du bac... William Lafleur, aka Monsieur Le Prof, explique pourquoi il a décidé de démissionner de l’Éducation nationale : “Nous ne faisons plus confiance au ministère”.

Son livre “L’ex plus beau métier du monde”, publié aux éditions Flammarion, est disponible en librairie

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Je voyais littéralement dans mon établissement des collègues qui pleuraient dans les couloirs,
00:03 qui n'en pouvaient plus.
00:04 On ne nous permet pas d'enseigner dans de bonnes conditions.
00:07 J'ai enseigné l'anglais pendant 12 ans avant de démissionner, au 1er septembre 2023.
00:13 Mon pire souvenir, je pense que c'était la mise en place de la réforme du lycée,
00:17 où j'ai fait un burn-out, comme beaucoup de collègues.
00:20 Et je voyais littéralement dans mon établissement des collègues qui pleuraient dans les couloirs,
00:24 qui n'en pouvaient plus.
00:25 On avait un rythme effréné, on apprenait le contenu de la réforme au fur et à mesure,
00:28 on nous changeait le programme.
00:29 C'était infernal.
00:30 On a donc ces dysfonctionnements.
00:32 Et à côté, le discours politique qu'on a, que ce soit Jean-Michel Blanquer, Pape
00:36 Ndiaye ou Gabriel Attal, c'est complètement déconnecté de nos réels besoins.
00:40 Avancer les épreuves comme ça en mars, mais personne n'a demandé ça.
00:44 On sait que ça rajoute du stress, qu'on a moins de temps pour préparer aux épreuves
00:47 et qu'ensuite les élèves ne vont plus venir dans ses cours.
00:49 On l'a prévenu et ça, on nous l'impose.
00:51 Un mot sur Jean-Michel Blanquer.
00:54 Bon vent.
00:55 Il a refusé de nous écouter et quand on prenait la parole lors de mouvements de grève,
01:00 il nous a traités littéralement de preneurs d'otages.
01:02 Ce n'est pas une façon de traiter ses agents.
01:03 D'ailleurs, on ne voit pas Gérald Darmanin traiter ses policiers en grève de preneurs
01:07 d'otages.
01:08 Eux, ils peuvent faire grève en faisant des arrêts maladie illégaux.
01:12 Ils sont soutenus par leur hiérarchie.
01:13 Lui, son objectif, très clair mais non assumé, c'est de faire des économies, tout simplement.
01:18 Petit exemple, le passage du bac au contrôle continu.
01:22 Avant le bac, on était payé à la copie.
01:25 Vu qu'on le fait en contrôle continu, maintenant, on n'est plus payé du tout.
01:28 C'est magique.
01:29 Quand je suis arrivé au lycée, j'avais des groupes de terminal de 18 élèves.
01:32 C'était top.
01:33 Pour enseigner l'anglais, c'était vraiment idéal.
01:35 Au bout de 3 ans, j'enseignais à 36 élèves.
01:38 C'est littéralement plus possible dans certaines classes.
01:40 C'est-à-dire qu'il y en a qui sont obligés d'aller chercher des chaises dans d'autres
01:43 classes.
01:44 On n'arrive plus à faire rentrer physiquement les élèves dans l'espace de la classe.
01:46 Comment est-ce que ça pourrait empirer ? En continuant les coupes budgétaires, en
01:52 essayant de nous faire croire que tout va bien.
01:54 Là, par exemple, on avait Gabriel Attal qui, à la radio, dit « il y aura un prof devant
01:59 chaque élève ». C'est faux.
02:00 On le sait.
02:01 C'est un mensonge.
02:02 On a déjà des retours de collègues qui disent « il manque 3 profs dans mon collège
02:07 et ça, on en a des dizaines ». On fait un appel en ce moment à des contractuels en
02:12 masse, c'est-à-dire des gens qui sont recrutés parfois en 30 minutes, parfois même sans
02:15 entretien.
02:16 Je ne sais pas, je me mets dans la peau d'un parent.
02:18 Est-ce que j'ai envie que face à mon enfant, il y ait quelqu'un embauché comme ça,
02:22 un peu au pif ? C'est quand même un adulte qui va être face à des enfants.
02:26 Je n'ai rien contre les contractuels.
02:27 Au contraire, j'ai travaillé avec eux, je les ai aidés, je les ai accompagnés parce
02:31 que c'est à nous titulaires aussi de les faire rentrer dans le métier parce qu'ils
02:34 n'ont pas de formation quasiment.
02:35 Ils peuvent faire d'excellents profs, mais sur le lot, recruter des gens comme ça aussi
02:40 rapidement, moi je trouve ça un peu inquiétant.
02:41 En fait, on va vers une contractualisation du métier parce que pour l'État, c'est
02:46 bénéfique pour plein de raisons, notamment le fait qu'on les paye moins et ils sont
02:49 plus précaires.
02:50 Vraiment, c'est des bouches de fond, on peut les envoyer à droite à gauche comme
02:51 on veut.
02:52 Ce que beaucoup de gens ignorent, c'est qu'on ne pose pas sa démission dans l'éducation
02:55 nationale, on demande une autorisation de démission.
02:57 Si c'est refusé, on est obligé de faire un abandon de poste et donc on part sans
03:02 rien quoi.
03:03 Donc moi, j'ai fait d'abord une demande de rupture conventionnelle, réponse négative
03:08 évidemment.
03:09 Juste après, j'ai envoyé une lettre de démission en disant très clairement "même
03:12 si vous ne l'acceptez pas, je ne reviendrai pas, ça ne sert à rien d'essayer".
03:14 Le nombre de démissions a augmenté de 528% ces dernières années.
03:19 En fait, nous ne faisons plus confiance au ministère parce qu'il fait des promesses
03:24 incessantes, notamment les promesses sur la revalorisation salariale, moi ça fait 10
03:29 ans que je les entends.
03:30 Notre salaire a été gelé pendant près de 10 ans.
03:32 Donc quand on dit gelé, c'est qu'il ne progressait pas, tandis que l'inflation
03:36 faisait augmenter les coûts de l'essence, de l'électricité, du loyer et compagnie.
03:40 Donc moi, je perdais en pouvoir d'achat au fur et à mesure.
03:42 Ce qu'on nous propose comme "revalorisation historique", c'est des heures supplémentaires.
03:46 Non, ce n'est pas une revalorisation, c'est des heures supplémentaires.
03:49 Quand on est épuisé par notre métier, on peut être de mauvais poil en classe et donc
03:55 être désagréable avec les élèves.
03:56 J'aurais aimé arriver à chaque heure de cours de bonne humeur et tout ça.
04:00 J'ai remarqué qu'au fur et à mesure des années, c'était de plus en plus compliqué
04:03 pour moi de porter le masque.
04:05 Donc oui, je regrette de ne pas avoir été assez motivant et assez à y croire finalement.
04:12 C'est pour ça que j'ai arrêté aussi.
04:13 C'est un métier que j'ai adoré.
04:14 Ce qu'il faut savoir, c'est que j'en ai parlé sur mes réseaux pendant 10 ans, avec
04:18 plein d'anecdotes marrantes, avec un réel amour du métier.
04:21 Je ne décourage pas les jeunes enseignants à devenir profs.
04:24 Je leur montre juste, voilà, c'est ce à quoi s'attendre.
04:27 [Musique]

Recommandée