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10 mai 1981: il y a 30 ans la France élisait Mitterrand
Transcription
00:00 Il n'aimait pas la télévision Mitterrand, c'était un homme de son époque, de son
00:06 temps.
00:07 Il ne voulait pas serrer la main de Giscard.
00:08 Je lui ai demandé comment on fait, pourquoi on ne voulait pas lui serrer la main.
00:12 Il m'a dit qu'on ne déteste pas quelqu'un à qui on vient de serrer la main.
00:15 Mitterrand était resté très meurtri de la première confrontation avec Giscard en
00:21 1974, parce qu'il s'était fait avoir par "vous n'avez pas monsieur Mitterrand
00:26 le monopole du coeur".
00:27 Donc à mon avis, depuis 7 ans, il se demandait qu'est-ce que je peux répliquer et surtout
00:33 jamais me laisser avoir comme ça par une riposte.
00:37 Et donc c'est lui cette fois qui a effectivement pris l'avantage avec l'homme du passé,
00:42 l'homme du passif et puis surtout en lui disant quelques minutes après "vous n'êtes
00:46 pas mon professeur, je ne suis pas votre élève et vous n'êtes pas mon professeur, nous
00:49 sommes ici".
00:50 Ce qui a complètement déstabilisé Valéry Giscard d'Estaing.
00:54 Nous avions, Étienne Mougeot et moi, qui étaient responsables de la radio et de la
00:59 télé, voulu, parce qu'on était associés, que les portraits des deux candidats se ressemblent
01:05 jusqu'au bout.
01:06 Et on avait maintenu le suspense sur le visage du vainqueur.
01:11 Après, plus jamais on n'a trouvé ça.
01:13 Il n'y a jamais eu de changement comme ça.
01:16 L'offre pour l'offre, il y a toujours eu des cohabitations, des successions, mais pas
01:21 cet espèce de tremblement de terre que représentait l'élection de Mitterrand.
01:26 Ma grande terreur, alors qu'il était plutôt sympa avec moi et bienveillant, c'était
01:31 surtout qu'on aborde des sujets liés à la culture générale et que je me trouve en
01:36 interro oral paralysé par le trac.
01:40 C'était ça le début de François Mitterrand pour moi.
01:43 Je garde en mémoire des réflexions très désagréables qu'il avait eues parce qu'à
01:48 l'époque j'avais des cheveux lents et qu'il m'avait traité d'hirsute d'extrême gauche.
01:53 J'étais disqualifié pour lui parce que je travaillais au matin de Paris, qui est un
01:57 journal de gauche dont il estimait qu'il devait être à sa botte et obéir à ses
02:01 ordres.
02:02 Mitterrand était un peu tenta aussi, même s'il a été un grand président.
02:05 À l'époque, j'avais été informé très tôt qu'il avait un cancer à son élection
02:11 et personne, personne n'a voulu me croire.
02:13 On était super mal à l'aise parce que c'était très privé, très personnel.
02:18 Et donc vous dites à un président, alors vous n'allez pas lui dire "alors ça va,
02:24 c'est bien, vous vous sentez en forme, il a le cancer, c'est fini".
02:28 Et donc on avait du mal à trouver le temps juste, on ne savait pas comment lui parler.
02:32 Il n'a pas menti, il n'a pas dit la vérité.
02:34 Et puis il a eu le répit, un répit absolument inouï quand on y pense parce que 81, 95,
02:41 94 ans avec une maladie, c'est vrai que c'est rare.
02:45 C'était le président de la République mais un président hors normes et je crois qu'avec
02:51 lui a vraiment disparu un type d'homme politique français.
02:58 J'ai appris, je pense, la simplicité, la résistance à la médisance, au ragot, aux
03:06 rumeurs, ne pas en être impressionné ou intimidé, ne jamais aboyer avec ce qui aboie,
03:13 ne jamais poursuivre la meute.
03:15 Cette race d'hommes politiques est tellement motivée, tellement visant la distance, l'avenir,
03:23 le temps, qu'évidemment rien n'a de prise sur eux.
03:26 Si par exemple en 2012 un président socialiste à nouveau arrive en France, ça sera vraiment
03:34 grâce à Mitterrand parce qu'il a cassé un interdit.
03:36 L'interdit c'était "la gauche n'arrive jamais au pouvoir durablement".
03:40 Et bien non, elle est arrivée au pouvoir durablement, 14 ans, grâce à Mitterrand,
03:44 réélu somptueusement en 88 et ça a rendu l'alternance presque banale.
03:49 Merci.

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