SMART BOURSE - Le quart d'heure américain du lundi 28 août 2023

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Lundi 28 août 2023, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)

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00:00 C'est donc un lundi de reprise pour Smart Bourse, le coup d'envoi de cette saison 4
00:09 avec le retour de notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas que nous continuons de retrouver
00:14 chaque lundi à 17h45 en direct pour un décryptage et un tour d'horizon de l'actualité économique,
00:21 politique, financière américaine.
00:23 Pierre-Yves, bonsoir.
00:24 Bonsoir Grégoire, c'est un plaisir de vous retrouver.
00:28 C'est un plaisir partagé évidemment.
00:30 Pierre-Yves, rentrons tout de suite dans le vif du sujet puisque la fin du mois d'août
00:36 est traditionnellement le moment de retrouvailles des grands banquiers centraux autour du symposium
00:40 historique organisé dans le Wyoming à Jackson Hall.
00:45 Que faut-il retenir de la carte postale de Jérôme Powell qui a pu être adressée à
00:50 la Planète Marché depuis Jackson Hall vendredi dernier ?
00:53 La manière dont je vois les choses est que bon, il fallait que quelqu'un fasse le discours
00:59 d'ouverture de ce symposium organisé par la fête de Kansas City à Jackson Hall.
01:04 C'est tombé sur Jérôme Powell mais fondamentalement il n'avait pas grand-chose de vraiment nouveau
01:10 à nous dire si ce n'est peut-être avec une petite nuance un peu moins accommodante,
01:15 le message qu'il avait déjà développé quelques semaines avant.
01:17 Ma lecture de son discours est que d'abord il n'a pas décidé ce qu'ils allaient faire
01:25 le 19 et le 20 septembre prochains.
01:27 Ils attendent encore de voir quels signaux seront donnés par la conjoncture américaine,
01:35 en particulier jeudi, on a l'indice des prix des dépenses de consommation des Américains,
01:40 on a vendredi les indications relatives à l'emploi et la révision possible des chiffres
01:46 de juillet, ça c'est toujours important ces révisions.
01:48 Donc faut-il continuer à majorer les taux ou faut-il faire une pause ? Ils ne le savent
01:55 pas fondamentalement donc ce n'est pas que Jérôme Powell veut nous cacher son intention,
01:59 c'est que je pense sincèrement qu'il n'a pas décidé ce qu'il allait faire.
02:02 Et surtout, et ça je crois que c'est un point qui est de plus en plus important à
02:06 mesure que l'on s'approche du virage du cycle monétaire, l'intention de tout bon
02:13 président de la Fed est de s'assurer qu'il y a le maximum d'unanimité autour de la
02:18 table du comité monétaire et que ce n'est pas le moment d'aller faire des déclarations
02:24 dès maintenant qui vont trop dans un sens ou dans l'autre, car il faudra le 19 quand
02:29 sera publié le communiqué qu'il y ait le minimum de dissension, voir que la décision
02:34 soit unanime, car quand on entre dans une phase de virage possible de la politique monétaire,
02:41 la dissension affaiblit la crédibilité à la fois de l'institution et aussi du patron
02:46 de la Fed.
02:48 Mon impression c'est que le discours de Jérôme Powell était le discours de quelqu'un
02:55 qui se prépare à faire une pause durable, mais qui ne veut surtout pas prononcer le
03:01 mot pause, parce qu'il sait que s'il annonce que la Fed en gros est en situation de pause
03:06 parce que maintenant le niveau des Fed Funds et les autres dispositions relatives à la
03:10 politique monétaire américaine, la fin de l'assouplissement quantitatif, assure un
03:17 resserrement même si la Fed ne fait plus rien, le resserrement continue.
03:20 Si le mot pause est prononcé par la Fed aujourd'hui, le marché va immédiatement réfléchir à
03:27 en fait quand va tomber l'assouplissement, quand va tomber l'inversement du cycle.
03:34 Donc en ne prononçant pas ce mot pause, il évite de donner au marché une incitation
03:41 à commencer à parier sur la prochaine baisse et il est assez satisfait de voir que pendant
03:46 que vous étiez à la plage, le marché en fait a réduit ses anticipations de renversement
03:54 des hausses de taux pour la fin de l'année et a repoussé les choses à plus tard l'année
03:58 prochaine.
03:59 Toujours cette idée, en tout cas dans la stratégie des banques centrales et de la Fed en premier
04:03 lieu, de continuer d'aboyer un petit peu pour éviter de mordre.
04:07 On n'est plus sur des rugissements comme il fallait le montrer en 2022 mais il y a
04:12 toujours encore à ce stade-là, à ce niveau du cycle, il y a toujours l'idée qu'il
04:16 faut maintenir une pression par le verbe pour justement pouvoir peut-être mettre en place
04:22 concrètement une pause durable.
04:24 Je pense qu'ils sont sincèrement convaincus qu'ils sont loin d'avoir vu les effets
04:32 de 11 majorations de taux pratiquées depuis le mois de mars 2022.
04:36 Tout le monde est très surpris d'avoir que la conjoncture américaine continue de se
04:41 porter aussi bien.
04:42 On va avoir à peu près 2% de croissance semble-t-il au troisième trimestre, le taux
04:47 de chômage à 3,5%.
04:49 Personne n'aurait cru qu'avec une telle majoration de taux, la conjoncture se porte
04:54 aussi bien.
04:55 On parle du taux des Fed Funds mais parlons du prime rate qui compte beaucoup plus pour
05:02 l'Américain moyen.
05:03 Le prime rate c'est cette invention de l'industrie bancaire américaine qui consiste à dire
05:07 voilà c'est à ce taux-là que je vais prêter, que je vais faire du crédit à mes meilleurs
05:11 clients.
05:12 Le prime rate quand les taux de Fed Funds étaient autour de zéro, le prime rate était
05:15 resté à 3,5%.
05:16 Aujourd'hui on est à 8,5%.
05:18 C'est cher d'emprunter de l'argent aux États-Unis.
05:22 Le taux des hypothèques à 30 ans maintenant est au plus haut depuis plus de 20 ans, on
05:26 est à 7,6%.
05:28 La position de la Fed me semble-t-il est de dire que ce n'est pas possible qu'avec
05:33 un tel prix de l'argent, nous n'ayons pas un ralentissement plus marqué de la conjoncture
05:39 et ils veulent d'abord voir un ralentissement de la création d'emplois et un rééquilibrage
05:44 du marché du travail.
05:45 Intéressant de noter qu'en parallèle du meeting et des rendez-vous de banque centrale
05:51 sur le plan de la politique américaine, Joe Biden endosse désormais très largement
05:57 ce concept de "Bidenomics" alors qu'il a été défini, commenté par les observateurs,
06:04 mais qui était plutôt une manière pour ses opposants de définir et de qualifier la
06:09 politique économique d'un Joe Biden contre lequel il lutte.
06:14 "Bidenomics" n'est plus un terme péjoratif, c'était un terme destiné à se moquer,
06:23 qui a commencé à sortir en janvier-février, qui a été employé par les républicains
06:27 pour dire "vous voyez, il fait n'importe quoi, on est en situation d'inflation qui
06:32 a perdu le contrôle et on est sur le point d'entamer une récession, on vous a vendu
06:35 de la fausse monnaie, on a augmenté le salaire minimum et fondamentalement votre pouvoir
06:39 d'achat a baissé.
06:40 La récession arrive, vous allez voir ce que vous allez voir.
06:43 Le problème c'est que la récession n'est pas venue, que l'emploi reste très solide,
06:49 que la confiance des consommateurs américains est en montée, que le prix de l'essence
06:52 a baissé, ce qui a ralenti l'inflation, en tout cas à son niveau prix alimentaire
07:00 et prix de l'énergie, et que du coup Joe Biden se dit "Bidenomics c'est bien, je
07:08 vais faire campagne là-dessus".
07:10 Et pourquoi pas ? Qu'est-ce que c'est que "Bidenomics" ? Alors, la définition
07:16 des républicains c'est "on distribue de l'argent à tout le monde et on prétend
07:20 faire de la politique industrielle et comme si l'argent était gratuit c'est le pognon
07:24 de dingue et l'argent gratuit +110".
07:27 La définition de la Maison-Blanche naturellement est différente, mais on est loin de constituer
07:33 une doctrine économique.
07:34 J'ai essayé de comprendre ce qu'il voulait dire.
07:37 Elle définit le terme "Bidenomics" par opposition au terme du "trickle down",
07:43 du ruissellement, c'est-à-dire qu'au lieu de rémunérer les plus riches et ensuite
07:48 de voir que toute la richesse et la croissance descend pour que tout le monde en profite,
07:52 non, le "Bidenomics" c'est "nous mettons la classe moyenne au centre et la politique
07:55 industrielle et comme ça tout le monde dans la classe moyenne va s'enrichir et c'est
08:00 par le milieu et par le bas qu'on va enrichir l'Amérique".
08:04 "Bidenomics" je crois que c'est clairement en tout cas quelque chose qui a contribué
08:09 à retarder cette récession que l'on nous promet depuis un an et qui n'est toujours
08:13 pas arrivée.
08:14 Il n'y a pas de miracle quand on a à peu près 6% de déficit budgétaire par rapport
08:21 au PIB, heureusement qu'on a de la croissance.
08:23 On était à 5,2% l'an dernier, 5,8% cette année et probablement plus de 6% l'an prochain.
08:30 Les dispositions de crédit d'impôt dans la loi IRA, dans la loi de transition climatique
08:40 qui coûte très cher aux contribuables américains, c'est un doublement de tous les projets
08:45 de construction d'usines aux Etats-Unis aujourd'hui par rapport à la moyenne.
08:49 Plus de 200 projets, plus de 110 milliards sont en ce moment en train de tourner, ont
08:56 construit des usines partout.
08:57 Janet Yellen parle du Battery Belt, on connaissait le Bible Belt, maintenant c'est le Battery
09:05 Belt, c'est-à-dire qu'il y a toute une zone aux Etats-Unis, plutôt dans le sud d'ailleurs,
09:11 où on construit partout des usines pour fabriquer des batteries qui vont permettre de nous faire
09:17 rouler en voiture électrique, même si on n'a pas envie de le faire d'ailleurs.
09:20 Donc c'est formidable tout ça, mais ça coûte très cher.
09:22 Lorsque l'IRA a été voté il y a un an, on pensait que tous ces crédits d'impôt
09:30 allaient coûter à peu près 400-440 milliards de dollars sur 10 ans au budget américain.
09:35 On s'aperçoit que l'engouement pour les crédits d'impôt par les industries américaines
09:38 est tel que ça va coûter 660 voire 700.
09:42 Donc tout ça, ça nous fait de la croissance aujourd'hui et tant mieux.
09:45 Mais si jamais nous basculons en récession, nous allons attaquer cette récession avec
09:50 un déficit budgétaire énorme. Et ça, ce n'est pas une bonne nouvelle, en particulier
09:54 pour le marché obligataire.
09:55 Pour finir sur le chapitre politique, Pierre-Yves, vous aviez peut-être déjà la date à partir
10:03 de laquelle Donald Trump serait jugé pour avoir tenté de peser sur le résultat de
10:08 la présidentielle 2020. La date du procès de Trump a été fixée au 4 mars prochain,
10:16 2024, Pierre-Yves.
10:17 Il y a au moins 4 ou 5 procédures, ça n'en finit plus. Ce que je crois, c'est que le
10:27 camp républicain, y compris dans les gens qui sont sondés aujourd'hui, qui vous disent
10:32 "oui, oui, je vais voter pour Trump", parce que plus il subit des inculpations, plus sa
10:37 popularité semble augmenter.
10:38 Je pense que oui, sa popularité semble augmenter, mais les gens qu'on sonde aujourd'hui sont
10:43 des gens qui n'ont pas vraiment pris la peine de réfléchir durablement.
10:47 La saison des primaires a à peine commencé, il ne faut pas accorder trop de crédibilité
10:51 à ces sondages qui nous donnent Trump très largement en avance.
10:54 Il est très largement en avance, c'est une catastrophe pour Ron DeSantis, c'est une
10:58 catastrophe pour les autres candidats qui essayaient de percer.
11:02 Mais le match est encore à son début.
11:05 Beaucoup de choses peuvent se prépater que durant le premier grand débat sur Fox News,
11:15 plusieurs candidats sont sortis du bois comme ça.
11:17 Il y en a un qu'on ne connaissait pas vraiment et qui a réussi à faire parler de lui, c'est
11:21 le petit nouveau, M. Vivek Ramaswamy, qui vient du secteur de la biotechnologie.
11:28 Mais il y a un vieux briscard qui, à mon avis, s'est bien distingué et qui peut poser
11:33 des problèmes à Donald Trump, c'est Chris Christie, qui est assez populiste lui-même,
11:38 ancien gouverneur du New Jersey, et qui, ici, il faisait un bon score dans le New Hampshire,
11:44 c'est le 12 mars.
11:46 Beaucoup de choses peuvent se produire d'ici là.
11:49 Les élections primaires de l'Iowa, c'est le 15 janvier.
11:52 Mais si Chris Christie crée la surprise en mars, toute la dynamique peut changer.
11:57 Bon, voilà, entre Jackson Hole, le coup d'envoi des primaires républicaines et les Bidenomics,
12:03 c'était l'occasion de vous retrouver, Pierre-Yves, avec grand plaisir, pour ce quart d'heure
12:07 américain, chaque lundi à 17h45, en direct sur Bsmart, dans Smartbourse, que vous retrouvez
12:13 bien sûr comme le reste de nos émissions, en replay tous les jours sur notre plateforme
12:17 bsmart.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
12:22 Pierre-Yves Dugas avec nous, correspondant américain.
12:24 - Merci.

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