L'interview d'actualité - Candice Prévost

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Maud Descamps 


Serions-nous en train de vivre le #MeToo du football féminin ? Depuis une semaine, la polémique autour du baiser forcé du président de la fédération espagnole de football, Luis Rubiales, ne cesse d’enfler. Malgré le scandale, ce dernier refuse de démissionner. Pour Candice Prévost, ancienne joueuse du PSG et de l’équipe de France, ce geste qu’elle qualifie « d’agression » est totalement inacceptable. Une séquence visionnée a posteriori par des millions de personnes et qui a profondément choqué les supporters. Retour sur l’affaire du baiser volé qui affole le monde du ballon rond.

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Transcript
00:00 Serions-nous en train de vivre le MeToo du football féminin ? Vous en parlez Maud.
00:04 Avec votre invitée, il s'agit de Candice Prévost.
00:06 Elle est footballeuse professionnelle, ancienne joueuse de l'équipe de France
00:09 et du PSG, fondatrice de l'association Little Miss Soccer. Bonjour.
00:13 Bonjour Candice Prévost, bienvenue sur le plateau de Télématin.
00:16 On va revenir évidemment sur cette polémique qui enfle depuis une semaine
00:19 ce baiser forcé du président de la Fédération Espagnole de Football, Luis Rubiales,
00:23 sur l'une de ses joueuses, Jenny Hermoso.
00:26 C'était à l'issue de la finale de la Coupe du Monde.
00:28 Ça fait une semaine que cette polémique enfle. Luis Rubiales refuse de démissionner.
00:33 Ce geste, tout d'abord pour vous, il est inacceptable. C'est une agression ?
00:37 C'est une agression et on constate aussi que ça a été vu par toutes les personnes
00:43 qui ont pu assister à la Coupe du Monde, mais aussi après, a posteriori.
00:48 Vous l'avez vu en direct, vous ?
00:50 Je l'ai vu en direct. Après, ça passe très vite, les images.
00:54 C'est vrai que le constat, il est celui-ci. Il est aussi avant en tribune
01:00 au moment de la célébration de la victoire, quand il a un geste un peu déplacé
01:07 à côté de la reine d'Espagne. Donc il y a quand même un comportement
01:11 complètement inapproprié qui est visible. C'est la partie visible de l'iceberg, en fait.
01:16 Il faudra aussi parler de la partie invisible de l'iceberg.
01:19 Alors, on va y revenir, justement. Mais cet après-midi, il y a une réunion de crise
01:23 qui est organisée par la Fédération espagnole pour voir un peu la suite des événements.
01:28 La FIFA l'a suspendue pour 90 jours. Pour vous, il n'a pas d'autre choix
01:32 que de démissionner ?
01:34 Il aurait déjà dû le faire. Ça fait déjà un petit moment.
01:37 Il s'est comporté un petit peu trivialement en organisant cette Assemblée fédérale
01:44 avec des applaudissements de l'ensemble des élus, des sélectionneurs aussi,
01:49 des deux équipes. Je pense qu'il est allé trop loin. Il s'enfonce très clairement
01:55 dans sa logique. C'est inadmissible. Il aurait vraiment dû faire le pas
02:02 bien avant et laisser les Espagnols aussi vivre leur exploit et leur réussite.
02:07 C'est ce que je voulais vous dire, justement. C'est-à-dire que ça fait une semaine
02:10 qu'on voit l'image de ce baiser tourner en boucle partout dans les médias.
02:13 L'image qu'on aurait dû voir, c'est celle-ci, c'est celle des Espagnols
02:16 qui célèbrent leur victoire. Est-ce qu'il y a aussi ce problème ?
02:19 C'est qu'il a volé quelque part la victoire de l'équipe espagnole ?
02:23 Bien sûr. Il a tiré la couverture à lui. Merci de montrer ces images.
02:29 Ces jeunes femmes ont été en difficulté déjà quelques mois auparavant
02:34 avec leur sélectionneur qui, lui, n'est pas tout à fait très clair.
02:40 Il risque aussi d'avoir des difficultés pour revenir ensuite en sélection.
02:45 Mais ces joueuses-là ont vécu une année très compliquée.
02:49 Quinze ont été absentes et ont été les frondeuses de cette équipe espagnole.
02:55 Certaines sont revenues. D'autres ont été sacrifiées de cette Coupe du monde.
02:59 Je pense bien sûr à elles, à d'autres joueuses qui auraient mérité
03:05 une couverture médiatique bien plus conséquente que cet homme-là.
03:10 On voit qu'en Espagne, les réactions sont très fortes.
03:12 Les 23 joueuses de la sélection refusent de rejouer sous sa présidence.
03:16 Il y a six membres de l'encadrement de l'équipe qui ont présenté leur démission.
03:21 En France, en revanche, il y a eu très peu de réactions. Comment vous l'expliquez ?
03:25 Il y a des réactions. Il y a des réactions de la part de certaines joueuses.
03:29 Je vois Marie-Antoinette Catoto, Amandine Henry,
03:32 qui sont des joueuses qui n'ont pas pu participer à cette Coupe du monde.
03:34 Sakina Karchaoui a également tweeté. Il y a des personnes.
03:38 L'institution est assez discrète sur le sujet.
03:42 On se rappelle de Noël Legret et la vague qu'il y a eu auparavant,
03:46 qui a fait un peu de mal à la Fédération française de football
03:49 et qui, à mon avis, marche un peu sur des oeufs sur ces sujets-là.
03:52 J'aurais aimé avoir un positionnement aussi de certains élus.
03:56 Pour moi, je pense que c'est individuellement, en tant que personne,
04:02 c'est important de montrer un peu son soutien, sa solidarité
04:06 envers les joueuses, envers le groupe.
04:08 C'est quand même grave d'avoir un groupe qui démissionne complet
04:12 et que ce ne soit pas l'inverse.
04:15 On le voit que c'est quelque chose qui…
04:19 Vous parlez de "me too" foot.
04:21 Il y a un avant et un après de cette Coupe du monde.
04:24 Les joueuses se sont emparées le droit de jouer,
04:26 se sont emparées le droit d'exister,
04:28 de montrer qu'elles n'étaient pas d'accord sur le chemin du droit à l'égalité.
04:33 Je pense qu'elles sont très inspirantes.
04:35 Il faut maintenant parler d'elles.
04:37 On sent qu'il y a une libération de la parole dans le football espagnol.
04:40 Est-ce qu'en France, il y a encore une omerta sur le sujet ?
04:43 C'est vrai que c'est difficile.
04:45 J'ai pu le voir et constater, notamment en tant que joueuse auparavant.
04:50 C'est difficile parce que finalement,
04:52 on nous fait toujours comprendre qu'on est le second projet.
04:56 On n'est toujours pas une des priorités.
04:58 C'est dur d'être une femme dans le foot ?
04:59 C'est compliqué.
05:00 C'est vraiment compliqué encore, même si…
05:03 Certains vont dire "mais regardez, on le voit à la télévision".
05:06 On a été un mois, juste un mois avant la Coupe du monde,
05:10 sans savoir si ça allait être diffusé.
05:12 On a de la chance d'être diffusé.
05:14 Et c'est une chance.
05:15 Il y a des valorisations, il y a des augmentations,
05:19 il y a des choses qui…
05:20 L'égalité avance, les sujets de l'égalité avancent,
05:24 mais ça reste toujours très latent et invisible.
05:26 C'est difficile parfois d'être une femme quand on joue au foot.
05:29 Vous évoquiez l'affaire Legrette, justement.
05:31 Lui aussi, à l'époque, s'était accrochée à son poste,
05:33 comme aujourd'hui, Roubia Lest s'accroche à son poste.
05:35 Comment vous l'expliquez, ça ?
05:37 C'est la domination masculine, c'est le pouvoir,
05:39 c'est le patriarcat, c'est tous ces sujets-là
05:42 qui rôdent, qui sont autour de nous,
05:45 et qui, malheureusement, il n'y a pas beaucoup de dirigeantes.
05:50 Je pense qu'il y a beaucoup de personnes,
05:52 beaucoup de femmes, quelques femmes qui sont dans les instances dirigeantes,
05:55 qui doivent être en difficulté aujourd'hui.
05:58 Et je pense vraiment aussi à elles,
06:00 parce que je me dis qu'elles ne sont pas forcément en masse.
06:04 C'est difficile aussi d'avoir une représentativité,
06:08 une voix qui compte quand on est en minorité.
06:10 Je pense qu'on a besoin, justement, d'avoir un petit peu de force,
06:14 un peu de sororité, de solidarité,
06:16 et d'avoir davantage de femmes dans les instances.
06:18 Alors justement, c'est ce que vous essayez de faire, vous,
06:20 avec votre association, promouvoir le foot féminin.
06:22 Aujourd'hui, on a des parents dont les petites filles rêvent,
06:25 peut-être un jour, de jouer pour l'équipe de France.
06:28 Est-ce qu'aujourd'hui, on peut les inscrire en toute sécurité dans un club de foot ?
06:32 Je pense qu'il faut y aller.
06:34 Et justement, l'idée de cette Coupe du Monde doit donner l'envie,
06:38 normalement, du rêve et de la possibilité.
06:41 Je pense que l'équipe de France a montré un visage aussi,
06:44 et malheureusement, s'est arrêtée très rapidement.
06:47 Il y a des joueuses très inspirantes dans cette Coupe du Monde,
06:51 des femmes qui ont d'ailleurs participé.
06:55 Par exemple, l'équipe d'Haïti a dû faire sa campagne de crowdfunding
06:59 pour participer à la Coupe du Monde.
07:01 Il y a des personnes très inspirantes.
07:03 La France doit l'être davantage,
07:06 à permettre aux jeunes filles d'avoir cette place sur les terrains,
07:10 aux côtés des garçons.
07:11 J'ai rencontré un jeune homme, il n'y a pas très longtemps, à la plage.
07:15 Il ne savait pas que j'étais une ancienne joueuse du Paris Saint-Germain.
07:20 Il avait les larmes aux yeux.
07:22 On a envie de donner un peu cette confiance aux jeunes filles,
07:26 aux garçons, avec notre association Little Miss Soccer.
07:29 L'idée, c'est de dire que le terrain est la place pour chacun et chacune.
07:34 Candice Prévost, au-delà des violences sexuelles,
07:37 on parle aussi beaucoup des inégalités entre les joueurs et les joueuses.
07:40 Là aussi, il y a encore un long chemin à parcourir.
07:42 Oui, un long chemin à parcourir.
07:44 Économiquement, on parle souvent que la pratique féminine n'est pas encore au niveau...
07:50 Au niveau des salaires.
07:52 Au niveau des salaires, elle n'est pas au niveau de pouvoir montrer comme les hommes.
07:56 Il y a un manque d'audace aussi, pour moi.
07:59 Il y a un manque de structuration.
08:01 La fédération travaille effectivement dans ce sens, mais c'est très tard,
08:07 parce que la Coupe du monde en France en 2019 n'a pas été...
08:10 Vraiment, l'héritage n'est pas là et n'est pas celui escompté.
08:14 Donc, la fédération travaille sur ça, mais on a envie que ça aille beaucoup plus vite.
08:19 Merci beaucoup Candice Prévost d'être venue nous voir sur le plateau de Télématin.
08:22 Consentement et parité, voilà les deux mots à retenir.
08:25 Merci beaucoup Candice Prévost d'être venue sur le plateau.

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