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L'ancien chef d'état-major, et chargé de la supervision de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, est mort le vendredi 18 août au cours d'une randonnée dans les Pyrénées. Il avait 74 ans.

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Transcription
00:00 Le silence, seul, aujourd'hui, accompagne le départ du général
00:06 Georges Lain. Et comme en écho, sa voix nous revient.
00:14 Cette voix qui le précédait toujours de quelques mètres.
00:18 Dans le chantier de la reconstruction de Notre-Dame de
00:22 Paris, elle claquait, saluait, encourageait.
00:26 Elle couvrait le bruit des outils et le vacarme des artisans.
00:30 A l'Elysée, sa voix s'échappait dans la cour d'honneur.
00:36 Quand l'été venu, le général ouvrait sa fenêtre.
00:39 Elle concurrençait à elle seule l'orchestre de la garde
00:43 républicaine, trompettes et tambours, montait aux étages,
00:46 faisait sourire d'avance ceux qui travaillaient avec lui.
00:50 Voix rocailleuse des Pyrénées, abrupte ou chaleureuse,
00:55 sévérité militaire et bonhomie un peu rude,
01:00 accent théâtral qui lui faisait allonger des voyelles.
01:05 Sa voix, sa voix semblait toujours être prolongée par quelques
01:11 cots, comme si le général conversait dans une crypte,
01:15 dans une chapelle, dans les abbayes ou les églises
01:20 qui l'émettant.
01:22 Cette voix était l'expression de son caractère exceptionnel,
01:29 autant que le moyen de convaincre, d'impressionner,
01:33 quelquefois de réduire au silence tout ce qui entravait ses dessins.
01:37 Le général, c'était cette voix.
01:41 Une force qui va, un mouvement qui venait de loin,
01:49 de son pays natal, du Cominge, d'Aspey,
01:53 des brumes du pic de Cagir.
01:58 Moi qui fus un soldat quand j'étais enfant,
02:01 comme disait Victor Hugo.
02:04 Né en 1948, Jean-Louis Georgelin fut un enfant de l'après-guerre
02:09 et à coup sûr déjà un soldat.
02:13 Un enfant élevé dont le souvenir est bientôt la rumeur des guerres.
02:18 Son père, sous-officier, combattait à des milliers de kilomètres
02:22 en Indochine puis en Algérie.
02:26 Sa mère, Marcel, fut pour toujours le pilier de sa vie.
02:32 Ils attendaient avec son frère et sa soeur les nouvelles des combats.
02:40 Et il resta peut-être à Jean-Louis Georgelin cette douleur
02:44 et cette pudeur des gens qui attendent, qui marchent et qui espèrent.
02:52 Mais comme il le répétait sans cesse dans un emprunt peu orthodoxe,
02:57 là où il y a une volonté, il y a un chemin.
03:00 Et Jean-Louis Georgelin n'était que volonté.
03:04 Alors de ses rêveries de promeneur solitaire,
03:07 de cette connaissance intime du service de la patrie,
03:11 le jeune homme fit sa vocation.
03:15 Il devint fantassin.
03:18 Entré à Saint-Cyr, il y devint élève officier de 1967 à 1969,
03:26 dans la promotion Bruné de Sérigny.
03:30 Puis ce furent le 9e Régiment de chasseurs-parachutistes,
03:34 l'École d'application de l'infanterie à Montpellier,
03:38 l'état-major de l'armée de terre.
03:42 Après un séjour aux Etats-Unis,
03:45 Jean-Louis Georgelin intégra l'école de guerre.
03:49 En 1985, il revint à Saint-Cyr,
03:54 cette fois-ci pour commander une promotion.
03:58 Instructeur exceptionnel, professant et prouvant par ses actes
04:03 la grandeur du métier d'officier,
04:06 ce chef savait que diriger était d'abord montrer l'exemple.
04:12 Alors, avec ses élèves officiers de la promotion cadet de la France libre,
04:17 il accomplissait chaque mois une marche au commando.
04:21 Encore aujourd'hui, ces derniers n'ont rien oublié
04:25 de la malice de leur commandant, de son détachement bourru
04:28 qui masquait la tension affectueuse.
04:32 Jean-Louis Georgelin voulait pour eux le meilleur,
04:37 la liberté dans la discipline et l'entraide.
04:44 Là où il y a une volonté, il y a un chemin,
04:48 et ce chemin s'éleva sans cesse.
04:50 Après un retour dans son cher 153e régiment d'infanterie de Mutzik,
04:55 où il avait aussi servi jadis,
04:57 il s'affirma comme un officier d'exception.
05:01 Bourreau de travail, meneur d'hommes,
05:03 délégante avec confiance, mais toujours obsédé des détails,
05:08 cet officier savait trancher,
05:10 ne jamais s'embarrasser des fausses contraintes.
05:14 Son charisme tenait aussi à son érudition.
05:18 La culture générale est la véritable école de commandement,
05:22 aimait-il la répéter.
05:25 En 1997, envoyé en mission en ex-Yougoslavie,
05:30 Jean-Louis Georgelin fut nommé général de brigade.
05:35 Une force qui va toujours plus haut.
05:40 Elle était chez lui un élan irrésistible,
05:44 elle impressionnait et séduisait,
05:47 mais elle cachait aussi un art du dialogue, de la négociation.
05:54 Ainsi, Jean-Louis Georgelin savait être diplomate,
05:58 un très bon diplomate, selon le président Jacques Chirac,
06:01 que le général servit comme chef d'état-major particulier
06:05 à l'Elysée, à compter de 2002, lors de crise majeure.
06:11 L'entrée en guerre en Afghanistan,
06:14 les opérations de nos forces dans les Balkans,
06:16 au Liban, en Côte d'Ivoire.
06:20 Cette force, surtout, voulait servir.
06:25 Servir un chef de l'Etat exige toujours de dire la vérité,
06:29 pour inconfortable qu'elle soit.
06:32 Parfois, servir suppose de convaincre,
06:34 en menant auprès des administrations,
06:36 selon ces mots, un combat mobile d'usure.
06:41 Enfin, d'assumer toute décision politique
06:45 avec loyauté et esprit de devoir.
06:50 Chef d'état-major des armées sous la présidence de Nicolas Sarkozy,
06:54 Jean-Louis Georgelin fut un serviteur exemplaire.
07:00 Cette force n'était pas non plus dénuée de finesse.
07:06 En 2010, le général Georgelin accéda à la grande chancellerie
07:10 de la Légion d'honneur.
07:13 À ses pattes éluriques qui faisaient trembler les médailles
07:16 et les porcelaines de l'hôtel de Salme,
07:19 certains prirent crainte.
07:21 Mais pendant 6 ans, avec une subtilité
07:26 et une profondeur attentive,
07:29 le général rénova l'institution
07:31 comme ses bâtiments et ses collections.
07:35 Cet amoureux du patrimoine s'avait redonné du lustre
07:39 en posant la lumière du jour sur les merveilles du passé,
07:42 dont la grille du frère Denis de l'ancienne abbaye royale.
07:47 Car cette force était aussi celle de la foi.
07:53 Jean-Louis Georgelin était catholique.
07:57 Comme il était soldat de la France,
08:00 serviteur de l'Etat et de la République,
08:04 sans rien d'incompatible entre ses 3 aspirations.
08:10 Avec l'agencement entre le spirituel et le temporel
08:14 qui permet la vie en commun dans une République laïque.
08:19 Sa foi se décelait à chacun de ses gestes.
08:24 Dans son dévouement pour des causes plus grandes que lui,
08:28 dans cette charité qu'il pratiquait toujours dans l'ombre,
08:32 dans sa joie quand, installé à l'Elysée
08:35 comme représentant spécial du président de la République,
08:39 il apprit qu'il aurait pour bureau une ancienne chapelle.
08:44 Dans sa distance paradoxale aux hommes et aux choses.
08:51 Le général Georgelin ne se considérait pas comme un intellectuel.
08:55 Son humilité le retenait de s'attribuer le titre.
08:59 Il avait pourtant tant lu et retenu de Blaise Pascal
09:04 la différence entre les grandeurs naturelles
09:06 et les grandeurs d'établissement.
09:09 Les premières naissent des vertus physiques et morales
09:12 qui doivent être admirées et reconnues.
09:15 Les secondes sont l'expression de l'ordre social
09:19 auquel l'on doit se conformer loyalement.
09:23 Cette distance critique n'était jamais chez lui du cynisme.
09:30 Il était chef, installé dans la vie
09:35 et cachait sans doute toujours secrètement
09:39 ce petit chose et ses fragilités.
09:43 Avec une forme de liberté de jugement,
09:46 de sagacité amusée,
09:48 une distance qui faisait sa valeur de conseiller
09:51 et son autorité de chef, son humanité.
09:56 Oui, sa force était aussi une foi.
10:01 Il était un soldat pénétré d'espérance.
10:06 Celui qui croyait au ciel et celui qui marchait au pas.
10:12 Là étaient les deux nœuds du même bois.
10:18 En avril 2019, au lendemain de l'incendie de Notre-Dame de Paris,
10:25 de là où je suis, j'ai appelé le général Georges Lain.
10:32 Il avait passé la nuit incrédule et meurtri.
10:37 Il avait pensé, soulagé, que l'homme qui dirigeait
10:41 l'intervention des sapeurs-pompiers, le général Gallet,
10:44 était l'un de ses anciens élèves de Saint-Cyr,
10:47 dont il connaissait la valeur au feu et au front.
10:50 Mais enfin, rien ne pouvait tellement le consoler.
10:56 Notre-Dame de Paris était bien l'âme de la France.
11:00 C'était même son enfance quand, avec son père,
11:02 ils avaient accompli un grand tour de nos monuments nationaux.
11:07 C'était l'orgue jouant la musique de liturgie qui lui faisait
11:11 monter les larmes et dont l'idée du silence désormais
11:14 dans la cathédrale ravagée les lui faisait monter plus encore.
11:21 Lorsque ce jour d'avril 2019, je lui ai confié le destin
11:25 de ce chantier colossal, presque impossible.
11:31 Le général Georges Lain n'exprima qu'une chose,
11:36 sa volonté de servir.
11:40 Il ne broncha pas à l'exposé de sa mission,
11:44 reconstruire en 5 ans.
11:49 Lorsqu'il y a une volonté, il y a un chemin.
11:53 Et aussitôt, dans son regard, dans ses mots soigneusement choisis,
11:58 comme toujours, j'ai vu le général convoquer
12:01 chacune des qualités éprouvées lors de sa carrière.
12:05 L'ancien responsable de la planification et des finances
12:08 à l'état-major mettrait en oeuvre un calendrier
12:11 que d'aucuns jugeaient déraisonnable.
12:14 L'officier d'exception garantirait l'unité d'action
12:17 entre tous les corps de métier.
12:19 L'homme de volonté ne se laisserait pas impressionner
12:21 par les experts, mais deviendrait lui-même
12:24 le plus grand expert du sujet et les embarquerait.
12:28 L'amateur secret de patrimoine veillerait à ce que le chantier
12:31 fasse appel à des savoir-faire disséminés partout en France.
12:35 Le diplomate paradoxal unirait les bonnes volontés
12:39 de toutes les autorités temporelles et spirituelles.
12:45 Pendant 4 années, le général Georges Lain
12:49 accomplit tout cela.
12:52 Pour nos compatriotes comme pour le monde entier,
12:56 il devint une figure familière, le général de la cathédrale.
13:04 Le 8 décembre 2024, nous retrouverons Notre-Dame de Paris
13:11 parce que c'est le vœu de la nation entière
13:14 et ce fut mon serment au peuple français.
13:18 Et ce serment fut servi par sa volonté.
13:23 Jean-Louis-Georges Lain ne vivait pas d'honneur,
13:27 mais d'espérance.
13:29 Il avait un but.
13:33 Sa vie a connu son terme avant de l'atteindre.
13:38 Mais toutes les grandes oeuvres nécessitent cette part d'effort
13:43 qui n'attend pas forcément de récompense.
13:47 Le 8 décembre 2024, les portes de Notre-Dame s'ouvriront.
13:53 Les murs de la Nef seront blanchis, les vitraux plus clairs,
13:59 la splendeur du lieu plus pur encore.
14:02 La cathédrale retrouvera le culte.
14:06 Seront là les catholiques.
14:10 Vous serez là, Monseigneur, et autour de vous,
14:14 vos évêques, vos prêtres et tant d'autres.
14:17 Seront là tous ceux qui travaillaient avec lui
14:20 et ne perdront plus jamais le goût de son exigence
14:23 qui, quand elle était brusque, se rattrapait ensuite par mille attentions.
14:28 Seront là les femmes et les hommes du chantier,
14:33 celles et ceux du général,
14:36 comme on dit ceux de Saint-Cyr ou de l'infanterie,
14:40 ses adjoints, ses architectes, ses compagnons du Grand-Oeuvre.
14:47 Seront là les anonymes, charpentiers et maçons,
14:51 vigiles et hors-fèvres, venant de la France entière,
14:54 qui, samedi, à l'annonce de sa mort, ont tous pleuré.
15:03 Mon général, le 8 décembre 2024,
15:09 ces femmes et ces hommes penseront à vous,
15:15 à votre silhouette manquante parmi ces piliers,
15:21 à la fierté que vous auriez éprouvée face à ce succès
15:24 assurant à votre nom sa place dans la longue chaîne des temps.
15:30 Nous penserons à vous, je penserai à vous,
15:36 à la manière que vous auriez eu de marcher un peu à part de la foule,
15:40 dans la nef, prenant ce moment pour vous,
15:44 rien qu'à vous, dans le secret et l'ombre de votre foi.
15:50 Et vous serez là, mon général, dans le carillon,
15:57 à travers les cous de l'angélus,
16:00 perçant le son des cloches de Notre-Dame de Paris.
16:04 Toute la nation vous entendra encore.
16:07 Nous entendrons votre voix rire, gronder, déclamer.
16:14 Nous entendrons vos silences aussi,
16:18 qui disaient la solitude et les blessures pourtant tues.
16:24 Nous entendrons votre voix, forte, déterminée,
16:31 revenue d'outre-tombe, mais toujours là.
16:37 Voix patriote, voix de la France, cantique des cantiques.
16:47 Alors nous pourrons vous dire merci.
16:54 Adieu, mon général. Vive la République, vive la France.

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