• l’année dernière
Transcription
00:00 Je vais d'abord travailler autour de RV Telemac, qui est vraiment une certaine place
00:27 aussi bien dans l'art mais dans sa vision du déséquilibre.
00:31 Et donc c'est pour ça que son œuvre est l'œuvre centrale de l'exposition.
00:39 Donc tout tourne un peu autour de l'œuvre de Telemac qui est Témoin.
00:44 Donc cette œuvre qui est un peu morcelée.
00:48 J'ai donc travaillé autour de ça pour installer d'autres artistes.
00:55 Autres artistes qui allaient au départ donner le change de cette œuvre-là.
01:00 Il est très austère.
01:03 Il a fait venir les professionnels et il a fait confiance.
01:10 C'est ça aussi.
01:11 Ah oui, c'est ce que je crois aussi.
01:12 Il s'est dit que ce sont les gens qui font les professionnels.
01:15 Il est mis comme conseiller artistique.
01:17 Enfin il est à l'origine, toute la conception.
01:22 Bien sûr.
01:23 Justement Hervé, comment est-ce que tu conçois le rôle d'un commissaire d'exposition ?
01:29 Souvent, ces premières impulsions viennent d'artistes.
01:35 Je peux me rappeler, moi-même, concernant la figuration narrative,
01:41 la mythologie quotidienne, c'était une idée qui venait de deux peintres,
01:46 de Bernard Ranciac, de moi et d'Anne-Cathrine Dain.
01:51 On était associés pour monter un projet.
01:54 Mais ce sont des choses qu'un artiste ne peut faire que de manière temporaire.
01:58 Il ne peut pas s'installer dans cette position d'avoir un jugement critique sur tout ce qui se passe.
02:06 C'est ça le danger.
02:07 C'est pour ça que je me suis permis de dire à Jean-Marc que tu ne vas pas faire ça toute ta vie.
02:13 Il faut que tu prépares ta sortie.
02:17 Je ne dis ça pas du tout avec les intentions stratégiques de Claire,
02:23 mais plutôt simplement d'un artiste à un autre.
02:26 Pour lui dire, il faut revenir à ton travail d'artiste.
02:28 Oui, mais je crois qu'il m'a dit que ça ne m'a pas gêné pour travailler.
02:32 Je crois aussi que l'artiste est trop impliqué dans son propre travail
02:41 et qu'il a forcément une vision un peu trop artisane,
02:46 liée à son propre sort en tant que réalisateur.
02:50 Donc ce n'est pas sain sur du long terme.
02:53 Il y a des gens dont c'est le métier d'être commissaire d'exposition,
02:57 sans être artistes, n'est-ce pas ?
03:00 Oui, j'en connais, oui, de toutes sortes.
03:04 Des voyous qui n'ont pas grand-chose à faire,
03:06 qui sont généralement incultes et qui se barrent de ce jugement,
03:15 de cette capacité de juger les autres et de sentir l'air du temps.
03:22 En fait, ça repose sur des intuitions essentiellement.
03:26 Les gens qui font ça bien, qu'est-ce que c'est le rôle en lui-même ?
03:31 Ce sont des découvreurs, des gens curieux qui vont frôler telle ou telle génération.
03:38 C'est des gens qui, idéalement, ressentent l'air du temps,
03:43 une force qui se développe et qui la capte et en fait une monstration.
03:51 Ça, ce serait idéalement le bon commissaire.
03:55 Lui-même aussi étant un homme, un partenaire momentané, si tu veux.
04:02 Alors que le conservateur, c'est là où la nuance qu'introduit ces jeunes crétins d'aujourd'hui,
04:10 entre le conservateur et le curator.
04:14 Donc, le travail s'inscrit dans le temps,
04:16 alors qu'un commissaire d'exposition, selon toi, doit avoir une mission ponctuelle.
04:20 Relativement momentanée, je pense.
04:24 Ça me paraît nécessaire qu'à un moment donné, on arrête.
04:28 C'est comme on ne devrait pas être artiste à plein temps, tout le temps.
04:36 Est-ce que selon toi, c'est le commissaire d'exposition qui doit choisir le sujet de l'exposition ?
04:43 Ah oui, c'est à lui, c'est lui qui sent les forces avec bien souvent l'aide.
04:49 Il y a toujours des artistes qui accompagnent ce genre de stratégie.
04:54 On va plus souvent le faire.
04:56 Par exemple, aux États-Unis, les grandes critiques de l'abstraction,
05:00 l'exclusionnisme abstrait ont joué un rôle important,
05:05 même parfois dictatorial, comme ça.
05:11 Il y a le goût de l'exclusion qui s'installe,
05:14 à savoir que Solidarité n'est pas apte à appartenir à ce mouvement.
05:19 Il faut l'écarter.
05:21 Il y a un côté censeur malgré tout dans tout ça.
05:24 La grande confusion de l'époque aujourd'hui,
05:31 c'est le fait que les fameux "neo-curators", comme ils s'appellent eux-mêmes,
05:38 ont tendance à s'instituer en maîtres à penser.
05:42 C'est un danger majeur.
05:45 D'abord, ça ne tient pas longtemps la route.
05:48 L'exemple du nouveau réalisme est très simple.
05:52 Les meilleurs d'entre eux se sont écartés de la grande théorie du nouveau réalisme.
05:59 Après, ça a changé sa voix.
06:01 Tingle East, une autre.
06:04 Dufresne est restée très proche de la poésie.
06:08 Forcément, il y a un arrêt.
06:15 Il y a une stratégie qui se développe, qui est efficiente pour un certain temps,
06:19 et qui meurt d'elle-même.
06:23 C'est tout ce que j'aurais à dire sur la grande question du commissaire d'éducation.
06:29 La critique d'art, c'est autre chose.
06:33 Un bon critique d'art, d'abord, c'est un intellectuel.
06:37 C'est un intellectuel qui réfléchit avec une certaine distance,
06:41 qui n'est pas dans l'enjeu permanent du combat esthétique,
06:47 comme du temps de Baudelaire ou de gens comme ça.
06:51 C'est un petit boulot, mais qui doit être fait le plus honnête possible
06:57 parce que c'est un informateur de ce qui se passe.
07:00 L'idagène, Harry Belay, par exemple,
07:05 on peut dire qu'Athélie Miller a été ce genre de partenaire pour nous.
07:11 Et à long terme, ils prennent leur distance aussi.
07:16 Il sert d'intermédiaire entre un public éventuellement éclairé lui-même et l'artiste.
07:24 C'est un éclaireur journalistique.
07:28 C'est ça, c'est son rôle essentiel.
07:30 De temps en temps, on leur demande de devenir des commissaires.
07:36 Il est en théorie un intermédiaire objectif, non hystérique, calme,
07:44 mais il finit toujours par devenir un partenaire subjectif dans l'affaire.
07:52 Baudelaire était proche à tant de manets, il était proche de certaines personnes.
07:59 Apollinaire joue un rôle important à côté de Picasso et de Braque.
08:06 C'est naturel, c'est une bonne chose.
08:12 Mais le danger, c'est toujours sur la longueur que le danger s'installe.
08:20 Et puis il finit par s'impliquer souvent dans les questions financières,
08:24 ce qui est la fin de l'alcool.
08:28 Comment est-ce qu'il s'implique dans les questions financières ?
08:32 Il sert souvent d'intermédiaire entre les musées, les collectionneurs.
08:38 Et là, il y a un intérêt financier qui se met en route,
08:42 qui gâche un peu forcément son objectivité.
08:47 Il y a dans toute la pratique de la studie d'aujourd'hui,
08:51 tout un côté financier qui est lourd, qu'il faut savoir gérer.
08:56 Il faudra savoir garder sa distance, à la fois pour l'artiste d'ailleurs.
09:00 Le premier concerté, l'artiste est lourd.
09:03 Je m'appelle un historien, que tu connais d'ailleurs,
09:14 c'est Gérard Hébaud qui me racontait, au fond,
09:17 ce qui est écrit, c'est la vérité.
09:20 Et c'est différent, d'une part, d'un historien qui me racontait ça.
09:26 Au fond, peu importe que la chose soit vraie ou fausse,
09:30 le fait d'être une chose écrite devient la vérité.
09:34 Et c'était vraiment grave.
09:37 D'où, en fait, tous ces partenaires,
09:41 commissaires, critiques, artistes, conservateurs,
09:46 pour reprendre le vieux mot traditionnel,
09:50 c'est un partenariat qui doit avoir de base éthique solide.
09:59 Au fond, si tu veux, pour moi,
10:05 enfin, c'est une opinion personnelle,
10:08 la philosophie, c'est l'organisation éthique de la cité.
10:13 Dernièrement, un très bon ami à moi,
10:18 essayiste, haïtienne,
10:21 j'adore, pour qui j'ai beaucoup d'estime,
10:24 qui a été attaché de Cabulès, soit Aristide, pendant un certain temps,
10:29 m'a osé me dire, de manière dorte,
10:35 au fond, il me racontait,
10:38 la corruption n'est pour moi pas un problème.
10:41 J'ai fait semblant d'accueillir cette belle phrase,
10:47 mais j'ai été estomacé, pour moi,
10:49 de la penance de la part d'un philosophe,
10:51 d'un monsieur qui pratique la philosophie.
10:54 Pour moi, c'est exactement l'inverse.
10:57 Il ne peut pas y avoir de site de philosophie
11:03 sans une moralité propre.
11:06 La cité doit refléter exactement
11:10 la pureté de l'individu face à l'intérêt collectif.
11:16 J'en profite pour parler d'une idée qui me travaille beaucoup ces jours-ci,
11:21 qui est pour moi une des causes de l'état lamentable
11:24 des sociétés dites africaines ou noires de par le monde,
11:28 que ce soit en Afrique, que je connais un peu,
11:31 ou en Caribbe,
11:34 c'est que la corruption est la plaie,
11:38 et là on touche aux arts plastiques,
11:41 parce que les arts plastiques ne sont concernés pas à ce genre de choses.
11:44 C'est la plaie de l'intelligence dite naive.
11:49 C'est la première chose qu'il faut nettoyer, c'est la corruption.
11:53 Le pays où la corruption est la plus grande,
11:57 c'est le pays où la corruption est la plus grande.
12:00 C'est la plus grande corruption.
12:03 C'est la plus grande corruption.
12:06 C'est la plus grande corruption.
12:09 C'est la plus grande corruption.
12:12 C'est la plus grande corruption.
12:15 C'est la plus grande corruption.
12:18 C'est la plus grande corruption.
12:21 Donc il y a évidemment les dieux qui ont participé à la faire,
12:27 mais on voit bien que sans une organisation structurelle sérieuse,
12:34 on ne peut pas s'en sortir.
12:37 Une dernière question tout à fait,
12:42 juste une dernière question papa,
12:45 sur l'impact de la critique sur le travail de l'artiste.
12:53 Est-ce que la critique influence le travail de l'artiste ?
13:00 Bien entendu, oui.
13:03 Parfois positivement, parfois négativement.
13:09 Tout personnage qui côtoie un artiste est une sorte de critique.
13:14 Il n'y a pas que le critique institutionnalisé qui détermine le débat.
13:22 Il y a le collectionneur, il y a le marchand.
13:25 Je ne me tiens pas vraiment très contre les collectionneurs, honnêtement.
13:29 Mais par exemple, je me rappelle, en arrivant à Paris,
13:33 j'avais un copain suisse qui s'appelle Éric Benon,
13:37 qui était un esprit critique très développé,
13:40 ou Fischer, il avait changé de nom,
13:45 et qui a eu beaucoup d'influence sur mon travail dans les années 62-63,
13:51 quand je débarque à Paris, en New York.
13:54 Et il m'a fait détruire beaucoup d'oeuvres de ces années-là.
13:59 Parce que lui-même, personnage assez autodestructeur,
14:03 il était d'une exigence telle qu'il m'entraînait dans son discours critique,
14:07 et je n'ai moi-même pas su aménager le passage
14:11 entre ma période dite surréaliste et ma période dite pop.
14:16 J'ai établi une confusion mauvaise entre de nouveaux objectifs
14:22 avec ce qui avait été fait déjà.
14:24 Heureusement, il y a quelques tableaux qui ont échappé à ça,
14:27 et je suis très heureux.
14:29 Donc tu vois qu'un critique officiel aurait moins d'impact que mon copain,
14:36 mais de bonnes choses peuvent découler d'un esprit critique à côté de soi,
14:44 et de mauvaises choses.
14:46 Donc ça veut dire que ça peut stimuler la création.
14:50 Bien sûr, la création. Tout à fait.
14:52 D'accord.
14:53 Je ne sais pas quoi parler, non.
14:55 Ah non, c'est très bien. C'est très très bien. Merci.
14:59 [L'École des Arts de Paris]
15:03 J'aimerais bien que tu nous parles un peu de ton métier,
15:12 comment est-ce que tu vois ton métier, son intérêt, et tes désirs à toi.
15:21 Si on parle des désirs, il faut mettre plus que 20 minutes.
15:24 Comme critique.
15:27 Moi je crois que les critiques dans le champ de l'art contemporain
15:33 ont une mission particulière.
15:35 Parce que l'art contemporain, ou tout au moins celui qui est en train d'advenir,
15:39 c'est un art, s'il est vraiment contemporain, qui est dans le domaine de l'incompréhension.
15:45 C'est-à-dire que d'une certaine manière, il y a un beau mot, je pense beaucoup par rapport à Deleuze,
15:51 qui dit qu'un artiste, en parlant surtout des écrivains, mais on peut lire aussi pour les peintres,
15:56 il est comme un étranger dans sa langue.
16:00 C'est-à-dire que c'est celui qui va trouver un autre lexique,
16:03 de mots, mais aussi de peinture, d'oeuvres, etc., d'autres matériaux,
16:08 il va tourner la syntaxe, et donc il va devenir d'une certaine manière incompréhensible.
16:15 Quand ces syntaxes sont lexiques, graphiques y compris, sonores aussi, corporels pour l'être,
16:22 quand tout ça s'est acquis, c'est rentré un peu assimilé, là on commence, on croit qu'on comprend,
16:28 on a au moins une réceptivité.
16:30 Donc d'une certaine manière, une oeuvre qui émerge, une oeuvre vraiment contemporaine,
16:35 elle est toujours exprimée dans une langue étrangère.
16:39 Le critique, c'est d'abord un intellectuel,
16:43 quelqu'un qui a compris ou qui essaie de comprendre, qui se donne les moyens de comprendre
16:47 ce qui se passe dans le monde, et avec le notion de résonance que j'évoque, que j'aime beaucoup,
16:52 c'est que, effectivement, voir comment les oeuvres résonnent avec le monde.
16:59 Le monde, c'est large, mais avec le monde contemporain. C'est ça mon avis.
17:05 Est-ce à dire que tu es un historien d'art ?
17:08 Alors, tu sais, moi j'aime pas trop les trucs comme ça.
17:11 Moi, par exemple, je suis historien.
17:13 En fait, j'étais professeur de mathématiques, après j'ai un doctorat d'histoire.
17:16 Je suis historien, mais je fais pas d'histoire. Je pense qu'à l'histoire.
17:19 C'est-à-dire qu'en fait, plus que de l'histoire, je fais de l'histoire au contemporain,
17:23 et presque de la politique plus que de l'histoire.
17:27 Moi, je pense qu'il faut faire de l'histoire. On pense dans l'histoire. On est dans l'histoire.
17:31 Donc il faut avoir, mais il ne s'agit pas de faire de l'histoire comme ça,
17:35 à savoir, comme les historiens d'art la font.
17:38 C'est-à-dire que ça fige.
17:40 Oui, ça fige, et puis c'est des conceptions, rien qu'à.
17:43 Tu dis que tu places ta critique dans le rapport qui existe entre l'œuvre et justement son environnement,
17:53 le monde dans lequel elle se place.
17:56 Une œuvre est toujours déjà sociale.
17:58 D'accord. Est-ce que c'est cette façon dont toi tu conçois de faire la critique d'art,
18:06 c'est-à-dire en te plaçant dans ce rapport-là seulement,
18:12 ou est-ce que ton analyse porte également sur l'œuvre intrinsèque, ce qu'elle porte ?
18:20 Alors, il faut que je précise là-dessus.
18:22 C'est-à-dire qu'on a des œuvres, et ce sont des formes, ce sont des matériaux, des postures,
18:32 c'est tout ça une œuvre, etc.
18:34 Donc moi je ne pense qu'à ça.
18:36 C'est-à-dire que le problème, ça c'est de l'esthétique.
18:38 Mais il y a quelqu'un qui est important, qui s'appelle Théodore Adorno,
18:41 qui a écrit dans la théorie esthétique, qui a écrit un livre tout à fait important,
18:46 il dit "L'art est à la fois autonomie et fait social".
18:50 C'est-à-dire qu'en fait les artistes, les artistes ce n'est pas des journalistes,
18:54 les artistes ce n'est pas des intellectuels qui vont ça,
18:56 ce sont des gens qui font œuvre.
18:59 Et ils se posent quoi ? Ils se posent des questions d'œuvre.
19:01 Donc je ne suis pas, je suis contre ce qu'on a appelé le réalisme socialiste ou des trucs comme ça.
19:06 Ce n'est pas ça la question.
19:07 La question c'est que les artistes se posent des questions d'art.
19:09 Donc ils sont dans un truc, ils sont dans une autonomie.
19:12 Exemple encore, pour prendre des exemples massifs,
19:17 quelqu'un comme Duchamp par exemple, quand il fait les "readymade",
19:20 qu'est-ce qu'il fait comme question ?
19:22 "Readymade" il fait quoi ? Il pose plusieurs questions.
19:25 Il dit "1) l'art est arrivé à un moment", bon c'est un petit art,
19:29 on pense ce qu'on en veut mais c'est ça,
19:31 "l'art est arrivé à un moment où la main, le savoir-faire manuel,
19:34 n'est plus une condition nécessaire à l'art."
19:36 Donc autrement dit, ça veut dire 1) je ne travaille pas l'œuvre,
19:39 2) je choisis un objet, je choisis, il va au BHV, il achète le porte-bouteille, etc.
19:47 3) je le fais enregistrer par un musée, par une institution muséale,
19:54 et donc ça, ça devient une œuvre.
19:56 Et ça c'est quoi ? C'est un processus photographique.
19:59 C'est-à-dire 1) je choisis, 2) je déplace, je copie, 3) je fais enregistrer.
20:07 Ça c'est un processus photographique.
20:09 Et c'est un processus de société industrielle.
20:12 Il développe un paradigme de la création, d'une manière de faire art,
20:18 qui est complètement nouveau.
20:20 Alors est-ce qu'il le maîtrisait, est-ce qu'il ne l'a pas maîtrisé,
20:22 on n'en sait rien, mais c'est ça la question.
20:24 Le critique, ça c'est quelque chose d'assez complexe.
20:26 C'est-à-dire que ça on en parle après un siècle.
20:29 Ça ce que je dis aujourd'hui, si j'avais été un siècle plus tôt,
20:33 je ne suis pas certain d'avoir été capable de le lire,
20:35 parce que c'est compliqué, ça demande, il y a des gens qui ont réfléchi,
20:38 qui ont écrit, qui ont fait des choses.
20:40 Est-ce que lui comprenait tout ce qu'il fait ? Sans doute pas.
20:44 Sans doute pas, pourtant ce n'était pas le dernier des idiots,
20:47 mais c'est ça la question.
20:49 Donc autrement dit, le critique, il doit avoir deux choses.
20:52 Et moi c'est au moins, il doit avoir, c'est ma position.
20:55 C'est à la fois d'avoir, je veux dire, l'œil sur les œuvres,
21:00 et l'œil et aussi le corps, la sensation, la sensibilité, etc.
21:04 Mais il doit avoir le cerveau, si je puis dire, du côté du social, du côté du monde.
21:10 Et donc de montrer comment, justement, l'artiste,
21:14 et c'est ça un artiste, et c'est pour ça qu'il est important l'artiste,
21:18 c'est que l'artiste il va faire, sans même en avoir la conscience,
21:21 il va faire advenir une compréhension des choses dans des manières,
21:26 qui ne sont pas les concepts, mais qui sont les matériaux qu'il invente ou qu'il utilise.
21:31 Ça c'est pas simple, hein ?
21:33 Il faut aimer les artistes, non pas comme ça,
21:43 il faut les aimer parce qu'ils disent des choses, par les moyens qu'ils ont,
21:47 ils disent des choses que les concepts ne peuvent pas dire.
21:50 Et c'est pour ça, et c'est dans ce sens-là qu'ils sont inventeurs.
21:53 Donc il faut être exigeant vis-à-vis des artistes.
21:55 Alors après tout ce que tu disais tout à l'heure sur le marché, etc.
21:58 Alors ça c'est pareil, là c'est une autre affaire.
22:00 Mais voilà, c'est ça moi qui m'intéresse.
22:02 En plus, comme je ne vis pas de mon art, de l'art critique,
22:06 parce que je suis bon là, je peux dire ce que je veux, comme je le veux,
22:09 et c'est ça qui m'intéresse.
22:10 Mais c'est vrai qu'un commissaire et un critique,
22:16 c'est un boulot très... c'est pas n'importe qui qui peut faire ça.
22:21 Et malheureusement, c'est pas toujours...
22:23 Je voulais te demander, te poser...
22:43 C'est vraiment une question, oui.
22:45 Je voulais savoir ce que tu penses de ce qui s'est passé
22:50 par rapport à Art des Mahaut,
22:54 et ton intervention dans cette expo,
22:57 c'est-à-dire la non reconnaissance de l'establishment,
23:02 des pouvoirs médias...
23:04 Tu dois douper un, tu veux dire.
23:05 Je dois douper un, je ne peux pas.
23:07 Ah, je trouve que c'est une bonne question,
23:11 parce que nous sommes ensemble ici,
23:14 invités par un jeune artiste
23:17 qui a voulu animer un reflit culturel au Guadeloupe,
23:24 et il a choisi, je suppose,
23:27 suivant les moyens et les informations qu'il avait.
23:30 Je ne vois ni aucune corruption, quelque part, là-dedans.
23:35 C'est un choix, effectivement, subjectif.
23:38 Je précise, du fait que tu n'es pas un artiste guadeloupéen,
23:43 on t'a écarté, alors que tu représentes quand même...
23:47 On ne m'a pas écarté, puisque je suis invité ici.
23:50 Oui, mais les médias...
23:52 C'est un de la télé, là ?
23:54 Oui.
23:55 Est-ce que c'est un...
23:56 C'est un de nos référents.
23:57 Est-ce qu'il ne s'agit pas d'une paresse caribéenne,
24:02 toute plate, toute...
24:04 Je ne pense pas que ce soit ma chaise rouillante,
24:08 ou le fait que je sois lycéen et que je sois reconnu à Paris
24:13 comme l'artiste, on peut dire, caribéen le plus actif.
24:20 Il ne se passe pas tout ça.
24:22 J'ai l'impression qu'on a affaire à une paresse généralisée,
24:26 un manque d'intérêt pour les arts plastiques,
24:30 qui explique tout ça.
24:31 Ce n'est pas un montage.
24:33 Je ne vois pas tellement personne ayant manœuvré.
24:38 Alors, c'est intéressant.
24:41 L'anquin a été invité, nous l'envoie,
24:43 ce qui est bien, on aurait bien aimé savoir ce qui en est sorti,
24:47 ce qui est grave, à mon avis, c'est l'absence de public.
24:51 Il y a quand même beaucoup d'argent dépensé là,
24:54 pour nous recevoir aussi agréablement, une ou deux heures.
25:00 Et là, il y a une absence de résultat qui est quand même effarante.
25:05 On ne pouvait pas faire mieux.
25:07 Moi, je n'ai rien à recourir à quoi que ce soit.
25:11 À la ville, à l'accueil que nous avons reçu,
25:16 à l'équilibre que Vanessa et Jean-Marc essaient tout le temps de tenir,
25:23 je trouve ça relativement miraculeux.
25:28 Je fais partie de cette marge de choses mineures qui prend place, qui prend sa place.
25:37 C'est tombé sur moi, comme ça, c'est du hasard,
25:41 où mon habileté, où mon intelligence ont servi à ça.
25:45 Mais je fais partie de cette petite marge de l'osaparité.
25:49 Mais est-ce que tu l'attribues à la qualité de ton travail ?
25:54 Comment tu aurais, quand la question t'a été posée, toi tu estimais...
26:00 Je suis quasiment un contemporain du pop art au début.
26:05 J'ai été à l'école à New York, il y a des petites incidences de ce genre.
26:09 Je viens d'une famille où il y a plein d'artistes, un grand poète, il y a tout ça qui joue.
26:18 En tout cas, grosso modo, je suis un artiste.
26:22 En tout cas, grosso modo, je fais partie de cette petite minorité
26:28 qui, curieusement, dont la parole a été entendue.
26:33 Je peux donner raison à un mot.
26:36 Je vais vous raconter une jolie histoire de Claire quand même.
26:39 Elle sait des petites choses.
26:41 Il y a aux Etats-Unis, tu vas ici, à l'étranger,
26:45 chez les Noirs, il y a tout ça que tu connais.
26:50 Vous connaissez tous le goût des Noirs, de s'attribuer un tel et beaucoup l'autre
26:57 parce que ça pourrait être plus clair, sa cheveux ne sont pas plus crépudes, etc.
27:01 Claire m'a raconté qu'aux Etats-Unis, il y a même une limite très sérieuse,
27:07 je ne savais pas que ça existait, que l'on appelle le papier craft.
27:13 C'est une limite de métissage,
27:16 à savoir si on a franchi la couleur du craft ou pas.
27:21 C'est assez extraordinaire.
27:23 Elle m'avait répété le mot anglais pour ça.
27:27 C'est extraordinaire.
27:29 C'est vrai que cette limite, c'est ce que grosso modo on appelle en Haïti
27:33 un bon mulattre, un mauvais mulattre.
27:36 Elle dit qu'aux Etats-Unis, comme ils sont dans une sorte de merveille constante,
27:43 le papier craft, le sac en papier craft,
27:48 sert à déterminer la limite de récupération possible de sa métisse.
27:58 Qu'avant, on est hâte, et qu'au-delà du papier craft...
28:04 C'est un geste noir.
28:07 Il doit parler de ça.
28:09 Il raconte ses histoires.
28:11 Il raconte ses histoires.
28:13 Il raconte ses histoires.
28:15 C'est un peu grave.
28:18 C'est un peu grave.
28:21 C'est un peu grave.
28:23 Quand tu es en dessous de ça, tu ne passes pas.
28:28 C'est pas récupérable.
28:30 Tu veux passer.
28:32 C'est assez joli.
28:34 C'est assez joli.
28:36 [bruit de la mer]