presidence actu_140823

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00:00:00 C'est une voix et une signature bien connue des auditeurs de la CRTV, mais au-delà, c'est également un passionné d'écriture, auteur à date de 5 ouvrages, donc 2 sur l'affaire Bakassi.
00:00:15 En ce jour anniversaire de la rétrocession de la péninsule de Bakassi à notre pays, nous avons choisi de célébrer en notre manière cet événement en le conviant sur le plateau de votre programme Présidence Actuelle. Guy Roger Heba est notre invité. Bonsoir Guy Roger.
00:00:32 Bonsoir Yves-Marc Mejaud. Merci de l'honneur que vous me faites. Merci à la CRTV.
00:00:38 Il a suivi d'un bout à l'autre ce procès et nous allons procéder par approche chronologique pour que vous ne puissiez rien rater de ce qui s'est passé à la Cour internationale de justice de la haine.
00:00:52 Mais avant de parler de l'affaire Bakassi, Guy Roger, disons un mot sur cette passion pour l'écriture, et comment la comprendre ?
00:01:01 Lorsque j'ai entré en 6e au collège Bono à Ebolova, je trouvais qu'il y avait un journal scolaire, Bono, et on nous demandait d'écrire.
00:01:14 Etant un jeune élève venant de l'école primaire, au collège Bono, les samedis, on organise parfois des soirées dansantes.
00:01:26 Et je constate que nous, les 6e, lorsque nous allons chercher les cavaliers, elles nous repoussaient en disant qu'on était les guerrières.
00:01:39 Et j'ai donc dénoncé ça dans un papier qui a été publié.
00:01:45 Et après l'apparition du journal, je suis devenu presque la vedette. Toutes les filles voulaient voir qui était ce petit élève des 6e qui avait le courage.
00:01:56 - Il choisit de se venger ainsi de sa frustration par l'écriture.
00:01:59 - Voilà, c'est parti de là. Ensuite, je suis allé au greffe. Le greffier, c'est toujours l'écriture. On saisissait les décisions.
00:02:09 Je suis parti du greffe du tribunal de grande instance du Vourriadouala pour le journalisme.
00:02:15 Le journalisme, vous le savez également, c'est l'écriture.
00:02:19 Et maintenant, ayant pris la retraite avec un peu plus de temps aussi, je me suis dit, pourquoi ne pas essayer d'apporter ma pierre à l'édification du Cameroun tant que je peux en écrivant.
00:02:36 - Nous sommes aujourd'hui le 14 août 2023. 15 ans nous séparent de la cérémonie de transfert d'autorité par le Nigeria au Cameroun sur la totalité de la péninsule de Bakassie
00:02:50 en application de la raie de la Cour internationale de justice de la haie et de l'accord de Green Tree. Comment avez-vous vécu cet événement en 2008 ?
00:03:01 - Oui, c'était la joie pour tout le monde. Déjà à partir même de la décision de la raie jusqu'au retrait total, c'était la joie pour tous les Camerounais.
00:03:16 Parce qu'il faut vous dire, on a rarement vu les Camerounais faire l'unanimité sur un sujet comme celui-là.
00:03:22 Même toute la presse camerounaise a traité l'affaire Bakassie vraiment comme il se devait. L'actuel président de la commission nationale des droits de l'homme, le professeur Mwangé Kobila,
00:03:34 il écrivait pour Nouvelle Expression. Il était toujours là. Donc c'était la joie pour tout le monde parce que c'était le triomphe du choix qu'avait effectué le président de la République.
00:03:46 Pour ce qui est du retrait et du transfert d'autorité, cela s'est passé en deux temps. Avec la précision que le 14 août 2006, c'était le premier retrait.
00:04:04 Le deuxième retrait est intervenu le 14 août 2008. Mais l'accord de Green Tree, l'un de ses derniers articles, précisait qu'à partir de 2008, il y avait un régime spécial pour 5 ans.
00:04:22 Parce qu'après 2008, la présence nigérienne était encore là, même si Bakassie était déjà là. C'est au bout de ces 5 années que le régime spécial a pris fin, le 14 août 2013.
00:04:39 Et le Cameroun a donc maintenant commencé à... - Réverser de façon pleine et entière sa souveraineté sur la totalité de la péninsule de Bakassie. - Tout à fait.
00:04:49 C'était bienvenu ce rappel. Alors, nous allons remonter le cours de l'histoire et nous fixer à cette date anniversaire, à cette date du 14 août 2008, sur les antennes de la CRTV.
00:05:03 Cette cérémonie de transfert d'autorité par le Nigeria au Cameroun sur la totalité de la péninsule a fait l'objet d'une soirée spéciale sur les antennes de la CRTV.
00:05:13 Une soirée spéciale coordonnée sur les antennes par Charles Ndongo, directeur général de la CRTV et alors directeur de l'information.
00:05:22 Nous allons suivre deux évocations, une première de lui et une seconde de Michel Ndjokabanda.
00:05:39 Il n'y a jamais eu de bonne guerre ni de mauvaise paix. Cette sagesse de Benjamin Franklin résume bien le sentiment partagé ce soir du 14 août 2008 entre le Cameroun et le Nigeria.
00:05:54 Après de très longues années de désaccord, de conflits et de procédures, les deux pays ont ouvert ce jour une nouvelle page de leur histoire.
00:06:04 C'est la fin de ce qui est connu comme le différent de Bakassie, du nom d'un chapelet d'île rétrocédé aujourd'hui de manière définitive et irréversible à l'autorité souveraine du Cameroun.
00:06:17 Ce soir avec Full Peter, nous allons, en compagnie de nos invités, essayer d'analyser et la portée de cet événement historique, vous le pensez bien, et aussi les perspectives qu'il ouvre pour notre pays et pour son grand voisin du Nigeria.
00:06:33 Comme citoyen, dites-moi un peu comment avez-vous vécu cette journée au sœur Narcisse Ndelekonge?
00:06:38 Merci Jean-Dommeux. Pour exprimer les sentiments qui sont les nôtres, peut-être faut-il faire une petite excursion dans l'histoire.
00:06:49 Nous disons donc que la journée de deuil national qui avait été proclamée le 11 février, l'issue des plébiscites du 11 et du 12 février 1961, est aujourd'hui effacée par une véritable journée de nièce, d'allégresse, de joie et de fierté nationale.
00:07:10 Ce 14 août 2008 restera, me semble-t-il à jamais associé, dans l'imaginaire collectif des Camerounais, à la restauration parfaite et définitive de l'intégrité territoriale de notre pays.
00:07:28 Le sentiment qui est le mien en tant que citoyen, mais aussi en tant qu'observateur et en tant que spécialiste du droit international, ne peut être qu'un sentiment de joie, un sentiment de fierté,
00:07:40 tant il est vrai que la conclusion de cette affaire dite de vacacie marque également le triomphe du droit international, mais elle marque également l'apothéose des efforts inlassables et déterminants
00:07:59 que le président de la République, son excellence Paul Biya, n'a eu de cesse de mener pendant une quinzaine d'années. Parce qu'il faut bien se souvenir que c'est en fin 1993 que ce conflit est devenu patent,
00:08:15 alors qu'il était latent depuis les années 1960. Depuis lors, il y a eu des efforts inlassables, une action permanente, constante, déterminée et décisive sur le front diplomatique,
00:08:28 sur le front judiciaire, action... Le président Paul Biya, qui a été bien relayé de l'autre côté par les chefs d'état successifs du Nigeria.
00:08:36 M. le ministre, bonsoir. Quel est le sentiment qui vous domine ce soir? Merci de nous donner le privilège de vous exprimer en direct sur la CR TV. Sentiment de mission accomplie?
00:08:47 Merci Charles. Le plaisir est le mien d'être sur ce plateau ce soir. Je pense que nous vivons tous ensemble, tous les tambournais, où qu'ils soient, ceux qui ont eu le privilège et l'honneur d'être à Calabar,
00:09:00 comme ceux qui sont restés au pays. Et qui ont vécu la cérémonie en direct, pour la plupart. Nous l'ignorions jusqu'à ce que nous foulions le sol national.
00:09:10 En tout état de cause, je pense que c'est une cérémonie exceptionnelle, comme on en vit très rarement dans l'histoire d'une vie personnelle, et j'ose même dire dans l'histoire d'une nation.
00:09:23 Par conséquent, nous devons, je crois pour une fois, tous, Camerounais, sans considération d'opinion, mettre cet événement à la place qui convient, au moment où l'ensemble de la communauté internationale célèbre une réussite exceptionnelle et exemplaire.
00:09:52 Dû, il faut le dire, au chef de l'état camerounais. Et j'en fais le témoignage ce soir, et je me ferai fort d'emporter témoignage partout où cela sera nécessaire. J'ai eu le privilège pendant 14 ans.
00:10:12 La place qui était la mienne, qui ne cherchait pas de lumière, mais qui était un modeste soldat convaincu de sa mission, et qui peut se réjouir si la mission qui lui a été confiée, la part de mission qui lui a été confiée a été bien remplie.
00:10:32 Si celui qui a placé la confiance en lui en est satisfait. Mais je voulais dire que cet événement, de par sa nature, de par le résultat que l'on obtient, mérite que l'ensemble de la communauté nationale le salue.
00:10:50 Et comme nous ne laissions pas aux autres exalter ce que nous avons su produire grâce au chef de l'état, son excellence Paul Biagé, si c'est nécessaire, je le dirai au cours de la soirée, pourquoi je peux m'avancer de façon aussi catégorique sur ce point ?
00:11:11 Parce que je pense que j'ai eu une position privilégiée pour voir comment un homme d'état a su déployer sa sagesse, sa patience, sa ténacité, et rester permanemment sur la brèche jusqu'à ce que le résultat escompté soit obtenu.
00:11:33 On pourrait déjà avoir un florilège de ce qui s'est passé aujourd'hui à Calabar. C'est un double reportage de Michel Njokabanda.
00:11:44 Le sens de cet événement historique s'exprime à travers la scène, les acteurs et les messages.
00:11:51 La dernière page du différent frontalier terrestre et maritime entre le Nigeria et le Cameroun s'écrit ce jeudi 14 août dans la ville nigériane de Calabar de 12h à 13h15 au lieu d'y résidence du gouvernement.
00:12:07 Côté acteurs, il se situe dans les deux composantes, politiques et techniques, de chaque délégation présente.
00:12:14 La composante politique au niveau des Nations Unies est représentée par Saïd Djinni, représentant du secrétaire général de l'ONU et président de la commission mixte.
00:12:25 L'équipe du Cameroun a à sa tête le vice-premier ministre, ministre de la Justice, garde des Sceaux, Ahmad Ouali, chef de la délégation camerounaise à la commission mixte.
00:12:36 Il est accompagné notamment des ministres délégués, Maurice Kanto, John Gouté et de Martin Nguyenga Ebutu, conseiller spécial du président de la République.
00:12:48 Du côté du Nigeria, le chef de file n'est autre que le ministre de la Justice, Latone Jundar, chief Michael Kase, Anduaka, qui apporte les questions solennelles de la République fédérale du Nigeria.
00:13:02 Pour ce qui est de la composante technique des présences, toutes les parties à la commission de suivi de l'accord de Green Tree sont effectivement là.
00:13:12 Sir Kieran Rendergast, président de la commission, Latone General du Nigeria, le ministre délégué Kanto et bien entendu tous les représentants des États témoins, États-Unis d'Amérique, Allemagne, Royaume-Uni, France.
00:13:29 La cérémonie s'ouvre par l'exécution des hymnes nigériens et camerounais.
00:13:34 Puis cinq discours sont prononcés respectivement par Saïd Djini pour les Nations Unies, le gouverneur par intérim de l'État de Cross River, l'honorable Francesse Ada, Latone General du Nigeria, chief Anduaka,
00:13:51 le ministre délégué Maurice Kanto et dernier orateur sur le podium, le président de la commission de suivi, Sir Kieran Rendergast.
00:14:02 Au total, une heure de discours couronnés par la signature des procès-verbaux qui consacrent le retrait total et définitif du Nigeria de Bakassie,
00:14:13 ainsi que le transfert de autorité au Cameroun conformément à l'accord de Dutri.
00:14:19 Pour ce qui est du sens de l'événement, ce jeudi 14 août 2008 marque la fin du différent frontalier terrestre et maritime entre le Nigeria et le Cameroun qui se tourne enfin vers un avenir prometteur.
00:14:37 Le débat du 21 décembre 1993
00:14:47 Comme je l'indiquais tantôt, Guy Roger, je suggère une approche chronologique.
00:14:51 Commençons par la date du 21 décembre 1993. Qu'est-ce qu'elle vous rappelle?
00:14:57 Il s'agit de la date des premières attaques des forces nigériennes à Bakassie, qui vont pousser le Cameroun à saisir la Cour internationale de justice.
00:15:14 Pour y arriver, cette saisine s'effectue par palier. D'abord le 29 mars 1994, le Cameroun introduit une requête introductive d'instance auprès de la CIJ.
00:15:28 C'est quoi la requête introductive d'instance et quel en est le contenu?
00:15:33 Après ces incidents que vous venez de souligner, le Cameroun saisit donc la Cour internationale de justice par une requête. C'est la première requête introductive d'instance.
00:15:46 Il demande à la Cour de dire que Bakassie est camerounaise, de dire que le Nigeria, en investissant Bakassie, a engagé sa responsabilité internationale.
00:16:01 Le Cameroun en profite également pour demander à la Cour de prolonger l'ensemble de la frontière maritime.
00:16:08 Mais avant que la Cour examine cette requête, de nouveaux incidents ont lieu cette fois dans la zone du lac Tchad.
00:16:17 C'est ça qui va pousser le Cameroun à écrire une deuxième requête.
00:16:22 Une deuxième requête introductive qui est déposée le 6 juin 1994. Quelle est la différence entre les deux requêtes dans leur contenu?
00:16:32 La première concerne la zone de Bakassie et la frontière maritime. La deuxième concerne la zone du lac Tchad et l'ensemble de la frontière terrestre.
00:16:43 Le Cameroun dépose donc cette requête additionnelle et demande à la Cour de joindre les deux et de trancher cette affaire une fois pour toutes.
00:16:53 De juger et de se prononcer sur l'ensemble de la frontière entre le Nigeria et le Cameroun, 1680 km environ.
00:17:02 Donc de la zone du lac Tchad à la mer. Donc toute la frontière.
00:17:08 Le Cameroun décide donc de porter l'affaire officiellement auprès de la Cour internationale de justice de la haie.
00:17:16 Mais il faut dire, lorsqu'on essaie d'interroger le contexte, qu'en procédant ainsi, le président Bia prend le contre-pied pratiquement de la bonne partie de l'opinion publique camerounaise
00:17:30 qui était majoritairement vatanguère, qui était pour l'affrontement avec le Nigeria.
00:17:35 Tout à fait, Yves-Marc Moiseau, le président est quelqu'un qui aime beaucoup la paix.
00:17:44 Tout le monde reconnaît que le président est un homme de paix. Il n'aime pas les bruits.
00:17:50 Il en a même devenu un mandien.
00:17:53 Voilà. S'il avait demandé qu'on fasse la guerre, on allait la faire. Parce que c'est lui le chef des armées.
00:17:58 Mais il a choisi carrément l'option de la justice avec l'aspect diplomatique de l'affaire.
00:18:08 Les faits lui ont donné raison plus tard.
00:18:12 Parce que lorsqu'on a gagné cette affaire, on a vu que le président a épargné aux deux pays, liés par l'histoire et la géographie, des pertes inutiles.
00:18:23 On allait s'entretuer, on allait faire des dégâts, mais à la fin, on allait toujours s'asseoir autour de la table.
00:18:31 Parce que tant que le monde existera, le Cameroun et le Nigeria seront des pays frontaliers.
00:18:38 Camerounais et Nigériens vivront toujours ensemble.
00:18:42 Ayaoundé, le quartier Mvogada, c'est le quartier des Nigériens.
00:18:46 Tout à fait.
00:18:47 A Douala, cette zone-là.
00:18:52 Dans le sud-ouest à Ticoro.
00:18:54 Ce sont des peuples condamnés à vivre ensemble.
00:18:58 Je pense que le président de la République a très vite compris cela avant nous tous.
00:19:04 Restons sur le déroulement de l'affaire.
00:19:07 Un certain nombre d'années s'écoulent.
00:19:09 On part de 1994 à 1998, date à laquelle la Cour s'est déclare compétente pour examiner l'affaire.
00:19:16 Précisément le 11 juin 1998.
00:19:19 Mais avant d'en arriver là, il faut rappeler que le Nigeria avait contesté la compétence de la Cour.
00:19:25 Quels sont les arguments développés par l'une et l'autre parties pour nourrir la prétention ?
00:19:30 Il faut d'abord dire que le 15 mars 1996, la Cour internationale de justice rend une ordonnance sur des mesures conservatoires.
00:19:41 Cela concerne la conservation des preuves, ne plus faire poser des actes qui peuvent envenimer la situation.
00:19:52 Maintenant, lorsque le Cameroun a déposé ses deux recours, ses deux requêtes, au lieu de répondre, le Nigeria soulève huit exceptions.
00:20:04 On ne va pas aller dans le détail des huit exceptions, mais on va s'arrêter sur la huitième.
00:20:11 Parce que la Cour rejette les sept premières exceptions et retient la huitième.
00:20:18 Pourquoi ? Parce que la huitième exception concerne les intérêts des États tiers dans le golfe de Guinée.
00:20:26 La Guinée équatoriale, le Sao Tome et le Pré-Tchipé, pour ce qui nous concerne.
00:20:33 La Cour constate effectivement que la décision à venir pourrait toucher les intérêts de ces pays.
00:20:42 C'est pour cela que la Cour rejette cette huitième exception.
00:20:47 Les audiences se déroulent et à la fin, la Cour rejette cette exception, retient la huitième et se déclare compétente.
00:21:03 On peut donc maintenant aller au fond de l'affaire.
00:21:06 Le procès va s'ouvrir à la Cour internationale de justice de la haie.
00:21:11 Qui sont ceux qui constituent la délégation cameroonaise ? Quel est leur profil ?
00:21:17 Je vais vous taculer un peu de votre point de vue sur les critères de choix.
00:21:20 Yves Macmojo, je vais présenter des excuses parce que la liste est tellement longue.
00:21:24 Je vais probablement oublier des noms, mais je peux vous donner quelques-uns.
00:21:28 Il y a d'abord les agents, c'est-à-dire les plénipotentiaires du Cameroun.
00:21:33 Généralement, les ministres de la justice. Il y a eu Maitre Doualamou-Thomé qui a déposé les requêtes.
00:21:41 Il y a eu le ministre d'Etat, Laurent Esso.
00:21:49 Il y a eu le vice-premier ministre, Ahmadou Ali. Ils ont tour à tour assumé les fonctions des agents du Cameroun.
00:21:59 Et maintenant, il y avait à côté le président de la République qui a mis une solide équipe d'experts.
00:22:06 Experts en droit, experts en cadastre.
00:22:10 Pour le droit, il y avait des noms comme le professeur Bipounououm, qui nous rendons hommage.
00:22:18 Le professeur Ntamak, parti aussi.
00:22:22 Il y avait le professeur Maurice Camteau.
00:22:25 Il y avait des amis du Cameroun français, le professeur Jean-Pierre Cotte, Alain Pelé, Michel Aurillac.
00:22:35 Il y avait des Anglais, des Américains.
00:22:39 Il y avait plusieurs nationalités.
00:22:41 À côté de ces spécialistes du droit, il y avait également des hommes de l'ombre.
00:22:47 Par exemple, je pense à Ernest Baudot, qui était directeur du cadastre.
00:22:53 Vous savez que Baccassi, c'est l'affaire du terrain, comme on dit.
00:22:57 Donc, ce sont des gens que l'on ne connaissait pas.
00:23:00 Il est décédé aussi. Il était directeur de l'Institut National de Géographie, Mobi-Etia.
00:23:07 Parce qu'on ne peut pas faire un conflit frontalier sans faire des cartes.
00:23:11 Donc, il y avait le général Pierre Semengu et le général Tato, qui étaient là avec leur expérience.
00:23:20 Il y avait des notables, le parlementaire Chiffe Fendelé et le gouverneur Ousmane May, qui étaient là pour suivre l'évolution des choses.
00:23:33 Il y avait la communication également.
00:23:35 J'en profite pour exprimer une pensée à l'endroit de Daniel Fanbile, qui est décédé récemment
00:23:43 et qui a fait toutes les images que les Camerounais ont regardées à l'Asia TV.
00:23:48 Et évidemment, votre humble serviteur.
00:23:51 Donc, c'était une équipe.
00:23:53 Tu as dû mettre entre parenthèses la formation en division 3 de l'ESTIC à l'époque pour suivre ce procédé-là.
00:23:58 Oui, tout à fait. J'ai bénéficié de la compréhension du directeur de l'ESTIC
00:24:02 lorsque le ministère de la Justice m'a sollicité pour aller couvrir cette audience.
00:24:09 C'était le ministre Laurent Esso, qui avait défini un profil.
00:24:14 Et ses collaborateurs lui ont dit que je répondais à ce profil,
00:24:21 donc je ne pouvais pas refuser cet appel, de répondre à cet appel du pays.
00:24:28 Quelle est l'ambiance qui règne au sein de la délégation camerounaise et entre les deux délégations ?
00:24:35 L'ambiance est sereine.
00:24:38 Vous savez, c'est un sujet très sérieux.
00:24:40 C'est parmi les sujets les plus sérieux.
00:24:43 Donc, il y avait d'abord la qualité des membres de l'équipe.
00:24:50 Chacun jouait son rôle.
00:24:53 Et nous savions que l'équipe camerounaise savait que nous étions là pour le même objectif.
00:24:59 Il ne m'est jamais revenu l'écho de quelque bruit nocif que ce soit.
00:25:07 C'était dans l'harmonie.
00:25:09 Bien sûr, au niveau des échanges, lorsqu'on préparait la réponse à un argument, on échangeait, on discutait.
00:25:19 Mais c'était dans le calme, la sérénité.
00:25:25 Et avec la délégation nigérienne, on se retrouvait au Palais de la Paix,
00:25:30 là où la Cour internationale de justice tient ses audiences.
00:25:35 C'était des relations cordiales, fraternités également.
00:25:41 On ne pouvait même pas vous dire que...
00:25:43 Malgré la gravité de cette affaire.
00:25:44 Malgré, c'était bonjour, bonjour, et quelques échanges.
00:25:47 C'était vraiment la politesse, la coutoisie totale.
00:25:51 Alors, maintenant, comment est-ce que le Nigérian et le Cameroun,
00:25:55 comment le Cameroun, plus spécifiquement, a organisé sa plaidoirie dans cette affaire ?
00:26:02 Quelle est la stratégie qui a été mise en place ?
00:26:05 Et quels sont les éléments qui ont été mobilisés pour avoir à la fin un cas de cause ?
00:26:10 Alors, il faut vous dire, pour bien comprendre l'affaire Bakassie,
00:26:14 que cette affaire concerne l'ensemble de la frontière.
00:26:17 Et on l'a donc divisée en quatre secteurs.
00:26:20 Il y a la frontière dans la zone du lac Tchad.
00:26:24 Il y a la frontière terrestre du lac Tchad jusqu'au début de Bakassie.
00:26:29 Il y a Bakassie même, et il y a la frontière maritime.
00:26:32 Donc, le Cameroun a réparti les tâches en fonction des compétences des uns et des autres.
00:26:40 Par exemple, le droit maritime. Ce n'est pas tout le monde qui est expert du droit maritime.
00:26:45 Donc, le Cameroun a donc mis sur chaque secteur les experts qui pouvaient...
00:26:53 Avoir une meilleure compréhension.
00:26:55 Mais le travail était un travail d'équipe.
00:26:58 Oui, c'est-à-dire que ce que vous alliez présenter était le travail de toute une équipe.
00:27:04 Et c'est comme ça que le Cameroun a argumenté selon les quatre secteurs.
00:27:12 Et je ne sais pas s'il faut que je vous donne quels étaient les arguments du Cameroun par rapport à chaque secteur.
00:27:17 On va y arriver en vous indiquant, pour vous introduire sur ce volet,
00:27:21 que du 18 février au 21 mars 2001, donc, se déroulaient les plénoiries.
00:27:26 Alors, comment vous vivez ça comme reporter et quels sont les arguments développés par les parties?
00:27:33 Là, on est au cœur du sujet.
00:27:36 Vraiment, comme reporter, moi je suis aux anges.
00:27:38 C'est-à-dire que comme chroniqueur judiciaire, il n'y a pas mieux que la Coupe du monde.
00:27:43 Si on était du côté du sport.
00:27:47 Donc, j'aimais bien ça. Je suis très à l'aise dans les prétoits.
00:27:54 J'aime être là, ayant été moi-même greffier à ce juin.
00:27:59 Donc, tout se déroule selon un chronogramme bien calé.
00:28:07 Il faut vous dire que lorsque une partie a la parole, ça peut durer une semaine, l'autre ne dit absolument rien.
00:28:15 C'est-à-dire qu'au début des audiences, le Cameroun a par exemple parlé seul pendant une semaine.
00:28:21 Et vous voyez, le reporter, quand il le rend compte, il est obligé de ne dire que ce que le Cameroun dit.
00:28:28 Mais j'ai pris la précaution d'expliquer que la semaine d'après, ça allait être la même chose.
00:28:33 Et effectivement, lorsque le Nigéria a eu sa semaine d'intervention, il m'est revenu des échos qui disaient que le reporter ne parle que du Nigéria.
00:28:44 Alors que j'avais pris la peine d'expliquer la procédure.
00:28:48 Donc, pour ce qui concerne la zone du Lac Tchad, les arguments du Cameroun, c'était que la commission du bassin du Lac Tchad a délimité la frontière.
00:28:58 En dehors de cela, le Cameroun s'est appuyé sur des déclarations entre les Français et les Anglais.
00:29:08 La déclaration Milner-Simons du 10 juillet 1919, confirmée par la déclaration Thomson-Marchand du 31 janvier 1930.
00:29:21 Et maintenant, le long de la frontière aussi, il y avait l'Order in Council du 12 août 1946.
00:29:29 C'est un décret britannique. Et il y avait également le traité anglo-allemand du 12 avril 1946.
00:29:38 Et l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913.
00:29:42 Donc, tout cela, c'est sur la base de ces instruments que le Cameroun revendiquait la frontière de la zone du Lac Tchad jusqu'à Bakassie.
00:29:56 Et pour ce qui est de la frontière maritime, les arguments du Cameroun, c'était que cette frontière jusqu'au point G de la côte, environ 32 km,
00:30:07 a été délimitée par les présidents Aïdjo et Gowon par les déclarations de Yaoundé le 4 avril 1971 et de Marwa le 1er juin 1975.
00:30:23 Maintenant, au-delà du point G, la frontière n'avait pas été délimitée.
00:30:28 Et le Cameroun demandait donc à la Cour soit de délimiter, soit d'indiquer une direction.
00:30:34 Voilà les arguments que le Cameroun a fait valoir pendant ses audiences.
00:30:39 Évidemment, en réponse, le Nigéria a tout balayé du revers de la main en disant que Bakassie a toujours été appartenue à Calabar,
00:30:49 que la zone est majoritairement peuplée par des Nigériens et que le Cameroun n'a jamais investi à Bakassie.
00:31:00 Par exemple, l'argument du Nigéria en anglais, c'était "Cameroun has never had a title in Bakassie and has never acted as if it had one".
00:31:14 Le Cameroun ne s'est jamais comporté à Bakassie comme s'il avait un titre.
00:31:19 L'autre argument du Nigéria, c'était cette question par un redoutable avocat du Nigéria en anglais, Sir Arthur Watts, il est décédé aujourd'hui.
00:31:32 Il posait une question. "Who conferred on Great Britain the authority to give away Bakassie? And not just who, but also when and how?"
00:31:47 Alors, il fallait rentrer dans les archives.
00:31:49 C'était la base de l'argumentation qui a conféré au Britannique d'attribuer la péninsule de Bakassie qui appartenait d'après lui au Nigéria.
00:32:00 Et où est-ce que cela s'est produit?
00:32:05 Le Nigéria a donc balayé du réveil de la main ce que nous disions. Et c'est là qu'intervient aussi la Guinée équatoriale.
00:32:16 La Guinée équatoriale est citée dans cette affaire. Quel est son rôle et quelles sont ses prétentions?
00:32:26 En fait, la Guinée équatoriale est intervenante. L'intervention, c'est imaginer que nous sommes trois avec des terrains qui sont limitrophes.
00:32:39 Alors, si vous et moi avons un conflit, le troisième voisin peut se dire "attention, quand on va trancher cette affaire, mon terrain risque d'être touché". Il intervient donc.
00:32:52 C'était le rôle de la Guinée équatoriale. La Guinée équatoriale voulait s'assurer que la décision attendue n'allait pas lui être dévoilée.
00:33:05 Elle a choisi d'être intervenante non partie. C'est-à-dire qu'elle donne des arguments à la cour, mais la décision à intervenir ne la concernerait point du tout.
00:33:18 Elle pouvait aussi faire le choix d'être intervenante partie. À ce moment, la décision a des effets sur le pays intervenant.
00:33:28 Alors, le 15 novembre 2001, se tient une rencontre internationale, la première, présentée comme déterminante. Cette rencontre se tient à Genève.
00:33:41 En quoi est-ce que cette rencontre, qui précède le verdict de la CIG, est-elle déterminante ?
00:33:48 Il faut dire que Genève a abrité au moins, si je ne me trompe pas, quatre rencontres, n'est-ce pas ?
00:33:54 Entre le président de la République, le président Paul Biel du Cameroun, le président Obasanjo du Nigeria, et le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan.
00:34:06 En fait, les deux personnalités ont pris l'engagement de respecter le verdict qui était encore attendu.
00:34:16 De telle sorte que c'est dans la sérénité que le verdict final est intervenu.
00:34:23 C'est en cela qu'il faut saluer également ce sens de l'anticipation du défunt secrétaire général des Nations Unies, Kofi Atanan.
00:34:32 Bien sûr, dans cette affaire, on s'est retrouvé avec trois personnalités qui avaient l'amour de la paix.
00:34:41 Le président Paul Biel, notre président en premier, qui a bénéficié d'une oreille vraiment attentive du côté du Nigeria,
00:34:50 avec le président Olusegun Obasanjo et le secrétaire général Kofi Annan.
00:34:54 Certainement, il aurait dit que nous sommes des Africains et que ça ne sert à rien de faire la guerre parce que ce sont des Camerounais, des Nigériens qui vont mourir.
00:35:05 Je pense que les trois avaient le même souci, la même volonté, la même démarche et la même détermination.
00:35:13 Arrive donc le 10 août 2002, la Cour internationale de justice de la R.
00:35:18 Le 10 octobre 2002, la Cour internationale de justice de la R rend son verdict et reconnaît la souveraineté du Cameroun sur la péninsule de Bakassie.
00:35:29 Comment vous acquiez la nouvelle ? Une phrase encore. Que représente-t-elle pour vous, pour le Cameroun, pour le président de la République qui s'est dépensé sans compter ?
00:35:38 Comme reporter, comme chroniqueur judiciaire, comme citoyen, c'était la joie.
00:35:45 Parce qu'il faut vous dire que les plaidoiries étaient rudes du point de vue du droit.
00:35:52 Le Nigeria tenait à démontrer que Bakassie lui appartient.
00:35:58 Le Cameroun également, heureusement grâce à des instruments internationaux signés entre les Français et les Anglais, entre les Anglais et les Allemands.
00:36:09 Donc le Cameroun a pu mettre sur la table les arguments qui étaient convaincants.
00:36:18 Donc c'était le soulagement. J'imagine que, comme je l'ai dit, tout le monde a donc compris que le président de la République avait vu loin.
00:36:30 Alors pour le cas précis du président Bia, de quelle qualité humaine a-t-il le plus fait preuve pour permettre à notre pays d'avoir cette issue ?
00:36:41 Je pense qu'il y a l'amour de la paix. D'ailleurs vous l'avez dit, le mandiant de la paix. Il y a la patience. Il y a la pugnacité. Il y a la détermination.
00:36:54 Mais tout cela dans le calme, vraiment sans faire de bruits inutiles.
00:37:01 La bataille s'est menée sur le front de la justice avec des arguments de droit.
00:37:07 Et à côté de cela, on en parlera tout à l'heure, le président a pris son bâton de pèlerin sur le terrain de la diplomatie.
00:37:17 Avec notamment l'accord de Greencreek qui a venu par la suite.
00:37:21 Mais arrêtons-nous un moment sur le contenu exact de l'arrêt qui, je peux déjà l'indiquer, va constituer la trame essentielle de votre prochain ouvrage.
00:37:36 Tout à fait.
00:37:37 C'est-à-dire les plaidoiries au fond de cette affaire. Quel est le contenu exact de l'arrêt ?
00:37:42 Merci Yves Macmojo. J'en profite pour dire que je prépare la sortie très prochaine.
00:37:49 De l'ensemble des plaidoiries au fond de cette affaire.
00:37:53 Cela fait 1200 pages et ce sera deux tomes. 700 et 600 pages.
00:37:59 Il y a quelques difficultés financières, mais je pense que cela va aller.
00:38:03 Concrètement, que dit l'arrêt ? Nous le tournons sur les quatre secteurs.
00:38:11 Dans la zone du lac Tchad, le Cameroun disait que la frontière avait été délimitée par la commission du bassin du lac Tchad.
00:38:19 La Cour n'a pas retenu cet argument. Pourquoi ?
00:38:23 Parce que le Nigeria a démontré qu'il n'avait pas signé le procès verbal de Bornage, qui l'engageait donc.
00:38:32 Et en l'absence de cette signature, cela n'a pas été retenu.
00:38:39 Par contre, de cette zone-là jusqu'à l'entrée de Bakassi, ce sont donc les déclarations.
00:38:47 La Cour s'est appuyée sur les déclarations Milner-Simon du 10 juillet 1919.
00:38:55 Sur la déclaration Thompson-Marchand du 1929 et 1930, confirmée par un échange de notes entre l'anglais Henderson et le français de Fleuryau à 1931.
00:39:11 Et là, la Cour a délimité la frontière terrestre.
00:39:16 Il faut dire que certaines localités sont passées du côté du Nigeria, d'autres sont passées du côté du Cameroun.
00:39:23 Mais, dans l'ensemble, le Nigeria a été le plus grand vainqueur sur la frontière terrestre.
00:39:32 Maintenant, Bakassi même, la péninsule, la Cour a retenu que la frontière était délimitée par les articles 18 à 20 de l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913.
00:39:48 Faisant ainsi de Bakassi une partie du territoire cameroonais.
00:39:53 Pourquoi? Parce que le Nigeria proposait que la frontière soit sur la Cross River, ce qui mettait Bakassi du côté du Nigeria.
00:40:04 Le Cameroun disait que non, la frontière est plutôt sur la Croix-Yafé, au bord de laquelle se trouve la ville d'Aqua, que les Nigériens appelaient Achibon.
00:40:16 La Cour a donc retenu que la frontière est sur la Croix-Yafé.
00:40:23 Et quand la frontière est sur la Croix-Yafé, Bakassi est donc camerounaise.
00:40:28 Maintenant, pour ce qui est de la frontière maritime, la Cour a confirmé la validité des accords signés par les présidents Amadou Aïdjo du Cameroun et Yakubu Goan du Nigeria à Marwa et à Yaoundé.
00:40:47 Pour dire que la frontière était délimitée jusqu'au point G, environ 32 km.
00:40:53 Au-delà, la Cour n'a pas délimité la frontière, elle a seulement indiqué une direction.
00:41:02 Parce qu'elle s'est rendue compte qu'en allant dans cette direction, on pouvait tomber sur le tripoint, la frontière entre le Cameroun, le Nigeria et la Guinée équatoriale.
00:41:15 Et elle est donc maintenant dans les deux pays pour finaliser les choses.
00:41:20 Évidemment, il y a d'autres aspects.
00:41:26 Le Nigeria a été ensuivi, si je peux dire.
00:41:31 La Cour a ordonné que le Nigeria retire ses troupes du territoire camerounais.
00:41:36 Le Cameroun devait faire pareil.
00:41:40 La Cour a rejeté la demande du Cameroun pour la réparation du préjudice subi du fait de l'invasion et de l'occupation du Nigeria.
00:41:52 Donc, en gros, c'est le contenu de l'arrêt.
00:41:55 Entre 2002 et 2004, se déroule une série de rencontres internationales entre les deux chefs d'État, le secteur général des Nations Unies de l'époque et les États témoins.
00:42:04 Oui.
00:42:05 Quels sont ces États témoins et quel est leur rôle ?
00:42:09 Effectivement, il y a plusieurs rencontres à Paris, Genève, Saint-Cloud.
00:42:15 Il y a même des visites. Le président du Cameroun qui va à Abuja, le président du Nigeria qui vient à Yaoundé.
00:42:22 Tout ça, c'est parce qu'il fallait amener...
00:42:32 Il fallait chercher à accepter le verdict.
00:42:34 Accepter le verdict et à l'exécuter.
00:42:40 Parce qu'une décision de justice qui n'est pas exécutée ne vaut rien.
00:42:44 Donc, la décision a commencé à être exécutée, mais il y a eu des blocages.
00:42:49 Le président Bia, le président Obasanjo, Kofi Annon ont cessé de se rencontrer.
00:42:56 Ils ont justement voulu voir les moyens de mettre en œuvre l'arrêt sans grande casse.
00:43:08 Sans heure.
00:43:10 Parce que le Cameroun évitait totalement le triomphalisme.
00:43:14 Comme le dit Ken Kansi d'ailleurs des autorités gouvernementales.
00:43:18 Et les pays amis qui nous ont accompagnés, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France.
00:43:30 Évidemment, en tant qu'organisation, l'Organisation des Nations Unies.
00:43:37 Ces pays amis qui ont signé l'accord de Green Tree accompagnaient le Nigéria et le Cameroun pour une exécution sans heure de l'arrêt du 10 octobre 2002.
00:43:53 Le 12 juin 2006 est signé et paraffiné l'accord de Green Tree dans la périphérie de New York aux États-Unis.
00:44:01 Quelle est son importance dans le règlement de cette affaire ?
00:44:04 L'accord intervient d'abord parce qu'on a commencé à appliquer la décision dans la zone du lac Tchad.
00:44:13 Et comme je vous l'ai dit, certains villages se sont retrouvés du côté du Cameroun.
00:44:17 Mais après, c'était le blocage. La commission mixte même entre le Cameroun et le Nigéria qui tenait ses travaux ici à Yaoundé était bloquée.
00:44:28 Mais le président de la République, j'ai failli dire un très fin diplomate, a continué à oeuvrer.
00:44:37 Et c'est comme ça qu'après trois jours de négociations à Green Tree aux États-Unis, il y a donc cet accord de Green Tree qui est signé le 12 juin 2006.
00:44:48 Cet accord est accompagné de deux annexes. L'annexe 1, c'est une carte de Bakassie. Et l'annexe 2 concerne un régime spécial à conférer à la zone.
00:45:00 Donc en gros, dans cet accord de Green Tree, le Nigéria reconnaît la souveraineté du Cameroun sur la péninsule de Bakassie. Il s'engage à ne pas porter atteinte à la paix, à ne pas exploiter les ressources naturelles.
00:45:25 Et le Cameroun aussi prend des engagements. Le Cameroun s'engage à faciliter l'exercice de leurs droits aux Nigériens vivant au Cameroun, de ne pas leur appliquer les textes sur l'immigration, de ne pas leur appliquer les textes sur la législation douanière.
00:45:44 Et accorder aux Nigériens qui sont au Cameroun la possibilité, le moment venu, soit de vivre au Cameroun comme étrangers, soit de rentrer dans leur pays.
00:46:04 Et l'article 5 de cet accord précise qu'à la fin du régime spécial de transition, le Cameroun exercera en toute plénitude les droits de souveraineté sur la zone.
00:46:27 C'est ce que l'accord de Green Tree dit. Et maintenant, on entre dans la mise en oeuvre de l'accord de Green Tree.
00:46:37 Une étape qui vient juste après, quelques mois plus tard, c'est à Akwa, où le drapeau nigérien est descendu le 14 août 2006. Le drapeau camerounais est ici donc à Akwa. Sur le plan symbolique, qu'est-ce que cela représente?
00:46:53 C'était une victoire, une victoire en toute modestie, en toute humilité, après une longue bataille juridique.
00:47:05 Je vous assure, si l'équipe du Cameroun n'avait pas été une équipe très solide, avec des expertises avérées dans les différents domaines, cela aurait pu être compliqué.
00:47:19 Et puis surtout, les instruments internationaux, laissés par les Français, les Anglais et les Allemands, nous ont beaucoup aidés. C'est dire l'importance qu'ont les archives.
00:47:31 Je crois qu'on est allé jusqu'au Centre national des archives, annexe de Bouillon, pour retrouver certaines archives.
00:47:38 Tout à fait. En France, en Angleterre, en Allemagne, ce sont ces documents-là qui ont aidé. Donc, 14 août 2006, premier retrait à Akwa, sur l'Akwa Yafei.
00:47:55 Et puis 14 août 2008, deuxième retrait, cette fois à Calabar.
00:48:01 Et là, c'est le transfert de sa totale souveraineté sur la péninsule de la Constance.
00:48:06 Dans cette circonstance, il y a un régime spécial de 5 ans. C'est dire qu'à Calabar, c'est acquis. Le Cameroun, le Nigéria s'en va. Le Cameroun prend possession.
00:48:18 Mais il y a encore une présence administrative et policière du Nigéria pendant 5 ans. Et 5 ans d'après, le 14 août 2013, c'était alors vraiment le départ définitif et Bakassie a été entièrement cameroonaise.
00:48:35 On va revivre l'ensemble de ces événements-là dans cette couture. Et puis on va se retrouver avec Guiraujé pour le mot de fin.
00:48:57 En amont du règlement des différents frontaliers relatifs à la pesquie de Bakassie, une date à retenir. Le 21 décembre 1993, des éléments de la force de défense nigériane envahissent la localité de Bakassie.
00:49:10 La pesquie l'est située dans le golfe de Guinée. Paul Bia a réveillé en pleine nuit.
00:49:15 Nous sommes en Vomika. C'est la nuit de vendredi à samedi. A 4h, le téléphone sonne. Je prends le téléphone. "Allô, oui, je suis le ministre à Cameroun-Fumon."
00:49:29 "Comme je vous l'ai dit, la faille de Bakassie, c'est seulement un mensonge. Je suis le ministre à Cameroun-Fumon. Je voudrais parler au président de la république."
00:49:40 "Je dis, monsieur le ministre, à 4h?" Il me dit, "mon fils, est-ce que je vous ai déjà appelé un jour comme ça?"
00:49:50 "Dites-le la raison, parce que le président est là." Il m'a dit, "je suis au bureau. Si le président peut m'avoir, dites-lui que la guerre a déclenché à Bakassie."
00:50:01 Après l'invasion de Bakassie, l'on enregistre des escarmouches et plusieurs dégâts collatéraux.
00:50:06 Mesurés comme d'habitude, le président Paul Bia ne succombe nullement à la tentation de la précipitation.
00:50:12 Le 6 janvier 1994, il saisit l'ONU et l'OIA. Convaincus de la primauté irrévocable du droit international sur la logique du crépitement des armes,
00:50:22 Paul Bia préfère avoir recours à la CIG qu'il saisit en mars 1994.
00:50:28 A l'origine de la requête cambrounaise, l'occupation de la frontière terrestre et l'invasion de la frontière maritime jusqu'au point G, situé dans la mer à 32 km de la côte.
00:50:38 Le Cameroun demande à la CIG de statuer sur la frontière maritime et sur la frontière terrestre du lac Tchad jusqu'à Bakassie pour résoudre définitivement le problème du tracé frontalier.
00:50:49 Tous les observateurs le relèvent, en ayant recours à la CIG, Paul Bia évite aux Cameroun et au Nigeria, pays liés par l'histoire et par la géographie,
00:50:58 une guerre ouverte avec possibilité de carnage humain et de lourdes conséquences sur le plan économique.
00:51:04 Empruntant aussi la voie de la Concorde, Paul Bia et son homologue nigérien d'alors, Lussegun Basanjo, se rencontrent à plusieurs reprises,
00:51:13 à Saint-Cloud en banlieue parisienne et à deux reprises à Genève en Suisse, le tout sous l'égide de Kofi Atahanan, alors secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
00:51:24 Ces brainstormings permettent de baliser le chemin de l'application effective du verdict de la Cour internationale de justice de la guerre,
00:51:32 qui est prononcée le 10 octobre 2002. La décision de la CIG reconnaît la Camerounité de Bakassie.
00:51:39 L'accord de Green Tree dans l'état de New York est une partition nouvelle dans cette symphonie diplomatique.
00:51:45 Grâce aux concessions des uns et des autres, le retrait effectif des troupes nigériennes débute le 14 août 2006.
00:51:51 Il s'achève le 14 août 2008 avec le transfert d'autorité de Cameroun sur la presqu'île de Bakassie.
00:51:57 Le cheminement aura été peut-être long, mais il s'avère ingénieux, peu onéreux et efficace.
00:52:03 Grâce aux doigtés diplomatiques de Président Poubia et l'entrejoint efficace des Nations Unies, Happy End avec ce règlement pacifique du différent.
00:52:12 Bakassie est aux yeux de plusieurs observateurs un chef-d'œuvre diplomatique, un véritable cas d'école.
00:52:18 [Musique]
00:52:28 Guy Roger et moi, on va bientôt se quitter.
00:52:32 Après toute cette évocation, on admet que la victoire sur le plan du droit international a été remportée par le Cameroun.
00:52:42 Et restée à présent, la victoire a remporté la victoire sur le développement de cette zone.
00:52:50 Et je pense que le président, l'ancien président Obasanjo, l'a d'ailleurs indiqué dans un entretien, pensez-vous que ce défi là a aussi été relevé par le Cameroun ?
00:53:02 Il doit être relevé, parce que c'est de ça qu'il s'agit.
00:53:06 La bataille judiciaire sous la roulette du président de la République a été gagnée, avec des interventions au niveau de la diplomatie également.
00:53:20 Bakassie est une zone riche, dans des mille kilomètres carrés environ, pour environ cent mille habitants.
00:53:32 Et plus de 95% de la population sont des populations nigériennes, qui vivent dans des conditions difficiles.
00:53:41 Il faut donc que le Cameroun s'approprie vraiment Bakassie.
00:53:45 Et cela passe par la réalisation de plusieurs choses.
00:53:50 Le 27 août 2007, le premier ministre a créé un comité de projets prioritaires à réaliser à Bakassie.
00:54:02 Parce qu'on a constaté que les ministères allaient évoluer un peu en rang dispersé.
00:54:07 Des réalisations ont été faites au niveau des travaux publics.
00:54:14 Par exemple, il y a des débarcadères qui sont conçus, il y a des écoles, il y a un heliport, il y a des centres de santé, il y a des forages, il y a des séchoirs, parce qu'il y a beaucoup de pêches.
00:54:26 Mais il faut continuer.
00:54:30 Et lorsque le premier ministre s'est rendu compte que le comité ne produisait pas vraiment les résultats escomptés, le 21 août 2017, le premier ministre a créé cette fois-ci le Bakassie Peninsula Program.
00:54:52 C'est pour dire qu'on suit cette évolution-là.
00:55:00 Le Bakassie Peninsula Development Program devra donc vraiment traduire dans les faits ce que le gouvernement, ce que l'État camerounais veut faire.
00:55:10 Parce que si la zone est difficile pour vivre là, par exemple à Bamousseau, il y a des concitoyens, des mouscoums.
00:55:21 Ils sont partis du nord, ils sont installés là-bas, ils font de la pêche.
00:55:27 Mais ils sont confrontés à des problèmes de matériel. Leur matériel est dépassé par rapport au matériel...
00:55:33 La route pour la partie terrestre de Bakassie, la route Moundemba, Issam Nélé, à quoi ? Environ 75 kilomètres.
00:55:46 C'est une route qui doit être goudronnée. Il n'y a rien à faire. Parce que comme il pleut environ 9 mois sur 12, dès qu'on fait la route, après quelques pluies, le sable a tout emporté.
00:55:58 Et c'est cette route-là qui pourrait faire que vous pourriez bien partir, c'est pas moi de Moundemba, aller faire un tour au bord de la Kwaïa Fé et rentrer.
00:56:08 J'y étais déjà rassuré.
00:56:10 Mais pas en voiture. Je voulais dire que vous pourriez y aller en voiture. Et c'est ça qui va attirer les populations.
00:56:17 Donc l'État a commencé des investissements, mon humble avis est que ces investissements doivent s'intensifier.
00:56:26 Ils doivent être de qualité. Il faut que la zone qui est difficile puisse attirer les Camerounais.
00:56:36 Malheureusement, la majorité de la population est nigérienne. C'est le Neyra qu'on utilise, ce sont les médias nigériens qu'on capte.
00:56:45 Donc le Cameroun, tout en laissant les Nigériens vivre là, doit donc continuer et relever forcément la bataille du développement, sans laquelle on pourrait craindre de...
00:57:00 Ce que vous n'avez pas cité, Guy Roger et Eba, pour nous séparer cette fois, dites-moi, l'idée d'attribuer, de décerner le prix Nobel de la paix au président de la République, Paul Biya,
00:57:13 et au président nigérien, l'ancien président Olusegun Obasanjo, est-ce que de votre point de vue, cette idée-là serait superflue ?
00:57:25 Pas du tout, pour moi, elle ne serait pas superflue. Dans mon livre sur l'affaire Bakassie, j'ai même plaidé en faveur de cette option-là.
00:57:34 Aujourd'hui, la résolution du conflit de Bakassie, ou de l'affaire Bakassie, est présentée et enseignée dans le monde comme un exemple de résolution pacifique d'un conflit frontalier.
00:57:49 Voilà deux personnalités qui ont évité à leur population des souffrances inutiles.
00:57:58 Et si l'Afrique résolvait ainsi ce conflit, je pense que l'Afrique qui a des problèmes de développement ne se mettrait pas à détruire le peu d'infrastructures que nous avons,
00:58:11 ne se mettrait pas à tuer des vies innocentes. Donc, à mon humble avis, je suis tout à fait d'accord si le prix Nobel de la paix pouvait être décerné.
00:58:29 Parce que, qu'on le veuille ou pas, c'est un modèle aujourd'hui. Et certainement que d'autres pays vont s'inspirer de ce que les présidents Paul Biya et Ulusugun Obasanjo ont fait.
00:58:42 Et peut-être en attendant ce prix Nobel que nous continuons d'attendre et d'espérer, on va faire un clin d'œil à ces compatriotes qui, eux, ont choisi de décerner au président de la République,
00:58:51 en rapport avec cette affaire Bakassi, le prix de sages Africa. Merci à vous Guy Roger Hébert, merci à vous cher aîné, chère auteur prolixe d'avoir accepté d'échanger avec nous,
00:59:07 de nous édifier sur cette affaire Bakassi, dont le règlement fait aujourd'hui école dans notre pays et même à travers le monde.
00:59:18 Merci beaucoup Yves Ban Khmedjou, merci à la C.I.A. TV, merci au directeur général. Je laisse à votre disposition.
00:59:26 Chaque fois qu'il s'agit de parler de l'affaire Bakassi, je suis comme la garde présidentielle, toujours pareil.
00:59:43 Cette édition de votre magazine est à présent terminée. Merci de l'avoir regardée. Retrouvons-nous dans deux semaines. Bonsoir.
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