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En France, c’est 1 enfant sur 10 qui ne part pas en vacances l’été, selon l’Insee. Nous parlons budget vacances et ces oubliés de l’été avec notre invitée, Louise Fénelon, responsable de la commission Nationale des vacances de l’UNAT. 

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Transcription
00:00 Intéressons-nous maintenant aux vacances qui ne sont pas toujours synonyme de dépaysement et de voyage et pas pour tout le monde.
00:05 Chaque été, selon l'INSEE, c'est un enfant sur dix qui est privé de vacances.
00:09 Samuel, vous allez évoquer cela avec votre invité, ces oubliés de l'été.
00:13 C'est Louis Sphenlon, votre invité, responsable de la commission vacances à l'Union Nationale des Associations du Tourisme.
00:18 Louis Sphenlon, bonjour.
00:20 Bonjour.
00:20 Dans une enquête de la Fondation Jean Jaurès en partenariat avec l'UNAD que vous représentez,
00:25 on apprend que 60 % des Français disent avoir renoncé à partir en vacances lors des cinq dernières années.
00:30 60 %, le chiffre est énorme.
00:33 Que signifie-t-il ?
00:34 Ce chiffre, il signifie que le budget des vacances est souvent celui qui va être diminué ou supprimé
00:41 quand on subit l'inflation que l'on connaît depuis cette année notamment,
00:45 mais des difficultés que l'on connaît depuis quelques années.
00:48 Et effectivement, les familles se disent « bon, les vacances, c'est peut-être un luxe, donc c'est ce qu'on va mettre de côté »,
00:53 alors que pourtant, dans cette même étude,
00:57 la plupart des Français disent que les vacances sont essentielles à leur épanouissement, à leur bien-être.
01:02 Mais parce qu'il faut d'abord manger ou se loger.
01:04 Exactement.
01:05 Ça ne fait pas partie des points qui sont les plus importants dans leur choix budgétaire.
01:10 Alors, ces chiffres, aussi impressionnants soient-ils, ne sont pas nouveaux.
01:13 C'est un thème, les oubliés des vacances que l'on évoquait déjà il y a 10 ans, 20 ans, peut-être même 30 ans ?
01:18 Tout à fait.
01:19 Les vacances restent quelque chose qu'on s'octroie à partir du moment où on a réussi,
01:24 comme vous le disiez, à payer les factures, à aller faire les courses, etc.
01:29 Pour autant, cette difficulté, elle est de plus en plus importante,
01:35 parce que, justement, les coûts augmentent, parce qu'il y a des choix à faire,
01:41 et ce n'est pas évident pour les familles.
01:42 Alors, qui sont ces Français qui nous regardent peut-être ce matin, qui ne peuvent pas partir en vacances ?
01:47 Est-ce que les populations les moins aisées sont les seules concernées ?
01:50 Non, du tout. Vous faites bien de poser cette question.
01:53 Évidemment, les familles qui sont dans des situations financières les plus faibles sont concernées,
02:00 mais il y a également des familles monoparentales, par exemple,
02:03 des familles qui ont une personne en situation de handicap ou une personne malade dans leur famille,
02:09 des personnes aussi en situation de chômage qui se disent
02:11 « Non, mais je suis au chômage, je ne vais pas en plus partir en vacances, etc. »
02:15 Il y a un aspect psychologique aussi.
02:16 Exactement, il y a un frame psychologique, alors que ces personnes-là auraient d'autant plus besoin de partir,
02:22 justement, pour reprendre confiance en elles, pour vivre des moments positifs
02:26 et probablement pour revenir avec plus d'énergie à la rentrée.
02:30 Il faut se dire aussi, et ça, peut-être que c'est nouveau, justement,
02:33 c'est que cette interdiction de partir en vacances, il y a des cadres aussi aujourd'hui qui se la mettent,
02:39 et effectivement, on ne touche plus que les ouvriers.
02:42 29% des cadres supérieurs.
02:44 Exactement, alors 67% des employés, 76% des ouvriers,
02:49 mais quand même ce chiffre des CSP+, comme on les appelle, est particulièrement inquiétant.
02:54 Alors pourquoi ? Pourquoi ne part-il pas en vacances ?
02:57 Parce qu'eux aussi ont des budgets qui sont restreints,
03:01 parce que les cadres n'ont pas les aides que peuvent avoir d'autres publics.
03:05 Et effectivement, vous le savez, les frais de transport sont de plus en plus importants,
03:10 les tarifs à la SNCF, l'essence.
03:12 Donc il n'y a pas que l'hébergement sur son lieu de vacances,
03:19 mais il y a aussi comment s'y rendre.
03:20 Et puis, ce dont on se rencontre régulièrement,
03:24 c'est qu'une fois qu'on part en vacances, on peut agir sur, par exemple, les activités.
03:29 On va avoir de moins en moins d'activités, on va aller de moins en moins loin,
03:32 on va partir de moins en moins longtemps, parce que, justement, on veut réduire ce budget vacances.
03:36 Donc même ceux qui partent en vacances ne partent pas toujours dans de bonnes conditions.
03:39 Partir en vacances, c'est aussi être comme tout le monde,
03:42 et quand ce n'est pas le cas, il y a parfois un sentiment de honte.
03:45 On peut cacher à sa famille le fait de ne pas partir en vacances d'été.
03:48 Ça arrive, ça.
03:49 Tout à fait.
03:50 En France, les vacances font partie d'une norme sociale,
03:54 et ne pas partir, c'est quelque chose de très difficile à avouer.
03:58 Cette étude le montre, effectivement.
04:00 Beaucoup de personnes nous disent "mais moi, j'en parle même pas à ma famille".
04:04 Alors que la première question que l'on pose souvent quand on rentre au travail ou à la rentrée scolaire…
04:10 C'est "t'es où en vacances ?"
04:11 Exactement, c'est la première question.
04:12 Et ça, c'est extrêmement dur, extrêmement compliqué pour un enfant notamment,
04:17 quand dès le premier jour, il est mis un petit peu de côté,
04:21 parce que lui n'aura pas d'aventure à raconter.
04:24 Et de même, dans la sphère professionnelle ou sociale,
04:28 des adultes ont du mal à assumer le fait qu'ils ne sont pas partis en vacances.
04:31 C'est la double peine.
04:32 Non seulement ils ne partent pas en vacances, mais ils sont exclus ensuite des discussions.
04:36 Exactement. Et en fait, les vacances accentuent les inégalités
04:39 plutôt que d'essayer de remettre les gens au même niveau.
04:44 Est-ce qu'il y a un effet réseau sociaux qui accentue cette idée-là de décalage ?
04:47 Bien évidemment.
04:48 Parce que tout le monde poste ses photos de vacances.
04:50 En voilà, sur le plus beau coucher de soleil, la belle activité que les enfants ont faite, etc.
04:55 Donc là encore, cela met les personnes qui ne partent pas en difficulté
04:59 et elles n'ont pas la possibilité de communiquer de cette manière-là.
05:02 Il y a des aides qui existent pour autant, très variées, des chèques vacances, des aides de la CAF.
05:07 Est-ce que ces dispositifs sont connus des Français ?
05:10 Non, c'est vraiment aussi une des choses qui ressort de cette étude.
05:16 C'est que malheureusement, tous ces dispositifs sont très méconnus par les Français.
05:21 Alors certains n'osent pas les utiliser, là encore, parce que finalement, il y a une petite fierté.
05:26 On n'a pas envie d'aller frapper à telle porte ou telle autre.
05:28 Alors que c'est fait pour ça.
05:28 Alors que c'est fait pour ça.
05:30 Mais pour certains, c'est aussi une barrière administrative.
05:33 C'est compliqué, il faut aller sur Internet, il faut aller rentrer un numéro d'allocataire, ceci, cela.
05:38 Et ça paraît tout bête.
05:39 Et on se dit, mais ce n'est pas un frein.
05:41 Mais si, pour certains, ça l'est.
05:42 Il y a aussi ce frein administratif.
05:45 Donc effectivement, ce n'est pas si facile.
05:47 Pour autant, ces aides, elles existent.
05:49 Il faut à tout prix que les Français s'en saisissent.
05:51 Nous, on milite pour qu'il y ait un guichet unique et que ce soit un peu plus facile d'y accéder.
05:55 Mais aujourd'hui, on peut aller dans son comité d'entreprise ou même voir son employeur.
06:00 Parce que même quand il n'y a pas de comité d'entreprise, il peut y avoir des aides au départ, en vacances.
06:05 On peut aller voir sa ville.
06:06 On peut aller regarder si son département n'est pas encore propriétaire de centre de vacances
06:11 et ne permet pas justement des séjours à moindre prix pour les ayants droit.
06:16 Il y a aussi bien évidemment la CNAF qui, elle, alors c'est vraiment un dispositif qui va vers les ayants droit.
06:23 C'est-à-dire que la CAF, chaque année, en début d'année,
06:26 envoie une notification à toutes les personnes qui auraient le droit de bénéficier d'une aide.
06:31 Et voilà, et ça, c'est vraiment très important de pouvoir s'en saisir.
06:35 Vous parliez des enfants.
06:36 Le Secours populaire organise, comme chaque année, depuis 1979, sa journée des oubliés des vacances.
06:41 Ça commence aujourd'hui et ça dure tout le mois d'août.
06:44 Dans quelle mesure les enfants font partie de ces oubliés des vacances ?
06:48 Alors, on salue évidemment toutes ces initiatives du Secours populaire.
06:52 C'est très, très important.
06:53 Pour autant, Luna tient à rappeler que les vacances, c'est un minimum de quatre nuits.
07:01 Parce que sinon, c'est une sortie, c'est un loisir,
07:03 mais ça n'a pas les mêmes apports qu'un vrai séjour de vacances.
07:08 Donc oui, les vacances sont oubliées et c'est très important
07:11 parce qu'un enfant qui ne part pas ne partira pas adulte.
07:14 Cette étude nous montre que 65 % des adultes qui ne partent pas cette année ne partaient pas enfant.
07:19 Ça, ça prend de partir en vacances.
07:20 Il y a une acculturation tout à fait à partir.
07:23 Et c'est l'acculturation même à plus long terme autour de la mobilité.
07:27 C'est-à-dire que si on ne part pas en vacances,
07:28 quand on est étudiant, on ne partira peut-être pas en Erasmus,
07:30 on n'ira peut-être pas chercher du boulot un peu plus loin que son périmètre de proximité.
07:36 Donc c'est très, très important.
07:37 Alors, le sujet est devenu politique.
07:39 Aurore Berger, ici même dans Télé Matins, ministre des Solidarités des Familles,
07:43 a annoncé souhaiter créer un pass Colo pour les élèves de CM2.
07:47 Ça pourrait concerner 80 % de ces familles françaises avec, dès 2024,
07:51 200 à 350 euros par enfant.
07:54 Est-ce que ça, c'est suffisant ?
07:56 Alors, on salue largement cette initiative,
07:58 puisque nous, on le réclamait depuis longtemps.
08:01 Pour autant, l'objectif à terme, ce serait que chaque enfant puisse partir chaque année en vacances.
08:06 Donc là, c'est très, très bien.
08:07 Chaque enfant aura cette possibilité à l'âge de 10 ans à peu près,
08:10 de partir une fois en colonie de vacances.
08:14 Il faut le généraliser.
08:15 Mais il faut le généraliser.
08:16 C'est important de partir une fois entre le CP et le CM2.
08:19 C'est quand même très, très faible.
08:20 Il y a des enfants qui ne partent pas du tout dans la sphère familiale.
08:23 Et donc, la possibilité d'avoir un séjour collectif est très importante.
08:26 Et puis, elle offre bien plus d'apprentissage et beaucoup d'autres choses.
08:32 Donc, effectivement, nous souhaiterions qu'à terme,
08:35 cette possibilité soit effective chaque année.
08:38 C'est vers les enfants que les hommes et femmes politiques doivent concentrer leurs efforts ?
08:42 Tout à fait.
08:42 Tout à fait, parce que c'est pour le bien-être de notre société.
08:46 Les vacances, ça apprend aussi à nos jeunes à devenir citoyens.
08:51 Alors, je peux parler des colonies de vacances en particulier,
08:53 mais c'est énormément d'apprentissage sur le vivre ensemble, sur la mobilité,
08:56 je le disais, sur la connaissance des autres, sur les découvertes.
09:01 Et on en a fondamentalement besoin pour qu'ils grandissent et s'épanouissent
09:05 et deviennent effectivement des adultes bien dans leur tête.
09:10 Merci, Louise Fenlon, d'être venue jusqu'à nous pour parler de ce sujet d'important.
09:14 Je rappelle que vous êtes responsable de la Commission nationale des vacances à Lunat.
09:18 Merci.
09:18 Merci à vous.

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