La théologie politique une science à découvrir _ Père Joseph

  • l’année dernière
Intervention du Père Joseph lors de la Vè UDT du Pays Réel.

Ces deux premières conférences nous auront montré, jusqu’à l’évidence, que, selon la parole de l’Apôtre (1), « nous ne luttons pas seulement contre des hommes mais contre les Principautés, contre les Dominations, contre les Souverains de ce monde des ténèbres, contre les Esprits du mal qui sont dans les régions célestes » (1). En face de nous, se trouvent en réalité des élites inversées qui, parfois en toute conscience, œuvrent pour le règne politique et social de Satan comme nous luttons pour le règne politique et social de Jésus-Christ. Voilà qui justifie largement cette troisième conférence sur le théologie politique. Vous ne pourrez pas ne pas être saisis par l’éclairage irremplaçable que jette ce regard de foi sur les événements politiques, regard qui nous sera proposé par le Père JOSEPH.

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Transcription
00:00 Chers amis, à travers ces deux premières conférences,
00:05 vous avez pu par vous-même constater, entendre,
00:09 cette prégnance de la référence aux démons
00:13 dans la politique contemporaine, dans la politique mondialiste.
00:18 Comme vous l'avez vu, ce ne sont pas les catholiques de Civitas
00:23 qui accusent leurs ennemis d'être dans les mains du diable,
00:27 ce sont ces ennemis eux-mêmes qui le reconnaissent,
00:30 qui s'en font gloire d'une façon ouverte.
00:34 Il semble révolu le temps où Baudelaire pouvait écrire
00:39 "la plus grande victoire du démon, c'est de faire croire qu'il n'existe pas".
00:44 Au contraire, nous voilà dans une époque de revendications satanistes,
00:50 officielles et revendiquées.
00:54 Et d'ailleurs, si notre université d'été avait été consacrée
01:00 à l'approfondissement de d'autres domaines,
01:03 comme ceux de la culture ou de l'éducation,
01:06 nous serions également parvenus au même constat.
01:11 Une telle unanimité, un tel référencement,
01:17 peuvent étonner les catholiques du XXIe siècle
01:23 auxquels on ne prêche plus l'enfer et le démon depuis Vatican II.
01:29 Ils risquent finalement de découvrir que finalement,
01:33 aujourd'hui, tout le monde croit au diable sauf eux.
01:37 Une telle unanimité, un tel référencement,
01:41 peuvent en revanche fortement inquiéter
01:46 ces catholiques traditionnels du XXIe siècle que nous sommes,
01:50 ceux qui ont gardé fermement cette croyance au diable,
01:54 qui croit donc en sa puissance, mise au service de sa perversité,
02:00 en voyant qu'il est finalement le maître des maîtres du monde.
02:06 Quoi qu'il en soit, tout le monde comprend que le satanisme
02:10 constitue bien une clé, peut-être même la clé,
02:14 de la compréhension de la politique du monde contemporain.
02:18 Or, évidemment, Satan est un personnage, un ange déchu
02:24 dont l'existence ne nous est connue que par la révélation.
02:29 C'est en théologie, et non pas en philosophie,
02:33 qu'on en étudie la personnalité, la nature, l'action,
02:39 non point en politique.
02:43 Quelles conséquences tirer de ces constats ?
02:50 Eh bien, c'est que la prégnance de cette référence à Satan
02:54 chez les politologues modernes indique bien, à minima,
02:59 une croyance à une politique particulièrement perméable
03:04 à une certaine forme de religieux, de religieux qui dominent la politique.
03:09 Pour comprendre la pensée de ces politologues,
03:13 beaucoup d'entre nous sont peut-être obligés de rectifier
03:17 l'idée qu'ils s'en faisaient.
03:20 Ils se disaient peut-être que, étant donné qu'on a tellement demandé
03:25 la séparation de l'Église et des États,
03:28 la séparation de la foi et de la raison,
03:31 de la philosophie et de la théologie,
03:34 que les deux sont vraiment indépendantes l'une de l'autre
03:37 et que l'on ne devrait plus trouver de traces religieuses dans la politique.
03:44 Mais les faits sont les faits, les faits sont têtu.
03:48 Et nous voyons que cette séparation, ce divorce
03:53 entre la philosophie et la théologie
03:56 ne semblait être en réalité qu'une séparation et qu'un divorce
04:01 avec une certaine théologie, la théologie du catholicisme,
04:06 de la religion d'État, dans la plupart de nos pays européens.
04:11 Comment expliquer ces choses ?
04:19 Eh bien, qu'il y a une hiérarchie qui existe entre les sciences,
04:27 que la philosophie n'est pas une sorte de casier étanche parmi les sciences,
04:34 que la philosophie est une science qui se trouve dans la hiérarchie du savoir
04:42 et qu'elle s'enracine dans des principes supérieurs
04:47 et que toute politique et toute philosophie s'enracine nécessairement
04:52 dans des principes qui lui sont supérieurs
04:55 et qui viennent en particulier de ce qu'on appelle la métaphysique
05:01 et la métaphysique comporte la théologie naturelle,
05:04 c'est-à-dire ce que la raison est capable de dire à propos de l'existence de Dieu
05:10 et des principes qu'on trouve aussi en psychologie
05:12 parce qu'il est bien évident que pour savoir comment gouverner,
05:17 il faut savoir ce qu'est l'homme.
05:21 Aussi, eh bien, on comprend, juste dans une première petite réflexion,
05:26 que la philosophie ne demeure jamais indépendante, isolée, seule, séparée des autres sciences.
05:33 Elle s'appuie nécessairement et sur la psychologie, c'est-à-dire sur la science de l'homme
05:39 et que la conception qu'on va avoir de l'homme
05:43 va entraîner des conséquences très importantes sur la politique.
05:50 Et de la même manière, la métaphysique que l'on a, la théologie que l'on a,
05:55 va également entraîner des conséquences très importantes sur la philosophie et donc sur la politique.
06:02 Quelle est ton idée de Dieu ? Quelle est ton idée du bien ?
06:05 Quelle est ton idée du mal ? Quelle est ton idée de l'homme ?
06:09 C'est tellement important que tout le monde, quand il y réfléchit, comprend bien
06:14 que la politique en découlera.
06:19 Et donc, nous sommes sur ce constat un petit peu effrayant,
06:25 que constat simplement, c'est-à-dire science à l'état imparfait,
06:30 et pour progresser dans la science, il faut que nous parvenions à remonter vers les causes,
06:36 on est en droit de penser que la politique contemporaine,
06:40 après s'être séparée du religieux catholique, de la théologie catholique,
06:45 c'est d'une manière qui peut paraître mystérieuse, parce que comment on peut passer du tout à l'autre,
06:52 d'un extrême à l'autre, s'élivrer au satanisme ? Comment ? Pourquoi ?
06:57 Eh bien, je voudrais vous proposer quelques explications de ce qu'on pourrait appeler la grande inversion,
07:04 celle qui nous a fait passer d'une politique chrétienne à une politique sataniste.
07:11 Comment en parler ? Je vous propose deux considérations principales,
07:18 dont l'une portera sur la nature de la science politique,
07:23 science philosophique, science théologique,
07:27 on va essayer de bien préciser ces notions,
07:31 et une fois que j'aurai montré que la politique est indubitablement une science philosophique,
07:38 eh bien j'essaierai de vous montrer quelque chose qui est très paradoxal,
07:43 c'est que quand on considère l'histoire de la pensée dans l'Antiquité comme dans l'ère chrétienne,
07:50 même si la philosophie, si la politique est une science philosophique,
07:55 de facto, presque toujours, le plus souvent, les hommes ont fait de la politique comme si elle était une science théologique.
08:06 Et c'est pourquoi la théologie politique, de facto,
08:12 est davantage explicatrice des événements historiques que la science philosophique, et ce n'est pas normal.
08:23 Première considération, que la politique c'est donc une science philosophique,
08:29 j'essaierai de progresser rapidement mais aussi clairement que possible.
08:36 Qu'est-ce qu'une science ? A partir de quand peut-on commencer à partir de science ?
08:43 On peut commencer à parler d'une science lorsqu'on sort de l'opinion,
08:51 on sort de ce qu'on appelle le bon sens,
08:54 lorsqu'on arrive par l'observation, lorsqu'on arrive par l'induction à par exemple découvrir une loi qui se réalise toujours,
09:04 par exemple que l'eau commence à bouillir à 100 degrés.
09:09 La science sera dite à l'état imparfait tant qu'on aura découvert une loi,
09:17 mais qu'on n'en connaîtra pas encore la cause.
09:21 Et on ne parlera de science à l'état parfait que lorsqu'on pourra donner raison de la loi qu'on a observée,
09:30 par exemple à partir de la nature de l'eau expliquée comme une propriété de l'eau pourquoi elle boue à 100 degrés.
09:39 Et on comprend aussi que l'on peut remonter plus ou moins loin dans l'ordre des causes.
09:47 Qu'est-ce que la philosophie ? C'est la science, et c'est vraiment une science qui est sale,
09:55 qui cherche à remonter aux causes, aux raisons les plus élevées,
10:00 qui cherche à remonter jusqu'aux causes premières.
10:04 Et c'est pourquoi la philosophie domine toutes les sciences particulières.
10:11 Puisque la philosophie est donc cet effort de l'esprit humain qui, selon ses ressources naturelles,
10:19 on n'est pas en théologie révélée, on ne s'appuie pas sur des arguments d'autorité,
10:24 puisque la philosophie est l'effort de l'esprit humain selon ses ressources humaines, naturelles,
10:32 pour expliquer l'univers par ses causes les plus générales et les plus élevées,
10:37 elle ne peut évidemment se dispenser d'élucider le grand problème de la destinée de l'homme.
10:45 L'homme constitue un objet très important de la recherche philosophique.
10:53 Qu'est-ce que l'homme ? Quel est le but de la vie humaine ?
10:57 Il appartient à la psychologie d'étudier la nature de l'homme.
11:05 Mais ce n'est pas suffisant comme étude,
11:09 parce que nous voyons bien qu'il y a pour tous les hommes une loi de progrès
11:18 qui le caractérise et il va se réaliser dans son existence par cette progression.
11:27 Et cette progression, nous nous rendons compte par exemple qu'elle demande forcément la société.
11:32 L'homme est un animal social, l'homme est un animal politique.
11:37 Ici, en prenant cette façon très approfondie et très étudiée qui est celle d'Aristote,
11:55 de caractériser les sciences,
11:57 eh bien on va dire que la politique appartient à la science morale.
12:05 Et que cette science n'est pas ce qu'on appelle une science spéculative,
12:11 mais qu'elle est une science pratique parce qu'elle produit un ordre, celui des activités humaines.
12:18 La psychologie est une science spéculative parce qu'elle étudie simplement l'homme comme il est,
12:25 tandis que la politique et la morale en général,
12:30 eh bien, est une science pratique parce qu'elle est productrice d'un ordre.
12:36 Et cette morale, on la distingue en trois parties.
12:42 Premièrement, selon qu'on ne considère que le champ d'action de l'individu,
12:49 et c'est ce qu'on appelle la morale singulière,
12:52 soit que l'on considère la vie familiale, et c'est ce qu'on appelle la morale privée ou domestique,
12:59 soit qu'on considère la cité, et c'est la morale civile ou politique qui est le couronnement de la morale.
13:09 Nous avons ainsi situé la politique au sommet de la science morale,
13:17 et même au sommet de la philosophie, si l'on met à part la métaphysique, dont le statut est particulier.
13:27 Car, en effet, dans la métaphysique, qui est la science de l'être en tant qu'être,
13:33 on trouve la théologie, puisque Dieu est un être,
13:38 et que, en métaphysique, on va aussi étudier Dieu, qui est Dieu, selon la raison.
13:45 C'est pourquoi on peut dire que la politique se trouve au sommet de la philosophie.
13:52 Si la politique est une science vraiment philosophique,
14:00 qui arrive à son état imparfait par la méthode inductive,
14:07 et qui arrive, autant que cela est possible, à l'état parfait par la méthode déductive,
14:14 elle a forcément des racines métaphysiques, des racines aussi en théologie naturelle,
14:24 en particulier parce qu'elle doit s'efforcer de respecter le plan divin.
14:31 Comment doit être faite la politique ? Et je raisonne simplement avec ma raison.
14:37 C'est en essayant de comprendre pourquoi Dieu a créé les hommes,
14:42 et quel est le but que Dieu a fixé aux hommes.
14:46 Le bon politique doit forcément se poser ces grandes questions,
14:51 et chercher à accomplir son gouvernement politique en tenant compte de ce que Dieu a voulu.
15:00 Donc, la théologie naturelle, je répète la différence entre la théologie naturelle et la théologie révélée.
15:09 La théologie naturelle, ce sont les vérités que nous sommes capables de comprendre simplement avec notre raison,
15:16 par exemple de démontrer l'existence de Dieu, de démontrer l'existence de la Providence,
15:21 alors que la théologie révélée, c'est celle que Dieu nous a donnée par sa révélation,
15:28 tout particulièrement par notre Seigneur Jésus-Christ.
15:33 Et mes chers amis, il vous est facile, là où nous nous trouvons de cet exposé,
15:40 il vous est facile de comprendre que, effectivement, selon l'idée que l'homme se fait de Dieu en théologie naturelle,
15:49 et bien que les conséquences qu'il y aura sur la politique seront des conséquences extraordinairement importantes.
15:58 Si je ne crois pas en Dieu, si je suis athée, j'ai une certaine idée sur Dieu, que Dieu n'existe pas.
16:06 Et bien si Dieu n'existe pas, ainsi que l'a dit Dostoevsky, tout m'est permis.
16:12 La vie est simplement horizontale, tout m'est permis.
16:15 Si j'ai de Dieu la conception du polythéisme comme il existait dans l'Antiquité,
16:24 avec ses mœurs se dégénérer des dieux, le spectacle de la dégénérescence des dieux et de leur immoralité
16:33 aura forcément des conséquences sur la politique.
16:37 Donc, la théologie naturelle a une très grande influence sur la philosophie,
16:44 et la politique ne doit pas cependant se substituer à elle.
16:50 C'est une science, mais ce n'est pas la science politique.
16:54 La science politique, elle est faite pour exister par elle-même, et Dieu l'a voulu ainsi.
17:00 Il nous a donné notre raison, et notre raison, elle est là pour arriver à savoir comment il faut gouverner les peuples,
17:08 et c'est une science philosophique, non pas théologique.
17:11 Je pose maintenant une autre question, très importante pour notre exposé,
17:17 c'est quel est l'impact que va avoir la révélation chrétienne sur la philosophie,
17:24 et sur la philosophie politique en particulier ?
17:28 C'est une question controversée, surtout au XXe siècle, avec le philosophe Étienne Gilson,
17:37 qui est la question de savoir s'il peut exister une philosophie chrétienne.
17:42 D'une certaine manière, Léon XIII a répondu en utilisant l'expression de philosophie chrétienne.
17:49 Mais il est facile de comprendre qu'il y a un problème qui n'est pas si facile.
17:55 D'une part, j'ai défini la philosophie comme étant une science qui résonne par elle-même avec la raison,
18:03 donc qui ne se fonde pas sur quelque autorité que ce soit.
18:07 Comment donc la philosophie pourrait-elle recevoir de Dieu de la révélation quelque chose ?
18:15 Mais d'autre part, si nous croyons que Dieu, qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper,
18:22 est bien le Verbe qui s'est incarné,
18:25 comment la philosophie politique pourrait-elle ignorer positivement l'enseignement de Jésus-Christ,
18:32 l'enseignement de Dieu ?
18:34 Par exemple, que notre Seigneur Jésus-Christ doit régner sur toute la société.
18:40 Ou par exemple, qu'on ignorerait en politique que l'homme, au début,
18:48 que l'homme dès qu'il naît est abîmé par le péché original.
18:52 Et le problème est encore plus important,
18:55 parce que finalement, si on refuse en philosophie de recevoir ce que nous donne la révélation,
19:04 on est finalement en porte-à-faux par rapport au réel.
19:08 L'homme, je reprends l'exemple du péché original,
19:11 si on veut rester en philosophie, et donc que l'on veut ignorer volontairement que l'homme est abîmé par le péché original,
19:18 l'homme dont on va parler en philosophie n'est pas l'homme réel.
19:22 D'où cette nécessité, au moins une concrète, sans résoudre forcément le problème de la philosophie chrétienne,
19:29 de dire que l'homme a tout à gagner, l'homme politique a tout à gagner,
19:34 d'admettre ce que la révélation chrétienne lui dit par rapport à l'homme et par rapport à la destinée humaine.
19:46 Donc, nous disons que la philosophie, et la philosophie politique en particulier,
19:55 sans rien perdre de leur consistance ontologique,
20:01 ont certainement à recevoir un immense apport de la révélation chrétienne,
20:07 qu'ils ne doivent pas mépriser, et qu'ils ont au contraire tout intérêt à recevoir,
20:13 donc de la théologie. Mais de nouveau, de nouveau, je maintiens, avec saint Thomas d'Aquin,
20:20 que le christianisme en aucune manière ne veut substituer à la philosophie politique une théologie politique même chrétienne.
20:31 Je conclue cette première partie.
20:39 La politique est une science qui appartient à la philosophie.
20:44 Elle procède d'une façon inductive, expérimentable,
20:50 mais cherche à aller vers un état scientifique plus profond,
20:55 qui est celui de la déduction des propriétés des choses.
20:59 Elle reçoit ses principes de la métaphysique et de la psychologie.
21:06 Recevant ses principes de la métaphysique, elle reçoit donc ses principes de la théologie naturelle en particulier.
21:13 Enfin, étant donnée la révélation chrétienne,
21:16 elle garde cependant son autonomie et sa consistance,
21:22 tout en recevant d'inestimables bienfaits et lumières de la révélation et de la théologie.
21:30 Tout serait très bien si les choses avaient fonctionné comme Gesset voulait dire.
21:37 Tout aurait été très bien si, dans l'histoire de la pensée, dans l'histoire de la politique,
21:43 on pourrait dire, on pourrait conclure en disant
21:47 c'est toujours la philosophie éclairée par la théologie chrétienne
21:52 qui a été la science qui a été pratiquée par ceux qui gouvernaient les peuples.
21:59 Mais en réalité, pour des motifs qu'il faut maintenant expliquer et qui sont divers,
22:06 il n'en a presque jamais été ainsi.
22:10 Voilà, donc je vais maintenant passer à la deuxième partie de cet exposé
22:21 qui permettra in fine, simplement, d'arriver à comprendre pourquoi, aujourd'hui,
22:33 c'est une théologie inversée, mais c'est une théologie qui dirige les gouvernements mondialistes,
22:40 la théologie du diable.
22:42 Mais il faut expliquer comment on en est arrivé là,
22:46 et je pense qu'il n'y a que l'histoire des idées qui peut vraiment permettre de le comprendre.
22:52 Donc, deuxième partie de la place prépondérante de la théologie politique dans l'histoire de la pensée.
23:01 Évidemment, en un temps qui est court, c'est à peine un survol que je vous propose de l'histoire de la pensée politique.
23:13 C'est quelques jalons que je voudrais vous donner.
23:18 Donc je schématise.
23:20 Considérons avant notre Seigneur Jésus-Christ et après notre Seigneur Jésus-Christ.
23:26 Avant notre Seigneur Jésus-Christ, distinguons le monde païen du peuple juif.
23:32 Après notre Seigneur Jésus-Christ, nous considérons avant le XIIIe siècle, le XIIIe siècle, après le XIIIe siècle.
23:41 Tout d'abord, avant Jésus-Christ, dans le monde païen.
23:45 Comme d'ailleurs chez le peuple juif, il nous faut avant tout prendre conscience de quelque chose qui est difficile pour nous,
24:00 c'est qu'il n'existe pas de différence entre la société religieuse et la société politique.
24:10 Sa distinction, qui est pour nous comme évidente, entre l'Église et l'État, est parfaitement inconnue et partout inconnue.
24:21 Il n'y a, dans le monde païen, que ce que, avec notre langage d'aujourd'hui, nous nommerions des théocraties.
24:34 Les rois telés, les rois ou les empereurs, sont des personnages religieux,
24:40 songés aux empereurs romains, qui sont même, à leur mort, considérés comme des dieux à qui l'on rend un culte, qui accèdent au Panthéon.
24:52 Le polythéisme, qui est en réalité bien proche du panthéisme, est partout.
25:01 Lorsque de grandes décisions sont à prendre par les rois, par les empereurs, par les généraux,
25:07 auparavant, on offre des sacrifices au Dieu et on cherche à savoir si Dieu bénit la bataille, bénit la décision que l'on va prendre.
25:19 La référence est une référence immédiatement comme d'inspiration divine que l'on recherche.
25:29 Les dieux dictent leur politique aux rois.
25:33 Mais mes chers amis, dans ce monde païen, qui sont les dieux ?
25:44 La réponse nous est donnée dans la Sainte Écriture.
25:53 Les dieux des païens sont des démons.
25:55 Ça nous est dit à plusieurs reprises, tant dans le psaume 95, que dans le premier livre des Chroniques, que dans la première aux Corinthiens.
26:03 Les dieux des païens sont des démons.
26:06 C'est-à-dire que nous sommes, pour le moment, en train de faire un constat qui en lui-même est très effrayant.
26:13 C'est-à-dire que l'Antiquité, dans tout son ensemble, dans tous ses peuples, et même les plus civilisés, les Grecs, les Romains, partout, c'est l'Empire des démons qui est présent.
26:27 L'Empire des démons, ces dieux sont des démons.
26:32 Et évidemment, si l'on se tourne vers ces dieux pour savoir quelle est la politique qu'on va mener, et bien cette politique qui est menée est d'une façon essentielle, principale, une politique qui est démoniaque.
26:49 Et ce que M. Escada nous disait tout à l'heure concernant le gouvernement du XXIe siècle fait penser, quand on regarde les choses d'un petit peu près, à ce qui se passait dans l'Antiquité,
27:06 où, lorsqu'on... le sacrifice humain était pratiqué d'une façon universelle, et particulièrement le sacrifice des enfants, la prostitution sacrée se trouvait presque partout, et vous prenez tous les peuples,
27:20 et même les Juifs ne vont pas y échapper entièrement, vous trouvez partout ces pratiques.
27:25 Et évidemment, ces pratiques abominables montrent bien ce que les dieux voulaient.
27:34 Et chez le peuple juif ? Chez le peuple juif est ce tout petit peuple de l'Antiquité qui, par une grâce de Dieu mystérieuse, ce tout petit peuple qui lui connaît le vrai Dieu,
27:49 et qui se distingue parmi tous les peuples de l'Antiquité par son monothéisme, le polythéisme est partout, ce peuple est obstinément monothéiste.
28:02 Donc lui a le vrai Dieu. Et c'est Jéhovah qui mène son peuple. Il n'y a pas de distinction entre la cité temporelle et la religion, c'est Dieu qui mène son peuple,
28:16 et cela va même très loin, puisque jusqu'au premier roi Saôl, eh bien, il n'y a même pas de roi en Israël.
28:26 Il y a des juges que Dieu suscite, mais c'est Dieu qui dirige lui-même son peuple.
28:33 Et lorsque, au mécontentement de Jéhovah, parce que les juifs demandent à avoir, comme les autres nations, un roi,
28:42 eh bien que Dieu donnera un premier roi qui sera Saôl et qui sera suivi par les autres.
28:49 Et même à ce moment-là, lorsque les juifs commencent à avoir des rois, ces rois sont inspirés par Dieu et on est encore en théocratie.
29:03 Et cela durera jusqu'à ce que le sceptre soit sorti de David et on aura à ce moment-là une période de l'histoire juive très particulière,
29:15 où il n'y aura plus de cités, où il n'y aura plus de rois, et les juifs ne seront que religieux,
29:23 il n'y aura plus de politique, même inspirée par la religion, qui existera, puisqu'ils n'auront plus de rois de leur race.
29:32 Donc partout et toujours, dans l'Antiquité, nous demeurons en régime théocratique,
29:40 pour alimenter la réflexion de ceux qui voudraient en savoir plus, je citerai deux livres très différents.
29:48 Je citerai "La Cité Antique" de Fustel de Goulanches, qui s'est spécialement intéressé à la Grèce et à Rome,
29:58 et qui est un de ces livres qui restera, qui fait autorité dans la matière, et qui nous montre à quel point on ne peut rien comprendre à Rome et à Athènes
30:09 sans avoir compris cette théologie qui domine absolument tout.
30:13 Et le deuxième livre que je citerai, c'est très différent, c'est "Le Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume,
30:21 surtout dans son premier livre, qui nous fait un tableau de beaucoup de peuples de l'Antiquité,
30:32 et qui montre partout ces pratiques exécrables qui sont partout, et cette adoration du serpent en particulier, qu'on trouve chez tous les peuples.
30:41 Et alors arrive notre Seigneur Jésus-Christ.
30:49 Et je pose une question d'une façon qui est peut-être un petit peu crue et brutale,
30:57 quel est l'apport politique de notre Seigneur Jésus-Christ ? Est-ce que notre Seigneur Jésus-Christ a un apport politique intéressant, important ?
31:08 Oui, je dirais que notre Seigneur a un apport politique absolument considérable, en très peu de mots,
31:21 et en une phrase qui est une phrase fondatrice, qui est la phrase que vous connaissez en Matthieu 22-21,
31:28 "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu."
31:32 C'est-à-dire que, je vous disais, que tout l'Ancien Testament est caractérisé par des régimes théocratiques, par une théologie politique,
31:45 et voilà que notre Seigneur Jésus-Christ, le Premier, exprime dans l'œuf la distinction entre la société temporelle et la société spirituelle,
32:00 "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu."
32:04 Je ne dis pas que c'est le seul apport politique apporté par notre Seigneur Jésus-Christ,
32:12 il y en a certains autres qu'on pourrait donner, mais celui-là est capital.
32:16 À mon avis, je pense qu'elles existent, j'en ai trouvé quelques morceaux, et je pense qu'il y a des choses très intéressantes à trouver.
32:31 On pourrait longtemps disserter, mes chers amis, sur l'excellence.
32:37 Évidemment, c'est le Fils de Dieu qui la donne, et donc je le dis a priori, mais je le dis aussi a posteriori,
32:42 en réfléchissant sur cette distinction que notre Seigneur apporte entre la société temporelle et la société spirituelle,
32:50 cette distinction est une grande bénédiction pour les peuples.
32:54 Pourquoi ? Eh bien, parce que c'est grâce à elle que les peuples qui ont pu bénéficier de cette distinction,
33:06 je dis bien non pas séparation, je dis distinction, qui ont pu bénéficier de cette distinction dans le Nouveau Testament,
33:14 ont évité la tyrannie universelle qui résultait autrefois chez les peuples païens,
33:23 lorsque tous les pouvoirs se trouvaient dans la même main, le pouvoir religieux et le pouvoir politique.
33:31 Premier bienfait insigne. Deuxième bienfait insigne, c'est que cette distinction des deux sociétés a évité quelque chose
33:45 que nous pouvons bien comprendre, l'instrumentalisation du pouvoir religieux par le pouvoir politique.
33:54 Ce n'est pas que l'Église, et bien le contraire, se désintéressera des situations politiques,
34:02 mais sa mission est essentiellement l'avènement du Royaume des Cieux,
34:08 et notre Seigneur Jésus-Christ décevra les Juifs parce qu'Il n'est pas Celui qui mettra les Romains dehors.
34:16 Notre Seigneur nous dit qu'Il est là pour accomplir cette transhumance des hommes vers la bienheureuse éternité.
34:25 Distinction ne veut pas dire séparation. Distinction signifie qu'il y a une soumission indirecte du pouvoir politique au pouvoir religieux,
34:37 comme petit à petit l'Église le montrera, le développera.
34:45 Une nouveauté de cette ampleur, bien entendu, ne sera pas perçue pour tout ce qu'elle implique, tout ce qu'elle signifie d'un seul coup,
34:56 surtout avec les trois siècles de persécution qui commenceront la chrétienne.
35:02 Encore moins, une distinction de cette ampleur ne sera mise en pratique et appliquée tout de suite.
35:11 Si l'on prend par exemple le plus grand livre politique chrétien du premier millénaire, qui est la Cité de Dieu de saint Augustin,
35:21 il est clair qu'il ne délivre pas de messages de philosophie politique.
35:28 On demeure dans une vision purement théologique, volontaire chez saint Augustin,
35:36 où s'affrontent la cité du bien, qui est chrétienne, et la cité du mal, qui est celle de l'homme, du démon.
35:44 Ce n'est que peu à peu que les États chrétiens naîtront.
35:49 Ce n'est que peu à peu que les papes et les rois entretiendront entre eux des relations au plus haut niveau,
35:59 dans ce qu'on appelait la République chrétienne, après l'Empire, les papes devenant les arbitres des différents existants entre les princes chrétiens.
36:09 Et je le dis, mais je suis obligé de passer trop rapidement, ce sont des pages magnifiques, magnifiques,
36:18 que nous trouvons chez ces papes extraordinaires qu'on a souvent au Moyen-Âge,
36:25 et qui étaient des arbitres vertueux des différents entre les princes chrétiens,
36:30 et qui si souvent ont évité des conflits entre les princes.
36:34 On n'avait pas besoin de l'ONU, on avait les papes.
36:37 J'arrive, parce que la suite est plus difficile à expliquer, j'arrive à la période de ce qu'on appelle la scolastique.
36:53 La distinction formelle entre philosophie et théologie n'a été forgée que petit à petit.
37:05 C'est vraiment au XIIe et au XIIIe siècle, avec ces grands noms, je salue les Dominicains,
37:13 avec ces grands noms que sont Saint Albert le Grand et surtout Saint Thomas d'Aquin, mais aussi d'autres comme Alexandre de Halas,
37:21 c'est avec la redécouverte d'un Aristote, qui va être revu à la lumière du christianisme,
37:28 que ces deux sciences de la philosophie et de la théologie seront distinguées, seront harmonisées,
37:36 et l'on verra combien elles peuvent concourir utilement à leur développement réciproque,
37:42 la philosophie comme étant la servante de la théologie,
37:47 et la théologie comme apportant des lumières insoupçonnées de richesse à la philosophie, saluons l'apogée de la pensée.
37:55 Et un Saint Thomas d'Aquin, je ne donnerai qu'une citation,
37:59 un Saint Thomas d'Aquin est vraiment quelqu'un qui exprime que la politique est une science philosophique.
38:08 Dans la Prima Secundae, dans le traité des lois, Saint Thomas dit "lex est aliquid rationnis".
38:15 La loi c'est quelque chose de la raison, c'est quelque chose qu'on découvre,
38:19 quelque chose qu'on va pouvoir exprimer, que les princes vont pouvoir proclamer,
38:26 grâce à l'effort de la raison, même si comme je l'ai dit, bien entendu,
38:31 il y a ce sous-bassement de la théologie révélée qui existe.
38:35 Mais évidemment, à partir du moment où on parle d'apogée, c'est que le déclin n'est pas loin.
38:44 Et effectivement, dès le XIIIe siècle et au début du XIVe siècle vont apparaître,
38:54 je le dis comme je l'ai compris, et certainement il y a des distinctions, des raffinements qui sont à faire,
39:02 il y a deux courants de pensée qui vont s'opposer d'une façon très profonde à la synthèse thomiste,
39:11 d'autres encore, mais par rapport au sujet que j'ai abordé, deux courants de pensée.
39:19 Je donnerai deux noms.
39:25 Le premier c'est Cigère de Brabant, et le deuxième c'est Guillaume d'Ockham.
39:35 Le premier c'est Cigère de Brabant. Cigère de Brabant, on peut dire de lui qu'il a importé,
39:46 dans le christianisme, une doctrine qui s'appelle l'avéroïsme. Pas toute entière, mais en partie.
39:58 La doctrine de l'avéroïsme, du nom d'Avéroès, et pour ceux qui m'intéressent, la doctrine qu'on appelle la doctrine de la double vérité.
40:11 Et même, je le dis au passage, pour Avéroès de la triple vérité.
40:15 Mais c'est chez Cigère de Brabant de la double vérité.
40:20 C'est-à-dire que Avéroès tient et Cigère après lui que autre est la vérité religieuse, autre la vérité philosophique,
40:29 et que éventuellement la vérité philosophique peut s'opposer à la vérité religieuse.
40:35 Ce que nous, ce que saint Thomas d'Ockham, nous considérons comme radicalement impossible, et même blasphématoire.
40:47 C'est-à-dire que, et Dieu est l'auteur de la raison, et Dieu est l'auteur de la révélation.
40:52 Or Dieu ne peut pas se contredire. Donc ce qui est vrai selon la raison ne peut pas être faux selon la révélation, et vice-versa.
41:01 Mais Cigère de Brabant tient cette idée qu'il peut y avoir une opposition entre la raison et la foi.
41:13 Quelle est la transposition politique de cette position philosophique ?
41:19 Eh bien c'est que le pouvoir politique peut être indépendant à l'égard du pouvoir religieux.
41:27 La vérité politique peut contredire la vérité révélée, et on peut choisir entre la vérité politique, si on la préfère, à la vérité révélée.
41:40 Le deuxième grand courant, c'est celui de ce franciscan qui s'appelle Guillaume d'Ockham,
41:51 qui lui, la synthèse serait trop longue à faire, mais aussi bien pour des motifs de théologie que des motifs de philosophie,
42:04 qui, comme l'a dit Étienne Gilson, concordent et qui vont faire l'occamisme.
42:10 Eh bien des motifs qui font que Guillaume d'Ockham va dénier à la raison presque toute sa capacité,
42:20 pour sauvegarder, dit-il, la liberté et la puissance de Dieu.
42:28 Pour que Dieu puisse faire ce qu'il veut, et qu'il soit vraiment libre, et qu'il soit vraiment tout-puissant,
42:36 on doit accepter une puissance de Dieu et une liberté de Dieu absolue.
42:43 Je vous donne des conséquences qui vont vous faire sursauter, au point que Dieu aurait pu, s'il l'avait voulu,
42:51 faire une morale où mentir aurait été vertueux et dire la vérité aurait été pécamineux.
42:58 Il est parfaitement libre, il fait ce qu'il veut.
43:02 On voit bien à partir de ce moment-là quel est l'ébranlement de la philosophie qui en résulte,
43:11 et toutes les conséquences que ça peut avoir.
43:16 Il est d'ailleurs très intéressant de voir que dans la querelle qui va exister entre Louis de Bavière et le pape Jean XXII,
43:26 on va trouver à la cour de Louis de Bavière et Guillaume d'Ockham lui-même,
43:33 et des disciples de Sigerre de Brabant, qui seront les uns et les autres des défenseurs de Louis de Bavière,
43:44 révoltés contre le pape.
43:46 Il me reste maintenant à essayer de vous montrer par des jalons, ce n'est pas une généalogie que j'entends donner,
44:00 c'est trop difficile à faire, mais des jalons qui montrent que ces idées dont je parle, ces idées ont perduré,
44:11 se sont aggravées à travers le temps, et je vais essayer de schématiser comment on en arrive à aujourd'hui.
44:20 Parce que cette théologie politique, vous comprenez aisément qu'elle prend toute la place chez Guillaume d'Ockham. Pourquoi ?
44:33 Parce que si la raison n'existe pas, n'existe plus, ou est très entravée, la philosophie n'existe pas, qu'est-ce qui reste ? C'est la théologie.
44:41 Et chez Sigerre de Brabant, c'est un petit peu différent, mais on en arrive au même, c'est-à-dire que c'est une raison,
44:51 une philosophie qui finalement est révoltée contre la théologie chrétienne.
44:57 Comme je l'ai expliqué au départ, la philosophie foncièrement, ontologiquement, ne peut pas rester toute seule.
45:03 Elle va naturellement s'ensourcer dans une théologie. Si ce n'est plus dans une théologie chrétienne, c'est dans une autre théologie.
45:11 Alors, quelques faits pour vous dire ce qui s'est passé ensuite.
45:21 Jean de Jandin, Marcille de Padoue, écrivent le "Defenseur Pachis" en 1324.
45:30 Il se trouve à côté de Louis de Bavière et il défend dans ce livre, le "Defenseur Pachis", justement,
45:38 cette parfaite indépendance des princes par rapport à l'Église et par rapport à Dieu.
45:45 A la même époque, Philippe le Bel, 1285-1314, quand il est roi, au lieu d'être entouré comme saint Thomas d'Aquin par des moines,
45:55 est entouré par ses légistes et vous savez que c'est très significatif de quelque chose,
46:00 c'est très significatif de cette espèce d'indépendance qui entraînera ce drame
46:08 que la France a payé très cher dans les fils de Philippe le Bel, ce drame de l'attentat contre Boniface VIII.
46:16 Un nom que nous estimons de la même époque, Dante, Dante lui-même, dans son "De Monarchia",
46:25 va tenir une position qui est conforme à la philosophie de Sigerre de Brabant,
46:32 autonomie complète du temporel par rapport au spirituel.
46:37 Or, 14ème-15ème siècle, on considère toutes les chaires de théologie, de philosophie, de droit de l'Europe
46:51 et on s'aperçoit avec stupéfaction que la plupart d'entre elles sont tenues par des Ocaniens.
47:02 Je continue en disant qu'un lien, ensuite, est vraiment, peut-être vraiment établi
47:10 entre cette pensée ocamienne avec le protestantisme, à travers en particulier un des maîtres de Luther,
47:19 qui est Gabriel Bial et qui est un Ocamien.
47:23 Or, à quoi on arrive chez Luther ?
47:27 On arrive chez Luther à ces mêmes idées que la raison, je n'oserai pas le dire devant vous, c'est la paix du diable.
47:35 Il n'y a plus de raison, la nature humaine est dégénérée complètement, il n'y a plus de philosophie, il n'y a plus que la théologie.
47:44 C'est la légitimation religieuse chez Luther de l'absolutisme des princes protestants allemands.
47:53 Mais ces idées, je vais vous donner quelques autres exemples, ces idées se répandent, ces idées pullulent,
47:59 on a l'impression de voir comme des métastases dans la pensée politique de ces siècles.
48:04 Je prends l'exemple de Jean Bodin, XVIe siècle, c'est le théoricien de la monarchie absolue.
48:17 Un juriste, théoricien de la monarchie absolue, c'est-à-dire que le roi est tout puissant sur son royaume comme Dieu est tout puissant sur l'univers.
48:28 Je pourrais prendre l'exemple de Descartes, je crois que je cite ici Karl Schmitt,
48:36 qui s'est beaucoup intéressé à ces espèces de transpositions qui existent entre le monde religieux et le monde politique.
48:44 Et Schmitt dit "le prince est le dieu cartésien transposé dans le monde politique".
48:52 Mais quel est le dieu cartésien ? Le dieu cartésien c'est le dieu d'Ockham.
48:56 Le dieu cartésien c'est le dieu d'Ockham, c'est-à-dire que Descartes comme Ockham tient également que la toute-puissance de Dieu exige que si Dieu l'avait voulu,
49:06 il aurait pu faire que le bien soit mal et que le mal soit bien, que blasphémer aurait pu être vertueux.
49:14 Plus étonnant certainement pour vous, et d'une certaine manière je le regrette parce que je l'estime à bien des égards,
49:22 Bossuet, Précepteur du Grand Dauphin, ça n'est pas rien.
49:27 Qu'est-ce qu'il écrit ? Pour instruire le Grand Dauphin, il écrit "La politique tirée de l'écriture sainte".
49:36 Saint Thomas d'Aquin n'aurait jamais écrit ce livre.
49:41 Et qu'est-ce que dit Bossuet ? Comment il instruit le Dauphin ? Il instruit le Dauphin, je le cite, en disant
49:48 "Les sujets n'ont à opposer à la violence des princes que des remontrances respectueuses, sans mutinerie et sans murmures, et des prières pour leur conversion."
50:01 Saint Thomas n'aurait pas parlé ainsi.
50:08 Saint Thomas d'Aquin défend la possibilité de ce qu'on appelle par exemple le tyrannicide, avec des conditions qui sont très strictes sans doute,
50:18 mais ça n'a rien à voir avec le peu de choses que dit Bossuet quand le prince agit mal.
50:25 Je prends maintenant le cas aussi très important, très influent de Hobbes, 1588-1679.
50:36 Il soutient, avant Rousseau, que l'Etat a pour origine un contrat.
50:42 Pourquoi ? Parce que les hommes étaient livrés dans l'état de nature à une violence effrénée.
50:49 Et par ce contrat, ils abandonnent tous leurs droits entre les mains d'une autorité, une est des postiques,
50:57 qui sera la seule source de la propriété de la justice et des valeurs morales.
51:05 Et mes chers amis, il s'agit bien ici d'une théologie politique.
51:10 Le prince se fait Dieu, capable de déterminer quelles sont les valeurs morales du peuple.
51:18 A ce moment où nous en sommes, je voudrais citer un livre, une référence aussi.
51:33 Il va y avoir une bascule qui malheureusement, d'une certaine manière,
51:37 il est normal que face à l'absolutisme, l'espèce de divinisation des rois,
51:43 qu'il y ait une réaction, on le comprend.
51:46 C'est bien expliqué, c'est très bien expliqué dans le livre de Paul Hazard,
51:51 "La crise de la conscience européenne", mouvement de bascule qui se passe.
51:59 Malheureusement, malheureusement, ce qui suit, comme vous le savez bien,
52:03 c'est la philosophie des Lumières.
52:06 C'est-à-dire qu'il y a, me semble-t-il, une réaction qui est légitime
52:10 par rapport à un absolutisme qui n'a pas lieu d'être.
52:15 Mais ceux qui vont contester, vont contester avec des principes qui ne seront pas justes.
52:27 On distingue peut-être deux degrés dans la contestation des philosophes des Lumières.
52:33 Le premier degré étant celui de personnes comme Diderot ou comme Montesquieu,
52:38 comme l'encyclopédie.
52:40 Montesquieu étant franc-maçon, nous avons encore des gens qui sont des déistes.
52:46 L'idée c'est que Dieu règne, mais ne gouverne pas,
52:54 de telle manière que leur ambition politique,
52:57 eh bien c'est justement la limitation des pouvoirs du roi,
53:03 ce qui peut se comprendre, ce qui est légitime,
53:06 mais une limitation qui ne se fait pas dans le bon sens,
53:08 parce que finalement on veut un roi à la mode anglaise,
53:11 c'est-à-dire un roi qui ne gouverne pas en réalité.
53:16 C'est le déisme.
53:18 De nouveau, retenez cette transposition qui existe
53:22 entre l'idée qu'on se fait de Dieu et l'idée politique.
53:24 Deuxième degré de la contestation,
53:26 eh bien c'est Rousseau.
53:29 On ne pourra pas suffisamment exprimer le mal,
53:34 le mal incroyable que cet homme a fait dans l'histoire de la pensée,
53:40 et de la pensée politique en particulier,
53:42 dans le contrat social et dans l'Émile.
53:45 C'est une, parce que comprenez bien, je dirais il ne me reste que peu de temps,
53:51 vous comprenez ça d'une certaine manière,
53:52 vous avez l'explication de tout ce qui arrive par la suite.
53:56 On a avec Rousseau la fin d'une conception de Dieu
54:06 qui est une conception transcendante.
54:08 Et à la place de cette conception transcendante,
54:11 on a une conception immanente,
54:13 conception pré-moderniste,
54:17 conception panthéistique,
54:20 où finalement on va remplacer l'autorité de Dieu par l'autorité populaire.
54:27 Je vais citer Tocqueville,
54:30 qui je pense a bien vu la chose,
54:32 et qui déclare que dans l'idée démocratique,
54:38 le peuple plane au-dessus de la totalité de la vie étatique
54:43 comme Dieu au-dessus du monde.
54:45 C'est la déification de l'instinct populaire
54:49 de la souveraineté populaire,
54:51 c'est le nouveau-dom qui remplace l'autorité divine.
54:54 Je cite Rousseau,
54:58 et je terminerai par là puisque je n'ai plus de temps.
55:03 "Celui qui ose entreprendre d'instituer un peuple
55:07 doit se sentir en état de changer,
55:11 pour ainsi dire la nature humaine."
55:14 Il faut peser les termes,
55:18 changer la nature humaine.
55:20 "De transformer chaque individu
55:23 qui par lui-même est un tout parfait et solitaire,
55:27 en partie d'un grand tout dont cet individu
55:30 reçoive en quelque sorte sa vie et son être,
55:34 d'altérer la constitution de l'homme pour la renforcer."
55:38 Je vous assure, je l'avais cité l'an dernier,
55:42 Schwab dit la même chose,
55:44 Harari dit la même chose.
55:47 Il faut changer la nature de l'homme.
55:50 Mais de qui parle-t-il ?
55:53 "Celui qui ose entreprendre d'instituer."
55:56 C'est celui que Rousseau appelle,
55:58 avec admiration, le législateur.
56:00 Mais qui est le législateur ?
56:03 C'est un dieu.
56:06 C'est un dieu le législateur dont parle Rousseau,
56:09 une sorte de surhomme à qui le peuple,
56:14 le peuple va accorder de pouvoir influencer la législation.
56:18 Mes chers amis, nous sommes en théologie politique de nouveau.
56:23 On divinise le législateur,
56:26 ou plutôt on va trouver, je ne sais où,
56:29 une sorte de Léviathan.
56:31 On divinise la volonté populaire,
56:35 mais tout le monde sait bien que derrière la volonté populaire,
56:38 il y a des hommes, ou des groupes, ou des oligarchies.
56:42 Je termine.
56:47 A mon avis,
56:49 je suis obligé d'arrêter,
56:51 mais la conséquence ultime de cela,
56:56 moi je l'ai trouvé dans Harari,
57:00 mon livre de lecture spirituelle de l'an dernier.
57:03 Harari, qui dit que le dataïsme,
57:10 le dataïsme est la nouvelle religion.
57:13 Pourquoi le dataïsme est la nouvelle religion ?
57:16 Parce que le dataïsme va permettre
57:20 à tous les datas qui viendront du monde entier
57:25 de pouvoir remonter à des super ordinateurs,
57:30 à un super ordinateur qui aura en un instant,
57:34 quand tous les hommes, même les récalcitrants comme nous,
57:38 auront accepté d'être connectés,
57:41 tout lui reviendra en un instant.
57:44 Et donc, quel est l'homme qui peut égaler ce super ordinateur,
57:48 qui ayant toutes les informations qui lui viendront du monde entier,
57:51 pourra prendre toutes les meilleures décisions en un instant,
57:54 sans jamais être fatigué ?
57:57 Et dit à Harari, mais finalement, de qui on est en train de parler ?
58:01 Et on est en train de parler de Dieu.
58:04 Dieu qui sait tout en un instant,
58:07 et qui peut prendre les meilleures décisions en un instant,
58:10 et bien, c'est l'ordinateur du dataïsme.
58:14 De nouveau, mes chers amis,
58:17 nous sommes en théologie politique,
58:20 nous ne sommes pas en philosophie politique,
58:23 et nous avons par Harari cette transposition qui est faite
58:27 entre le Dieu vrai et le data.
58:34 Et le data, c'est qui ? C'est Satan. Merci.
58:37 (Applaudissements)
58:40 (Applaudissements)

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