Policiers mis en examen: l'interview de l'avocat de la femme de Mohamed B. en intégralité

  • l’année dernière
Maître Arié Alimi, avocat de la femme de Mohamed B. était l'invité de BFMTV pour réagir à la mise en examen de trois policiers du Raid pour "violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

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Transcript
00:00 Nous sommes avec Maître Hari Halimi qui représente la famille de la victime de Mohamed B.
00:05 Bonsoir Maître Halimi, que pensez-vous de cette mise en examen ?
00:09 Alors, violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner et placement sous contrôle judiciaire.
00:14 Est-ce que la famille est satisfaite ?
00:16 Alors c'est un début de motif de satisfaction pour la famille évidemment.
00:25 D'abord que de savoir que les auteurs et ceux qui ont tué Mohamed ont été identifiés,
00:31 ça n'allait pas de soi puisqu'ils ne se sont pas manifestés spontanément, ce qui est regrettable.
00:37 S'agissant de policiers du RAID, ils auraient pu avoir le courage dès le départ de dire qu'ils avaient tiré et tué un homme.
00:44 Évidemment un motif de satisfaction de savoir qu'ils ont été placés en garde à vue
00:49 et également mis en examen pour des infractions de nature criminelle.
00:55 Je rappelle que les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner,
01:01 avec arme, par personne dépositaire de l'autorité publique,
01:04 il y a une peine encourue de 15 ans de réclusion criminelle devant la cour d'assises ou devant la cour criminelle.
01:15 Donc c'est extrêmement lourd, extrêmement grave et évidemment tout cela constitue des motifs de satisfaction pour la famille.
01:22 Il n'y a pas de placement en détention, vous le comprenez au regard de ce qui est dit par le parquet ?
01:32 Ce qui est dit par le parquet est assez étrange et d'ailleurs la famille m'a demandé de déposer plainte contre le procureur de la République
01:40 pour des faits de diffamation puisque si le procureur de la République a le droit de communiquer dans le cadre de l'article 11 du code de procédure pénale,
01:47 il n'a pas le droit de tirer des interprétations de faits. Là en l'occurrence on voit et ce qu'il décrit c'est Mohamed qui essaye d'empêcher un vol.
01:57 Le procureur de la République de manière assez étrange, peut-être de manière un peu nauséabonde d'ailleurs pour essayer de criminaliser la victime,
02:03 peut-être aussi pour justifier qu'il ne requiert pas la détention provisoire de ses policiers du Raid,
02:08 tente de faire croire que Mohamed Benris aurait tenté de voler un voleur alors que c'est probablement d'empêcher un délit qu'il faisait ce soir-là.
02:17 Donc voilà pour vous dire simplement et pour résumer que la détention provisoire ce n'est pas ce que demande la famille, ce n'est ce que personne demande d'ailleurs.
02:25 Ce qui est important c'est qu'ils aient été identifiés et qu'ils soient in fine poursuivis.
02:31 Il y a dans cette affaire et dans le communiqué de presse du procureur de la République des éléments qui permettent de penser qu'ils seront poursuivis,
02:37 peut-être même pour des faits d'homicide volontaire. D'abord parce que l'on voit et on sait maintenant qu'on lui a tiré trois fois dessus,
02:43 et à une faible distance puisqu'il remontait la rue et qu'il est passé devant les policiers du Raid.
02:49 Ce qui veut dire qu'il y a peut-être une intention de tuer, on le verra plus tard.
02:53 Et puis surtout il n'y a aucun fait justificatif, aucune légitime défense, donc rien qui puisse justifier le tir de ces policiers.
03:02 Et donc rien qui puisse les exonérer de leur responsabilité pénale.
03:07 Cécile Olivier. Maître, vous faites allusion à ce qu'écrit le parquet dans son communiqué qui écrit que la victime aurait participé au pillage,
03:18 vu qu'on le voit poursuivre un homme qui vient de voler un sac. Vous dites que c'est de la diffamation, que la famille dit que ce n'est pas ce que Mohamed aurait pu faire.
03:29 Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'à partir du moment où le procureur de la République décrit une scène où Mohamed essaye d'empêcher un voleur de voler,
03:39 en tirer la conclusion qu'il aurait participé à des vols est plus que hâtif, voire diffamatoire.
03:46 C'est la raison pour laquelle, évidemment, le procureur de la République de Marseille sera poursuivi devant un tribunal correctionnel.
03:52 On ne peut pas se permettre, au seul motif que l'on souhaite protéger des policiers qui sont eux-mêmes auteurs de la mort d'un homme,
04:01 d'essayer de salir la mémoire d'un homme qui a peut-être participé à un acte civique. C'est inadmissible. C'est ce que l'on fait habituellement.
04:09 On l'a déjà vu dans d'autres affaires, pour Nahel ou pour bien d'autres encore, Rémi Fraisse, Cédric Chouviard ou bien d'autres encore.
04:17 C'est quelque chose qui est inadmissible et qui ne doit plus jamais être réalisé, encore moins par un procureur de la République, encore moins s'agissant d'un homme qui vient de mourir.
04:25 – Maître Haïmi, que je comprenne bien dans vos propos, parce que vos accusations et ce que vous êtes en train de nous donner comme informations est grave, est important.
04:33 Vous dites que le procureur aurait essayé de protéger les policiers ? C'est ce que je viens d'entendre ? C'est ce que vous venez de dire ?
04:43 – Alors je ne dis pas qu'il aurait essayé, si je dis qu'il a protégé les policiers dans son communiqué de presse en essayant de salir la mémoire d'un homme,
04:53 puisqu'il indique que Mohamed Bendris aurait tenté d'empêcher un vol, mais qu'il en tire la conclusion qu'il aurait participé à un vol.
05:03 Et ça, c'est absolument inadmissible. Donc oui, c'est une accusation et oui, évidemment, il y aura des poursuites en diffamation contre le procureur de la République,
05:10 qui à mon avis a essayé de salir la mémoire de Mohamed Bendris dans ce contexte pour essayer de justifier qu'il n'ait pas demandé la détention provisoire de ses policiers.
05:21 – Maître Haïmi, sur quelle base la famille peut dire que Mohamed a essayé au contraire de récupérer le larcin du jeune homme ?
05:34 Qu'est-ce qui permet d'accréditer cette thèse ?
05:40 – Sur la base des déclarations du communiqué de presse, ce qui est contradictoire.
05:43 Le communiqué de presse du procureur de la République indique qu'il a essayé d'empêcher et de retirer le larcin d'un voleur.
05:49 Il en conclut des choses qui sont de caractère diffamatoire, puisque accuser un homme d'avoir voulu voler alors même qu'il aurait pu empêcher un vol est diffamatoire.
06:00 – Restez avec nous, Maître Haïmi. Nous sommes avec Rudy Mana, qui représente le syndicat Alliance dans cette région des Bouches-du-Rhône.
06:07 Bonsoir Rudy Mana. Quelle est votre réaction, vous, à la mise en examen de vos collègues, je rappelle,
06:12 "violences volontaires avec arme", et ils sont placés sous contrôle judiciaire.
06:15 – Écoutez, on me prend en practe cette décision. Nous, ce soir, on est soulagés que les trois policiers du RAID puissent revoir leur famille,
06:28 parce que ça fait 48 heures à l'IGPN, une journée au parquet. Ce soir, ils vont pouvoir enfin revoir leur famille.
06:36 L'enquête va se dérouler sereinement. Le contrôle judiciaire est fait pour ça, la mise en examen est faite pour ça.
06:43 Il y aura des auditions par les juges d'instruction. Tout ça va se faire dans le calme et la sérénité.
06:48 Ce soir, ce que je voudrais dire, c'est qu'il ne faut pas oublier que pendant cinq jours, ça a été des émeutes terribles en France.
06:56 Une guérilla urbaine tous les soirs, notamment sur Marseille.
07:00 On a eu recours d'ailleurs à ces services très spécialisés que sont l'ABRI et le RAID, ces unités d'élite,
07:06 pour venir en soutien aux forces de police, aux forces de sécurité publique, aux compagnies républicaines de sécurité,
07:12 parce que nous n'arrêtons plus à endiguer le phénomène.
07:15 Et on voit aujourd'hui que ces policiers du RAID sont eux aussi passés à la moulinette, sont eux aussi devant la justice et sont eux aussi mis en examen.
07:26 Donc moi, je crois qu'ils vont répondre de leurs actes. Il n'y a pas de souci. Ils donneront toutes les explications nécessaires.
07:32 Je crois que les policiers ont quand même répondu présent pendant cette période.
07:36 Il est temps aujourd'hui que l'État réponde présent aussi.
07:39 Je termine là-dessus. Je vous donne juste le sentiment des policiers.
07:44 – Oui, c'est-à-dire que la colère n'est pas retombée, ça va continuer alors ?
07:51 – Ce n'est pas forcément… C'est une colère maintenant, c'est vraiment un malaise beaucoup plus profond.
07:56 Parce que le sentiment qu'on a aujourd'hui, c'est qu'avant, et on rentrait pour ça, on risquait notre vie,
08:02 pour préserver la liberté de nos concitoyens.
08:05 Aujourd'hui, tous les policiers ont le sentiment de risquer leur liberté pour préserver celle de la société.
08:11 Et ça, ça devient de plus en plus difficile pour les policiers et les gendarmes de France à vivre.
08:17 Bien sûr qu'il y a des actes qui méritent des sanctions sévères.
08:22 Mais là, on ne peut pas faire abstraction de ce qui s'est passé pendant ces cinq jours en France.
08:27 C'était la guérilla urbaine. Tout était détruit.
08:30 Et aujourd'hui, on a l'impression qu'en plus de prendre des risques pour notre vie,
08:34 on prend des risques pour notre liberté.
08:36 Alors que tous ces émeutiers-là, eux, prennent des risques pour leur liberté,
08:40 mais pour détruire le pays.
08:41 Que nous, c'est pour garantir la liberté de nos concitoyens.
08:44 C'est ça le sentiment de tous les policiers de France aujourd'hui.
08:47 Et c'est pour ça que le malaise est toujours aussi profond.
08:51 – Je comprends Rudi Maim, mais il y a deux choses.
08:52 Il y a la nuit des émeutes, les policiers qui étaient confrontés à des moments de tension très violents.
08:58 Et puis il y a un fait qui est un fait criminel,
09:01 c'est-à-dire, c'est ce que déterminera l'enquête,
09:04 mais qui est celle de la mort d'un jeune homme.
09:06 Donc il faut dissocier les deux.
09:08 – On déplore bien évidemment la mort de ce jeune homme.
09:12 Et vous savez, un policier, quand il commence une vacation,
09:15 j'ai eu l'occasion de le dire souvent aussi sur votre antenne,
09:17 la seule chose qu'il espère, c'est de ne pas avoir utilisé son arme
09:21 ou les armes qu'on lui donne pour essayer d'endiguer ces phénomènes.
09:25 Je vous assure, tous les policiers de France rêvent de ça.
09:28 Tous les policiers de France rêvent d'avoir une vacation tranquille
09:32 et de rentrer tranquillement à la maison pour retrouver femme et enfant.
09:36 Ça, c'est la priorité de tous les flics de France.
09:39 Et après, parfois, il y a des phénomènes, il y a des situations insurrectionnelles.
09:44 Et je crois que le pays, ce soir-là, est en situation insurrectionnelle.
09:48 Et il a fallu faire usage d'armes intermédiaires, le LBD.
09:52 Et en l'occurrence, et c'est un autre grand regret, c'est un autre grand malheur,
09:56 parce qu'on ne veut pas de ça.
09:58 Il y a une personne qui est décédée.
10:00 Il faudrait que l'enquête prouve que c'est ces tirs-là
10:04 qui ont causé la mort de ce jeune homme.
10:07 Mais aujourd'hui, j'ai confiance totale à la justice
10:11 pour entendre tous les protagonistes, tous les policiers qui étaient à l'origine.
10:16 – Vous en doutez que ce soit les tirs ?
10:18 – Non, non, pas du tout.
10:21 Non, pas du tout, je ne sais pas du tout.
10:23 Franchement, je ne maîtrise rien de cette enquête.
10:25 Il n'y a vraiment rien qu'à filtrer, donc je ne le sais absolument pas.
10:29 Mais je veux dire, il faut laisser le temps de l'enquête,
10:31 il faut laisser le temps de la justice,
10:32 il faut laisser le temps aussi des investigations plus poussées
10:36 pour voir si ce sont ces tirs qui ont causé le décès de cette pauvre victime.
10:42 – Merci Rudi Mana.
10:44 Je reviens vers vous, Maître Halimi.
10:46 Vous entendez, il faut contextualiser,
10:48 tenir compte de la situation de tension dans laquelle nous étions tous ces jours-ci.
10:52 C'est ce qu'explique le policier à l'instant.
10:55 – Oui, bien sûr, je sais, c'est le discours traditionnel des syndicats de police,
11:02 c'est le discours traditionnel du ministère public, du procureur de la République.
11:06 C'est le discours traditionnel pour essayer de justifier la mort,
11:10 justifier un homicide, justifier la mort d'un homme
11:13 qui n'a pas participé à des émeutes,
11:16 qui n'a commis aucun acte de violence qui puisse justifier sa mort.
11:19 Alors je pense qu'il y a un moment où il faut cesser de contextualiser et de dire,
11:24 voilà, des policiers ont tiré trois fois sur un homme, l'ont tué,
11:28 nous regrettons et nous espérons que la justice fasse son œuvre.
11:32 Ça suffit en soi.
11:34 Après, il y a des questions politiques qui se posent.
11:36 Évidemment, les syndicats de police auraient raison de les poser,
11:39 mais dans le bon sens.
11:41 La première question politique qui se pose,
11:42 c'est de savoir pourquoi le ministère de l'Intérieur a envoyé des policiers du RAID,
11:46 des policiers hyper spécialisés,
11:49 des policiers hyper entraînés avec des armes
11:51 qui ne sont pas forcément adaptées au maintien de l'ordre,
11:53 ni eux-mêmes d'ailleurs,
11:54 dans les rues de Marseille pour des violences urbaines.
11:56 Et d'ailleurs, le contrôle judiciaire qui a été ordonné
11:59 établit le fait que ces policiers n'avaient strictement rien à faire
12:02 dans les rues de Marseille ce jour-là,
12:03 et ils leur interditent de participer à du maintien de l'ordre à l'avenir.
12:07 Donc voilà la question qui doit être posée aujourd'hui par les syndicats
12:09 s'ils veulent poser une vraie question efficace
12:11 pour que ces drames ne puissent pas se renouveler à l'avenir.
12:15 Pourquoi est-ce que le ministère de l'Intérieur a ordonné au RAID
12:18 de venir à Marseille cette nuit-là ?
12:20 Et pourquoi est-ce que Mohamed et Abdelkarim, aussi son cousin,
12:24 ont été mutilés ? Parce qu'on n'en a pas terminé avec le RAID.
12:27 Abdelkarim accuse aussi le RAID de l'avoir mutilé sans aucune raison.
12:31 Ça fera partie de la suite à venir, évidemment.

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