L'interview de Florian Guénot

  • l’année dernière
Le secrétaire Zone Sud Alternative Police, Florian Guénot, était l’invité d'Olivier de Keranflec'h dans #LaMatinale sur CNEWS.

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Transcript
00:00 à minima dans les rangs d'une police sans malaise.
00:02 Garde à vue de trois hommes de l'unité d'élite du RAID
00:05 dans le contexte, vous le savez, des dernières émeutes.
00:07 Individus relâchés après avoir blessé un policier
00:10 lors d'un refus d'obtempérer ou encore agression violente
00:13 d'un policier hors service à Marseille.
00:15 L'actualité concernant la police, je vous le disais,
00:17 est chargée ces derniers jours.
00:18 Une institution qui traverse une période difficile
00:21 avec des hommes à bout malgré le soutien du ministre de l'Intérieur.
00:25 On va en parler de tout cela avec Florian Guénaud,
00:28 secrétaire zone sud alternative police.
00:32 Florian Guénaud, bonjour.
00:33 Merci d'avoir accepté notre invitation sur ces news.
00:37 Alors, à la une, ces dernières heures,
00:38 vos trois collègues du RAID, unité d'élite, on le rappelle,
00:43 qui sont toujours en garde à vue
00:45 dans le cadre d'une enquête sur la mort d'un homme de 27 ans
00:48 en marge des émeutes, début juillet, à Marseille.
00:52 Quel est votre regard ce matin sur ces trois gardes à vue ?
00:56 Bonjour à vous.
00:59 Déjà, rappeler le contexte,
01:02 il s'agit d'une enquête en cours.
01:04 Les gardes à vue, c'est une mesure dans laquelle
01:07 les collègues sont entendus.
01:09 Gardes à vue, je rappelle que ça ne peut pas dire être coupable
01:13 ou être jugé, quoi que ce soit.
01:17 C'est tout à fait normal dans ce type d'affaires
01:19 que les collègues soient entendus sous le régime de la garde à vue.
01:22 Donc, je suis ravi de savoir que deux des collègues
01:26 ont été libérés hier soir.
01:28 Mes trois autres collègues ont passé la nuit en garde à vue,
01:32 comme vous le savez.
01:33 D'après mes informations, la garde à vue, la nuit,
01:36 s'est bien passée, donc c'est déjà une bonne chose.
01:38 La suite des auditions continuera aujourd'hui, donc on verra.
01:42 Donc, l'enquête se poursuit.
01:44 Néanmoins, on s'interroge ce matin sur notre antenne.
01:47 Le RAID, la BRI, il y a eu aussi le GIGN,
01:51 la gendarmerie cette fois, en tout cas des unités d'élite.
01:55 Elles ont été engagées sur ces émeutes.
01:58 Était-ce approprié, justement, de les engager
02:02 pour une mission de gestion de foule,
02:04 quand on sait que ce n'est pas leur mission première ?
02:08 C'est sûr, c'est le IGPN, c'est pas leur mission primitaire,
02:17 c'est pas la violence urbaine, c'est pas les émeutes.
02:20 Après, là, les scènes de guérilla qu'on a vécues,
02:22 pour le coup, j'étais sur place, j'ai travaillé ces nuits-là,
02:26 donc je sais de quoi je parle.
02:28 C'était vraiment le chaos total.
02:30 Après, à mon sens, je pense qu'il s'agissait plus
02:33 d'un message de communication pour afficher la fermeté
02:35 afin d'essayer de rétablir l'ordre.
02:39 Mais il est vrai que le RAID, le GIGN ou la BRI,
02:44 c'est pas des services faits pour faire du maintien de l'ordre.
02:48 C'est plus des unités d'élite faites pour intervenir rapidement,
02:54 efficacement et mettre un terme à des situations dangereuses
02:58 avec des individus très très dangereux.
03:01 Donc vous y voyez davantage un message politique finalement
03:03 dans leur déploiement au moment des émeutes,
03:05 c'est ce que vous nous dites ce matin ?
03:08 Message politique, je sais pas.
03:10 Une communication politique, plus précisément.
03:12 Je pense que c'est plus un message de fermeté aussi,
03:15 afin de rétablir l'ordre.
03:16 Parce qu'il est vrai que quand le RAID se mobilise,
03:20 le GIGN se mobilise, c'est quand même impressionnant.
03:23 C'est pas nous qui arrivons avec nos voitures de police habituelles,
03:30 comme on l'a vu dans les images.
03:32 Donc c'est un peu plus impressionnant.
03:33 Donc c'est vrai que pour les émeutiers,
03:35 ça a dû être un choc psychologique de voir le RAID arriver
03:37 et le GIGN arriver.
03:38 Ensuite, pour ce qui est de pourquoi et comment
03:41 ils ont été amenés à intervenir,
03:45 ça c'est compliqué de répondre à l'heure actuelle.
03:48 Après, je pense que l'enquête va établir aussi
03:50 pourquoi le RAID a été sur place, j'imagine.
03:53 On va suivre cette enquête bien évidemment de très près.
03:56 Donc trois gardes à vue de vos collègues du RAID.
04:00 Une affaire après celle de l'agent de la BAC.
04:03 Alors cette fois, lui qui a été placé en détention provisoire,
04:05 ça s'est passé à Marseille.
04:07 Conséquence, la colère de votre profession.
04:11 Aujourd'hui, c'est vrai que beaucoup de vos collègues
04:13 qui étaient en arrêt de travail,
04:15 pour la plupart sont de retour dans les commissariats.
04:19 Mais à croire ce que l'on peut observer ces dernières heures,
04:22 ces derniers jours, on peut sentir une baisse de motivation.
04:26 Dites-nous, quel est l'état d'esprit aujourd'hui
04:28 dans les commissariats de police ?
04:32 Après, il y a une telle souffrance, un tel mal-être
04:34 qu'il faut prendre au sérieux.
04:38 Il faut arrêter de croire que ce ne sont que des arrêts de complaisance.
04:41 D'autant que ce sont des médecins qui délivrent les arrêts maladie.
04:44 Ce ne sont pas les policiers qui se mettent en maladie d'autorité.
04:48 Après, il est vrai que le malaise date de longue date.
04:55 Ce n'est pas un malaise qui est arrivé d'aujourd'hui.
04:57 On le connaît tous, le mal-être.
04:58 Je pense qu'on a passé quelques années compliquées déjà.
05:02 Après, l'affaire de Marseille a été sûrement la goutte d'eau
05:06 qui a relevé la souffrance, qui a mis en avant cette souffrance.
05:10 Ce sentiment d'abandon, cette perpétuelle présomption de culpabilité
05:16 qu'on connaît et qu'on voit régulièrement.
05:19 Après, je pense que là, certains collègues qui ont repris le travail
05:24 se sentaient en capacité de reprendre.
05:27 Mais je connais pas mal de collègues qui sont psychologiquement…
05:32 De façon…
05:34 Que le malaise est tellement présent qu'ils ne sont pas en capacité
05:38 de reprendre le travail actuellement.
05:39 Et je pense que les enquêtes en cours ne les poussent pas à aller mieux non plus.
05:46 Effectivement, vous parlez des enquêtes en cours.
05:48 Est-ce qu'il pourrait y avoir des conséquences très concrètes dans vos rangs ?
05:51 C'est-à-dire des patrouilles de police qui refuseraient de pourchasser un délinquant
05:57 parce qu'il est en scooter, avec la peur derrière de se retrouver devant la justice ?
06:02 Est-ce que certains de vos collègues pourraient laisser les LBD,
06:05 par exemple, au placard et refuser d'intervenir ?
06:09 Est-ce que ce sont des situations que l'on pourrait observer, selon vous,
06:13 dans les prochains jours, dans la police ?
06:15 C'est une inquiétude ?
06:18 Une inquiétude…
06:20 C'est pas une inquiétude parce que connaissant mes collègues,
06:23 connaissant leur professionnalisme,
06:27 tout ce qui est atteinte aux personnes sera toujours pris très au sérieux par mes collègues.
06:34 Ce qui est sûr, c'est que l'utilisation du LBD ou même la prise en compte du LBD
06:40 sera sûrement un autre débat,
06:42 parce que je ne pense pas que les collègues aient envie de prendre à nouveau des LBD
06:46 dans le contexte actuel, étant donné que le LBD est souvent remis en cause,
06:51 alors que c'est une dotation collective que l'administration nous a donnée,
06:55 en dotation, à laquelle on a été tous habilités,
06:59 enfin pour ceux qui sont habilités et qui peuvent prendre cette arme.
07:02 On a tous cette habilité, on a une formation complète,
07:05 donc je pense que les collègues ne se sentent pas non plus protégés d'utiliser ces armes,
07:10 donc je pense qu'ils les mettront au placard, comme vous dites, oui c'est sûr.
07:13 Alors dans l'actualité également, ces dernières heures,
07:16 ça se passe à Lyon, un homme suspecté d'avoir traîné un policier municipal,
07:20 cette fois sur plusieurs mètres, après un refus d'obtempérer.
07:24 Ça s'est passé vendredi dernier, le suspect a été remis en liberté jusqu'à son jugement,
07:29 un jugement qui est prévu le 14 décembre prochain.
07:32 Il est placé, lui, sous contrôle judiciaire à cette date.
07:36 Une décision qui provoque là encore votre incompréhension,
07:41 alors comme on le disait des policiers du RAID,
07:43 en garde à vue, un agent de la BAC en télétransport provisoire,
07:45 est-ce que vous avez sentiment d'un deux poids deux mesures de la justice ?
07:50 C'est tout à fait ça, c'est l'exemple même de l'incompréhension en fait,
07:53 du malaise que les policiers peuvent expliquer,
07:59 et que je comprends totalement parce que c'est vrai que voilà,
08:03 quand on voit que la présomption de culpabilité est tout à fait,
08:08 est tout à fait, comment dire, le cas de la plupart de mes collègues,
08:12 c'est toujours dès qu'il y a une affaire avec des policiers en cause,
08:16 on est coupable avant même d'être jugé, avant même que l'enquête soit terminée,
08:19 alors qu'il y a des chauffeurs comme là à Lyon,
08:22 à traîner un policier municipal sur plusieurs mètres,
08:27 il est alcoolisé au volant d'une voiture, il est interpellé,
08:32 présenté à un magistrat et il est remis en liberté sous contrôle judiciaire.
08:37 Il y a deux poids deux mesures clairement,
08:39 et c'est là où l'incompréhension elle est palpable,
08:43 où là on peut comprendre pourquoi les policiers ne comprennent plus,
08:46 ne se sentent plus protégés, se disent "en fait nous sommes quoi en fait ?
08:49 Est-ce que nous sommes des sous-citoyens ?
08:52 Est-ce que nous devons être jugés plus sévèrement que les autres ?
08:57 Enfin je veux dire, on est des hommes comme les autres,
09:00 malheureusement on n'est pas des robots, on n'est pas des sur-hommes.
09:04 Donc je veux dire, il faut prendre en compte la totalité des choses,
09:08 et cet exemple même qui est très judicieux de le rappeler,
09:13 c'est l'exemple même de l'incompréhension totale de mes collègues,
09:16 et que je partage totalement.
09:18 Peut-être avant de vous libérer Florian Guénaud,
09:21 cette affaire également, l'un de vos collègues agressé à Marseille,
09:25 des vidéos circulent, des vidéos qui montrent une altercation violente.
09:29 Votre collègue hors service a fait usage de son arme.
09:33 Est-ce que vous disposez d'éléments concernant cette affaire ?
09:38 Sur cette affaire, je vais être honnête avec vous,
09:43 le collègue en question je le connais très bien.
09:46 Ce collègue-là a fait ses premiers pas dans la police avec moi,
09:49 dans la police secours,
09:50 donc c'est quelque chose qui me touche vraiment.
09:52 Et les vidéos dans lesquelles vous parlez actuellement,
09:55 je les ai vues, je les ai écoutées,
09:57 et d'entendre mon collègue crier au secours,
10:00 comme ça, ça m'a retourné le sang pour vous dire.
10:03 J'ai encore des frissons rien que d'en parler.
10:07 Et j'avoue que des informations,
10:09 je ne pourrais pas vous en donner plus que ça,
10:10 vous avez vu les images, les images parlent d'elles-mêmes.
10:13 La seule chose que je pourrais dire c'est que,
10:15 aujourd'hui, on se rend compte qu'en fait,
10:17 décliner sa qualité, c'est un danger, totalement.
10:22 Et c'est là où on se dit qu'il y a un problème dans notre société,
10:24 c'est qu'un policier, s'il dit qu'il est policier,
10:27 c'est pire en fait.
10:30 Effectivement, il y a eu une enquête…
10:32 Et là, il a eu de la chance, notre collègue,
10:34 franchement, il a eu de la chance, il a eu du sang froid.
10:36 Et pour connaître ce collègue parfaitement,
10:41 c'est un collègue exemplaire,
10:44 c'est un collègue qui, comme vous l'avez dit,
10:46 a fait ses premiers pas avec moi.
10:48 Et j'en ai encore les frissons, je vous le dis vraiment,
10:50 j'ai encore…
10:52 C'est compliqué d'en parler parce que j'ai encore les images dans la tête.
10:55 Et c'est vrai que j'ai eu très peur pour mon collègue.
10:57 Et une enquête qui est en cours,
10:58 on suivra tout cela de près,
11:00 enquête ouverte par le Parquet de Marseille notamment.
11:03 Un grand merci, Florian Guénaud,
11:04 d'avoir accepté notre invitation ce matin sur CNews.
11:07 [Musique]
11:11 [SILENCE]

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