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Je suis parti à Dubaï pour réaliser un reportage sur les conditions de vie des travailleurs sur place et le désastre écologique qu'est la ville. Tout ceci met aussi en perspective nos propres modes de vie. Y a-t-il une réelle différence entre les Emirats Arabes Unis et la France ?
En partant à l'aventure pour explorer la Marina 101, des cercles de culture dans le désert, les labour camp dubaïotes ou encore la station de ski à Dubaï, je dresse ainsi un portrait de la démesure de Dubaï et des pétromonarchies en général (Qatar, Barheïn, Arabie Saoudite...).
C'est par le prisme de l'hybris grecque que je tente de comprendre la symbolique de Dubaï et l'esclavage moderne qu'elle met en place.
Un documentaire société inédit et indépendant.

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Transcription
00:00 C'est le plus grand immeuble d'habitation pour Mnong'e et depuis 2017 il est abandonné.
00:12 C'est meublé, ça attend qu'à être habité.
00:15 Derrière moi, se trouvent des hectares et des hectares de champs complètement verts.
00:22 [Musique]
00:49 Là je me casse, je cours, bref, j'ai échappé à la police d'Ubaïyot.
00:54 [Musique]
01:02 Si je me suis retrouvé à Dubaï en plein mois d'août, c'est parce que je cherchais un sujet de reportage
01:06 qui allie l'écologie et le social pour les deux semaines de vacances que j'avais.
01:10 Je voulais aussi que ce sujet reflète nos modes de vie.
01:13 Le hasard m'a fait tomber sur une vidéo sur Dubaï.
01:15 J'ai immédiatement su que c'était là-bas que je voulais aller.
01:17 Et avant toute chose, j'avais un objectif en tête.
01:20 Je voulais rencontrer ces ouvriers qu'on dit esclaves modernes
01:23 et qui ont fait passer Dubaï d'un petit village de pêcheurs à la ville-monde qu'elle est en un demi-siècle.
01:28 Avec ses 3 millions d'habitants, dont 90% d'immigrés,
01:31 Dubaï est la plus grande ville des Émirats Arabes Unis, mais il n'en a pas toujours été ainsi.
01:35 Dubaï se situe sur un territoire très convoité par les puissances occidentales
01:39 pour sa position géographique sur la route de la Soie,
01:41 et devient donc un protectorat britannique en 1892.
01:45 Jusqu'en 1960, la ressource principale de la région est la pêche à la perle,
01:49 et la population s'élève à quelques dizaines de milliers d'habitants.
01:52 Mais l'arrivée sur le marché des perles de culture japonaise
01:55 et la découverte de gisements pétroliers va bouleverser bien des aspects du petit village de pêcheurs.
02:00 C'est vers cette époque, en 1971, que Dubaï déclare son indépendance
02:04 et s'associe à plusieurs petits émirats voisins comme Abu Dhabi pour former les Émirats Arabes Unis.
02:09 Deux voisins refusent, le Qatar et le Bahreïn, devenant des nations indépendantes.
02:14 Avec les différents chocs pétroliers, les revenus et la population de l'émirat vont exploser,
02:18 car on estime à 6% la part des Émirats Arabes Unis dans les réserves mondiales de pétrole.
02:23 Cependant, loin de se reposer sur cette manne, Dubaï anticipe la fin du pétrole dès 1990,
02:29 et entreprend une diversification de son économie.
02:32 Politique d'immigration favorable, impôt zéro sur les sociétés,
02:35 tout est mis en place pour attirer les investisseurs du monde entier.
02:38 Et le pays jusqu'alors insignifiant que représentaient les Émirats Arabes Unis
02:42 va devenir une puissance géopolitique à part entière, et un acteur majeur dans la région.
02:46 Mais c'est par la symbolique que Dubaï se démarque réellement.
02:49 Plus grand, plus vite, plus fort, sonne comme le mantra du village devenu Eldorado moderne.
02:54 Le luxe n'a plus de limite, et au prix dérisoire de la nature et des hommes,
02:57 la ville-monde est devenue l'image de la modernité insensée et du capitalisme débridé.
03:02 Un endroit qui est sans aucun doute la définition concrète de l'Ubris grec.
03:06 Mais avant toute chose, qu'est-ce que l'Ubris ?
03:08 Du grec ancien, la démesure chez les grecs, synonyme excès, orgueil.
03:13 L'Ubris est le péché ultime chez les grecs.
03:16 La seule faute qu'un homme puisse commettre est de se rendre coupable d'Ubris.
03:20 Oublier sa condition de mortel pour se porter au niveau des dieux et rejeter l'ordre naturel,
03:24 à l'opposé de l'idéal de tempérance et de modération qu'est la vie bonne.
03:28 Loin d'une politique de l'ordre, il s'agit de ne pas s'opposer à ce que la Moïra, le destin, donne.
03:34 L'ambition est permise, mais jamais plus que la juste mesure.
03:37 Chaque empereur gricoromain a ainsi vu, lors de ses marches triomphales dans la cité éternelle,
03:42 cet esclave derrière son char, lui criant "Memento mori".
03:46 Rappelle-toi que tu vas mourir, n'oublie pas ta condition.
03:48 C'est cette condition que Sisyphe a oublié.
03:51 Alors que Thanatos venait le punir pour avoir contrarié Zeus,
03:54 il enchaîna le dieu de la mort avec Malice, échappant une première fois à son destin.
03:59 Il réussit une seconde fois à échapper à sa condition en fuyant les enfers,
04:02 dans lesquels Ares l'avait emmené, en convainquant Hadès de le laisser repartir
04:06 pour obtenir des funérailles convenables, après qu'il a demandé à sa femme de ne pas l'enterrer.
04:11 Mais de retour à Corinthe, Sisyphe décida de rester parmi les vivants,
04:14 et fut donc ultimement puni par les dieux.
04:16 C'est le sort de ceux qui pêchent par Eubrys, la Némésis,
04:20 la juste colère des dieux pour rétablir l'équilibre.
04:23 Dans le mythe, Sisyphe est envoyé dans le Tartare, l'enfer des grecs,
04:26 et est condamné à pousser un rocher en haut d'une colline pour l'éternité,
04:30 sans jamais réussir à atteindre le sommet sans que la pierre ne redescende.
04:34 Qu'auraient pensé les grecs devant Dubaï, et le mythe de démesure qu'elle s'évertue de créer ?
04:39 Cette recherche de la toute-puissance, au mépris des lois humaines et naturelles,
04:43 connaîtra-t-elle sa Némésis ?
04:44 Et bien loin, dans nos vies post-modernes tout confort,
04:47 saurons-nous voir Dubaï pour ce qu'elle est vraiment ?
04:50 Un avertissement.
04:51 Dans sa quête de puissance géopolitique et économique,
04:58 Dubaï doit se placer comme la ville puissante par excellence.
05:01 Elle attire ainsi touristes et investisseurs, et perpétue une image hors temps,
05:05 un nouvel Eldorado.
05:07 Tous ces gratte-ciels, et ces merveilles du monde moderne qui font régulièrement la une de nos journaux,
05:11 et dont les images inondent les réseaux sociaux, fabriquent le mythe Dubaï.
05:15 Las Vegas, ou Singapour, semblent être des modèles pour la ville.
05:19 Pourtant, loin d'être une pâle copie de ces symboles,
05:21 Dubaï devient elle-même un symbole, et dépasse tous les autres.
05:24 En outre, elle représente une cité-monde sortie tout droit d'un film de science-fiction,
05:28 où l'essence du capitalisme et de la modernité est poussée à l'extrême.
05:32 La symbolique est donc clé dans la politique de Dubaï.
05:35 L'image vaut tout.
05:36 Peu importe le domaine, il s'agit d'être le meilleur.
05:38 Tout y passe.
05:39 L'hôtel le plus cher, la tour la plus haute, la police la plus rapide.
05:43 Je vous emmène donc dans un tour d'horizon de l'agence immobilière Ubris.
05:57 Voici la bourge Khalifa.
05:58 De ses 828 mètres, c'est la tour la plus haute du monde,
06:01 dépassant de 200 mètres ses concurrentes.
06:03 C'est sans doute le symbole le plus connu, et le plus marquant de la démesure Dubaïote.
06:10 Sa "Vanity Height", c'est-à-dire la différence d'altitude
06:16 entre le dernier étage de la tour et son sommet, est de 244 mètres.
06:20 Autrement dit, un tiers de la tour n'a aucune utilité,
06:23 autre que l'orgueil de ses concepteurs.
06:25 Alors même que les 330 000 mètres cubes de sable utilisés pour la fabrication du béton
06:29 est importé directement d'Australie.
06:31 Si vous préférez le luxe tranquille de l'hôtel le plus cher du monde,
06:51 avec ses 7 étoiles autoproclamées,
06:53 le Bourj Al Arab est fait pour vous.
06:56 Alors qu'à la fin des années 1990, le Dubai World Trade Center,
07:00 le plus haut building de la ville, s'élevait à 184 mètres de haut,
07:04 l'atrium de l'hôtel peut tout bonnement contenir l'immeuble dans toute sa hauteur.
07:08 Cette voile, face à l'océan, sur son île artificielle,
07:12 semble un bateau perdu dans la ville qui s'étend à perte de vue en villa luxueuse.
07:16 Dubaï étale ses constructions jusqu'à l'horizon,
07:19 avec sa densité de population dix fois plus faible qu'à Paris,
07:22 qui rend la moindre tour caduque.
07:25 Ces tours sont aussi le symbole d'un concours puéril que les pétro-monarchies se livrent.
07:30 C'est dans une surenchère d'Ubris que l'Arabie Saoudite a lancé la construction de la tour Jeddah,
07:34 suivie de peu par les Émirats Arabes Unis avec la Dubai Creek Tower.
07:38 Toutes deux censées dépasser le kilomètre de haut,
07:41 et toutes deux stoppées dans leur construction, faute de financement.
07:44 Car au pays de l'or noir, l'argent vient parfois à manquer.
07:47 En témoignent la bourge californique,
07:49 l'argent de l'argent du pays est de plus en plus élevé.
07:51 L'argent vient parfois à manquer.
07:53 En témoignent la bourge califa, initialement appelée bourge Dubaï,
07:56 sauvée par l'investissement du tchèque califa, après la crise de 2008.
08:00 Ce concours puéril a un autre prix, celui de l'environnement et des hommes.
08:07 J'ai pu aller à la rencontre de travailleurs du bâtiment,
08:09 et vous le verrez, l'esclavage moderne n'est pas une exagération.
08:12 Bien que futile, toutes ces fantaisies restent des prouesses architecturales,
08:16 à l'image du Dubai Frame, détenant le titre ô combien prestigieux,
08:20 du plus grand cadre de tableau vide.
08:22 Une structure gigantesque de 150 mètres par 93,
08:26 pour la modique somme de 60 millions de dollars,
08:28 et qui sert principalement de point d'observation de la ville.
08:31 Le projet est un peu comme un film,
08:34 mais avec un peu plus de détail,
08:36 et avec un peu plus de détail,
08:37 mais avec un peu plus de détail,
08:39 mais qui sert principalement de point d'observation de la ville.
08:42 Encore une fois, un symbole clinquant et inutile, mais qui fait parler.
08:47 Un peu plus loin, on peut admirer un immense anneau doré,
08:54 posé sur son dôme d'herbes immaculées.
08:56 À 5h du matin, seul moment où la chaleur reste supportable,
09:02 à tout de même plus de 35°C,
09:04 on y croise des ouvriers qui s'affairent à arroser les pelouses immenses,
09:07 et dépoussiérer les statues couvertes du sable du désert,
09:10 en suspension constante dans l'air.
09:12 Dans cette atmosphère pesante,
09:17 entourée par des buildings et une autoroute en pleine ville,
09:20 le musée du futur brille de mille feux.
09:22 Et quel futur, utopie d'une élite dorée, sans notion de la réalité,
09:27 et dystopie d'une cohorte d'ouvriers sans droits.
09:30 Car avant tout, Dubaï est la ville de tous les extrêmes,
09:34 et c'est peut-être en observant cette cité-monde de ma fenêtre,
09:37 que j'ai le plus appris.
09:39 La nuit, c'était dans un film de science-fiction que j'étais projeté.
09:45 Le ciel, vaporeux, faisait diffuser la lumière trop bleue des néons publicitaires,
09:49 pour me plonger dans l'univers crasseux de Blade Runner.
09:53 De mon perchoir, au 64ème étage d'une tour,
09:56 j'ai pu observer le ballet incessant des bateaux dans la Palme Jumeirah,
09:59 et l'artificel de 5km de long,
10:01 des voitures sur les autoroutes à 12 et 8 voies,
10:04 dans un rayon de 500m,
10:05 et des ouvriers, travaillant nuit et jour à la construction du nouveau gratte-ciel luxueux,
10:09 de la Marina.
10:11 Au loin, s'est étendu infini de lotissement huppé,
10:14 avec golf arrosé toute l'année, et piscine privée.
10:17 Dubaï, la ville nouvelle,
10:19 ancrée dans le 21ème siècle, offrant au monde les constructions les plus folles,
10:23 n'a même pas pris la peine de développer une structure urbaine.
10:26 Les buildings poussent entre les terrains vagues,
10:28 formant des îlots d'altitude à des dizaines de kilomètres l'un de l'autre.
10:32 Alors que les Emirats Arabes Unis prévoient la fin du pétrole dans leur économie,
10:35 ils construisent une ville où sans voiture, on ne fait rien.
10:38 Enfin si, on peut toujours prévoir une petite séance de ski.
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11:56 Imaginez, un congélateur géant en plein désert.
11:59 400 mètres de longueur pour 80 de largeur et autant en hauteur.
12:02 Les températures qui dépassent parfois les 50°C à l'extérieur semblent bien loin.
12:06 Une fois dans l'air glacé, porté à 4°C en dessous de 0, de cet immense frigo.
12:11 Pas de montagne, pas d'alpes, pas de sommets enneigés, pas de problème.
12:14 A Dubaï, on construit des stations de ski artificiels en plein désert.
12:18 Peu importe la débauche de moyens et les 250 millions de dollars qu'ont coûté les 500 mètres de pistes dévalées en moins de 30 secondes.
12:25 Il aura fallu un mois entier pour faire passer la température de l'enceinte sous les 0°C.
12:30 Ce luxe inutile est accessible directement dans le Mall of Emirates,
12:33 deuxième plus grand centre commercial de la ville après le Dubai Mall qui détient le record mondial.
12:39 Ces immenses temples de la consommation dédiés aux dieux hubris accueillent chaque année le festival du shopping.
12:45 Un mois durant, des millions d'acheteurs venus du monde entier dépensent plusieurs milliards de dollars en voitures de luxe, bijoux et vêtements des plus grandes marques du monde.
12:53 Rien n'arrête la frénésie de la consommation, poussant les émiratis et expatriés aisés à se réfugier tous les week-ends à l'abri du soleil dans les étalages clinquants de galeries marchandes démesurées.
13:02 Pour couronner ces semaines de folie, pourquoi ne pas séjourner dans l'hôtel donnant sur l'unique piste de ski Dubai Hote?
13:08 Rien de mieux pour profiter de la vue sur le domaine skiable ou pour aller prendre un café au chalet Alpins, confortablement installé sous un des parasols chauffants.
13:16 Absurdité au sein de l'absurdité.
13:18 Après toutes ces visites, je suis passé par un endroit emblématique de Dubai pour le commerce, mais qui fait surgir des questions nettement plus politiques qu'un centre commercial.
13:37 Le souk de l'or, situé dans la vieille ville, est une plaque tournante du fameux métal.
13:41 A chaque instant dans l'année, plusieurs tonnes d'or sont présentes dans les dizaines et dizaines de jeaux alliés et détaillants.
13:47 Mais cette fois-ci, le véritable problème est bien plus concret que symbolique.
13:51 Car parmi tout cet or, le blanchiment est plus que monnaie courante, parfois même pour financer le terrorisme.
13:56 C'est le moment donc de faire une petite pause géopolitique.
14:04 Mon but ici n'est pas de tourner Dubaï, les Emirats Arabes Unis ou les Pétron monarchies en bouc émissaire,
14:09 mais à la lumière des symboles qu'ils sont, avoir un regard lucide sur les dérives de nos sociétés.
14:14 L'exemple Dubaï est extrême, certes, mais en sommes-nous si éloignés.
14:17 Alors que les Emirats Arabes Unis se disent force anti-terroriste à l'international,
14:22 notamment avec une politique des mœurs bien plus souple que chez ses voisins, la réalité est plus trouble.
14:27 Le pays est une plateforme de blanchiment d'argent, notamment pour des groupes terroristes islamistes.
14:32 Dubaï a en effet une politique anti-blanchiment plus que flexible,
14:35 et une grande partie de l'or et des minerais rares sortant illégalement du continent africain transitent par Dubaï.
14:41 Ces métaux, exploités par des groupes terroristes au Sahel ou par des groupes de guerre au Congo,
14:45 financent directement la guerre dans ces pays.
14:49 Mais les Emirats Arabes Unis sont eux-mêmes embourbés dans une guerre terrible qui se prolonge depuis plusieurs années.
14:54 Au Yémen, depuis 2014, une guerre civile oppose la rébellion Houthi et les alliés du gouvernement Hadi,
15:00 soutenue par une coalition dirigée par l'Arabie Saoudite, dans laquelle on retrouve les Emirats Arabes Unis.
15:05 Pour ces derniers, il s'agit de protéger des intérêts économiques, le Yémen étant aussi le berceau du pays.
15:11 Il s'agit aussi d'empêcher le grand ennemi chiite, l'Iran, de gagner trop de pouvoirs.
15:15 Cette guerre est terriblement meurtrière, y compris pour les populations civiles.
15:19 En plus des tortures perpétrées dans les prisons yéménites,
15:22 ce sont plus de 100 000 personnes mortes dans des combats et des bombardements,
15:25 dont 10 000 civils, après que des frappes de la coalition ont visé des écoles, des mosquées ou des hôpitaux.
15:32 Des crimes de guerre commis en toute impunité.
15:35 En outre, la crise humanitaire causée par la guerre a fait 2 millions de déplacés,
15:39 et a privé la majorité de la population d'accès à l'eau et aux soins.
15:43 Il est aussi estimé à 200 000 le nombre de victimes de cette crise.
15:48 Et pourtant sur place, on retrouve très peu de soldats de la coalition.
15:52 La plupart des combattants font partie de milices locales ou sont des mercenaires africains.
15:56 Ces derniers, souvent très jeunes, sont recrutés pour être formés et surveiller les frontières émiraties.
16:01 Cependant, leurs portables et leurs papiers sont saisis dès leur arrivée sur le territoire,
16:05 et ils rejoindront le front, dont ils ne reviendront pas.
16:08 Ces deux exemples, bien qu'éloignés de notre vie quotidienne,
16:11 interrogent sur notre responsabilité, et sur celle des pays occidentaux.
16:15 Non seulement les minerais de guerre qui transitent par Dubaï sont avant tout destinés
16:18 à fabriquer nos ordinateurs et nos portables, mais la France soutient directement les Emirats Arabes Unis
16:23 dans leur offensive au Yémen.
16:25 Entre 2008 et 2017, les Emirats Arabes Unis étaient au sixième rang des exportations d'armes françaises.
16:30 En ajoutant l'Arabie Saoudite, on atteint les 15 milliards de chiffre d'affaires.
16:35 *Musique*
16:53 Car ces armes envoyées par la France tuent, et pas seulement des militaires.
16:57 A la frontière émiratie, on retrouve des canons César de fabrication française,
17:01 d'après un rapport de la direction du renseignement militaire.
17:03 437 000 civils sont dans leur viseur, et une étude de Disclose RT
17:08 affirme que 35 civils sont morts à la suite de 52 tirs d'artillerie au César.
17:13 Ce sont aussi des chars d'assaut Leclerc et dix Mirage 2000 qui sont envoyés sur le front.
17:18 Pire encore, des hélicoptères français et une frégate naval groupe
17:21 servent dans les blocus de certains ports yéménites,
17:24 dans une politique de la famine à peine dissimulée.
17:27 Tout ceci justifie bien de donner, comme la France l'a fait,
17:30 la grand croix de l'ordre national du mérite, et de l'ordre national de la Légion d'honneur,
17:35 à Mohammed Ben Zayed, le leader des Émirats Arabes Unis.
17:38 Les affaires avant tout.
17:39 [Musique]
18:06 La débauche est le luxe qui caractérise Dubaï,
18:08 à non seulement un impact humain, que je vous emmènerai voir dans la suite de ce film,
18:12 mais se fait aussi au détriment de la nature et de l'environnement.
18:16 Les Émiratis se placent quatrième au classement des pays les plus émetteurs de CO2 par personne.
18:20 Un Dubaïot émet deux fois plus de dioxyde de carbone qu'un français moyen,
18:24 et 50 fois plus qu'un Népalais dans son pays,
18:26 source de main d'œuvre inépuisable pour les gratte-ciels de la botte arabique.
18:31 Outre la consommation excessive à Dubaï,
18:33 l'inadéquation d'un mode de vie luxueux et le climat de cette région du monde
18:37 engendre une pollution massive.
18:38 Rien n'est interdit, surtout pas le confort.
18:40 Et comme Sisyphe, l'homme se dresse contre la nature pour la modeler à sa volonté,
18:45 sans prendre regard que c'est toujours elle qui sortira vainqueur.
18:48 [Musique]
19:05 Voici une des zones industrielles de Dubaï,
19:07 dans laquelle se situe un immense complexe de désalinisation de l'eau.
19:12 Car les Émirats Arabes Unis font partie du top 5 des pays les plus arides du monde,
19:16 avec ses 78 mm de pluie par an,
19:19 et les nappes phréatiques ont été vidées depuis bien longtemps.
19:23 Cela n'empêche pas les 3 millions d'habitants de Dubaï
19:25 de continuer à consommer 550 litres d'eau chacun, en moyenne par jour.
19:31 Comme l'absurde ne fait manifestement pas peur aux Dubaïotes,
19:34 la ville a notamment investi des millions dans des solutions comme le cloud seeding.
19:38 L'idée ? Envoyer un avion répandre de l'iodure d'argent dans l'atmosphère,
19:42 en espérant forcer les gouttelettes des nuages à former de la pluie.
19:45 Mais l'efficacité même de cette technique n'a jamais été prouvée,
19:48 et quand bien même, les estimations de gains en précipitation sont de l'ordre de 10%,
19:53 passant la moyenne annuelle de 78 à 86 mm.
19:58 Faute de mieux, les Émiratis se sont donc tournés vers l'eau de mer désalée.
20:02 Et même si cette technique est terriblement énergivore, ils ont tout le pétrole qu'ils souhaitent.
20:07 Ainsi, 99% de l'euro provient de la désalinisation,
20:27 et à raison de 2 kWh d'énergie utilisée pour 1 m3 d'eau,
20:30 et avec 5 milliards de m3 d'eau consommée par an dans tous les Émirats arabes unis,
20:34 on obtient un total de 10 kWh d'énergie dépensée en un an.
20:37 Et comme l'électricité émiratie est produite à partir de gaz,
20:40 la seule consommation d'eau de 10 millions d'émiratis rejette 6 millions de tonnes de CO2 dans l'air chaque année,
20:45 c'est-à-dire les émissions de plus d'un million de français en un an.
20:48 De plus, le procédé de désalinisation augmente la concentration en sel de la mer,
20:58 tuant la faune et la flore dans les environs.
21:00 Cette technique pourrait sauver bien des vies et permettre l'accès à l'eau à des millions de personnes,
21:04 mais dans les mains des émiratis, elle n'est qu'un outil de plus pour une débauche sans scrupule.
21:09 Preuve en est, le prix de l'eau est financé en grande partie par l'État,
21:12 et les citoyens ne voient même pas le vrai prix de la désalinisation,
21:15 les encourageant à consommer encore plus.
21:18 Cette eau est non seulement utilisée pour remplir les piscines des riches propriétaires,
21:23 mais aussi pour verdir les bords de routes, les jardins, les golfes.
21:27 La verdure est omniprésente, partout des palmiers et des parterres d'un ver parfait.
21:31 Mais chacune de ces plantes cache un arrosage automatique.
21:34 Sans ça, elles ne survivraient pas à l'aridité du désert, et une nouvelle fois,
21:37 Dubaï plie la nature à sa propre volonté.
21:39 Au visage de la mesure, elle assène son hubris toute puissante.
21:43 Au-delà de la question de l'eau, la question de la nourriture est fondamentale.
21:48 Dans un supermarché dubayotte, il ne manque de rien.
21:50 Les produits frais, les fruits, les légumes d'un autre continent et d'une autre saison,
21:55 ornent le rayon sans montrer la moindre difformité.
21:58 Toutes ces denrées viennent de l'autre bout du monde, importées par bateau et par avion,
22:02 car à Dubaï, on ne produit rien.
22:04 Rien ? Pas tout à fait.
22:06 J'avais vu des images de champs en plein désert saoudien,
22:09 et me suis donc lancé dans la recherche de telles cultures aux Émirats Arabes Unis.
22:13 Et après quelques temps passé à scruter les images satellites du désert,
22:16 j'ai repéré d'immenses champs, taches vertes parmi le sable immaculé.
22:20 C'est là que je vous emmène maintenant.
22:22 [Musique]
22:37 Là vous l'avez vu, c'est le désert total.
22:41 C'est que du sable et de la roche.
22:43 Et là si je me tourne, voilà.
22:46 Il passait à irigner 24h/24 en plein désert, sous 43°C.
22:53 [Musique]
23:01 Sur mon chemin vers ces champs, après quelques heures de bus et de métro,
23:04 j'ai dû marcher dans le désert.
23:07 Alors que seule la roche et le sable s'étalaient devant mes yeux,
23:10 j'ai découvert un verger immense, avec en son centre ce jardin verdoyant,
23:14 taches vertes dans ce décor aride.
23:17 Ces quelques mètres carrés d'herbe semblent appartenir à un autre monde.
23:21 Une parcelle de vie artificielle sous perfusion constante.
23:24 Mais ce n'était que les prémices du spectacle qui s'est ensuite déroulé sous mes yeux.
23:28 Car ce sont des dizaines d'hectares de cultures de céréales
23:30 qui se sont étendues à perte de vue après quelques kilomètres de marche.
23:34 [Musique]
23:44 Aujourd'hui j'ai pris le bus pour aller dans le désert,
23:46 à à peu près une heure et demie de Dubaï de route.
23:49 Et me voilà dans un milieu complètement aride, fait de sable, de roches et de dunes.
23:54 Et pourtant derrière moi se trouvent des hectares et des hectares de champs complètement verts.
23:59 Ils sont arrosés 24h/24, avec de l'eau qui est dessalée,
24:03 ce qui demande une énergie phénoménale.
24:05 C'est complètement irréel de voir ça.
24:07 [Musique]
24:18 Dans ces dunes de sable et cette roche brute,
24:20 à grand coup d'arrosage avec cette eau dessalée si polluante,
24:23 la chaleur du climat n'est plus un problème.
24:26 Parfois c'est aussi de l'eau fossile qui est utilisée.
24:28 Une eau si vieille que la nappe phréatique prendra des milliers d'années pour revenir à l'équilibre.
24:34 Sur ces images, chaque cercle que vous voyez fait 1km de diamètre.
24:38 En tout, cette seule exploitation représente une surface grande comme la moitié de Paris.
24:44 Certes, cet endroit représente sans doute une goutte d'eau dans l'impact écologique de Dubaï,
24:48 mais cela reste une aberration écologique.
24:51 Alors que les discours officiels de l'émirat
24:53 vantent les volontés d'une transition écologique de grande ampleur,
24:55 tant les faits et ces chances sont une preuve,
24:57 aucune décision concrète et conséquente n'a été prise.
25:00 Les efforts insignifiants de Dubaï ne suffisent pas,
25:03 c'est tout le système qu'il faut repenser.
25:05 Pour autant, même dans cet endroit contre nature, j'ai trouvé de la poésie.
25:14 Un spectacle insensé à regarder,
25:16 et un coucher de soleil remarquable près du lac artificiel.
25:20 À cette heure, les bêtes sortent et viennent s'abreuver.
25:23 Le crépuscule embrase le ciel qui se reflète dans l'eau,
25:26 et tout s'apaise, bien loin de l'agitation de la ville en ébullition.
25:30 C'est aussi à ce moment que les ouvriers agricoles sont rentrés dans leur chambre préfabriquée.
25:34 J'ai pu échanger avec eux, et ils m'ont offert de l'eau fraîche,
25:36 après cette journée sous le soleil de plomb du désert.
25:39 Ces indiens avaient immigré pour enfin gagner l'argent nécessaire à leur famille restée au pays.
25:45 En revenant prendre mon bus, je n'ai pu m'empêcher d'imaginer la vie qu'ils avaient.
25:49 Difficile, c'est sûr, mais qui paraissait si romantique dans cette fin de journée paisible.
25:54 Enfin dans mon voyage, je me rapprochais de la principale raison de ma venue.
25:58 La piste des ouvriers immigrés, exploités en ville sur les innombrables chantiers,
26:02 se rapprochait imperceptiblement.
26:06 Mais les émissions massives de CO2 des Émirats Arabes Unis
26:09 ne s'arrêtent pas à la consommation d'eau et de nourriture.
26:12 On le retrouve aussi dans le secteur de la construction,
26:14 qui semble connaître un essor prodigieux.
26:16 [Musique]
26:21 Il est 4h du mat' et là je vais explorer le 101 Marina.
26:25 Vous allez voir, c'est stylé.
26:26 [Musique]
26:46 Ok, je crois que j'ai trouvé la bonne tour.
26:48 La Marina 101.
26:49 Donc là il me reste 100 étages à franchir.
26:52 [Soupir]
26:54 Il fait déjà chaud.
26:55 [Musique]
27:04 Le 34ème étage, le 70.
27:06 Et vous voyez, tout est prêt à être habité.
27:09 C'est meublé, ça attend qu'à être habité.
27:11 D'ailleurs, soit dit en passant, tout est en marbre.
27:15 Et il y a la clim.
27:16 Personne ne vit ici.
27:17 Faut que la clim.
27:18 [Musique]
27:43 J'aurais bien besoin d'un petit plongeon à la piscine.
27:45 J'en peux plus.
27:46 Plus que 8 étages.
27:47 Allez.
27:48 [Musique]
28:02 Aujourd'hui, je suis en haut d'un bâtiment qui s'appelle le Marina 101.
28:05 C'est le plus grand immeuble d'habitation pour le monde.
28:07 Et c'est le deuxième plus grand immeuble de Dubaï.
28:10 C'est une catégorie confondée.
28:11 Et par ailleurs, il se place dans le top 30 de tous les plus grands immeubles au monde.
28:16 Et depuis 2017, il est abandonné.
28:18 C'est-à-dire la moitié des appartements, etc. sont prêts à être utilisés.
28:22 Et il n'y a personne dedans.
28:23 Le promoteur indien qui a construit ce bâtiment a fait faillite.
28:27 Et le projet a été abandonné.
28:28 Ça fait maintenant 5 ans qu'il est totalement abandonné.
28:32 [Musique]
28:39 Le cadre de la Marina 101 n'est pas isolé.
28:42 On l'a vu, la crise de 2008 a bien failli coûter la bourge khalifa aux Émiratis.
28:46 Et plus récemment, la construction de la Creek Tower a été complètement suspendue.
28:50 Il en va de même du pantominium, un immeuble d'habitation qui aurait été le plus haut du monde,
28:54 si sa construction n'était pas au point mort depuis plus de 10 ans.
28:57 Pour autant, la frénésie immobilière dubaiotte continue.
29:00 Alors que le premier bâtiment en béton aux Émirats arabes unis a moins de 70 ans,
29:03 le pays se place au troisième rang des pays possédant le plus de gratte-ciel.
29:07 A Dubaï, ce sont 69 tours qui font plus de 200 mètres de haut,
29:10 toutes construites dans les 25 dernières années.
29:12 Elles possèdent même plus d'immeubles de 300 mètres que New York, Hong Kong et Chicago réunis.
29:16 Et des dizaines de projets sont en construction ou en passe de débuter.
29:20 Or, la production de béton est le troisième secteur le plus émetteur de CO2.
29:23 D'autant plus qu'à Dubaï, le sable est directement importé d'Australie,
29:26 car celui du désert est impropre à la construction.
29:28 C'est aussi à 400 mètres d'altitude qu'on s'aperçoit de la dépense d'eau phénoménale et inutile
29:33 pour tous les jardins, golfs et parcs aquatiques.
29:36 On voit la division de la ville entre lotissement luxueux à perte de vue
29:39 et quartier perché à 300 mètres d'altitude,
29:41 et partout des pelouses, des fontaines, des piscines.
29:44 Sans oublier toutes les petites mains de la ville
29:46 qu'on voit s'activer à 6h du matin dans les jardins et sur les vitres des gratte-ciel.
29:50 J'ai assisté, effaré, à ce gâchis incroyable depuis ma tour abandonnée.
29:54 Un gaspillage pur et simple de ressources et d'énergie.
29:57 Car à Dubaï, on fait d'abord et on réfléchit ensuite.
30:00 Entre autres, une des plus grandes folies de l'Émirat sont ces îles artificielles.
30:04 La plus connue d'entre elles, la Palme Jumeirah,
30:06 étend ses feuilles immenses devant la marina, avec ses 5 km de diamètre.
30:10 Un peu plus loin, l'île Blue Waters, qui abrite la plus haute grande roue au monde.
30:14 Mais là encore, on retrouve des projets abandonnés en pleine construction.
30:17 Entre autres, la Palme Jebel Ali, la grande sœur de la Palme Jumeirah,
30:20 mais 50% plus grande, repose à quelques kilomètres de Dubaï.
30:24 Les travaux sont terminés, mais l'île est à l'abandon.
30:26 Et depuis 2012, l'île attend donc son premier habitant,
30:29 s'enfonçant petit à petit dans l'océan, au gré de l'érosion.
30:32 Il en va de même pour The World, un archipel représentant un planisphère.
30:36 Encore une preuve de l'insouciance totale des Émirats arabes unis.
30:39 Ok, il y a encore toute une structure là juste au-dessus de moi,
30:42 on va monter, voir ce que ça donne de là-haut, la vue doit être assez ouf.
30:45 Ah, sa mère ! Wow, purée !
31:08 Ok, je viens d'arriver enfin tout en haut de l'immeuble,
31:18 c'est insane, la vue est tarée et franchement, c'est incroyable.
31:23 Incroyable ! Final !
31:42 Je suis resté là, devant l'île,
32:12 devant le lever de soleil, à observer la ville se réveiller,
32:15 le calme de l'aube être remplacé par le ronronnement lointain des voitures,
32:19 les lumières bleues disparaître devant le blanc brûlant du soleil.
32:23 À travers l'atmosphère lourde de sable, loin, très loin,
32:27 se dressait, triomphante, la bourge Khalifa.
32:30 Et plus éloignée encore, j'ai imaginé les labor camps,
32:33 des camps immenses à l'extérieur de la ville,
32:35 où les ouvriers vivent entassés,
32:37 sans droit autre que de travailler dans des conditions terribles.
32:45 Dubaï ne serait pas la ville qu'elle est,
32:46 sans ces milliers d'ouvriers immigrés,
32:48 qui travaillent sans relâche et pour un salaire de misère dans les chantiers de construction.
32:52 J'ai ainsi voulu comprendre ce que signifiait travailler dans ces conditions estivales extrêmes.
32:57 J'ai donc décidé de partir marcher pendant plusieurs heures,
32:59 pour voir quel impact cet effort dans cette chaleur et cette humidité aurait sur moi.
33:04 Aujourd'hui j'ai décidé de voir ce que ça fait d'être un ouvrier,
33:07 pendant 8 heures je vais être dehors à marcher.
33:10 Il est prévu de faire à peu près 42°C je crois,
33:14 avec toujours un taux d'humidité assez important.
33:16 On va voir à quel point c'est difficile.
33:18 [Musique]
33:36 Ok du coup j'ai pris un taxi pour arriver jusqu'à la Palme Jebel Ale.
33:41 En fait c'est trop chelou parce que tout autour c'est le port de Jebel Ali,
33:45 c'est assez immense.
33:47 Et là comme ça au milieu d'une part il y a des espèces de resorts énormes,
33:52 d'hôtels avec un malac, tout ça.
33:55 Et donc là juste derrière moi, il y a la Palme Jebel Ali qui est terminée.
34:00 Il n'y a absolument rien qui est construit dessus.
34:03 [Musique]
34:17 Jusqu'à maintenant il faisait plutôt frais, il y avait encore un peu la fraîcheur de la nuit.
34:20 Et là c'est bon, le soleil est vraiment levé, ça tape très très fort.
34:24 Pour vous donner une idée de la chaleur, je viens d'envoyer le drone,
34:26 il est revenu automatiquement sans que je puisse contrôler,
34:29 parce qu'il est en surchauffe critique.
34:30 [Musique]
34:56 Bon là il me reste encore bien de propeler nos chaussières avant de pouvoir faire une pause.
35:00 Ensuite je repars pour 4 heures.
35:03 Là c'est vraiment horrible.
35:05 Je commence vraiment à se contrôler la chaleur, je commence à pas me bien me sentir du tout.
35:08 La tête qui tourne, je vais vomir un peu.
35:10 Là vraiment mon corps maudit ça pique.
35:16 Ok j'arrive enfin vers le maison.
35:19 Je ne peux plus là, c'est horrible.
35:20 J'ai des pertes d'équilibre, mes oreilles qui sifflent, à l'odo, c'est horrible.
35:28 Bon du coup je vais abandonner je crois là.
35:30 Je crois que j'ai eu un bon aperçu ce matin de ce que c'était quoi.
35:34 [Musique]
35:47 Bon donc vous l'aurez compris, la chaleur cet après-midi c'était plus soutenable.
35:52 Et là tout à l'heure, les premières 4 heures de marche c'était vraiment chaud.
35:57 La fatigue physique arrivait comme ça petit à petit.
36:00 Et à la fin j'étais à 160 BPM sur les 30 dernières minutes.
36:04 Ce qui est en gros mon rythme cardiaque quand je fais du footing vraiment intense.
36:08 C'est à dire si je fais 10 km en 45 minutes, ça me fait aller à 160 BPM.
36:13 Et dès que je suis arrivé dans la station de métro, j'avais hyper froid.
36:18 Je grelottais et tout ça.
36:20 Et c'est à cause de ça qu'évidemment il y a des ovoidés qui meurent quoi.
36:24 [Musique]
36:29 Si Dubaï est devenu la destination touristique qu'elle est, c'est notamment grâce à son climat.
36:33 Quand l'hiver est aux portes de l'Occident, les Émirats Arabes Unis affichent 25°C au thermomètre.
36:37 Mais c'est ce même climat qui fait du développement fou de Dubaï une aberration écologique.
36:42 En effet, la météo estivale est nettement moins agréable.
36:45 Dès 15 jours où j'étais sur place, tous ont vu le mercure dépasser les 40°C.
36:49 Pour bien souvent en atteindre 45°C.
36:51 Ce climat est presque invivable et dépasse parfois des seuils mortels pour l'humain.
36:55 Seuils qui seront dépassés de plus en plus fréquemment dans les décennies à venir.
36:58 Le corps humain, pour fonctionner correctement, doit conserver sa température aux alentours de 37°C.
37:03 Afin de réguler sa température, lorsqu'il a trop chaud, il transpire.
37:07 En s'évaporant, la sueur refroidit le corps en surchauffe.
37:10 Cependant, si l'atmosphère est trop humide, l'évaporation n'est plus possible et la machine se dérègle.
37:15 C'est ce phénomène qui nous fait moins bien supporter un temps lourd qu'un temps chaud mais sec.
37:20 Pour quantifier cette sensation, en prenant en compte la température et l'humidité,
37:24 un indice existe, la température du thermomètre mouillé.
37:28 Si cette température dépasse les 35°C, il n'est plus possible pour la sueur de s'évaporer.
37:32 Et l'espérance de vie d'un humain dans ces conditions est réduite à quelques heures.
37:36 Même à 29°C, on considère que les conditions comportent un enjeu extrême pour quelqu'un de non acclimaté.
37:41 Ce genre de seuil est régulièrement franchi à Dubaï, la mer apportant beaucoup d'humidité.
37:46 Et les conditions invivables seront de plus en plus fréquentes dans le futur.
37:50 Dubaï veut s'affranchir de la nature, rêve ultime de celui qui est coupable du bris.
37:54 Mais même si on peut climatiser tous les intérieurs, ne se déplacer qu'en voiture,
37:58 faire des parcs d'attractions couverts et refroidir les piscines en été,
38:01 rien n'empêchera le réchauffement climatique d'avoir lieu si nos émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas.
38:06 Dubaï sera la première touchée par l'augmentation globale de la température,
38:10 en connaissant des mois entiers d'une météo invivable.
38:12 Et quand il ne sera plus même possible de travailler dehors pour les ouvriers, que se passera-t-il ?
38:18 [Musique]
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39:30 [Musique]
39:36 Il est maintenant temps d'aller à la rencontre de ces ouvriers qui ont construit Dubaï,
39:40 la ville de la modernité, mais qui utilisent des méthodes d'exploitation qui ne datent pas exactement du 21ème siècle.
39:46 Nous voilà donc partis à la recherche de ces ouvriers, et la première étape pour les trouver,
39:50 est d'aller dans les camps de travailleurs, à l'extérieur de la ville.
39:53 C'est là que toutes les petites mains de Dubaï sont logées,
39:55 les jardiniers, les gardes, les chauffeurs de taxi, les ouvriers.
39:59 Aujourd'hui, c'est le vendredi, c'est leur jour de repos.
40:04 On va aller dans les quartiers d'habitation.
40:06 On veut, la but de la journée, trouver au moins un ouvrier qui parle anglais,
40:10 qui est prêt à témoigner des conditions de travail,
40:13 et essayer de ne pas se faire arrêter par la police aussi.
40:15 Je viens de parler à des indiens qui sont chauffeurs de taxi.
40:20 Ils nous ont expliqué que ce n'est plus vendredi, mais c'est dimanche, le jour de repos.
40:24 Ça a changé.
40:26 Ok, décès numéro 2, on va aller voir les ouvriers.
40:30 Il est encore 5h du mat' là.
40:33 J'en ai pour 2h de trajet.
40:34 [Musique]
40:52 Salut les gars, vous parlez anglais?
40:54 Ah ok, ok, anglais.
40:56 Anglais?
40:57 Anglais, anglais.
40:58 Anglais, non, désolé.
40:59 Merci.
41:00 [Musique]
41:06 Salut, vous parlez anglais?
41:09 Non.
41:09 Pas d'anglais?
41:10 Non, non.
41:11 Ok, merci.
41:12 [Musique]
41:29 Il fait hyper chaud.
41:31 J'ai déjà parlé à quelques personnes quand même.
41:35 Et pas de travailleurs pour l'instant, enfin pas d'ouvriers pour l'instant.
41:42 Bon compliqué.
41:44 À partir de ce moment là, les recherches ont commencé à devenir vraiment compliquées.
41:47 La journée commençait à être bien entamée, et la chaleur était terrible.
41:51 J'ai pu parler à quelques groupes d'ouvriers qui parlaient anglais,
41:53 mais dès que je leur demandais de témoigner devant la caméra, ils refusaient,
41:57 par peur des représailles.
41:59 [Musique]
42:02 Salut, vous parlez anglais?
42:04 Vous êtes un ouvrier?
42:06 Oui.
42:06 Sur un site de construction?
42:08 Non.
42:08 Non?
42:09 Vous connaissez quelqu'un qui travaille sur un site de construction?
42:15 Non, je ne connais pas.
42:17 Dans la ville?
42:19 Non?
42:20 Non.
42:22 Ok, merci.
42:25 Après deux heures aérées dans le quartier, et à parler aux personnes que je croisais sans grand succès,
42:30 j'ai décidé d'essayer une dernière fois en changeant d'endroit.
42:34 J'ai donc repris le bus, et me suis perdu dans les quartiers résidentiels libanais,
42:38 jusqu'à retrouver un labour camp.
42:39 J'ai alors commencé à m'enfoncer un peu, jusqu'à croiser trois hommes que j'interroge, et là...
42:44 Mon nom est Deepak Kumar, je suis d'Indie.
42:47 Je suis ici depuis trois ans et six mois.
42:52 J'avais enfin trouvé ce pour quoi j'étais venu ici.
42:55 Un des trois hommes que j'ai interrogé était donc Deepak, un indien immigré depuis trois ans,
42:59 et qui a immédiatement compris que je voulais l'interroger sur ses conditions de travail,
43:02 et a accepté tout aussi rapidement.
43:04 Profitant de l'absence de la sécurité de son labour camp,
43:07 nous nous sommes faufilés dans une chambre de six personnes pour pouvoir mener l'interview.
43:14 Ces quinze petits mètres carrés sont la seule maison des six ouvriers qui l'habitent,
43:18 mais qui sont parfois huit, voire douze.
43:20 C'est ici qu'ils vivent quand ils ne travaillent pas, sans aucune intimité,
43:24 avec la cuisine à même le sol.
43:26 Mais leurs conditions de travail sont encore plus difficiles.
43:30 J'ai des problèmes à la maison, je suis venu ici,
43:35 mais ici, c'est pareil, j'ai trop de problèmes.
43:39 Ma compagnie, RCC, c'est trop mauvais.
43:43 Pas bon, ma compagnie n'est pas bonne.
43:46 Je n'ai pas besoin de cette compagnie, je vais en Inde.
43:49 La compagnie de Dubaï est bonne, mais ma compagnie n'est pas bonne.
43:53 C'est le contraire, ma compagnie travaille sur trois toits.
43:59 Le pays de la Chine, RCC, vous savez, vous cherchez une upéra.
44:04 71 étages, le côté de la Chine, 41, 55, 2.
44:10 Trop de bâtiments, trop de conditions de travail, côté.
44:15 Je suis un ouvrier de base.
44:18 Pas de feux, pas d'air conduit, pas de...
44:21 Personne ne sait.
44:23 Trop de travail, trop d'eau.
44:29 Un jour, maintenant, 8 heures.
44:31 7 à 4, oui, une heure, 11 à 12.
44:35 Vous savez l'Égypte ?
44:37 Maintenant, mon campagne est en Égypte.
44:40 Ici, la chambre, l'eau, non.
44:46 Trop de problèmes.
44:51 Vous avez votre passeport ?
44:55 Mon passeport est avec la compagnie.
44:57 Avec la compagnie ?
44:59 Si je demande à DIPAK s'il a son passeport, c'est que souvent, comme pour lui, ce n'est pas le cas.
45:04 C'est le moment de revenir un mois en arrière, quand je préparais mon voyage.
45:07 En cherchant des experts de la région, j'ai récupéré le contact de François Crépeau,
45:11 l'ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme du migrant.
45:15 Il a notamment publié un rapport sur le Qatar, pays voisin des Émirats Arabes Unis,
45:19 et qui traite tous les deux leurs ouvriers d'une façon similaire.
45:23 Un des points cruciaux pour comprendre cette politique est le concept de kafala.
45:28 En droit musulman, la kafala est une procédure d'adoption, qui correspond à une tutelle sans filiation.
45:34 Son origine remonte aux droits coutumiers des tribus bédouines de la péninsule arabique.
45:37 A l'époque, elle servait à protéger un étranger qui arrivait dans la tribu.
45:41 Ce dernier était en quelque sorte adopté par un membre de la communauté, le kafil,
45:45 qui devenait garant de l'étranger.
45:47 S'en prendre aux nouveaux venus, c'était s'en prendre aux kafils.
45:50 Cependant, dans la péninsule arabique depuis les années 60, le concept a été détourné.
45:54 La protection qu'était la kafala est devenue un système d'exploitation et de soumission des immigrés.
45:59 Ces derniers, pour travailler, sont obligatoirement sous la tutelle d'une entreprise.
46:03 Dans la majorité des cas, les ouvriers d'Ubaïyod doivent donner leur passeport ainsi que leur visa à leur entreprise,
46:08 qui les garde tant qu'elle le souhaite.
46:10 S'ils protestent, ils sont congédiés et doivent rentrer dans leur pays d'origine.
46:13 La possibilité de se syndiquer est quasi inexistante.
46:16 De même, toute manifestation est interdite.
46:20 Les ouvriers sont donc pièges et points liés à leurs employeurs qui décident de leur destin comme bon leur semble.
46:24 C'est ce concept détourné de kafala qui fait des petites mains de Dubaï, des esclaves modernes.
46:29 Leurs conditions de travail sont terribles, mais avant tout, ils n'ont aucun droit et sont soumis à leur entreprise.
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47:35 Si Deepak a du s'endetter, ce n'est pas pour son voyage d'Inde aux Émirats Arabes Unis.
47:40 Un vol Mumbai-Dubaï ne coûte que 300 euros et il a du s'endetter à hauteur de 1300 euros.
47:45 C'est à cause de la deuxième raison pour laquelle le système Dubaïot est particulièrement infernal pour les ouvriers immigrés.
47:52 Ces derniers, avant d'arriver à Dubaï, doivent payer de multiples intermédiaires afin de trouver un travail sur place.
47:58 Ces intermédiaires s'apparentent à des bureaux de recrutement,
48:01 à la différence que ceux-ci sont payés par les entreprises et non par les ouvriers eux-mêmes.
48:06 Mais ce n'est pas le cas à Dubaï ou dans les autres pétromonarchies.
48:09 Ainsi, non seulement les ouvriers sont payés une misère sur place pour travailler dans des conditions particulièrement éreintantes
48:16 et n'ont aucun droit à cause de la kafala,
48:18 mais ils doivent aussi s'endetter de sommes très importantes pour décrocher un contrat de travail.
48:23 Dubaï profite de la misère de ces pays d'Asie du Sud-Est et d'Afrique noire afin d'avoir toujours des esclaves à portée de main.
48:30 Pour mieux expliquer ce principe, reprenons un exemple que François Crépeau m'avait donné.
48:34 Imaginons Bébek, un paysan népalais habitant à Simalpani, un petit village loin de Katmandou.
48:39 Un des hommes du village lui parle des chantiers de construction à Dubaï,
48:42 promettant un salaire bien plus élevé que le salaire moyen au Népal, de 103 dollars par mois.
48:47 Bébek accepte et doit payer 200 dollars pour que l'homme lui donne le contact du réseau à Budval, la grande ville la plus proche.
48:53 Une fois là-bas, il doit de nouveau payer 400 dollars pour le contact à Katmandou.
48:56 Et à Katmandou, il doit encore payer 800 dollars pour un contact au Liban, qui le fera ensuite aller à Dubaï.
49:03 Ces systèmes forment des réseaux très complexes et difficiles à remonter,
49:06 qui enrichissent les politiciens locaux, qui ne font donc rien pour les arrêter.
49:10 Les ouvriers doivent s'endetter pour payer tous ces intermédiaires,
49:13 et doivent rembourser pendant plusieurs années leurs prêts,
49:15 en plus de la dette morale qu'ils ont envers leur famille, qu'ils doivent aider financièrement.
49:32 Et tout ceci s'ancre dans une hiérarchie ethnique des salaires.
49:35 Des occidentaux grassement payés pour des travails d'ingénieurs,
49:38 à la domestique somalienne payée une misère.
49:40 On pourrait continuer pendant des heures sur ce sujet.
49:42 Ouvriers non payés, pas de syndicats, une loi qui change sans impact sur le système,
49:46 une liberté pour les domestiques complètement inexistante.
49:49 Mais j'aimerais parler d'une dernière chose avant de conclure,
49:52 la liberté toute relative aux Emirats Arabes Unis.
49:54 Non seulement les travailleurs sur place ont une liberté très réduite,
49:57 mais pour peu qu'on s'attaque à l'image des Emirats Arabes Unis.
50:00 On en devient très vite la bête noire.
50:02 Ainsi, en 2018, Matthew Hedge, un doctorant britannique,
50:06 étudiant la politique émiratie en matière de sécurité,
50:09 a été arrêté à l'aéroport de Dubaï, accusé d'espionnage.
50:13 Il a été condamné à perpétuité, avant de passer six mois en prison,
50:17 avant d'être libéré afin de préserver la bonne entente entre Londres et Abu Dhabi.
50:21 Sur place, il aurait connu des conditions particulièrement difficiles,
50:24 et de la torture morale.
50:26 Je n'étais donc pas très rassuré quand il m'est arrivé ça.
50:30 Ok, je vais enfin réussir à avoir une interview d'un mec.
50:33 Il m'a fait entrer dans sa chambre et tout, dans un débarque-camp.
50:38 Évidemment, il faut passer par la sécurité normalement.
50:41 On est passé en scred un peu, vitef.
50:45 Je l'ai interrogé et tout.
50:47 Bon bah effectivement, c'est horrible quoi, leurs conditions de travail.
50:52 Et encore, je ne savais même pas si c'était le mec le plus à plaindre.
50:57 Donc ouais, franchement, horrible.
51:00 Et là, je suis bien content d'avoir eu l'interview.
51:06 Et surtout en sortant, j'avais ma caméra à la main, je ne l'avais pas rangée.
51:10 Il voulait me faire montrer sa chambre, parce que c'était la chambre d'un ami qui me montrait.
51:14 La chambre d'un de ses amis, donc je l'ai interviewé dans cette chambre.
51:20 Et après, il voulait me montrer sa chambre à lui.
51:22 Et à ce moment-là, on sort dans la cour.
51:26 Et là, il y a le mec de l'entrée, la sécurité, qui dit "qu'est-ce que c'est ce truc ?"
51:33 Pourquoi il y a une caméra et tout ça.
51:35 Et donc là, l'Indien, il dit "mais non, c'est un ami, c'est un ami" et tout.
51:40 Et le gars, il commence à nous amener vers la cahute.
51:43 L'Indien me fait signe "casse-toi, casse-toi".
51:46 Je me sauve par une petite porte dérobée.
51:50 Là, je commence à me barrer dans la rue en marchant rapidement.
51:54 Elle est retournée à moi "hey, hey" comme ça.
51:57 Le gars, il répète, il répète, il répète.
51:59 Donc à un moment, je suis obligé de me retourner.
52:02 "Guy, come on here"
52:04 Il me dit de venir.
52:06 Et elle commence à rentrer dans sa casemate.
52:09 Il me tourne le dos.
52:11 Et là, je me casse, je cours.
52:13 C'est les 500 m que je cours, j'en peux plus.
52:15 Il fait une chaleur horrible.
52:17 Et voilà.
52:18 Bref, j'ai échappé à la police d'Ubaïyot.
52:22 [Musique]
52:37 Ces deux semaines à Dubaï ont été très intenses.
52:40 Et j'en repars avec un sentiment de découverte et d'accomplissement.
52:43 Pour autant, tout dans cette ville me répugne.
52:46 De la guerre au Yémen, au désastre écologique que représente l'Émirat,
52:49 en passant par cette forme d'esclavage moderne institutionnalisée.
52:53 Les critiques qu'on peut faire aux Émirats Arabes Unis sont infinies.
52:56 [Musique]
53:12 Mais en écrivant ce film, j'ai trop souvent eu l'impression de prendre Dubaï comme bouc émissaire,
53:16 d'offrir un nom de paille.
53:18 Car après tout, n'est-ce pas uniquement le symbole même de nos modes de vie ?
53:22 Dubaï ne fait que montrer l'essence de nos sociétés,
53:24 une exagération, pour mieux comprendre l'absurdité du monde.
53:28 Vous me répondrez que Dubaï est le royaume du superflu,
53:31 bien plus que la France, l'Europe ou l'Amérique.
53:33 Mais si les pétromonarchies sont devenues les enseignes d'une consommation massive,
53:37 ce n'est qu'en essayant de nous imiter,
53:39 et de trouver une place dans l'économie et la géopolitique mondiale,
53:42 dont nous avons imposé les modèles depuis des siècles.
53:44 Et de fait, Dubaï a un mérite.
53:46 Elle nous montre nos erreurs.
53:48 [Musique]
54:16 Car ne l'oublions pas, nous sommes les rois d'une consommation débridée,
54:19 d'un capitalisme éhonté et de politiques inécologiques assumées.
54:23 Pour protéger le pouvoir d'achat, nous n'avons cessé de polluer davantage,
54:27 et de rejeter des quantités considérables de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
54:31 Nos émissions de CO2, ou notre consommation d'eau,
54:33 sont bien plus proches de celles d'un Emirati que d'un Népalais.
54:36 Nous aussi, nous importons notre nourriture des quatre coins du globe,
54:39 et nous continuons à nourrir nos bêtes, trop nombreuses,
54:41 avec ce soja brésilien qui détruit la forêt amazonienne.
54:44 Nous construisons à n'en plus finir des centres commerciaux, aux pavillons résidentiels.
54:49 Nous sommes incapables de réinterroger nos modes de vie, à l'aune du changement climatique.
54:53 Combien de temps encore investirons-nous des champs de blé,
54:56 pour y faire pousser des zones industrielles gigantesques,
54:58 tout autant temple de la consommation, que les môles Emiratis ?
55:01 Allons-nous encore accepter de vendre des armes, au nom de l'économie et de la souveraineté,
55:06 à des gouvernements qui tuent des dizaines de milieux de civils avec ces mêmes canons ?
55:10 Mais ces victimes ne sont pas les seules victimes d'un capitalisme sauvage et d'une géopolitique malsaine.
55:15 Ces minerais de guerre, qui transitent par Dubaï et qui financent les conflits armés les plus répugnants de la planète,
55:20 servent avant tout à fabriquer nos smartphones, nos télés, nos ordinateurs et nos voitures.
55:24 Mais nous préférons fermer les yeux plutôt que de nous restreindre un instant,
55:27 et de risquer d'abandonner nos vies tout confort.
55:30 Mais comme Dubaï, nous serons bientôt les victimes de notre propre inaction.
55:34 Le réchauffement planétaire ne nous épargnera pas.
55:37 Nous aussi, nous connaîtrons bientôt des températures invivables,
55:40 sans compter tous les effets moins visibles, mais pas moins dramatiques, du changement climatique.
55:45 Enfin, nous nous offusquons devant les images d'esclavage à Dubaï ou au Qatar,
55:49 mais nous sommes nous-mêmes responsables d'une exploitation sans pitié de nos populations et de pays entiers.
55:54 En Chine, ce sont des millions de Ouïghours que nous laissons périr à petit feu,
55:57 tandis que nous continuons à dépendre totalement de ce pays pour nos biens manufacturés.
56:01 C'est la même chose dans bien des pays,
56:03 où nous ne faisons que nous enrichir au profit d'hommes suffisamment loin pour que leur sort ne nous intéresse pas vraiment.
56:08 Il ne sert à rien de nous culpabiliser.
56:24 La faute est à personne, et à tout le monde à la fois.
56:27 Mais une prise de conscience est essentielle,
56:29 et c'est par l'exemple de l'hubris insensé de Dubaï, qui nous renvoie malheureusement au nôtre,
56:33 que j'essaye de comprendre jusqu'où nous nous sommes enfoncés dans nos vies aveugles de ce qui est vraiment essentiel.
56:38 Alors réfléchissons-y un instant.
56:44 Sentons toute l'empathie, la tendresse, l'altruisme qui nous animent.
56:48 C'est ça qui nous rassemble.
56:50 Nous savons faire preuve d'amour, d'un amour immense et désintéressé.
56:55 Admirons aussi cette nature magnifique, qui nous apporte nourriture, eau, énergie, et surtout beauté.
57:01 Interrogeons notre cœur, sachons l'écouter, nous laisser envahir par la bienveillance.
57:07 Voyons les hommes pour ce qu'ils sont, des amis, et la nature pour ce qu'elle est, un miracle.
57:12 Tout ceci peut paraître utopique, trop idéaliste ou bien pensant.
57:17 Mais pour une fois, essayons d'oublier notre cynisme, et autorisons-nous à rêver.
57:24 Alors, vous l'entendez ?
57:26 Cet enfant intérieur, aux yeux mouillés d'émerveillement.
57:29 Cette petite flamme éternelle, qui vous souffle à l'oreille.
57:33 Regarde, comme c'est beau.
57:35 [Musique]
57:54 Salut !
57:56 Avant de partir, je voulais vous dire deux-trois mots.
57:58 Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir regardé jusqu'au bout.
58:01 J'espère que vous avez aimé, tout autant que j'ai aimé faire ce reportage.
58:05 Par ailleurs, si c'est le cas, n'hésitez pas à partager un maximum à vos proches,
58:10 votre copain, votre copine, votre groupe d'amis, ou sur Insta, sur Facebook, etc.
58:15 C'est vraiment hyper important.
58:17 Ensuite, évidemment, abonnez-vous à cette chaîne, et puis lâchez un petit pouce bleu.
58:21 Et abonnez-vous à mon Insta, j'y mets plein de photos et de coulisses du tournage.
58:24 C'est tout pour moi.
58:25 [Musique]
58:26 [SILENCE]

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