• l’année dernière

Category

📺
TV
Transcription
00:00 L'homme est un bâtisseur, construisant sans cesse de nouveaux bâtiments au gré de ses
00:09 usages.
00:10 Mais au fil du temps, certains perdent leur utilité.
00:13 Privés de leurs fonctions et délaissés par l'activité humaine, ils deviennent abandonnés.
00:19 Oubliés de tous, ils finissent par se marginaliser.
00:25 Mais le mystère de leur fermeture interpelle, et la tentation est grande d'y entrer pour
00:31 observer ce qui se cache à l'intérieur.
00:33 Car les murs sont imprégnés des traces d'une vie d'avant.
00:36 Certains le font.
00:39 Ces lieux sont clandestinement explorés.
00:42 Des historiens en retracent la mémoire, et les communes leur cherchent une nouvelle vie.
00:46 Ces lieux sont plutôt entre deux vies.
00:49 Nous, on est plutôt à la recherche du patrimoine, plutôt moins protégé en tout cas que le
00:54 patrimoine vraiment classé, jugé prioritaire par les archéologues.
00:59 Une vie, elle ne peut pas se construire sur des traces.
01:05 Elle doit avoir son histoire, elle doit avoir ses traces, et puis à côté de ça, il faut
01:09 qu'elle bouge.
01:10 En partant à la rencontre des personnes qui les fréquentent, venez découvrir les lieux
01:21 abandonnés de la Loire, pour connaître les histoires enfouies derrière leurs portes.
01:25 Si les guerres de la Loire sont des guerres de la mort, les guerres de la mort sont des
01:55 guerres de la mort.
01:56 Si les guides touristiques nous conduisent vers les trésors du patrimoine, il est plus
01:59 difficile de trouver les lieux abandonnés, car ils n'existent sur aucune carte.
02:04 Certains cherchent pourtant à en dresser l'inventaire, comme Livio, car il est urbexeur, un explorateur
02:14 du monde moderne.
02:15 Je pense que chacun a sa carte interactive sur Google ou autre, sur laquelle on collecte
02:37 les points qu'on a trouvés, les points qu'on pense intéressants à surveiller.
02:42 C'est le trésor des urbexeurs, la carte.
02:46 Je ne conduis pas beaucoup, je suis souvent passager d'une voiture ou d'un train, mais
02:51 je regarde autour de moi et j'essaie de voir s'il y a des endroits qui pourraient
02:56 ou pas être abandonnés.
02:58 Ensuite, je vais regarder sur le maximum d'informations, si c'était un lieu public ou commercial,
03:05 voir s'il y a des informations sur ce lieu, est-ce qu'il a été fermé et depuis combien
03:10 de temps.
03:11 Je peux suivre un lieu public, voir avec une recherche sur Google Maps ou sur d'autres
03:17 sites avec Livio Aérien, suivre l'évolution de la situation, voir si le lieu est vraiment
03:23 abandonné ou pas.
03:24 C'est un travail de suivi sur la durée.
03:27 Comme les grands explorateurs des anciens temps, Livio cartographie le monde inconnu
03:34 des lieux délaissés.
03:35 Une carte difficile à établir, car il ne suffit pas de les retrouver, mais d'enquêter
03:40 pour s'assurer qu'ils sont accessibles à une exploration.
03:44 Quand j'ai découvert un lieu ou qu'il y a un lieu qui me semble intéressant, j'essaie
03:53 de voir depuis combien de temps il pourrait être abandonné.
03:57 Là, on n'a que des vues aériennes.
03:59 En y allant, on va faire attention parce qu'on se dit que c'est peut-être quelque chose
04:03 qui est fermé, mais pas abandonné.
04:05 La différence pour moi, c'est que le lieu fermé, effectivement, si tu arrives devant,
04:09 il n'y a pas d'accès, il n'y a pas de porte ouverte et tu ne rentres pas dans le
04:14 lieu.
04:15 Alors qu'un lieu abandonné, la différence que je fais, c'est qu'on voit qu'il n'y
04:18 a pas eu du tout d'entretien depuis un certain nombre d'années et on n'a pas besoin de
04:25 faire quoi que ce soit pour rentrer parce qu'il y a une ouverture.
04:27 Le plaisir de l'Urbex est de pouvoir se laisser griser par l'exploration de l'Éden
04:56 en Europe.
04:57 C'est un endroit où on peut vraiment rechercher.
04:58 Souvent clandestine, la pratique consiste à trouver, explorer et documenter ces endroits
05:04 temporairement délaissés.
05:05 Et on peut les comprendre, tant le spectacle offert par ces lieux est impressionnant pour
05:13 qui en franchit les portes pour la première fois.
05:16 Le temps semble s'en être échappé.
05:18 Tout est encore à sa place.
05:20 Le départ des ouvriers paraît proche, mais l'usure du temps est néanmoins lisible
05:25 partout.
05:26 Les arénas bougissent sous des amas de poussière et ça et là, les araignées ont apposé leur
05:30 scellée.
05:31 Les hommes se sont volatilisés, mais leur présence flotte encore dans l'air.
05:37 Explorer ces lieux, c'est faire une visite d'un musée à ciel ouvert.
05:42 Pas besoin de discours, il suffit de regarder pour imaginer.
05:47 À travers les moules, les restes des fours et quelques objets plus intrigants, se comprend
06:03 toute l'activité métallurgique où l'on peut presque entendre tonner la voix du maître
06:08 forgeur donner ses directives.
06:10 Ça donne envie de rentrer, le problème c'est que ça ne se visite pas.
06:32 Les lieux abandonnés sont interdits d'accès.
06:34 Pour Olivier et les autres urbexeurs, la tentation est bien trop grande pour s'en priver.
07:02 Dans l'urbex, le fait de visiter des lieux oubliés, parfois interdits d'accès, mais
07:25 que personne ne connaît en tout cas, on a un peu l'impression d'être le témoin
07:29 privilégié du passé, d'être tout seul là-dedans.
07:32 C'est un peu une visite privée d'un monument historique.
07:34 C'est beaucoup mieux que de visiter un musée.
07:36 C'est le plaisir de voir les choses concrètement.
07:42 On voit un lieu et on se dit « ah tiens, c'était un magasin d'il y a 70 ans ». On
07:49 voit un peu de carrelage dehors, c'était peut-être une ancienne boucherie.
07:53 Sur un livre, sur un papier, sur des photos, même sur internet, il y a une distance.
08:00 Ce n'est pas la même chose de toute façon que d'approcher le lieu et d'essayer
08:05 de le voir au plus près possible.
08:07 Bien que chacun explore pour des raisons différentes, la pratique codifiée de l'urbex
08:22 remonte aux années 90 et a pris de l'ampleur il y a une quinzaine d'années avec le développement
08:27 des réseaux sociaux et de la photographie numérique.
08:30 C'est ce qui motive Olivier, adepte depuis plus de dix ans.
08:34 Je suis arrivé un peu par hasard parce que je recherchais des graffitis.
08:42 Les street artists aiment bien les grands murs qu'il y a dans les lieux abandonnés.
08:47 Mais très vite, je me suis rendu compte que finalement le côté graffiti m'attirait
08:51 moins que le fait de chercher les histoires du lieu, de photographier, d'essayer de
08:59 capter la vie qui s'était passée dans ce lieu-là.
09:01 Donc très vite, j'ai abandonné le street art pour me consacrer uniquement à l'urbex.
09:09 Aussi sincère soit-elle, l'urbex reste une pratique illégale, car tout lieu a un
09:14 propriétaire.
09:15 Pour ne pas s'attirer leur représailles, les urbexeurs se sont imposés un code de
09:20 bonne conduite visant à respecter l'intégrité des lieux.
09:23 Je n'ai jamais cassé de porte ou de fenêtre ou quoi que ce soit.
09:28 Donc ça nous est arrivé plusieurs fois d'être frustrés d'arriver devant des lieux
09:32 qui étaient, on l'imaginait, abandonnés parce qu'ils étaient fermés depuis cinq
09:35 ans.
09:36 Et puis de se rendre compte qu'en fait non, ils n'étaient pas fermés, qu'en fait
09:40 ils étaient simplement en attente de vente et qu'il y avait toutes les portes étaient
09:43 fermées.
09:44 Il y avait même une alarme.
09:45 Et voilà, donc évidemment, on ne rentre pas dans des lieux comme ça.
09:48 Parfois, il y a des lieux qui ne sont pas du tout entretenus par des gens qui n'ont
09:52 pas les moyens d'entretenir ou pas le temps.
09:54 Et donc, des fois, on peut se tromper quand même.
09:56 C'est bête, mais des fois, il y a une sonnette et quand on sonne, il y a des gens qui répondent.
10:05 Le fait de découvrir un lieu qu'on puisse explorer, c'est un plaisir parce que c'est
10:10 rare.
10:11 Ceux qui arrivent à retrouver leur existence peuvent découvrir toutes sortes de bâtiments
10:18 abandonnés dissimulés dans les recoins du territoire de la Loire.
10:22 Il y a des petites maisons d'habitation en plein centre des villes que l'urbanisation
10:27 a rendu trop bruyante ou difficile d'accès.
10:30 Au détour d'une route de campagne isolée, on peut se retrouver face à un inquiétant
10:35 manoir que les héritages successifs et autres secrets de famille ont figé dans le temps
10:40 incertain de l'abandon.
10:42 Il y a aussi des reconversions ratées en auberges égites touristiques.
10:46 Des villages entiers peuvent ainsi sombrer dans l'oubli, comme ce mystérieux VVF fantôme
10:55 pourtant construit au pied des pistes de ski.
10:58 A l'intérieur des bâtiments, peuvent encore se voir les traces de vie d'une petite famille
11:03 qui s'en allait manger à la pizzeria, danser à la discothèque, avant de rejoindre sa
11:08 chambre.
11:09 Ces lieux sont souvent le reflet d'une recomposition des territoires, avec des gares et dépôts
11:23 SNCF.
11:24 Sur le département, peuvent se voir de nombreuses traces des bouleversements économiques, avec
11:29 des hectares de friches industrielles le long des cours d'eau, comme le Gier ou Londène.
11:34 La Loire a subi de plein fouet la désindustrialisation massive des années 80, comme à Unieux, où
11:40 la ville s'était développée autour de l'activité métallurgique.
11:43 "C'est 150 ans d'activité industrielle sur le territoire.
11:47 C'est un des hauts lieux du développement de la métallurgie dans la vallée de Londène
11:52 et à Unieux en particulier.
11:53 Donc c'est un symbole fort, ça a contribué à la richesse de la commune, au travers de
11:58 multiples entreprises qui se sont succédées, Creuseau-Loire, et puis le dernier propriétaire
12:02 a été Akers, et donc un symbole très très fort, une friche de grande dimension sur la
12:07 commune d'Unieux, et donc qui nécessite aujourd'hui d'être retraitée pour reconquérir
12:12 cet espace qui aujourd'hui est délaissé et doit être transformé."
12:16 A l'abandon depuis une dizaine d'années, cette usine a pourtant un propriétaire.
12:25 Alors pourquoi l'avoir laissé se dégrader, plutôt que de lui attribuer une nouvelle
12:30 activité ?
12:31 La même question se pose pour tous ces lieux, et chacun a sa propre histoire.
12:35 Celle d'Unieux raconte la difficulté pour une mairie à intervenir sur un site qui ne
12:40 lui appartient pas, après que son dirigeant ait décidé de sa fermeture.
12:44 "C'est un propriétaire qui n'a pas joué son rôle de propriétaire, puisque pendant
12:54 plusieurs années il a tiré profit de ce site, grâce à l'activité industrielle, au travail
12:59 des salariés, et ils sont partis comme des malpropres, ils ont fermé l'entreprise,
13:04 normalement une entreprise qui ferme ses portes et qui est propriétaire d'un site a des
13:08 obligations en termes de dépollution, en termes de protection du site, et ils n'ont pas du
13:12 tout joué leur rôle.
13:13 La préfecture, l'état sont montés en première ligne, mais avec une société qui a son siège
13:19 social en Suède, c'est extrêmement complexe de pouvoir obtenir de leur part le respect
13:25 de leurs devoirs."
13:26 "Quand on voit un lieu, c'est frustrant de se dire que ce lieu ne sert pas, qu'il
13:37 est abandonné, qu'il n'est plus utilisé, que ce soit un lieu industriel ou un ancien
13:41 lieu d'habitation, et donc la question qu'on se pose, systématiquement, c'est comment
13:47 on en arrive là, comment on en arrive à abandonner un lieu qui pourrait servir, il y a des gens
13:52 qui pourraient en avoir besoin, ou il y a peut-être des entreprises, si c'est un site
13:55 industriel qui pourrait l'occuper, donc comment on en arrive là.
13:59 Et ce qui m'intéresse vraiment, c'est reconstituer l'histoire du lieu et ce petit jeu d'enquête."
14:06 Livio part explorer un lieu inconnu.
14:12 À quoi servait-il ? C'est en observant les objets laissés à l'abandon qu'il va tenter
14:17 d'en retracer l'histoire.
14:18 C'est sa façon d'explorer.
14:20 Laissez-vous guider et suivez les indices.
14:23 "Donc là c'est un château, mais visiblement il y a une occupation soit collective, soit
14:32 des gens qui en tout cas se sont fait une belle salle de sport parce que ça a l'air
14:37 d'être complètement une salle de sport là."
14:39 "On voit la taille de la cuisine, donc on se dit que c'était pas une habitation individuelle
14:59 parce que c'est trop gros pour une habitation individuelle.
15:04 Pour les samedis je regarde aussi l'électricité parce que en fonction du titre d'interruteur
15:11 ça donne des éléments sur la période à laquelle ça a été abandonné.
15:14 Là il y a des feuilles, mais tu vois c'est des feuilles qui donnent des informations
15:28 personnelles.
15:29 C'est gênant parce que là il y a le nom d'une personne et on comprend qu'elle était
15:36 positive au sida.
15:37 Mais là il y a plein d'indices pour comprendre le lieu.
15:44 Alors pour l'instant on a un puzzle, on a une salle de sport, on a une cuisine de collectivité,
15:51 on a des trucs sur le sida, on a des machines à écrire administratives.
15:57 Donc pour l'instant le puzzle il est pas très très facile à résoudre.
16:01 Mais moi je préfère effectivement un lieu comme ça, qui paye pas de mine au premier
16:05 abord.
16:06 Mais on peut essayer d'à travers les éléments qui sont sur place reconstituer l'histoire.
16:10 Ça c'est vraiment quelque chose qui me pote.
16:16 Il y a pas mal de choses là en pierre ou en terre.
16:29 Il y a des briques.
16:30 Alors ça, ça fait un peu médical.
16:39 Là ça ressemble à des salles de stockage mais c'est tout vide par contre.
16:48 Bah voilà un ski.
16:54 Des fois on trouve des objets pas sûr qu'ils soient du lieu.
17:03 Livio analyse les différents objets gisant ça et là.
17:07 Ces petites traces de notre passage sur terre.
17:10 Car ils sont si étroitement liés à la vie humaine que leur étude permet de raconter
17:14 nos vies.
17:15 Une sorte d'enquête par les résidus.
17:17 Bon bah effectivement les skis viennent d'ici.
17:25 Ce n'était pas des skis isolés là, il y a tout un atelier quoi.
17:28 Il n'y a rien sur place qui est postérieur au passage à l'euro.
17:39 Donc tout laisse à penser pour l'instant que le lieu a été abandonné à la fin des
17:43 années 90 quoi.
17:44 Ou en tout cas avant 2002.
17:45 Alors il y a une règle dans l'urbex qui dit on ne partage pas les lieux.
17:54 Le risque c'est vraiment qu'il y ait des personnes mal intentionnées qui trouvent
17:58 le lieu et s'y rendent.
18:00 Alors il y a plusieurs types de personnes mal intentionnées.
18:03 Il y a ceux qui viennent pour voler.
18:04 Il y a le risque des gens qui viennent pour le plaisir de dégrader.
18:08 Il y en a qui viennent pour graffer.
18:11 Alors après on n'est pas pour ou contre le graff en tant que tel.
18:15 Mais c'est vrai que si on a une approche des lieux de type urbex, on ne casse pas,
18:23 on ne vole pas, on ne laisse pas de traces et on laisse les lieux dans l'état dans
18:28 lequel on les a trouvés.
18:29 Je suis un peu plus gêné quand je suis dans un lieu parce que je me dis que ça appartient
18:36 toujours à quelqu'un quelque part.
18:37 Donc c'est un ensemble.
18:41 Je fais attention au lieu, j'essaie de ne pas le modifier, de ne pas laisser de traces
18:45 de mon passage, de ne pas l'abimer, de ne pas prendre des affaires.
18:47 Donc je n'ai pas forcément cette impression de liberté une fois qu'on est sur le lieu.
18:53 Je regarde parce que s'il y a des panneaux indicateurs, c'est que ça doit être un
18:56 lieu collectif, système personnel.
18:58 Les gens, chez eux, ils n'écrivent pas toilettes.
19:00 Je pense qu'ils savent où c'est.
19:02 Mais là j'aime bien, à partir des indices sur le lieu, émettre des hypothèses et à
19:07 la fin vérifier en quelque sorte si l'hypothèse est juste ou venir la compléter si je nage
19:12 un peu dans le brouillard.
19:15 Est-ce que c'est carrelé ? Est-ce que ça peut être un truc médical ? Mais c'est
19:21 marqué dispensaire donc on a la réponse je pense.
19:25 Si je récapitule, on a vu des éléments en lien avec le médical et en particulier avec
19:31 le sida.
19:32 On a vu un dispensaire, on a vu un certain nombre de choses qui sont vraiment en lien
19:35 avec le médical.
19:36 On a vu d'autres choses qui sont en lien, je pense, avec la formation professionnelle.
19:41 On a vu des bureaux un peu particuliers, on a vu tout un tas de matériaux dans les
19:46 sous-sols.
19:47 Ça avait l'air d'être plutôt une association qui accueillait des personnes qui étaient
19:52 atteintes du sida et qui leur proposait une formation professionnelle ou de participer
19:59 au financement de leur traitement.
20:01 Mais les deux sont liés.
20:03 Ça ne ressemble pas dans les espaces qu'on a vus, même si on a vu aussi des skis, mais
20:09 ça ne ressemble pas à des étapes successives d'occupation.
20:12 C'est vraiment un ensemble.
20:13 Pour l'instant, je dirais ça.
20:15 Après, j'irai faire une recherche pour en savoir plus parce que ça me questionne beaucoup.
20:20 Mais à ce stade, je dirais ça.
20:22 On apprend des choses qui se croisent les unes avec les autres et à la fin, on en ressent
20:27 plus cultivé, je ne sais pas comment dire.
20:30 C'est de la culture pour moi plutôt.
20:33 Ce que j'aime le plus, c'est des lieux où il y a le plus d'objets possibles en quelque
20:38 sorte, pas forcément des lieux en très bon état.
20:42 J'aime un peu moins les lieux où c'est tout vide, même si ça peut être intéressant
20:46 sur l'architecture, bien sûr.
20:48 En cherchant à interpréter le mystère de l'abandon, la pratique de l'urbex permet
21:01 de faire une expérience immersive de l'histoire.
21:04 Cette exploration du passé qui aide à mieux comprendre le présent.
21:08 Une histoire ludique basée sur l'observation et l'hypothèse.
21:12 Car le formidable pouvoir d'évocation de la ruine n'a jamais autant fasciné qu'aujourd'hui,
21:18 la transformant en terrain de jeu de multiples pratiques underground.
21:21 Il y a les artistes qui en font les décors insolites de leurs clips.
21:28 Les plus jeunes qui jouent à se faire peur, les squatteurs qui l'habitent provisoirement
21:37 par idéologie ou triste nécessité.
21:39 Et les fêtards qui peuvent faire cracher les décibels loin des regards.
21:43 Au fil des usages, la ruine est devenue un véritable espace alternatif, une sorte de
21:55 lieu rebelle où chacun peut librement se laisser aller.
22:08 Mais toutes ces occupations successives l'évident malheureusement de leur substance historique
22:16 et certains lieux finissent par ne plus rien raconter.
22:18 Un point se referme sur la carte des urbexeurs et pour les communes, la friche se transforme
22:25 en lieu de nuisance.
22:26 C'est le cas à Unieux où l'usine est devenue une coquille vide, seulement colorée
22:31 de quelques tags.
22:32 Et dans ce cas, il ne reste plus qu'une seule chose à faire, la réhabilité.
22:36 Depuis la fin de l'activité industrielle autour de 2010-2012, c'est vrai que ça a
22:47 constitué un vrai problème pour nous parce que c'est un site qui est assez ouvert, qui
22:52 est quand même proche des centres-villes de Fresse et d'Unieux et ces lieux un peu
22:56 désolés, un peu délaissés sont toujours des lieux où finalement on trouve un peu
23:01 tout et n'importe quoi.
23:02 Donc on avait effectivement une utilisation qui n'était pas adaptée avec des personnes
23:06 qui venaient faire du quad, avec des soirées un peu festives, etc.
23:12 Le regard des gens a changé parce que c'était une source de richesse, d'activité industrielle,
23:17 c'était des emplois pour pas mal d'unieutaires.
23:19 Beaucoup avaient des gens dans la famille qui avaient travaillé ou qui travaillaient
23:22 sur ce site-là.
23:23 Donc c'était quelque chose de positif.
23:26 Et effectivement, depuis la fin de l'activité industrielle, c'est devenu une verrue.
23:29 C'est un point noir dans le centre-ville où on redoute ce qui peut s'y passer.
23:34 C'est une friche avec tout ce que ça peut avoir de conséquences négatives, des bâtiments
23:39 dégradés, quelque chose effectivement qui n'est pas positif pour la ville.
23:45 Si ces bâtiments abandonnés peuvent devenir une verrue pour les communes qui en ont la
23:48 charge, il est encore plus difficile pour les ouvriers de les voir se transformer en
23:53 friches.
23:54 Après avoir consacré une vie professionnelle à l'usine Duralex de Rives-de-Gillet, Claude
23:59 Delmarty a noué un lien quasi viscéral avec cette usine.
24:02 Puis voir tout ça à l'abandon, voir les gens qui pillaient, qui saccageaient, qui
24:09 brûlaient, qui avaient des STF dedans, hein.
24:12 Il restait encore des palettes, donc ils prenaient les palettes.
24:15 Ils se chauffaient, puis après ils oubliaient d'éteindre, puis combien de fois il y avait
24:19 un démarrage, deux ou trois démarrages de feu.
24:22 Je me sentais presque violé, c'est peut-être un grand mot, mais humilié, pas de respect.
24:31 Pas de respect pour les anciens qui étaient restés, à se battre, à faire rien à foutre
24:37 les gens.
24:38 Après avoir consacré sa vie professionnelle chez Duralex, dont l'activité de verrerie
24:43 rayonnait alors sur la France entière, la lente agonie de son abandon raconte une autre
24:48 histoire pour ces ouvriers.
24:50 Ici, pas besoin d'indices pour entretenir la mémoire.
24:54 Les souvenirs sont encore bien là, car sa dégradation est synonyme d'une longue lutte
24:58 sociale faite de plans de restructuration, de protestation, de blocage et de manifestation,
25:05 d'espoir et de peine.
25:07 Jusqu'à l'arrêt total de l'activité en 2008, les ouvriers partent et ses portes
25:12 ferment définitivement.
25:13 Vous avez essayé de sauver votre entreprise et que du jour au lendemain elle se ferme
25:20 comme ça, parce que j'étais à la porte comme des voyeux, comme des bois, rien, on
25:25 était, excusez-moi de ce façon, on était des déchets.
25:28 Je ne peux pas en reparler, parce qu'il y a trop de souvenirs, il y a trop de conflits.
25:39 Quand j'ai vu tout ça, ça a été vraiment l'anarchie complète.
25:43 On l'attrape pendant un an et demi, pendant un an et demi on l'a été payé sans rien
25:48 faire, on était dehors, on était dans le froid, et puis à chaque fois que ça se passait,
25:54 je me suis dit on aurait pu faire quelque chose.
25:56 L'usine n'était pas qu'un espace de travail, mais au cœur du développement
26:03 d'un nouveau quartier avec ses habitations, ses commerces et sa vie d'avant.
26:07 Avec sa fermeture, c'est un quartier entier qui se meurt, notamment depuis que la passerelle
26:12 qui le reliait est détruite par une inondation.
26:15 Mes parents travaillaient à la Viry déjà, alors quand j'étais tout petit, ma maman
26:30 à midi m'attendait devant l'usine pour aller chercher mon papa, je peux vous dire
26:37 que la rue était vivante.
26:39 Les gens vivaient sur place, vivaient ensemble, partageaient des choses, on se rencontrait,
26:44 il y avait des fêtes locales où il y avait des milliers de personnes dans la rue de
26:47 Gé.
26:48 Tout le monde se connaissait, on savait qui était le fils d'un tel, la fille d'un
26:52 tel, le gendre d'un tel, on se connaissait tous.
26:55 On avait le boucher, il y avait un grand magasin d'alimentation, il y avait beaucoup
27:02 de bars, les bars, la rue de Gé, c'était une ville ouvrière, chaque quartier avait
27:11 tout.
27:12 Si on remonte un petit peu en arrière, dans les années 70, les entreprises c'était
27:18 pratiquement la moitié de la population d'aujourd'hui.
27:21 Pour vous donner un ordre d'idée, quand on sortait des entreprises, en ville, il y
27:25 avait des bouchons, alors qu'aujourd'hui il suffit d'aller vous positionner à la
27:29 gare de Rive de Gé et vous verrez que tous les matins vous avez des milliers de gens
27:33 qui partent, qui vont travailler ou à Saint-Etienne ou à Lyon.
27:37 Et ça je vous parle dans les années 80, c'est pas si vieux.
27:39 Au bout d'un certain temps, il devient nécessaire d'envisager une seconde vie pour ces friches.
27:51 C'est le temps de la réhabilitation, où interviennent de nouveaux acteurs qui, après
27:56 avoir rasé le bâtiment, vont réfléchir aux nouveaux usages qu'ils pourraient avoir
28:00 avant de reconstruire.
28:02 Des projets suivis avec espoir dans cet ancien quartier ouvrier.
28:06 C'est plus beau qu'avant, ça ouvre à l'avenir.
28:20 Non je ne l'avais pas vu comme ça, c'est vrai qu'un sacré chantier, on me l'avait
28:26 dit, mais je n'y croyais pas trop et je pense que toute ma vie je verrai les bâtiments
28:32 ici, dans ma mémoire.
28:34 Les démolitions ont commencé, l'assainissement a commencé, on commence à avoir des informations
28:40 sur les futurs projets, les gens retrouvent l'espoir dans le futur.
28:45 Les gens du quartier sont peut-être sans froid plus heureux que de voir des bâtiments
28:50 de 8 mètres ou 6 mètres de haut, mais non c'est clair, c'est tout clair, c'est vrai,
28:55 il faut reconnaître.
28:56 Que ce soit à Rive-de-Gillet ou à Ugneux, cette réaffectation de la friche industrielle
29:02 incarne une véritable perspective de renaissance.
29:05 C'est porteur d'espoir parce que pour la ville c'est un véritable enjeu.
29:08 C'est vrai que c'est un site stratégique parce qu'il borde Londène et donc il y a
29:12 un projet à l'échelle métropolitaine et même plus largement de réalisation d'une
29:16 voie verte tout le long de Londène et également du Gillet et donc ça passera sur ce site-là.
29:21 L'objectif c'est de redonner du lit à la rivière pour limiter le risque d'inondation
29:25 mais également de créer une voie verte qui soit même d'accueillir des cyclos, des piétons,
29:31 faire un lieu de promenade qui peut être une destination touristique aussi.
29:34 C'est des lieux qui sont très très recherchés aujourd'hui, les espaces autour des rivières
29:38 puisque la pente est faible donc on vise effectivement la réalisation de ceci sur cet espace.
29:44 Et une partie du bâtiment sera également réaffectée à l'activité économique.
29:52 Mais la difficulté c'est que de tels projets coûtent des millions.
29:58 Il est impossible pour les municipalités de les supporter.
30:02 C'est le rôle d'un organisme public comme Épora.
30:05 Racheter ses friches qui ne valent plus grand-chose, assainir les sols et raser le bâti pour livrer
30:10 aux municipalités ou à Saint-Étienne-Métropole un terrain neuf prêt à être réinvesti.
30:16 Généralement on est saisi par des collectivités qui sont conscientes d'avoir une dent creuse,
30:21 une friche, un foncier donc elles ne savent pas quoi faire.
30:27 L'Épora est né en 98 dans la Loire puisque c'était un département qui était très concerné
30:34 par les friches industrielles et militaires.
30:36 Et on œuvre auprès des collectivités sur des sites pour lesquels elles n'auraient pas
30:40 les ressources suffisantes pour pouvoir procéder à la déconstruction ou à la dépollution de ces sites.
30:48 On est régulièrement appelé par des riverains dont parfois les grands-parents, les arrière-grands-parents
30:53 avaient travaillé dans ces industries avec une volonté de récupérer parfois des éléments
31:00 pour justement conserver une trace de ce passé industriel qu'ils avaient connu.
31:05 Une autre vie va commencer.
31:13 Si la réhabilitation nécessite bien souvent de détruire les bâtiments,
31:19 pour la commune se pose alors la question de l'héritage de ces lieux.
31:23 Comment le transmettre ?
31:25 Un choix qui s'est posé à Montbrison, où l'usine Gégé a régné sur l'Europe pendant plusieurs décennies,
31:31 dans le domaine des jouets avec ses fameuses poupées.
31:34 Concurrencée par une célèbre blonde venue des États-Unis, l'usine a fermé ses portes dans les années 80.
31:40 Mais que faire de ce bâtiment dont les souvenirs s'inscrivent dans la mémoire collective ?
31:45 Faut-il tout raser et lui attribuer une nouvelle vocation ?
31:49 Ou préserver le bâti et transmettre son histoire ?
31:53 L'ensemble de la population y est attachée aujourd'hui,
32:00 ce sont les enfants et les petits-enfants de personnes qui ont travaillé à Gégé,
32:04 qui sont fiers de voir que le bâtiment, finalement, il ne va pas être démoli, il va être conservé.
32:09 On va y garder la mémoire, on va garder le nom des bâtiments, par exemple,
32:12 le nom des logements va porter le nom des poupées de Gégé.
32:15 La destination de ce bâtiment, vers des logements pas personnagés,
32:20 vers un restaurant scolaire ou vers une maison médicale,
32:22 ça répond tout à fait aux besoins de nos habitants.
32:26 Et quelque part, ils sont presque fiers que la reconversion de cette usine puisse être dans cette direction-là.
32:31 Les anciens de Gégé sont très très fiers de ce que va devenir le bâtiment.
32:35 C'est presque un petit quartier dans un quartier qui va s'installer, tout ça sur une friche.
32:40 Donc c'est une vraie réussite.
32:41 Alors ça coûte beaucoup de sous, il y a eu effectivement des subventions du fonds friche qui a été le bienvenu,
32:48 mais c'est un projet très complet qui a été un peu compliqué à faire sortir,
32:51 surtout dans une ville de 16 000 habitants où, vous imaginez,
32:54 c'est un investissement de 20-25 millions dans une ville de 16 000 habitants.
32:57 Donc on n'en a pas deux dans une carrière de merde, et comme ça.
33:01 Mais à aucun moment, pour faciliter l'émergence du projet,
33:05 on serait revenu sur le fait de ne pas garder l'histoire de Gégé.
33:10 À aucun moment.
33:11 Voilà l'usine.
33:21 Alors tous les représentants, dans leur catalogue, quand ils allaient chez des clients,
33:26 ils avaient cette photo de l'usine.
33:29 Et à l'époque, ce n'était pas très très courant.
33:32 Alors la première fois que j'ai fait les journées du patrimoine,
33:36 j'ai expliqué à M. le maire pourquoi ce bâtiment était l'emblème de mon maison.
33:44 Et il a voulu garder ce bâtiment. Je le remercie.
33:49 Lorsque l'activité d'un bâtiment disparaît,
33:52 les souvenirs vécus y sont tellement forts qu'ils rejaillissent autrement.
33:56 Henri Champandard a débuté sa carrière chez Gégé.
34:00 Et pour immortaliser ces belles années,
34:02 il conserve précieusement toute une collection d'objets,
34:05 comme autant de petites traces de l'ancienne usine.
34:09 J'ai commencé de travailler chez Gégé en 1959.
34:14 Et j'ai terminé en 1967 en étant responsable de l'atelier des prototypes
34:20 et de la première chaîne de fabrication des poupées marcheuses.
34:25 Alors cette poupée, c'est la poupée Caroline.
34:29 C'est la Benjamin de la poupée Caroline, parce que la poupée Caroline est de cette hauteur.
34:35 C'est une poupée qui a été nommée ainsi parce qu'elle a été offerte
34:40 au prince régné de Monaco pour la naissance de sa fille.
34:44 Germain Giroud voulait, dans son rêve, c'était de faire marcher une poupée.
34:51 Il nous a dit, débrouillez-vous, il faut la faire marcher.
34:55 Et là, c'est là où je me suis éclaté, où c'était vraiment très très agréable.
35:01 Il fallait, l'ingénieur me donnait des schémas.
35:07 "Débrouillez-vous avec ça."
35:10 Alors ça, c'est le schéma de câblage.
35:13 C'est moi qui ai fabriqué le premier prototype de la poupée marcheuse.
35:18 Et la mise en chaîne de cette fabrication.
35:24 Et voilà.
35:26 "Et les deux positions.
35:31 Chaque position, à moi, vous dites quoi.
35:35 Un, deux, trois, quatre, cinq.
35:40 Trois positions."
35:42 Ça a été les plus belles années de ma vie.
35:44 Et partout à Montbrison s'affiche l'héritage de cette histoire.
35:52 Tant dans la préservation d'une partie de l'usine,
35:54 que par la création d'un musée où sont précieusement conservés
35:58 les objets emblématiques qui y étaient fabriqués.
36:01 Autant d'éléments qui permettent de conserver sa mémoire.
36:04 (Musique)
36:18 Car les lieux abandonnés sont bien plus que de simples constructions
36:21 délaissées par les activités humaines.
36:24 À travers les traces du bâti, les petits indices de Livio,
36:27 les souvenirs de Claude et Henri,
36:30 ils constituent une véritable mémoire collective.
36:33 Avec eux se raconte toute l'histoire d'un territoire et de ses mutations,
36:37 tant économiques que sociales.
36:41 Pour Olivier, perpétuer cette mémoire est une des légitimités de ses explorations urbaines.
36:46 Visiter des lieux dont il sait qu'ils sont voués à disparaître
36:50 pour en garder des traces avec ses photos.
36:53 (Musique)
36:59 - En fait je visualise en quelque chose et après le but c'est d'en être le plus fidèle possible.
37:08 Et ça peut être loin.
37:11 Souvent c'est les derniers à avoir exploré des lieux, c'est les urbexeurs.
37:15 Je suis régulièrement contacté par mon site pour des gens qui veulent des vieilles photos de lieux.
37:21 Soit c'est des gens qui ont travaillé dans ces lieux-là,
37:24 soit c'est dans le cadre d'une réhabilitation,
37:28 ils veulent savoir dans quel état était le lieu avant d'être effondré par exemple.
37:37 (Musique)
37:44 Il y a un côté explorateur justement.
37:46 Enfin l'inconnu, je ne sais pas ce que je vais trouver et découvre des trésors du passé.
37:50 Il y a un peu d'Indiana Jones là-dedans finalement.
37:53 C'est bête mais j'ai moins de satisfaction.
37:57 Ça me paraît moins intéressant de visiter un lieu dont j'ai l'autorisation.
38:01 Ça enlève quelque chose quand même à la pratique.
38:04 Donc c'est un mix d'exploration, de photographie,
38:09 mais aussi d'adrénaline, de transgression.
38:14 Ça joue quand même.
38:16 Ce serait se mentir de dire que ça ne fait rien.
38:18 (Musique)
38:23 Oui on prend des risques en visitant des lieux comme ça.
38:27 Ce n'est pas pour rien qu'ils ne sont pas sécurisés, ils sont dangereux, il faut le dire.
38:32 Mais oui on a toujours envie de tout explorer, de tout voir.
38:37 Il faut savoir s'arrêter au bon moment.
38:40 On peut rencontrer des personnes hostiles sur les lieux,
38:44 des squatters, des fois il y a des chiens.
38:46 Dans ce cas-là je pars.
38:48 (Musique)
39:00 De par son côté un peu interdit,
39:04 on est plutôt le témoin du petit patrimoine.
39:09 Les archéologues, les historiens vont s'intéresser à la très grande histoire,
39:15 au très grand château, aux grandes entreprises, etc.
39:20 Nous on est plutôt à la recherche du patrimoine, plutôt oublié.
39:24 (Musique)
39:50 Une fois son exploration terminée, il publie ses photos sur son site,
39:54 accompagné d'un texte mêlant l'histoire aux sensations de l'exploration.
39:59 Et il sera lu par des milliers d'abonnés.
40:02 Car l'urbex est incontestablement à la mode.
40:05 La pratique clandestine fait désormais l'objet de nombreuses publications
40:09 dans les livres d'art et d'histoire.
40:11 Sur Instagram, son hashtag regroupe plus de 6 millions de publications
40:16 et les réseaux sociaux multiplient les récits scénarisés d'exploration.
40:20 Une popularité qui a malheureusement ses dérives,
40:23 certains monnayant l'adresse des lieux au risque de les voir se détériorer.
40:28 Olivier déplore que la volonté de transmettre
40:31 se substitue lentement à une recherche du spectaculaire.
40:35 Le mouvement évolue.
40:40 Depuis quelques années, il y a de plus en plus de monde qui s'y met.
40:46 Et surtout, il y a une certaine course aux sensationnels.
40:51 Le but, c'est d'être le premier à avoir découvert un lieu,
40:55 et des lieux si possible plus impressionnants.
40:58 Et c'est dommage de courir après ça.
41:02 Il y a ça, et aussi comme dérive actuelle,
41:05 plus il y a de monde et plus les gens visitent de lieux forcément,
41:10 mais plus les gens se suivent aussi.
41:12 Donc il y a des véritables phénomènes en fait,
41:16 quand un lieu est découvert, tout le monde veut aller faire sa photo.
41:21 C'est même pas la photo du lieu, c'est la photo que tout le monde fait.
41:25 Et donc moi, mon fil Instagram se retrouve submergé de la même photo du même lieu.
41:32 Il se repasse exactement l'endroit par lequel rentrer sur le lieu.
41:36 Il faut se garer là, rentrer par là.
41:38 C'est presque si on leur dit où poser leur trépied pour faire la photo à l'intérieur du lieu.
41:43 Et pour moi, c'est du tourisme, c'est pas de l'exploration.
41:48 Quand je suis venu cet été, c'était beaucoup plus impressionnant.
42:01 Les ronds, c'était beaucoup plus haut, la voiture était recouverte.
42:04 J'adore, je me tourne de plus en plus vers ce thème.
42:15 Avant, j'étais sur les traces du passé des gens, les traces de vie.
42:22 Vraiment les objets, tout ça, un peu comme les rumeurs.
42:29 Et maintenant, je préfère les endroits plus en ruines, plus usés par la nature, par les éléments.
42:38 Je suis pas mal préoccupé par les questions écologiques et de fin du monde un peu.
42:47 Enfin, de fin du monde, pas par les zombies, mais par le réchauffement climatique et tout ça.
42:55 Et de post-humanité un peu, d'évolution de l'humanité.
42:58 Et du coup, la reprise de la nature, c'est pour ça que ça me parle le plus.
43:05 Finalement, l'humanité, elle est assez dérisoire.
43:08 On voit qu'en ne serait-ce qu'une dizaine d'années, un bâtiment peut être recouvert par du lierre et on peut ne plus le voir.
43:17 C'est clair que la nature est beaucoup plus puissante, beaucoup plus résiliente que ce que des humains sont capables de faire.
43:27 Et bientôt, tout sera dissimulé sous des feuillages.
43:40 Quelque chose d'inéluctable s'est produit.
43:42 La nature a repris ses droits, balayant toute trace de son occupant.
43:47 C'est la fin du règne humain.
43:49 Les lieux abandonnés ne sont pas seulement un témoignage du passé.
43:53 Ils interrogent aussi sur la fin des choses en donnant à voir un monde sans nous.
43:58 La fascination croissante exercée par ces lieux n'est pas anodine, mais traduit notre peur de la fin,
44:05 ce post-apocalyptique omniprésent dans la culture populaire depuis plusieurs années.
44:10 Et cette peur de l'effondrement s'est aujourd'hui déplacée sur la crainte de la catastrophe écologique.
44:16 En offrant la vue de bâtiments détruits, dans lesquels la nature sauvage triomphe de la construction,
44:22 ces lieux abandonnés sont devenus une allégorie de la condition humaine.
44:28 Aujourd'hui, la nature est en train de faire la guerre.
44:32 La nature est en train de faire la guerre.
44:35 La nature est en train de faire la guerre.
44:38 La nature est en train de faire la guerre.
44:41 La nature est en train de faire la guerre.
44:43 La nature est en train de faire la guerre.
44:46 La nature est en train de faire la guerre.
44:49 La nature est en train de faire la guerre.
44:52 La nature est en train de faire la guerre.
44:55 La nature est en train de faire la guerre.
44:59 La nature est en train de faire la guerre.
45:02 La nature est en train de faire la guerre.
45:05 La nature est en train de faire la guerre.
45:08 La nature est en train de faire la guerre.
45:11 La nature est en train de faire la guerre.
45:14 La nature est en train de faire la guerre.
45:17 La nature est en train de faire la guerre.
45:20 La nature est en train de faire la guerre.
45:23 La nature est en train de faire la guerre.
45:26 La nature est en train de faire la guerre.
45:29 La nature est en train de faire la guerre.
45:32 La nature est en train de faire la guerre.
45:35 La nature est en train de faire la guerre.
45:38 La nature est en train de faire la guerre.
45:41 La nature est en train de faire la guerre.
45:44 La nature est en train de faire la guerre.
45:47 La nature est en train de faire la guerre.
45:50 La nature est en train de faire la guerre.
45:53 La nature est en train de faire la guerre.
45:56 La nature est en train de faire la guerre.
45:59 La nature est en train de faire la guerre.
46:02 La nature est en train de faire la guerre.
46:05 La nature est en train de faire la guerre.
46:08 La nature est en train de faire la guerre.
46:11 La nature est en train de faire la guerre.
46:14 La nature est en train de faire la guerre.
46:17 La nature est en train de faire la guerre.
46:20 La nature est en train de faire la guerre.
46:23 La nature est en train de faire la guerre.
46:26 La nature est en train de faire la guerre.
46:29 La nature est en train de faire la guerre.
46:32 La nature est en train de faire la guerre.
46:35 La nature est en train de faire la guerre.
46:38 La nature est en train de faire la guerre.
46:41 La nature est en train de faire la guerre.
46:44 La nature est en train de faire la guerre.
46:47 La nature est en train de faire la guerre.
46:50 La nature est en train de faire la guerre.
46:53 La nature est en train de faire la guerre.
46:56 - On était 3 dans la voiture.
46:59 Ils se disaient pourquoi on n'essayait pas de récupérer
47:03 cette station-service.
47:06 Le projet est parti de là.
47:09 On a déboisé, on a nettoyé.
47:12 Après, on a commencé à attaquer sa reconstruction.
47:16 - Je sortais du magasin, je vois les grands engins.
47:19 J'ai dit à mon mari qu'ils étaient en train de casser la station.
47:23 Il y a un monsieur qui arrive et qui me dit
47:26 qu'il a vu ce qu'ils ont fait.
47:29 Il m'a dit de regarder sur Facebook le site.
47:32 C'est là que je me suis rendu compte
47:35 qu'ils allaient réhabiliter la station.
47:38 J'ai commencé à voir ça et j'étais contente.
47:41 - Total était propriétaire de la marque Ozo.
47:44 Au début 2021, auprès de l'INPI,
47:47 ils n'ont pas renouvelé leur propriété.
47:50 Mais on s'est empressés de sauter dessus
47:53 pour tout ce qui est produits dérivés.
47:56 - Et ils se sont mis en tête
47:59 d'avoir leur bâtiment abandonné à eux.
48:02 Après avoir signé une concession d'usage
48:05 temporaire avec l'agglomération, les travaux ont pu commencer.
48:08 La bande de copains organise des corvées régulières
48:11 pour purger la friche de ces immondices.
48:14 Et l'association lance une subscription via Facebook
48:17 pour récolter les fonds nécessaires à sa rénovation.
48:20 - J'ai trouvé la démarche vraiment intéressante.
48:27 Ce patrimoine des années 50, 60,
48:30 qui disparaît alors que tout le monde s'en fiche.
48:33 J'ai trouvé que l'équipe avait vraiment raison
48:36 de vouloir sauvegarder ça
48:39 et garder la mémoire de cette période, quoi.
48:42 - Il y a eu un engouement autour de ça
48:45 au niveau collectivité territoriale et entreprise.
48:48 Puisque, par exemple, on a une entreprise du Coteau
48:51 qui nous a offert toute la peinture de la station-service.
48:54 On a une autre qui nous a fait cadeau de la main-d'oeuvre
48:57 quand ils ont mis les huisseries.
49:00 Et il y a des gens qui ont donné,
49:03 qui ont financé une partie de la rénovation de la station.
49:06 - C'est un peu comme un petit village,
49:09 mais c'est un peu comme un petit village.
49:12 - Et comment vous voyez la rénovation de la station?
49:15 - Eh bien, ici, on est dans le bureau de mon père.
49:18 Il avait son bureau qui était ici.
49:21 Il avait vu sur les clients qui rentraient.
49:24 Et c'était ici que se passaient toutes les transactions
49:27 avec les clients.
49:30 Des fois, je lui parle, j'ai fait,
49:33 "T'as vu ce qu'ils ont fait de ta station?
49:36 Il doit être content."
49:39 Et puis, je lui disais, "Il faut remémorer les bons moments."
49:42 Parce que c'est elle qui m'a dit
49:45 qu'ils avaient passé de bons moments ici.
49:48 De très bons moments.
49:51 - Décidément, les lieux abandonnés en racontent des histoires.
49:54 Ici, elle permet de satisfaire ce retour au vintage
49:57 qui s'empare de notre société.
50:00 Ce besoin nostalgique de redonner vie
50:03 aux moments joyeux du passé.
50:06 - Il y a sans doute aussi la nostalgie
50:09 d'une époque où la France était prospère, peut-être.
50:12 C'est certainement mon cas.
50:15 Avec les années plus difficiles qu'on a pu connaître ces derniers temps,
50:18 la crise, la pandémie et tout ça.
50:21 Je trouve que ça...
50:24 Ouais, le vintage, ça peut rendre un peu le sourire aux gens
50:27 dans une époque assez morose.
50:30 - Je pense que les gens ont besoin de ça.
50:33 Ils ont besoin de changer dans cette époque
50:36 qui était somme toute une époque heureuse, quoi.
50:39 On a besoin de ce patrimoine.
50:42 - On va aller voir.
50:45 ...
50:48 ...
50:51 - La ruine n'est pas qu'un fragment de la vie d'avant.
50:54 Elle est un lieu fantôme
50:57 qui oscille entre le passé et l'avenir,
51:00 entre la mort et celui des vivants.
51:03 Sans fonctionnement utile pour la société,
51:06 le mystère qui l'entoure nous appelle à la remplir de nos propres fantasmes.
51:09 Son rôle devient essentiel pour raconter toutes sortes d'histoires.
51:12 Des récits d'exploration au maintien de la mémoire,
51:15 en passant par la contemplation de la finitude des choses,
51:18 elle a transformé l'abandon en lieu d'expérience,
51:21 au point de permettre une méditation
51:24 entre l'homme et son territoire.
51:27 ...
51:30 ...
51:33 ...
51:36 ...
51:39 ...
51:42 ...
51:45 ...
51:48 ...
51:51 ...
51:54 ...
51:57 ...
52:00 ...
52:03 ...
52:06 ...

Recommandations