Le général Pierre Poty, commandant la gendarmerie de La Réunion, nous a accordé un entretien où nous avons pu aborder les sujets brulants du microcosme réunionnais tels que les violences intra-familiales et l'augmentation permanente des trafics de stupéfiants.
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00:00 Mon général bonjour, merci de nous recevoir. Quand vous êtes arrivé il y a trois ans,
00:08 vous nous faisiez part de votre volonté justement de prendre à bras le corps les problèmes de
00:17 violence intrafamiliale. Alors trois ans et demi plus tard, vous en êtes où de ce fléau qui touche
00:22 directement la réunion ? D'abord c'est quand même très particulier les violences intrafamiliales,
00:28 c'est quelque chose sur laquelle nous on n'a pas de prise dans la phase préalable. On constate,
00:33 on est saisi de fait de violences intrafamiliales. Donc c'est très frustrant parce que c'est une
00:39 courbe d'augmentation des violences intrafamiliales qui ne se tarifient pas, qui ne baissent pas.
00:44 L'année dernière on a pris presque 30% d'augmentation des violences intrafamiliales.
00:48 C'est plus une augmentation, c'est presque un raz de marée. Et ça met d'ailleurs en difficulté
00:52 certaines unités, je pense notamment dans le sud, parce que pour une raison que j'ai du mal à
00:55 m'expliquer, on a trois unités qui sont plus particulièrement impactées dans l'augmentation,
01:01 c'est le secteur de Saint-Joseph, le secteur du tampon et le secteur de Saint-Louis. Donc c'est
01:07 une augmentation permanente, constante des violences intrafamiliales. Et si vous regardez
01:13 la courbe des chiffres de la délinquance sur les dernières années, vous avez une baisse à peu
01:18 près constante des atteintes aux biens. Voilà, tout ce qui est cambriolage s'est diminué par 2,
01:22 etc. Et de la même manière vous avez une augmentation quasiment constante des violences,
01:26 et notamment des violences intrafamiliales. Donc il est bien évident que ça a une priorité pour
01:32 tout le monde, ce n'est pas lié pour les gendarmes, ce n'est pas lié pour la police, ce n'est pas lié
01:35 pour la justice, mais après il faut le traduire en actes. Qu'est-ce qu'on fait ? Donc il y a beaucoup
01:39 d'initiatives et moi je voudrais quand même aussi saluer ça, c'est-à-dire qu'on est quand même dans
01:43 une île où les gens ne restent pas sans rien faire, à regarder les choses. Il y a beaucoup
01:47 d'initiatives, il y a beaucoup d'associations qui se bougent à nos côtés, qui nous aident,
01:52 parfois qui nous secouent quand il y a des choses qu'on fait, qu'on fait mal, il faut le dire,
01:56 personne n'est parfait. Mais ce qui est certain c'est qu'on a vraiment essayé de développer
02:00 la formation de nos enquêteurs pour l'accueil des victimes, pour la prise en compte des cas,
02:05 etc. Et puis on a créé des groupes dédiés aux violences intrafamiliales. Mais ces groupes,
02:10 c'est vrai, sont parfois submergés par la masse. Donc ça, cette mobilisation, elle s'est traduite
02:16 concrètement par exemple, on a reformé tous les enquêteurs de voyage, on va se représenter
02:20 plus de 400 gendarmes, on a reformé au vif. Dès qu'on a un escadron de gendarmes immobiles qui
02:26 vient à La Réunion tous les trois mois, on le forme à la prise en compte des vifs parce que
02:31 souvent c'est eux les premiers d'entrée en intervenant. Donc comment on prend en compte une victime,
02:34 qu'est-ce qu'on fait, avec ce qu'on rencontre, avec ce qu'on n'a pas, toute la formation qui est
02:37 technique concernant les violences intrafamiliales parce qu'on leur dit "vous allez mettre le pied
02:41 dehors, en patrouille, vous allez être engagé sur des violences intrafamiliales". Et puis d'ailleurs,
02:46 on a vraiment développé notre travail avec les associations et notamment grâce à la maison de
02:51 protection des familles, ancienne du PDG, qu'on a vraiment orienté sur ces problématiques de
02:56 violences intrafamiliales, qu'on a également gonflé, alors pas avec des effectifs de gendarmes,
03:00 parce que je n'en ai pas, mais avec des services civiques et puis bientôt avec une psychologue
03:07 clinicienne qui va nous être financée en partie par le conseil départemental et en partie par la
03:11 préfecture. Donc c'est la première fois qu'on aura une psychologue dans une maison de protection
03:16 des familles, ça sera une première nationale et je pense que ça le nécessite parce que la Réunion,
03:21 en zone gendarmerie, se situe à la troisième position au niveau national en volume de violences
03:26 intrafamiliales et si on le rapporte au nombre de victimes par rapport à la population, on n'est pas
03:33 troisième, on est premier. Donc il y a un vrai sujet dans ce domaine. Vous aviez aussi une
03:38 priorité, je crois que la gendarmerie de la Réunion a été mise à l'honneur, vous avez mis en place
03:42 une tablette qui permet aux victimes justement de ne pas afficher pourquoi elles sont venues à la
03:47 gendarmerie quand elles veulent déposer une plainte et surtout de rester anonyme. Et il me
03:51 semble que ça a été développé, ça va être développé dans toutes les gendarmeries françaises ?
03:54 C'est une initiative locale, il y a des ateliers d'idéation, des gens peuvent proposer des choses,
04:00 et donc il y a une équipe qui a proposé une tablette qu'on a appelée "Gendacueil". Notre
04:05 objectif premier c'était justement d'éviter que quelqu'un qui se présente à l'accueil soit obligé
04:09 de dire un peu devant les gens qui attendent, devant tout le monde "je viens parce que mon mari
04:13 m'a frappé" ou "parce que j'ai été violé" ou parce que voilà, donc des choses qui sont difficiles
04:17 à dire verbalement en public. Donc ça a été vraiment ça l'objectif et donc ils ont développé
04:24 un produit, alors on a récupéré les tablettes, on a développé des choses, ils ont développé un petit
04:27 logiciel et on l'a proposé ce qu'on appelle aux ateliers de la performance chez nous, ça a été
04:32 validé et puis on a développé les deux premières tablettes. Et ensuite quand le commandant de la
04:38 gendarmerie d'outre-mer est venu en déplacement ici, on lui a montré et il a dit "mais c'est génial
04:42 votre truc, je vous finance pour équiper toutes les brigades". Donc là on est en train d'équiper toutes
04:46 les brigades grâce à ce financement et effectivement après on a été contacté par de très nombreux
04:51 camarades de métropole qui sont intéressés par le concept et qui le développent un peu partout
04:55 sur le territoire national ou en outre-mer. Donc c'est pas quelque chose de parfait, c'est des
05:01 petites choses mais ça permet je pense globalement d'améliorer l'accueil du public et puis ça permet
05:06 aussi de valoriser les idées qui viennent des unités de terrain et qui sont confrontées à la réalité des choses.
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