• il y a 2 ans

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00:00 [Musique]
00:03 Il a la verve, la goye, la tchatch d'un titi parisien.
00:07 Laurent Deutsch nous a reçus dans ce club à l'anglaise de la capitale
00:10 entre vieux livres et bouteilles de scotch écossais.
00:13 À la fois acteur et conteur d'histoire, il joue en ce moment du Shakespeare,
00:17 le songe d'une nuit d'été, tout en se passionnant pour les grands personnages de l'histoire de France.
00:22 Bonsoir Laurent Deutsch.
00:23 Bonsoir.
00:24 Alors vous êtes un acteur de télévision, de cinéma, de théâtre surtout maintenant.
00:29 Si je remonte aux origines, au tout début on va dire que vous êtes né à Alençon dans l'Orne.
00:34 Vous avez grandi à Sablé-sur-Sarthe, dans la Sarthe,
00:37 un environnement à 10 000 lieux finalement du Paris que vous admirez tant aujourd'hui.
00:41 Ça n'a pas été le choc des cultures quand vous êtes arrivé,
00:43 quand vous avez débarqué à la capitale à l'âge de 15 ans, en plus vous étiez tout jeune ?
00:46 Ah bah oui, si. Alors je ne suis pas inquiet, mais je découvre déjà la banlieue
00:52 qui ne répond pas du tout aux mêmes codes que la campagne.
00:56 Je me retrouve à Bobigny où là je ne maîtrise plus rien et où je me fais peu d'amis.
01:00 Et finalement mes premières occupations seront de prendre le métro
01:05 pour m'arrêter partout dans Paris parce que les stations de métro
01:08 m'évoquent quelque chose qui me passionne qui est l'histoire de France.
01:11 Donc je prends la ligne 5 et je m'arrête à la Bastille et je me dis "tiens qu'est-ce qui s'est passé ?
01:14 Est-ce qu'il parle de la prise de la Bastille ? Est-ce que c'était là ?"
01:16 Je me rends compte que les pavés sont encore présents, délimités sur le sol de la place de la Bastille.
01:20 En cherchant bien dans le métro, on trouve des traces de fondation.
01:22 Donc ça devient une véritable chasse au trésor.
01:24 Et finalement ça occupe tous mes week-ends et mes mercredis après-midi
01:27 parce que je n'ai pas d'amis et je n'ai rien d'autre à faire.
01:29 – D'accord, mais d'où vous est venue cette attraite pour l'histoire ?
01:31 Est-ce que vous l'aviez déjà avant ?
01:33 Et qu'est-ce qui vous a donné cette envie-là ?
01:35 Est-ce que c'est une passion que vous partagez en famille par exemple ?
01:37 – Non, pas du tout, c'était Eddy Mitchell, c'est pour ça que je dédicace mon livre.
01:41 – Eddy Mitchell ? – Oui, oui.
01:42 Je n'ai pas appris l'histoire par les auteurs, je n'ai pas appris l'histoire par mes professeurs.
01:46 Je l'ai appris par la dernière séance et les reconstitutions historiques
01:50 qui étaient données à voir, les péplums qui allaient des dix commandements
01:54 à Yvan Hoët, à Guillaume le Conquérant, Robin Desbois,
01:56 ce sont des histoires qui me fascinaient.
01:58 Le lendemain, je me souviens, je cite souvent cet exemple-là,
02:00 mais c'est vrai, je prenais mes Playmobil quand j'avais vu avec Charlton Heston
02:03 Moïse qui ouvre la mer Rouge et qui fait passer les Juifs quand ils quittent l'Égypte.
02:06 Le lendemain, je m'étais installé dans la salle de bain
02:09 et j'avais fait un robinet, avec le robinet je faisais traverser les Playmobil dans l'évier.
02:12 Et ça me nourrissait, ça nourrissait mon imaginaire d'enfant.
02:16 Et ma mère m'a dit "mais tu sais qu'en plus ça c'est la grande histoire,
02:18 donc si tu veux, achète-toi des livres et tu pourras te cultiver davantage,
02:21 ne pas attendre le mardi prochain".
02:23 Parce qu'en plus des fois c'était souvent des westerns,
02:25 donc là c'était un peu loin de moi les westerns.
02:27 Elle m'a acheté des livres d'histoire dont le premier, je me souviens,
02:29 c'était Alain Decaux qui racontait l'histoire aux enfants.
02:31 Et là c'était parti, c'était des heures et des heures de jeu derrière.
02:34 – Alors le projet qui vous anime aujourd'hui, c'est cette nouvelle BD
02:39 dont vous êtes à l'origine, ça s'appelle "Histoire de France",
02:42 c'est le premier tome de la série.
02:44 Et ce sont des histoires de relations, des duos comme ça.
02:48 Et là vous vous intéressez plus précisément au XVIe siècle.
02:50 Vous pouvez nous expliquer un peu le concept de cette série ?
02:52 – Ce qui m'a profondément marqué, c'était une pièce de théâtre de Briseville
02:55 qui s'appelait "Le Soupé" où on assistait avec ravissement en tant que spectateur
02:59 à un dîner, un souper entre Fouché et Talleyrand.
03:02 Donc c'était vraiment les deux personnages ultra-influents
03:05 sous le premier empire de Napoléon et qui ont décidé du destin de la France.
03:08 Et nous, des petites souris comme ça, on se glisse dans les grandes destinées
03:11 avec les grandes figures, les grands personnages.
03:13 Et là, au XVIe siècle, c'est effectivement la rencontre,
03:15 au soir de la défaite terrible de Pavie en 1525,
03:18 entre le conétable de Bourbon et François 1er.
03:21 Il faut savoir que le conétable de Bourbon était au service du roi de France.
03:23 C'est lui qui a des principaux artisans de la victoire de Marignan,
03:26 cette fameuse date de 1515 que tout le monde connaît encore j'espère.
03:29 Et il a finalement choisi de quitter son roi pour aller se battre
03:32 du côté de l'empereur Charles Quint.
03:34 – Passer dans le camp ennemi.
03:35 – Voilà, donc on l'a fait passer pour le premier traître national.
03:37 Mais en s'intéressant un petit peu plus à la complexité du monde de l'époque,
03:41 on se rend compte que c'était beaucoup plus difficile,
03:44 on ne peut pas voir ça et déjà on ne peut pas juger.
03:46 Je crois qu'il n'y a pas pire quand on étudie l'histoire
03:48 que de vouloir la juger après tout.
03:49 On tombe dans des anachronismes et dans des erreurs terribles.
03:52 Et là pour le conétable de Bourbon, je pense que c'en est une.
03:54 Mais c'est passionnant.
03:55 – Vous êtes quand même venu très jeune à Paris.
03:57 Vous avez quitté vos parents très tôt.
03:59 – J'ai quitté mes parents mais je suis allé chez mes grands-parents.
04:01 Donc ce n'était pas quand même un arrachement.
04:03 Puis j'étais chez ma sœur, donc je restais en famille.
04:06 – Mais pourquoi vous êtes parti ?
04:08 – C'est pour des problèmes personnels.
04:10 Mon père a eu un accident de voiture et j'ai dû partir
04:12 parce que ma mère devait s'occuper de lui.
04:14 Et puis en plus, moi je revenais du foot,
04:17 je m'étais pris un coup de chausson avec le football club de Nantes.
04:20 – Alors qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
04:22 Vous avez failli être footballeur.
04:23 – J'étais en sport-études.
04:24 – Vous étiez en sport-études et là vous vous êtes repéré par le FC Nantes.
04:27 – Oui, mais comment ? Vous ne m'avez pas vu jouer au foot.
04:30 – Pas encore. Démonstration ?
04:32 – Avec la map Monde ?
04:33 – C'est ça.
04:35 J'ai fait deux ans de sport-études pour intégrer un centre de formation
04:39 et malheureusement ça n'a pas abouti parce que j'étais insuffisamment doué,
04:43 tout bêtement.
04:44 Je ne pouvais pas faire de travail sans ballon,
04:46 qui est la musculation.
04:48 – Mais étrangement Laurent Dutch,
04:50 ce physique-là qui vous fait défaut,
04:52 ou en tout cas qui est un inconvénient pour le football,
04:55 ça veut devenir un gros avantage pour votre carrière d'acteur quand même.
04:59 Puisque c'est grâce à votre physique qu'on vous remarque.
05:02 – Oui, j'ai toujours été pointé du doigt, distingué,
05:04 ne pas pouvoir aller en boîte de nuit à 18 ans,
05:06 montrer les papiers quand vous en avez 22.
05:08 – À cause de votre physique justement.
05:09 – À cause de mon physique, je me faisais arrêter en voiture.
05:11 Bon, il faut dire que je n'ai passé à peine le volant,
05:13 mais c'était insupportable.
05:14 – Mais comment justement vous avez réussi à surmonter tout ça ?
05:16 – Il faut se faire une carapace.
05:18 Il faut se faire une carapace et moi ça a été justement l'évasion par l'histoire.
05:23 Je me racontais des histoires, je redécouvrais l'histoire de France
05:26 et je faisais finalement la station Philippe Auguste, Bastille,
05:29 Louise Michel ou Louis Blanc de puissants alliés.
05:33 Parce que je connaissais leur histoire et que les gens autour de moi
05:35 qui étaient de tête de plus finalement, ils ne voyaient pas grand chose
05:37 parce qu'ils ne savaient pas qui ils étaient.
05:39 Donc moi j'étais peut-être petit et assis mais je voyais plus loin qu'eux.
05:41 – Au cinéma, votre premier grand rôle, on va dire, c'est en 1999,
05:45 "Le ciel, les oiseaux et ta mère" de Djamel Ben Salah avec Djamel Debbouze.
05:49 Vous vous souvenez de ces années-là ?
05:51 – Complètement, parce que Djamel Ben Salah c'est vraiment mon plus vieil ami
05:54 et mon meilleur ami dans le métier en tout cas.
05:56 C'est celui qui m'a pris par la main.
05:58 C'est un mec qui a été très courageux, très ambitieux, très sûr de lui,
06:02 très convaincu et qui a affronté une montagne, ce milieu-là du cinéma
06:08 où il y a tellement peu de place, où il y a tellement de friction,
06:11 de lutte pour pouvoir mettre à jour un projet.
06:14 Et lui était convaincu qu'il réussirait et qu'il y arriverait,
06:17 qu'il en ferait son métier.
06:18 Et c'est lui qui m'a emmené, il m'a pris par la main et il m'a dit "vas-y".
06:20 – Alors il y a eu un vrai basculement dans votre carrière, Laurent Deutsch,
06:22 parce qu'à un moment au cinéma on vous voyait beaucoup
06:24 dans les rôles de loulous, de mecs de banlieue qui traversent le périph' etc.
06:28 Puis ensuite, vous avez joué au théâtre, jusqu'à aujourd'hui joué du Shakespeare.
06:32 À quel moment est-ce que vous pensez que votre image elle a changé ?
06:35 – C'est un jour dans Libération, il y a un journaliste qui détestait un film
06:38 et il a dit "encore un film avec Laurent Deutsch"
06:41 et je n'avais pas joué dans le film.
06:43 Et là je me suis dit "ah ouais d'accord, il y a vraiment des gens qui m'en veulent".
06:45 Donc il faut commencer à réfléchir sur la portée de nos actes
06:48 et il faut se débarrasser de l'insouciance et du fait
06:51 qu'on ne sera pas sanctionné à un moment ou à un autre
06:54 si on fait trop de mauvais choix.
06:56 Même moi je me rendais compte que je faisais toujours la même chose
06:59 et je n'apprenais plus rien.
07:01 – C'est Jean-Pierre qui va faire basculer votre carrière au théâtre
07:06 puisqu'il vous propose ce rôle d'Amadeus, Mozart en 2005.
07:10 Quand il vous propose ce rôle, quelle est votre réaction ?
07:13 Puisqu'encore une fois vous étiez loin quand même de ces rôles-là.
07:16 – Au théâtre on a des distinctions qui sont vos… les Molières, vous savez ?
07:19 Moi j'ai eu la sensation de recevoir mon Mozart.
07:21 – Quand j'écoute tout ce que vous me dites, vous avez quand même le chic
07:24 pour être à chaque fois là où on ne vous attend pas.
07:26 Comment est-ce qu'on pourrait qualifier ça ?
07:28 – Émerveillé, je crois que ce mot-là veut tout dire.
07:30 Je crois que c'est la phrase de Jean-Claude Van Damme.
07:32 Tout le monde s'est moqué de son truc "Rester aware".
07:34 Je suis aware. – Aware.
07:36 – Non mais c'est ça. – Normalement il faut faire le geste.
07:38 – Ouais, aware voilà. Et être ouvert.
07:40 C'est le principe de l'enfant qui croit à tout.
07:42 Il croit au Père Noël, il croit au fantôme, il croit…
07:44 Quand il voit passer une étoile filante dans le ciel
07:46 ou un rêve qui se profile à l'horizon, c'est ça que je cherche finalement.
07:49 C'est de rester émerveillé avec les yeux d'un enfant.
07:51 – À ne pas grandir finalement. – Ne pas grandir, Peter Pan.
07:53 Mettre des collants verts. – Merci beaucoup.
07:55 [Musique]

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