Faut qu'on parle - Samuel Buisseret nous raconte comment il est sorti du complotisme

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00:00 Il y a un véritable deuil de la sortie du complotisme.
00:03 Tout d'un coup, on se rend compte qu'on a dit des choses auxquelles on ne croit plus
00:05 et on les a dites avec énormément de conviction à absolument tous nos proches.
00:10 On est même connus pour ça.
00:11 On a eu en Belgique ce qui s'appelle la vague belge.
00:14 Donc c'était une série d'observations d'ovnis.
00:16 On a eu en tout plus de 400 si je me souviens.
00:18 Et tout d'un coup, ces sujets qui étaient réservés à la science-fiction
00:21 se retrouvaient au journal télévisé.
00:23 Cette espèce de temple de l'information sérieuse et fiable
00:28 commençait à parler d'extraterrestres.
00:30 Et ça, ça m'a fasciné.
00:31 C'est là que je me suis dit
00:32 « Mais en fait, les limites de notre connaissance, elles sont là-dedans. »
00:36 Et c'est comme ça que je me suis lancé à corps perdu dans le paranormal, dans le spirituel.
00:40 Sans vraiment le vouloir, sans vraiment s'en apercevoir,
00:42 on entre dans le raisonnement complotiste.
00:44 Je me souviens très bien, moi j'avais la sensation d'avoir une espèce de responsabilité en fait.
00:49 Quand on a ces espèces de savoirs qui sont extrêmement alarmistes,
00:53 on parle quand même toujours du même schéma,
00:56 une espèce d'organisation de super-puissants complotant secret
01:00 pour faire tel truc vis-à-vis de la population.
01:04 Soit on est dans le déni et on continue sa petite vie tranquille en se disant
01:07 « J'espère que je vais m'en tirer. »
01:08 Soit on se dit « Il faut absolument avertir tout le monde. »
01:11 Si on veut avertir tout le monde, on s'entraîne un petit peu sur ses amis,
01:15 on voit qu'ils ont du répondant, qu'ils ne se laissent pas facilement convaincre,
01:17 donc il faut étoffer la matière.
01:19 Et donc voilà comment moi j'ai développé en tout cas très naturellement ma culture complotiste.
01:24 On compose avec les éléments qu'on a sous le nez
01:28 sans avoir conscience de la masse manquante d'informations qu'on a.
01:33 On ne sait pas si on est en train de faire une théorie avec 5% des infos.
01:35 Si telle information colle avec ma théorie, alors elle est vraie.
01:41 Et c'était tout, c'était mon seul filtre de vérification.
01:43 Donc il faut une espèce de chance, une espèce de coup de chance
01:46 pour pouvoir à un moment donné remettre en cause ces convictions,
01:50 pratiquer ce qu'on appelle la suspension du jugement.
01:52 Moi ce qui m'est arrivé, c'est très particulier.
01:55 Un matin mon cousin m'appelle, il me dit "Ton frère est mort".
01:57 Et il me sort une nécrologie.
01:59 Prénom, nom, âge, ville correspondent à mon frère.
02:03 Et ce n'est pas une grande ville.
02:04 Alors je suis un peu en panique, j'appelle mon frère et il décroche cet imbécile.
02:08 Alors je suis très content.
02:09 Je lui dis "Et non, il n'est pas mort".
02:10 Et donc hasard incroyable, quelqu'un qui a le même prénom, le même nom, le même âge
02:15 et qui habite dans la même ville que mon frère est mort.
02:18 Et ce jour-là précis, dix heures plus tard, on m'annonce que c'est mon cousin
02:22 que je considérais comme mon petit frère qui décède dans un accident de voiture.
02:28 Et ça quand vous croyez aux signes, quand vous croyez que le hasard peut vous parler,
02:33 ça n'a plus aucun sens à ce moment-là.
02:35 Et ça laisse un goût dégueulasse.
02:38 Je me suis dit "J'en ai marre, que ces choses existent ou n'existent pas,
02:43 je ne veux plus rien avoir à faire avec elles".
02:45 Et donc je pratiquais sans le savoir pour la première fois cette fameuse suspension du jugement,
02:49 mettre de côté mes convictions à moi, mes certitudes,
02:53 pour un petit peu redécouvrir comment on peut croire autrement le monde,
02:56 comment on peut l'imaginer autrement.
02:58 Aujourd'hui, je me considère comme un sceptique et maintenant j'accueille toutes les informations,
03:03 non plus en termes de vraies, fausses, en termes de blancs, noirs,
03:07 n'importe quelle information qui me vient,
03:09 la première question que je me pose c'est "à quel point elle est fausse ?"
03:12 Parce que toutes les informations ont une petite part de faux.
03:16 Qu'elles viennent des grands médias ou qu'elles viennent des baffons d'internet.
03:20 Avec ce qu'on appelle la dérégulation du marché de l'information,
03:23 il y a une horizontalisation des informations.
03:25 C'est-à-dire que vous pouvez, vous, dans votre cave,
03:28 avoir une communauté similaire à celle d'un expert qui a consacré sa vie à une question précise.
03:35 Et vous pouvez vous retrouver à être mis face à face,
03:37 alors qu'en fait, il n'y a pas de...
03:40 "Non, l'expert il est là et vous, vous avez fait vos enquêtes sur votre GSM."
03:44 Et aujourd'hui avec les réseaux sociaux, le phénomène qu'on appelle les bulles de filtre,
03:48 c'est-à-dire que les réseaux sociaux nous alimentent en informations qu'on aime déjà,
03:53 notre cerveau va baisser ses défenses.
03:55 Parce qu'il retrouve une vérité qu'il aimerait vraie en fait.
03:58 Et je pense que la posture de sceptique c'est d'essayer d'un peu
04:00 prendre de la distance par rapport à tous ces trucs
04:03 et se demander qu'est-ce qu'on peut faire avec ça pour augmenter l'esprit critique général.
04:07 Pour moi l'esprit critique c'est simplement une posture.
04:10 On ne s'intéresse plus aux idées, on s'intéresse à ce qui soutient les idées.
04:14 Est-ce que ça c'est solide ?
04:15 Quand on sent soi-même par exemple qu'on essaie de nous convaincre,
04:18 non pas via l'argumentation mais via l'émotion.
04:21 Quelqu'un essaye de me convaincre en me faisant peur.
04:23 Est-ce que c'est vraiment une bonne raison de le croire ?
04:25 Ça c'est le développement de l'esprit critique.
04:28 C'est quelque chose qu'on peut tous et toutes faire.
04:29 Simplement il faut se mettre dans cette posture, dans cette démarche
04:33 où on sait qu'on doit faire attention à notre spontanéité.
04:36 J'ai eu la chance de pouvoir écrire un livre sur tous ces sujets.
04:39 Ce bouquin s'appelle "Arrêtez de croire n'importe quoi".
04:42 Le vrai message que je voulais faire passer avec ce livre c'est "Croyons mieux".
04:46 Quelles que soient les choses auxquelles on veut croire,
04:48 analysons les raisons qu'on met derrière nos croyances
04:52 et trouvons de meilleures raisons de croire ce qu'on croit.
04:55 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
04:58 Merci à tous !

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