Classements des universités, où en sommes-nous ? [Gilles Rouet]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Gilles Rouet, professeur et Directeur de l’ISM-IAE de l’Université de Versailles St Quentin, pour parler des classements des universités.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Gilles Rouet.
00:09 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:10 Gilles Rouet, vous êtes professeur des universités, directeur de l'ISMIAE de l'Université de
00:15 Versailles Saint-Quentin en Yvelines.
00:17 Vous avez dirigé l'ouvrage "Classement des universités, CNRS édition Les Essentiels
00:22 d'Hermès".
00:23 Le sujet qui fâche, les classements des universités.
00:26 Et pour ne rien vous cacher, en l'ouvrant je me suis dit ça va être très critique
00:30 des classements.
00:31 Et ben pas du tout.
00:32 C'est pas du tout comme ça qu'il faut dire.
00:33 Enfin il y a une perspective critique.
00:35 Il y a une perspective internationale.
00:37 C'est ça qui fait toute la richesse de cet ouvrage.
00:39 Mais vous terminez votre introduction en disant il faut qu'on soit fier de ce qu'on
00:42 a fait.
00:43 Alors expliquez-nous un peu le projet de l'ouvrage et les conclusions auxquelles vous arrivez.
00:48 Mais si c'est critique.
00:49 Bien sûr que c'est critique parce que je ne vois pas comment aborder n'importe quel
00:53 sujet sans critique.
00:54 Déjà premier point, ça c'est logique.
00:56 Et en plus, on a une histoire particulière en France avec les classements des universités
01:02 qui font maintenant partie du paysage.
01:04 En ce sens-là, bien sûr la critique devient différente.
01:08 Mais pendant longtemps, les universitaires ont négligé, critiqué, rejeté les classements.
01:16 À juste titre d'ailleurs dans la plupart des cas.
01:20 Les classements imposent une norme et il n'est pas question de se soumettre à une
01:22 norme.
01:23 Et puis en plus, il n'y a pas que ça.
01:24 Il y a aussi le fait que tous les classements ne sont pas mûs par les mêmes stratégies.
01:29 Un certain nombre de classements sont dans des logiques de marché avec des publics.
01:35 Le THE, le QS, etc. sont des classements qui ont des critères tout à fait discutables
01:41 par rapport à l'objectif qu'on en fait.
01:43 Le seul classement finalement factuel qu'on peut faire indépendamment de l'apport de
01:48 toute université ou de tout édificement supérieur, c'est le Shanghai.
01:52 Le Shanghai, c'est des critères factuels.
01:54 Donc là, à Saclay, il y a eu un nouveau prix Nobel, donc je suppose que ça va monter
02:00 certainement.
02:01 Mais c'est tout à fait intéressant puisque les autres classements sont basés sur des
02:05 logiques de réputation, de panel qui sont difficiles à contrôler.
02:09 Moi-même, je suis dans des panels, alors je raconte un petit peu n'importe quoi souvent
02:13 par rapport à ce que les gens doivent dire.
02:14 Quand on me demande quelles sont les universités qui vous paraissent intéressantes en Europe,
02:18 il y a tout un ensemble de logiques qu'on ne contrôle pas.
02:22 Alors donc, pendant longtemps, on les a rejetés les classements, surtout qu'on n'y était
02:25 pas.
02:26 Alors on n'y était pas pourquoi ? On n'y était pas parce que ce n'est pas du tout
02:28 notre modèle.
02:29 Après guerre, on a eu un modèle qui s'est différencié d'Humboldt finalement, qui s'est
02:36 différencié de cette université de recherche.
02:39 Humboldt avait une université humaniste de recherche avec une volonté qui est dans la
02:44 loi française d'ailleurs, de former la citoyenneté, l'esprit critique, etc.
02:48 C'est toujours dans la loi française, fort heureusement pour les universités françaises.
02:51 Mais on s'est différencié parce qu'on a créé des organismes de recherche.
02:55 Et comment faire pour classer par rapport à la recherche, par rapport à la performance,
03:01 ça y est j'ai sorti le grand mot, de la recherche, comment faire pour classer des
03:05 établissements quand on a une disparité pareille ? On avait un problème en France.
03:09 Surtout que l'OCDE s'y est mis à une époque, puis on a eu à deux reprises d'ailleurs,
03:15 deux rapports de la Banque mondiale, tout à fait intéressants, qu'il faut lire, qui
03:21 dessinent un modèle, le fameux modèle qui deviendra le modèle de l'université intensive
03:27 de recherche internationale.
03:28 Je ne le dis pas dans l'ordre, c'est en anglais.
03:30 Et effectivement c'est quelque chose qui n'existe pas.
03:33 C'est quelque chose qui peut correspondre plus ou moins à des choses qui se passent
03:37 aux USA, chez les anglo-saxons, en Angleterre, etc.
03:40 Historiquement.
03:41 Mais ce n'est même pas vrai parce que ça dénie leur propre histoire.
03:44 Mais c'était quelque chose d'artificiel.
03:46 Alors comment on fait par rapport à ça quand les classements mettent l'accent sur un modèle
03:51 abstrait tel que celui-là ? Et donc la problématique était là.
03:54 C'est qu'à partir du moment où Shanghai est apparu et qu'il est rentré dans l'espace
03:58 public, avec tous les autres classements qui sont arrivés après, on a été inondé
04:05 de ces classements dans le débat et l'espace public.
04:08 Et à ce moment-là, la critique justifiée, il y a tout un tas de critiques des années
04:13 90, des années 2000, des années 2010, sont tout à fait justifiées par rapport aux critères.
04:19 Qu'est-ce que veulent dire les critères ? Mais c'est des choses qu'on connaît nous,
04:22 universitaires, parce que la performance, c'est un joyeux débat en management.
04:25 C'est clair.
04:26 Et donc on s'est dit au début, oui c'est encore des indicateurs qu'on ne contrôle
04:31 pas, ce qui est vrai.
04:32 Des critères, c'est le gouvernement des nombres de Suppio.
04:36 C'est effectivement cette façon de piloter le politique avec des indicateurs.
04:43 Et donc on l'a rejeté, à juste titre.
04:46 Et puis progressivement, une politique depuis en gros Pécresse finalement, est apparue
04:54 pour nous rendre plus visibles.
04:56 L'État s'est emparé du sujet.
04:58 Pas l'État, le gouvernement s'est emparé du sujet.
05:01 Il fallait que les efforts de recherche en France, notamment par rapport à l'Europe
05:06 à cette époque d'ailleurs, puisqu'on perd des pieds en Europe, notamment sur les financements.
05:10 Il fallait que ça devienne visible.
05:12 Visible depuis la lune, a dit un certain président.
05:15 Et pour ça, qu'est-ce qu'il fallait faire ? Il fallait qu'on y soit dans les classements.
05:18 Et c'est là où d'un rejet massif, de tous bords d'ailleurs, entre parenthèses,
05:26 on est passé, non pas forcément à l'adhésion, on est passé à ce que j'appelle le cadre
05:29 d'action.
05:30 C'est-à-dire comment faire pour aménager nos systèmes ? Aménager, pourquoi pas ? Je
05:38 ne l'ai pas écrit comme ça, mais aménager nos systèmes de manière à ce qu'on y
05:41 soit dans ces classements.
05:42 Et c'est tout le sens de "j'ai eu la chance de pouvoir interviewer Sylvie Retaillou avant
05:47 que elle soit ministre".
05:48 Elle était à ce moment-là présidente de notre université, donc ça tombait bien.
05:51 Et c'est en gros ce qu'elle dit.
05:53 Mais j'étais surpris par son discours.
05:55 Je ne m'y attendais pas.
05:56 Je ne m'y attendais pas parce que moi je voyais plutôt, c'est les vieux stéréotypes,
05:59 les scientifiques qui veulent des classements, les SHS, ils les refusent et ils critiquent.
06:03 C'est plus compliqué que ça.
06:05 Parce qu'il faut à la fois, on en est forcément redevable des classements parce qu'ils sont
06:09 dans l'espace public, parce qu'ils nous animent les classements, et on est bien content
06:13 une fois qu'on y est.
06:14 Ça c'est la grande leçon.
06:16 Tous les gens que j'ai interrogés l'ont dit d'ailleurs.
06:18 Mais il faut rester critique.
06:20 Il faut rester critique par rapport à la volatilité, la réputation.
06:23 Pourquoi est-ce que le QS classe ? Pourquoi est-ce que le THE classe ? Pourquoi est-ce
06:28 que tous ces classements existent par rapport à leur propre marché ? Qu'est-ce qu'il
06:31 y a derrière ? Bien sûr qu'il faut rester critique.
06:33 Dans le cas de Shanghai, les choix des étudiants chinois.
06:35 Absolument.
06:36 Et donc, il faut rester à la fois critique et vigilant, mais en même temps s'en servir.
06:40 Et c'est ce qu'on fait maintenant.
06:41 C'est ce qu'on fait maintenant.
06:43 Et c'est vrai que de ce point de vue là, elle avait raison.
06:45 Et je crois que d'ailleurs, la piste qui est lancée sur la structure de Saclay collective,
06:52 elle va dans ce sens-là, c'est-à-dire qu'on est en train d'inventer un truc nouveau.
06:55 On ne va pas rentrer dans des cadres existants.
06:57 Puisque si on prend un des critères, par exemple, qui est un critère fabuleux, l'université
07:02 intensive de recherche doit sourcer des étudiantes dès la première année pour faire des thèses.
07:07 Donc, un de leurs critères, je ne vais pas détailler.
07:10 C'est leur ratio des étudiants inscrits en licence qui vont faire des thèses de doctorat.
07:12 Qu'est-ce que ça veut dire chez nous ? Quand l'université française publique a une mission
07:16 de former toute une génération de citoyens, de professionnels, etc.
07:21 Ça n'a aucun sens.
07:23 Donc, il faut bien trouver des moyens.
07:24 Il faut à la fois en être, parce que c'est dans l'espace public et que c'est à la
07:29 fois un totem et un symbole.
07:31 Je pense que dans la critique des classements, on a oublié l'aspect symbolique des choses.
07:37 Le gouvernement parlait non, bien sûr qu'il faut le dénoncer.
07:39 Bien sûr qu'il faut dénoncer les indicateurs sans fondement, les indicateurs sans critique.
07:43 Mais il faut reconnaître toujours le symbolique de Girard.
07:47 Il faut toujours aller dans ce sens-là.
07:48 On a besoin de symboles.
07:49 On a besoin de ça.
07:51 Pour comprendre les classements, pour comprendre d'où ils viennent, pour comprendre aussi
07:56 peut-être avec lucidité comment on peut les utiliser.
07:59 Je vous cite, pour comprendre aussi la vision de notre ministre, pour Sylvie Retailleau,
08:03 présidente de l'université Paris-Saclay, il s'agit même d'un défi fédérateur
08:06 et motivant pour l'ensemble des communautés.
08:08 Alors, autant en être fier et assumé.
08:11 Pour comprendre tout ça, il faut vous lire.
08:14 Classement des universités, sous la direction de Gilles Rouet, Les Essentiels d'Hermès,
08:17 CNRS édition.
08:18 Merci beaucoup.
08:19 Merci Gilles Rouet.
08:19 Merci Gilles Rouet.
08:21 Merci à tous.
08:22 Merci à vous.
08:23 Merci à vous.
08:24 Merci à vous.
08:24 ♪ ♪ ♪

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