Le Tour de France : Les Grands Destins (Émission du 09/07/2023)

  • l’année dernière
Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins
La course cycliste la plus célèbre du monde est le 3e événement sportif le plus regardé. Aussi appelé «la Grande Boucle», le Tour de France a été créé en 1903.

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Transcript
00:00 - Bonjour à tous, ravie de vous accueillir dans cette émission
00:03 "Les grands destins".
00:04 Une émission qui revient sur les personnages
00:07 qui ont fait l'histoire.
00:08 Aujourd'hui, ce ne sont pas vraiment des personnages,
00:11 c'est vraiment le Tour de France,
00:13 ou plutôt les héros du Tour de France.
00:15 Avec Marc Meunon, nous allons vous raconter
00:17 le grand destin du Tour de France.
00:19 Dans les grands événements sportifs,
00:21 nous avons la Coupe du monde de football, de rugby,
00:24 et le Tour de France, dont la première édition a eu lieu en 1903.
00:28 C'est l'effort, c'est le surpassement.
00:30 Ce sont les héros, et Albert Londres dira même les forçats.
00:33 Ce qui permet au monde entier, cette épreuve en tout cas,
00:37 tous les ans, de vivre à l'heure française.
00:40 C'est parti pour le grand destin du Tour de France.
00:43 Alors, Marc Meunon, pourquoi avez-vous choisi
00:47 le grand destin du Tour de France ? C'est pas un personnage ?
00:50 - Ce sont des personnages.
00:52 Même les anonymes,
00:53 ceux qui n'apparaissent pas dans les palmarès
00:56 qu'ils ont abandonnés en cours de route,
00:57 les lanternes rouges, bref.
00:59 C'est la leçon de la démesure.
01:01 C'est l'exemple du courage.
01:04 C'est le parangon du dépassement de soi.
01:09 Ce sont des hommes qui, à un instant donné,
01:12 se disent que rien n'est impossible,
01:14 qu'il faut se prouver d'abord à soi-même
01:16 que jamais l'homme doit se sentir inférieur.
01:19 C'est donc la transcendance du corps,
01:22 mais qui appelle aussi la force de l'esprit,
01:25 car sans un grand caractère,
01:27 on ne peut pas vaincre autant de difficultés,
01:29 autant d'obstacles et aussi la malchance,
01:32 car elle est toujours au détour de la route.
01:34 - Et vaincre la douleur.
01:35 On va commencer par une anecdote, le défi à la douleur.
01:39 Une anecdote pour planter le décor de cette émission.
01:47 - Une émission d'histoire, mais là, c'est l'histoire d'hier,
01:50 donc l'histoire immédiate.
01:53 On est en 1985,
01:56 sur le bord de la route,
01:58 des centaines de milliers de voies qui encouragent qui ?
02:02 Bernard Hinault, celui qui domine depuis des années.
02:06 Il a connu la souffrance obligée d'être opéré,
02:10 il est reparti de zéro et à nouveau, il rayonne.
02:13 Il a dominé pratiquement toutes les preuves.
02:15 On est à la 14e étape en ce 13 juillet.
02:19 Il contrôle tout.
02:21 Son deuxième, c'est un coéquipier, Greg LeMond.
02:24 Reste qu'ils se sont menacés par l'Australien Anderson,
02:28 vérifié, et on va se présenter à Saint-Etienne.
02:32 Oh, il n'a pas quitté d'une roue, le Anderson.
02:35 Et on franchit la flamme rouge du dernier kilomètre.
02:39 Il est presque en train de se détendre et soudain,
02:42 vous savez, on appelle ça frotter en termes de cycliste,
02:45 un coup de coude et hop, c'est la chute générale
02:49 et notre Bernard Hinault qui est à la voltige,
02:51 qui se retrouve sur le dos.
02:54 Tout le monde est consterné, il ne bouge pas,
02:56 il finit par se relever tout doucement,
03:00 la figure en sang.
03:03 On ose à peine s'approcher.
03:05 Est-ce que ça va ? Il ne répond pas.
03:07 Il prend son temps.
03:09 Il sait que le règlement stipule qu'à partir du dernier kilomètre,
03:13 le temps est bloqué.
03:14 Ce qui est important, essentiel, c'est de franchir la ligne.
03:17 Et alors, il se dit, essayons de ne pas repartir trop vite.
03:23 Le patron du Tour de France, Jacques Godet, se manifeste.
03:27 Il dit, mais Bernard, il faut vous relever,
03:29 il faut aller franchir la ligne.
03:32 Il ne dit rien, reprend sa bécane un peu abîmée
03:37 et puis doucement, escorté par ses équipiers,
03:41 il franchit la ligne.
03:42 Là, son directeur sportif le saisit,
03:45 et on le conduit à l'hôpital Bellevue.
03:48 Le diagnostic, fracture du nez.
03:51 Pour tout un chacun, ce serait l'abandon, la rénonciation.
03:56 Celui que l'on surnomme le blaireau qui abandonnerait,
03:59 jamais, il n'en est pas question, d'autant que sa femme était là,
04:02 à l'attendre à l'étape avec son petit garçon.
04:04 Il continuera, oui, il continuera.
04:08 Il n'arrive pas à bien respirer dans les étapes qui suivent.
04:11 Et pour autant, il franchira la ligne à Paris.
04:15 Il gagnera le Tour de France, son dernier Tour de France.
04:19 Voilà la valeur du courage,
04:21 voilà ce que représente le fait de courir cette épreuve démentielle.
04:26 Malgré la souffrance.
04:29 Comme chaque émission, on va commencer par la naissance,
04:32 l'enfance du Tour de France.
04:34 C'est parti.
04:35 Avant tout, mon cher Marc Menon, je sentais dans votre récit,
04:44 dans l'anecdote, une petite tonalité.
04:47 J'ai retrouvé, avec notre chef d'édition Sébastien Quaquineau,
04:51 quelques petites images de vous.
04:52 1978.
04:54 En tout cas, on vous entend.
04:56 Vous avez couvert en tant que journaliste 5 Tours de France,
04:59 si je me trompe, dont celui de 1978,
05:01 où vous étiez responsable et direct de TF1.
05:04 Vous aviez à vos côtés Léon Zitrone, Raymond Poulidor et Bernard Giroux.
05:09 On va écouter un peu vos commentaires.
05:11 C'était à l'arrivée du Tour de France à l'Alpe d'Huez.
05:15 Regardez comment il se fait battre, un courage énorme.
05:18 C'est l'un des coureurs les moins beaux à voir à vélo,
05:21 mais certainement l'un des plus courageux.
05:23 Il repart en deux temps à nouveau,
05:25 il va repenser cette étape du Tour de France.
05:28 Il va se lancer très attention à l'écart.
05:30 Le secteur de Bernard Giroux,
05:31 qui s'est vraiment très épuisé.
05:33 J'ai envie de me faire pleurer.
05:36 Qu'est-ce que ça vous évoque, Marc Menon ?
05:39 Des souvenirs extraordinaires.
05:41 D'abord, que des défunts à mes côtés.
05:44 Raymond Poulidor, qui était le conseiller technique.
05:47 Léon Zitrone, grand maître du journalisme.
05:49 Bernard Giroux, qui avait pratiquement mon âge,
05:52 qui est disparu dans un accident d'offshore,
05:54 avec Didier Pironi.
05:56 Et puis, cette aventure extraordinaire quand on est suiveur.
05:59 Vous faites le Tour de France à votre façon,
06:01 surtout qu'à l'époque, on doublait quand on voulait.
06:03 On était dans le peloton avec les gars qui pédalaient.
06:07 Je vous sens très ému.
06:08 Racontez-nous, justement, l'histoire de ce Tour de France.
06:11 - La naissance du bébé. - La naissance du bébé.
06:14 Et en quoi, justement, ce Tour de France est capital pour la France
06:18 et pour toutes les valeurs que vous avez évoquées tout à l'heure.
06:20 Alors, au départ, je dirais que c'est une guerre de journalistes.
06:24 On a Pierre Giffard,
06:26 qui est le patron d'un journal qu'il a créé, qui s'appelle "Le Vélo".
06:29 Et c'est la première fois que l'on a l'audace
06:31 d'avoir un quotidien qui ne traite que du sport.
06:35 Ça est un véritable succès.
06:37 En général, on ne prend jamais la plume
06:40 pour essayer d'avoir le moindre élément, je dirais, de taquinerie politique.
06:44 Et puis, voilà, l'affaire Dreyfus, cette affaire Dreyfus qui traîne.
06:48 Et il a le désir de soutenir Dreyfus.
06:51 C'est un Dreyfusard.
06:53 Et il estime qu'on doit réviser le procès.
06:55 Et ça, ça fâche les actionnaires, dont le comte De Dion Bouton.
07:00 Enfin, De Dion, qui est le créateur des autos, De Dion Bouton.
07:07 Et celui-ci se fâche.
07:08 On ne doit pas, on l'avait dit, avoir de lignes politiques.
07:12 Alors, il décide de créer un journal concurrent.
07:15 Il fait appel à un garçon qui s'appelle Henri Dégrange.
07:18 Avocat au départ, garçon de belle famille,
07:21 mais comme souvent en ce début de siècle, vous savez,
07:23 on est au Racing Club.
07:25 On est là entre gens qui avons l'élégance,
07:28 qui avons la prospérité de l'esprit et financière,
07:31 et on s'adonne au sport.
07:33 Et il s'est lancé dans le vélo, là-même.
07:35 Il a réussi à battre le record du monde de l'heure,
07:38 à 35 kilomètres et quelques.
07:40 C'est incroyable.
07:41 Il l'engage.
07:43 On va avoir notre quotidien qui s'appellera l'auto-vélo.
07:47 Ça va chagriner Griffard, forcément,
07:50 parce que vélo, il obtient, à la suite d'un procès,
07:53 qu'on raille vélo, reste l'auto.
07:56 Oui, mais ce n'est pas facile de se faire un nom.
08:01 Le journal est créé au moment des Jeux olympiques de 1900.
08:06 Et puis, il y a également la grande exposition internationale.
08:09 Alors, en 1903, il dit maintenant, il faut faire en sorte que ça brille.
08:13 Et comment briller ? Il faut créer quelque chose.
08:16 Il y a un collaborateur qui s'appelle Géo Lefebvre.
08:18 On fait une discussion.
08:21 Pas question d'être dans le bureau. On se retrouve à la brasserie Zimmer.
08:25 Bon, alors, on fait quoi ?
08:27 Lefebvre qui dit,
08:28 "La grande époque, c'est les courses de ville à ville."
08:33 Vous avez Paris-Rouen, Paris-Brest-Paris, Bordeaux-Paris.
08:36 Vous vous rendez compte ? Les distances, des trucs de folie.
08:39 Ah bah, lui, il va encore plus loin.
08:40 Il dit, "On va faire le tour de France."
08:42 Six grandes villes, et on va les relier les unes les autres.
08:46 Et hop, il faudra aux coureurs réussir cet exploit invraisemblable.
08:50 Tout ça pour lancer le journal.
08:51 Tout ça pour dynamiser le journal qui ne se porte pas trop bien.
08:55 Alors, Desgrange hésite un peu, puis il dit, "Allez, on y va."
08:59 Notons que le vélo, ce sont des pages vertes,
09:03 et retenez que l'auto, ce sont des pages jaunes.
09:06 Petite indication quand même.
09:08 Et alors, eh bien, on va établir le programme
09:12 pour ceux qui ont rôle en tasse de s'engager.
09:15 Pour s'engager, on paye 20 francs.
09:18 Alors, première étape, Paris-Lyon, 467 km.
09:22 Lyon-Marseille, 374 km.
09:25 Marseille-Toulouse, 423 km.
09:28 Toulouse-Bordeaux, 268.
09:30 Là, c'est un petit sprint.
09:31 [Rires]
09:33 Bordeaux-Nantes, 425 km.
09:35 Et la dernière étape, Nantes-Paris, 471 km.
09:40 Vous vous rendez compte ?
09:41 Ça veut dire que, n'oubliez pas, on est au début du siècle.
09:44 Les routes, elles ne sont pas goudronnées.
09:46 Vous êtes sur ce qu'on appelle des chemins de terre.
09:49 Il y a des silex, il y a des nids de poules.
09:52 À tout moment, vous risquez la chute.
09:54 Et hop, c'est le cuisseur qui est complètement éraflé,
09:58 la peau qui s'en va et la douleur en plus de l'effort.
10:02 Les étapes, elles durent jusqu'à 18 heures de pédaler.
10:05 C'est quelque chose d'inimaginable.
10:07 Et les vélos ?
10:09 20 kg, ma chère Christine.
10:11 Un vélo pèse 20 kg ?
10:12 Et alors, vous n'avez pas ce que l'on appelle la roue libre.
10:16 Ah oui.
10:17 Il n'y a pas de roue libre.
10:18 C'est donc un pignon fixe.
10:21 Ce qui fait que vous êtes obligé de pédaler, même dans les descentes.
10:23 C'est un truc de fou.
10:25 Reste que si vous abandonnez une étape,
10:29 vous avez le droit de vous engager dans l'étape suivante,
10:32 mais vous ne disputerez plus le classement final.
10:35 Vous pouvez simplement prétendre à la victoire de l'étape.
10:38 Il y en a même qui s'engagent que pour une ou deux étapes.
10:42 Et voilà comment on ouvre la liste aux prétendants.
10:47 Ils ne sont pas nombreux.
10:48 Tellement peu nombreux qu'on ne peut pas partir à la date prévue.
10:51 Alors on reporte au 1er juillet.
10:54 Et là, il faut faire un effort pour essayer d'attirer les inconscients.
11:00 Ce ne sera plus que 10 francs, 10 francs l'inscription.
11:05 60 finissent par signer et 59 s'aligneront au départ.
11:13 Voilà comment donc le Tour de France s'esquisse.
11:17 Celui qui sera responsable, c'est Géo Lefèvre.
11:21 Il sera à la fois celui qui racontera dans le journal La Course,
11:25 celui qui fait le juge et puis vous avez des contrôleurs.
11:28 Alors il y a les contrôles fixes et puis après les contrôles itinérants
11:32 pour surprendre des éventuels tricheurs.
11:34 Eh bien oui, parce que vous êtes livré à vous-même pendant 18 heures.
11:38 Vous imaginez ? 59 gaillards.
11:42 Et la première étape donc va de Paris à Lyon.
11:46 Celui qui est parmi les favoris, l'homme à battre,
11:50 c'est le dossard numéro 1.
11:52 Il s'appelle Maurice Garin.
11:55 Il a déjà remporté les courses que j'ai citées tout à l'heure,
11:57 le Paris-Rouen, le Paris-Brest-Paris, le Bordeaux-Paris.
12:01 Et pourquoi il a le dossard numéro 1 ?
12:03 Parce que tout simplement, il était le premier inscrit.
12:07 Alors avant que vous nous racontiez cette première étape du Tour de France,
12:12 ce 1er juillet 1903,
12:14 je vais vous faire écouter quand même Jacques Godet.
12:16 Alors c'est bien plus tard et on va entendre ce patron du Tour de France
12:19 qui raconte en quelques mots la puissance de ce Tour de France
12:24 et ce que ça apporte. On écoute Jacques Godet.
12:26 Le Tour de France, c'est vraiment une épopée.
12:29 Et quel qu'on ait pu en dire,
12:31 nous croyons, nous, joueurs et sportifs, nous, organisateurs,
12:34 que ça doit rester une épopée qu'il faut traiter sur le mode lyrique.
12:38 Le journal Loto, dont Henri Degrange,
12:41 oui, Henri Degrange, je vais vous en parler,
12:42 parce que c'est grâce à lui que le Tour de France existe.
12:45 Il était le père du Tour, il a été le créateur du Tour,
12:47 il a été l'homme sans lequel le Tour n'aurait pas existé.
12:50 Henri Degrange, directeur du journal Loto,
12:53 était un homme qui voulait cette marche en avant.
12:56 Eh oui, vous l'avez bien expliqué, la naissance du Tour de France.
13:00 Et maintenant, on va plonger dans la toute première étape du Tour de France,
13:04 1er juillet 1903.
13:11 Ils sont venus, ils sont tous là.
13:13 Oui, à Mongeron.
13:14 Devant le réveil matin, c'est le café du coin.
13:19 Oh, mais il y a du monde.
13:20 Depuis le matin, les uns et les autres viennent comme ils peuvent,
13:23 ceux qui prennent le train, les voitures brinquent ballant,
13:26 les marcheurs, les coursiers qui ont eu la chance
13:30 de pouvoir avoir un petit vélo à eux.
13:32 Et tout le monde est là pour voir
13:34 ceux qui ont l'audace de s'aligner le départ.
13:38 Après, l'appel a lieu à 15h11, précisément.
13:42 Pof ! Un coup de feu.
13:45 Je vous l'ai dit, parmi les favoris, nous avons Maurice Garin
13:48 et puis Hippolyte, haut couturier.
13:51 Théoriquement, c'est entre ces deux-là que la course doit se jouer.
13:57 Notons que vous n'avez droit à aucune assistance,
14:00 que si vous crevez, vous débrouillez comme vous pouvez.
14:04 Ah bah oui !
14:05 Et si vous n'y arrivez pas, tant pis.
14:08 Mais jamais personne ne doit intervenir pour vous secourir.
14:13 C'est essentiel.
14:14 Vous allez rouler, je vous l'ai dit, la première étape,
14:17 elle va durer 17h55.
14:20 Elle conduit jusqu'à Lyon.
14:22 Et vous vous débrouillez pour les ravitaillements.
14:25 Alors, de temps en temps, il y en a un qui n'en peut plus,
14:27 il s'arrête dans le café du coin.
14:28 Oh, tavernier, serre-moi vite fait avant de repartir.
14:32 Ça permet une sélection.
14:33 Les plus endurcis, ce sont ceux qui grillent les étapes,
14:37 si je puis dire.
14:38 Et Maurice Garin fait partie de ceux-là.
14:41 Il faut dire aussi que, de par son expérience,
14:44 il a déjà amélioré la fameuse machine.
14:48 Et vous avez bien fait de nous rappeler qu'elle a été très particulière,
14:51 puisqu'elle pèse 20 kilos, n'oubliez pas.
14:53 Rien à voir avec les vélos du genre.
14:54 On ne peut même pas imaginer à quoi ça ressemble.
14:56 Alors, les roues, dans les conditions qui sont celles de ce chemin,
15:02 qui sont des chemins vicineaux, il n'y a pas d'autre mot,
15:05 on crève facilement.
15:07 Alors, lui, il a trouvé une astuce.
15:09 Il colle sur la chambre à air,
15:11 il colle de la mèche de lampe à pétrole.
15:16 Ça renforce le caoutchouc,
15:19 et il crève un tout petit peu moins que les autres.
15:22 Notons aussi que, théoriquement,
15:25 vous avez, à l'arrivée de chaque étape,
15:27 pour les 50 premiers, une prime de 5 francs.
15:31 C'est beaucoup, 5 francs.
15:33 Mais il faut avoir réussi une performance au-dessus de 20 km/h de moyenne.
15:40 Et les étapes, parfois, quand elles se terminent,
15:42 vous avez deux jours de repos,
15:43 parfois, c'est le lendemain qu'il faut repartir,
15:46 mais ce qui compte, c'est le courage et cette détermination invraisemblable.
15:53 On n'a pas le temps de tout raconter,
15:55 mais il faut savoir que les supporters, parfois,
15:58 interviennent dans la course favorisant leurs favoris.
16:03 Et dans tout cela, à la fin, Maurice Garin s'impose,
16:07 il couvrira l'ensemble de l'épreuve en 94 heures, 33 minutes et 14 secondes.
16:14 Premier vainqueur du Tour de France.
16:16 Le deuxième, il est pratiquement à 3 heures.
16:20 Il s'appelle Potier.
16:22 Et le dernier, il est à pratiquement 61 heures.
16:28 Oh, le pauvre bonhomme !
16:29 Il n'était jamais dans les temps, donc théoriquement, il n'a rien gagné.
16:32 Alors que Garin empoche 6 125 francs, lui, c'est rien du tout.
16:37 Ils sont généreux, des granges et des organisateurs.
16:41 Il faut une sorte de petite quête et à la fin,
16:43 il lui accorde 95 francs de prime pour tous ses efforts.
16:48 Merveilleux pour l'histoire du premier Tour de France.
16:51 Alors, Maurice Garin en retiendra, mais on va parler aussi de Jeanne Christophe.
16:56 Alors, vous avez parlé de Maurice Garin, mais Jeanne Christophe,
17:00 lui aussi, c'est un nom qui restera dans l'histoire.
17:04 À chaque fois, ce sont des extractions des plus modestes.
17:07 Je n'ai pas eu le temps de dire, mais Maurice Garin, par exemple,
17:09 il était né dans la vallée d'Aïrost.
17:12 Avec une famille de clandestins, on n'avait pas de quoi vivre.
17:16 Alors, on devient des clandestins pour passer en France.
17:19 Et déjà, les passeurs.
17:20 Et pour les passeurs, il y a des gens qui sont des clandestins.
17:23 Ils passent en France et déjà, les passeurs.
17:25 Et pour pouvoir obtenir l'aide de ce sagouin,
17:28 on lui offre une meule de fromage.
17:31 Et il passe en France où il s'installe comme ramoneur.
17:34 C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on l'appellera le petit ramoneur.
17:37 Il a été naturalisé en 1901,
17:41 deux ans avant le premier Tour de France.
17:43 Et alors, pourquoi avoir fait ce petit détour ?
17:46 Parce que Christophe, c'est pareil.
17:47 Il naît dans une famille où on n'a pas grand-chose à manger dans la gamelle.
17:51 Il y a de l'amour, en revanche.
17:53 Ce qui est intéressant, quand vous avez parlé du premier Tour,
17:56 c'est que ceux qui s'élancent, ça n'a rien à voir avec aujourd'hui.
17:59 Ce sont des gens qui ont aussi un travail à côté.
18:01 C'est une fête, c'est un jeu.
18:04 - Ce n'est pas professionnel. - Il y a ceux qui sont des professionnels.
18:08 Et puis, il y a les autres qui, effectivement,
18:10 sont des purs amateurs, mais tout le monde se confronte.
18:13 Alors, il y a des associations entre professionnels, plus ou moins.
18:17 C'est là où on a ce principe de tricherie.
18:20 Vous avez également déjà le dopage, on en parlera tout à l'heure.
18:25 Mais il y a aussi les supporters qui interviennent,
18:28 qui vont aller, par exemple, on a une étape qui se termine à Marseille,
18:32 le régional est en tête, et à ce moment-là,
18:34 on voit carrément les spectateurs qui bloquent la route.
18:37 Et pour faire en sorte de dégager celle-ci,
18:40 on est obligé de tirer au révolver afin de les effrayer.
18:44 Il y en a d'autres qui jettent des clous ou des morceaux de verre sur la route.
18:47 Vous vous rendez compte ?
18:49 Et ça, ça a lieu encore en 1913,
18:51 quand on va découvrir notre Christophe,
18:54 qui déjà avait couru le tour en 1906.
18:57 Lui, ce n'est pas un petit ramoneur, c'est un serrurier.
18:59 C'est un serrurier.
19:00 C'est le fils de concierge, il naît du côté de la gare Saint-Lazare.
19:03 Après, papa et maman tiennent une loge dans l'île Saint-Louis,
19:08 quai des Saint-Augustins.
19:10 Et pour arrondir les fins de mois,
19:13 il sert de coursier à qui ? Au locataire.
19:15 "Dis donc, gamin, tu ne peux pas aller me chercher ici ?"
19:18 Alors, il loue un vélo avec l'argent qu'on lui donne
19:22 chez un loueur juste à côté.
19:23 Ça lui permet de former les biscottos et puis les cuisses.
19:28 Et hop, il sort hardi.
19:30 Et c'est ainsi qu'il découvrira qu'il a un bon petit don.
19:34 Mais ça ne suffit pas pour se faire repérer.
19:36 D'autant que c'est un guignard.
19:39 C'est un guignard.
19:40 Son papa décède quand il a 16 ans.
19:43 Il faut aider maman.
19:45 Et il n'est pas question de se consacrer uniquement au vélo.
19:48 Alors, on a à la fois le travail et puis, comme vous dites,
19:51 le loisir de chercher à devenir un champion.
19:56 Il y a une astuce pour ça.
19:58 Les professionnels, pour aller un peu plus vite,
20:00 on n'a pas encore d'équipe vraiment structurée,
20:02 eh bien, on fait en sorte de vous placer comme entraîneur.
20:06 C'est-à-dire celui qui se grille en assurant le train.
20:10 C'est comme ça qu'il se fait repérer.
20:12 Arrivant à ce tour 1913,
20:13 oh, une étape dans les Pyrénées-Seines.
20:17 La première fois qu'on a franchi les Pyrénées, c'est en 1910.
20:20 N'oubliez pas les vélos.
20:21 20 kilos, ça ne s'améliore pas véritablement.
20:23 Le pignon fixe.
20:25 Et il est là, dans le tour Malais.
20:27 Il descend à tout...
20:30 à tout diable, si je puis dire.
20:32 Et soudain, un silex, il explose.
20:35 Le voilà dans le décor,
20:37 éraflé de partout.
20:38 Qu'importe, il veut reprendre la machine,
20:40 mais la fourche est cassée.
20:43 Que faire ?
20:44 Vous êtes tout seul, là, dans le col.
20:47 Alors, eh bien, il traîne.
20:49 Il traîne l'épave de la bécane
20:52 jusqu'à un village à 15 kilomètres de là,
20:55 où il y a un forgeron.
20:56 Il entre dans la forge, il dit,
20:58 "S'il vous plaît, est-ce que je peux utiliser votre matériel ?"
21:01 N'oubliez pas, on n'a pas le droit d'être aidé.
21:04 Et le voilà pendant quatre heures,
21:06 qui forge, qui fait des trous,
21:07 reste qu'à un moment donné,
21:09 pour que la forge marche,
21:10 il demande à un petit gamin de l'actionner.
21:12 Eh bien, il aura une pénalité pour ça et une amende.
21:16 Mais néanmoins, au bout de quatre heures,
21:19 il repart, il a encore deux cols à franchir,
21:22 et il terminera l'étape.
21:24 Voilà la légende de Christophe.
21:26 Christophe qui reprendra le départ après la guerre.
21:30 Il y a la grande interruption, la guerre de 14,
21:32 en 1919.
21:34 Il est le premier à porter le premier maillot jaune.
21:37 Parce que je vous ai parlé d'un brassard jaune
21:40 quand on part en tant que coureur,
21:43 mais pour se distinguer, eh bien, soudain,
21:46 Henri Degrange dit,
21:47 "Ce ne sera plus un brassard pour le premier,
21:50 "ce sera carrément le maillot."
21:52 Et c'est Christophe qui en est le premier détenteur.
21:54 Couleur du journal jaune.
21:57 Vous avez bien suivi.
21:59 Je vous suis.
22:00 Dans la deuxième partie, dans un instant,
22:02 on va voir à quel point Albert Londres
22:04 a révélé le calvaire des coureurs
22:07 lorsqu'il parle des forçats.
22:08 On en parle dans un instant et on va s'arrêter sur les héros.
22:11 Vous allez nous en parler, les grands noms du Tour de France.
22:14 A tout à l'heure, dans un instant.
22:16 Retour sur le grand destin du Tour de France.
22:22 Avec Marc Menand, nous avons choisi de vous raconter
22:25 cette période de héros
22:27 qui ont fini par ressurgir avec le Tour de France.
22:31 Vous avez raconté la naissance du Tour de France.
22:33 On a vu un petit extrait.
22:34 Vous avez vous commenté vous-même en 1978
22:37 avec les plus grands, l'arrivée de l'Alpe d'Huez.
22:40 C'était un moment très émouvant.
22:42 Maintenant, on va parler d'Albert Londres
22:45 qui révèle le calvaire des coureurs.
22:48 Est-ce que vous êtes coureur ? Moi, je ne suis pas coureur.
22:57 Est-ce que vous êtes menteur ? Moi, je suis balayeur.
23:01 Avez-vous fait le Tour ?
23:03 - Le Tour de France, non. - Qu'est-ce que ça nous évoque ?
23:06 - Un petit tour. - 1952.
23:08 Laissez-moi enlever le...
23:11 Formidable bourvilleur, les qualités de cœur.
23:16 Un homme qui faisait rêver.
23:19 Lui aussi, parti d'Orient,
23:21 mais qui jamais n'a connu l'indécence de toiser les autres,
23:26 bien qu'étant véritablement l'idole de tout un peuple.
23:30 En tout cas, il y a un homme qui porte la plume dans la plaie,
23:34 Albert Londres.
23:35 C'est intéressant, le parallèle entre la presse et le Tour de France.
23:40 Cet homme, connu pour ses différents voyages,
23:43 connu pour avoir bouleversé déjà...
23:45 Voilà, n'oubliez pas son premier grand reportage.
23:48 C'est Reims, la cathédrale qui s'effondre en 1914.
23:53 À lire, à lire, à relire.
23:54 Après, il révèle l'enfer de Cayenne-le-Bagne.
24:00 On fermera le bagne.
24:01 - Il fait une enquête... - En Russie ?
24:04 En Russie.
24:05 Après, il fera fermer ou changer les asiles de fous
24:10 où les conditions de maltraitance sont innommables.
24:14 Bref, c'est l'homme qui a un journalisme
24:18 qui vient transformer la société.
24:21 Et là, il découvre le Tour de France.
24:23 Et on est en 1924,
24:25 il couvre le Tour de France pour la première fois pour Le Petit Parisien.
24:29 Qu'est-ce qu'il a changé dans le Tour de France, Albert Londres ?
24:31 Alors, déjà, il révèle à tout le monde...
24:34 On avait lu les chroniques ici et là,
24:36 mais il y a la plume d'Albert Londres.
24:39 Il y a ce courage aussi,
24:40 parce que quand vous êtes journaliste, par exemple, à l'auto,
24:44 il y a certaines choses que vous n'avez pas envie de révéler
24:48 parce que c'est le journal organisateur,
24:50 vous n'allez pas évoquer les tricheries ou des choses comme ça.
24:54 C'est à peine suggéré.
24:56 Lui, il est capable de tout.
24:57 Et là, il découvre ce courage invraisemblable des uns et des autres,
25:02 des hommes brisés qui oublient la douleur et qui remontent,
25:06 et quoi qu'il arrive, veulent terminer l'étape.
25:09 Ceux qui prennent à la va-vite la musette
25:12 et qui sont là pendant des heures et des heures de temps en temps,
25:16 alors que le corps ne répond plus à leurs sollicitations,
25:20 ils trouvent néanmoins l'enthousiasme pour continuer.
25:23 Certains s'effondrent dans le fossé
25:25 et repartent quelques trois quarts d'heure plus tard
25:28 en ayant l'illusion d'avoir repris des forces.
25:31 Voilà tout ce qu'il raconte. Il dit...
25:33 "Le tour, c'est un calvaire.
25:36 "Le chemin de croix, c'est 14 stations.
25:40 "Le Tour de France, c'est 15 étapes.
25:44 "Ca va plus loin que la souffrance du Christ."
25:47 Vous voyez le témoignage.
25:50 Et puis, il rapporte ce qu'il vit à la troisième étape.
25:53 Il y a deux frères qui sont mythiques,
25:55 les frères Pellissier, Henri, qui a déjà gagné le Tour de France.
25:59 Et puis, son frère Francis.
26:03 Et dans cette troisième étape, où sont-ils ?
26:05 Les Pellissiers ne sont pas là.
26:06 Et il s'aperçoit qu'Henri n'a pas pris le départ.
26:11 Mais que se passe-t-il ?
26:12 Il fait marche arrière et retrouve notre bonhomme qui est là
26:16 et qui raconte, il dit... "On m'a demandé, le matin, au contrôle,
26:19 "si je n'avais qu'un maillot.
26:21 "Alors, on m'a voulu soulever mon maillot.
26:23 "Vous vous rendez compte de l'indignité ?
26:25 "Il ne faut porter qu'un seul maillot,
26:27 "quelles que soient les circonstances, qu'il pleuve, etc."
26:30 Eh bien, moi, je trouve que ça, inadmissible.
26:32 J'ai averti M. Degrange, qui m'a dit "On réglera ça à Brest."
26:36 Eh bien, il n'était pas question de régler ça à Brest.
26:38 J'ai pris le vélo, parce que le départ avait été donné.
26:42 J'ai rejoint Francis et je lui ai crié "On rentre à la maison."
26:46 Et c'est comme ça que les frères Pellissier...
26:48 - Ont attendu. - Voilà.
26:50 Et là, eh bien, Degrange va...
26:52 Et là, Albert Long ne va plus loin dans l'échange.
26:56 Il lui dit "Mais alors ?"
26:57 "Le tour, il dit le tour, vous savez, nous, on n'est pas des feignants.
27:00 "Mais ce que l'on veut, c'est être respecté.
27:02 "On est capable de tout."
27:04 Et là, il ouvre sa musette, il dit "Voyez, ça, c'est la cocaïne.
27:08 "On s'en met autour des yeux pour ne pas être pris par le sommeil."
27:11 - Non, c'est vrai ? - Mais oui.
27:13 C'est ce qu'elle raconte dans son petit livre,
27:15 et ce que lui confie Pellissier.
27:18 Pellissier qui lui dit aussi "Voyez, le chloroforme, là.
27:20 "On a tellement froid parfois, on a tellement mal aux gencives,
27:23 "c'est pour endormir la douleur."
27:25 Et puis là, "Eh bien, c'est la pommade pour les cuisses.
27:28 "Tellement, on a l'impression qu'elles vont exploser."
27:31 Et puis, "Voyez, ça s'arrête pas là.
27:33 "Là, on a des petites boîtes."
27:35 "Eh bien, oui, oui, oui, on marche à la dynamite.
27:37 "Ce sont nos pilules."
27:39 Il révèle, eh oui, la vérité, à savoir que pour...
27:43 - Le dopage. - ...aller aussi loin,
27:45 il faut avoir l'utilisation de quelques éléments en supplément.
27:51 C'est la plume d'Albert Londres.
27:54 Je n'ai pas le temps de tout raconter, il faut lire son petit livre,
27:56 "Les forces de la route".
27:57 Alors, lisez-nous un petit extrait.
27:59 Eh bien voilà, on va conclure comme ça.
28:01 "D'autres ont quitté, épuisés, tels ces Tarchelets.
28:05 "Pendant six étapes, ils marchent, obstinés.
28:08 "Ils regrettaient visiblement que les as n'eussent pas
28:11 "de jaquettes pour s'accrocher au pan.
28:14 "Puis un jour, qu'ils voulaient encore continuer dans les Pyrénées,
28:17 "je crois, Archalet n'a pas pu.
28:19 "Il tomba, il remonta sur sa machine.
28:22 "Ce fut en vain.
28:24 "Il n'y avait plus d'huile dans la lampe.
28:25 "Alors, plein de fureur, il saisit sa bicyclette
28:30 "et la jeta contre un talus."
28:33 Voilà, ça résume ce qu'est le Tour de France.
28:37 Magnifique, ce mélange et ce témoignage.
28:40 Ces témoignages révélés par Albert Londres.
28:44 Cela nous emmène tout de suite au champion français de légende.
28:49 Musique de tension
28:51 ...
28:54 -Lorsqu'on parle Tour de France, Marc, on pense à ces légendes.
28:58 On pense à Jean Robic, par exemple.
29:01 -Oui. -Ce grand grimpeur.
29:03 -Robic, ce personnage étonnant.
29:05 -On va parler de quelques champions.
29:07 -Oui, quelques champions.
29:09 On l'appelle Biquet, on l'appelle Tête de cuir aussi,
29:12 parce qu'il est le premier à mettre un casque en cuir.
29:15 Il était tombé tellement souvent,
29:17 il avait même eu une fracture du crâne dans Paris-Roubaix,
29:20 il s'est dit "il faut faire attention à ma tête".
29:23 On l'appelle Trompe-la-mort, parce que rien ne l'arrête.
29:26 -Il est tout chétif. -Tout chétif !
29:28 Mais il est tellement chétif que quand il remporte sa première course,
29:32 eh bien, on lui dit
29:34 "c'est une victoire éphémère, la seule que vous ne remporterez jamais."
29:38 Mais ça ne le réduit pas.
29:40 Robic, il faut pédaler, il faut sortir de l'univers
29:45 qui est celui de l'ouvrier.
29:47 Il a réussi le certif et ensuite passé un CAP de charron.
29:53 Vous savez, ce sont ceux qui réparent les voitures à chaud.
29:56 Mais là, faire du vélo, c'est autre chose.
29:59 Tous les courages, toutes les audaces.
30:01 Quand vous le voyez sur sa machine, aucune allure.
30:04 Mais alors...
30:05 Une race de pédalage !
30:08 Et ça le porte, ça le transporte.
30:11 Et notre Robic, en 1947, c'est le tour de la reprise.
30:17 Et grâce à cette capacité à oublier la douleur,
30:22 à se jouer également des autres qui ont une plus grande notoriété,
30:27 les autres qui sont en équipe nationale.
30:29 Lui, il n'a pas été retenu pour l'équipe nationale.
30:32 Il court dans l'équipe de l'Ouest,
30:34 parce qu'il a trop mauvais caractère.
30:37 Et vous vous rendez compte qu'un régional,
30:39 parce que vous avez ces équipes régionales,
30:42 vienne battre les grands champions de l'équipe de France.
30:44 C'est intolérable.
30:46 Tout le monde est contre lui.
30:47 Et pour autant, dans la dernière étape,
30:50 il dit "je partirai le premier et je terminerai vainqueur".
30:54 Il a un gars qui est à ses côtés,
30:56 qui se laisse acheter pour 100 000 francs.
31:00 Et lui, il dit "tu pédales avec moi".
31:01 Parce que sinon, forcément, à tout seul,
31:03 il faut tenir 100 km, il n'y parviendrait pas.
31:06 L'autre se laisse sous-doyer.
31:08 Il termine, remporte la victoire et le maillot jaune.
31:12 Voilà Robic, Jean de son prénom.
31:14 Jean Robic, qu'on appelait aussi l'anti-Bobet.
31:17 Qui nous rappelle Louison Bobet, qui a aussi un grand nom.
31:21 Très grand nom.
31:22 Louison Bobet, c'est un garçon étonnant.
31:25 L'élégance, effectivement.
31:27 Une sorte de majesté naturelle.
31:30 On pourrait presque penser, en le voyant,
31:32 qu'il a comme une sorte d'arrogance.
31:35 Cet homme-là est majestueux
31:37 et il a un don inné pour le vélo.
31:41 Il est né dans une famille qui est un peu mieux nantie
31:44 que celle des coureurs en général.
31:47 Il n'y a pas la gamelle à aller chercher à la fin du mois.
31:52 Et il se distingue dans les courses.
31:56 Là où il est admirable, c'est qu'il est aussi bien grimpeur
31:59 que coureur contre la montre,
32:02 ce sont des choses qui commencent à se développer.
32:05 Et il est même capable de remporter des victoires au sprint.
32:10 Lorsque, dans le Tour de France,
32:14 il se retrouve avec des coéquipiers
32:17 qui ne sont pas assez engagés vis-à-vis de lui,
32:20 il invente un principe, celui de la solidarité.
32:23 Il dit, les gars, si vous roulez pour moi, à la fin du Tour,
32:27 eh bien, nous partagerons les primes.
32:29 Et quand je dis "nous partagerons", vous les partagerez.
32:32 Je vous abandonnerai tout.
32:34 - L'esprit d'équipe. - L'esprit d'équipe.
32:36 Mais ça, c'est une tradition qui existe encore aujourd'hui,
32:39 dont il est l'initiateur.
32:41 Il remporte trois Tours de France de suite.
32:45 Le premier à gagner un Tour de France de suite.
32:46 C'est la première fois.
32:48 Il est véritablement idolâtré par la France,
32:52 mais un jeune garçon le menace rapidement.
32:56 Quand je dis "rapidement", c'est après ses succès.
32:59 Il apparaît en 1957 et il s'appelle Jacques Anctil.
33:04 Jacques Anctil qui, lui, va gagner cinq Tours de France.
33:08 Personnage invraisemblable, avec, je dirais, une physiologie
33:13 qui, aujourd'hui, lui vaudrait certainement l'interdiction
33:15 de pratiquer le sport.
33:16 Pourquoi ?
33:18 Son cœur bat à 33 pulsations/minute.
33:22 Je ne divague pas, je répète, 33 pulsations/minute.
33:27 Ça donne un avantage énorme quand vous êtes dans les forts.
33:30 Là où les autres s'essoufflent,
33:31 vous êtes capable d'aller encore plus loin.
33:35 Le petit bonhomme, je ne sais pas s'il s'éponce là,
33:37 mais dès quatre ans, il a eu un vélo pour aller à l'école.
33:41 Ça fait deux kilomètres allés, deux kilomètres retours.
33:44 Il passera le certificat d'études.
33:45 Son père était ouvrier et il devient cultivateur de fraises.
33:50 Il aidera ce père, mais il passe aussi un CAP d'ajusteur fraiseur.
33:55 Ça n'a rien à voir avec les fraises.
33:56 [Rires]
33:59 Et pour pouvoir mieux s'entraîner, parce qu'il a découvert le vélo,
34:04 en l'ayant comme récompense pour son certificat d'études,
34:09 un beau vélo de course, il gagne tout de suite.
34:12 Et pour pouvoir mieux s'entraîner, son père lui dit,
34:14 "Viens travailler avec moi."
34:16 On le repère et rapidement, il deviendra un coureur,
34:21 mais je dirais non seulement surdoué, mais fantasque.
34:24 Il échappe à toutes les règles habituelles.
34:27 Là où les autres font attention à ce qu'ils mangent,
34:29 lui, s'il décide de faire un gueuleton, il fait un gueuleton.
34:33 Il sera connu aussi pour être accompagné par sa femme,
34:37 sur le Tour de France, alors qu'elles sont interdites
34:41 à quelques kilomètres pour pas que la moindre tentation
34:44 vienne le soir bouleverser les obligations du coureur.
34:50 Jeannine, elle est là.
34:51 C'était la femme de son médecin.
34:53 Il l'a rencontrée en ayant besoin d'une ordonnance.
34:59 Elle ne le quitte pas.
35:00 Anctil, ce personnage fantasque, va remporter cinq Tours de France.
35:05 Notons qu'au passage, l'une des premières grandes performances,
35:09 il bat le record de l'heure à 46 km/h.
35:13 Et ce qui est invraisemblable, c'est quand il descend,
35:16 c'est au Vigorelli de Milan,
35:18 il a pour directeur sportif Raphaël Gemignani.
35:22 À ce moment-là, des docteurs se présentent,
35:25 on dit qu'on va faire un contrôle antidopage.
35:27 Quand Gemignani racontait la scène, il dit "tu te rends compte ?"
35:31 On dit au grand, "maintenant, contrôle antidopage."
35:34 Il avait des grenades dans le maillot, des rouges, des blanches,
35:38 et il aurait fallu...
35:40 Anctil refuse le contrôle.
35:42 Il reconnaîtra d'ailleurs qu'il s'est dopé toute sa carrière,
35:47 mais partant du principe que ce n'est pas ça qui lui valait le talent,
35:51 il avait raison, mais que c'était le supplément indispensable
35:54 pour résister à la douleur et pouvoir tenir face à ses efforts,
36:00 qui sont ceux du calvaire, comme disait Albert Lang.
36:03 On ne peut pas parler de tout le monde,
36:04 on va parler de Jean Robic, Louis-Jean Bobet, Jacques Anctil,
36:06 et on va écouter quelques secondes de Raymond Poulidor,
36:10 qui a été interviewé en 2016.
36:12 Il dit à quel point son nom est devenu une marque.
36:15 J'aurais gagné deux, trois Tours de France,
36:19 on ne parlerait pas de Poulidor,
36:20 mais c'est la légende veut qu'on me présente toujours
36:24 comme l'éternel second,
36:26 c'est-à-dire que je suis devenu un nom commun.
36:29 Ou plutôt un nom commun.
36:30 Poupou, alors, on les voit là dans...
36:33 Jacques Anctil, Raymond Poulidor, on les adorait aux Antilles.
36:35 Bien sûr, mais alors, il y avait les Anctilistes et les Poulidoristes.
36:39 Et leur duel connaît l'apogée dans le Tour de France 1964.
36:46 Notons que c'était un excellent élève, le petit Poulidor,
36:49 mais c'est une famille d'agriculteurs.
36:51 Alors racontez-nous justement ce duel.
36:53 On va mettre une petite vingule pour raconter ce duel très important.
36:56 Ce duel mémorable du pays de Dôme en 1964.
37:05 Alors, simplement, sa première course, il l'a fait avec le vélo de sa mère.
37:08 Il gagne devant...
37:09 - Une bicyclette, on dirait. - Une bicyclette.
37:11 Ça le fait se repérer.
37:13 Et le premier Tour qu'il dispute, en 1962,
37:18 il a le doigt cassé et néanmoins, il prend le départ.
37:22 Et là, en 1964, il fait un tour incroyable,
37:25 mais une première fois dans les Pyrénées,
37:27 il y a son mécanicien qui le fait tomber.
37:29 Il perd deux minutes.
37:30 Après, il y a un contre-la-monte.
37:32 À nouveau, il tombe à cause du mécanicien.
37:35 La fourche est tordue et pour autant, il est pratiquement à égalité
37:39 avec Anctil lorsque se présente l'ascension du Puy de Dôme.
37:45 Un col avec des passages à 15 %
37:48 où là, il faut être dans une force invraisemblable.
37:52 Et les deux sont allés au bout de leur peine.
37:55 Ils ont d'ailleurs été dépassés par Federico Baamontes,
37:59 par Rullio Riménez, par Vittorio Adorni.
38:02 Et ils sont là à se battre entre eux, au coude à coude.
38:05 Anctil racontera "Je n'en pouvais plus.
38:08 Je n'arrivais même plus à le regarder."
38:10 De temps en temps, Poulidor a un œil de dissidence.
38:13 Il a l'impression qu'Anctil tient.
38:15 Alors il ose à peine accélérer une première fois,
38:19 mais Anctil est toujours à ses côtés.
38:21 Et puis il se dit "C'est pas possible, il faut que je tente."
38:24 Et enfin, il accélère et Anctil voit partir Poulidor.
38:31 Il s'accroche, il ne sait même plus où il se trouve.
38:34 Poulidor a disparu de sa vue.
38:37 Poulidor qui est là, qui donne tout, la rage.
38:41 Peut-être va-t-il enfin remporter le Tour de France,
38:45 aller gagner ce maillot jaune.
38:47 Les secondes s'égranient, il franchit la ligne.
38:51 Où est Anctil ? Où est Anctil ?
38:52 La France entière est derrière les transistors,
38:55 devant son téléviseur, et la foule sur le côté qui hurle.
38:59 Et enfin Anctil qui passe la ligne d'arrivée.
39:02 Il manque 14 secondes à Poulidor pour être maillot jaune.
39:09 Et Anctil dit "C'est encore 13 secondes de trop."
39:15 Car ce qu'il lui fallait pour lui dans sa tête,
39:17 c'était d'avoir au moins une seconde pour être contre la montre,
39:21 derrière Poulidor, pour l'avoir en mire.
39:25 Car sur le Tour de France, ou dans toutes les épreuves contre la montre,
39:28 on part les uns derrière les autres.
39:30 En trois secondes, puisqu'on a terminé des noms à ne pas oublier,
39:33 Eddy Merckx...
39:35 Alors les Italiens, eux, ont eu Bartali copie.
39:40 Bartali se révèle avant la guerre.
39:42 Il gagne toutes les plus grandes courses,
39:44 dont le Tour de France en 1938.
39:48 On l'appelle le pieu.
39:49 Oui, il a besoin de s'en remettre au seigneur
39:53 pour se galvaniser lorsque les forces lui manquent.
39:56 Et puis sa carrière qui est interrompue par la guerre.
39:59 Pendant la guerre, ce personnage joue de son statut
40:04 pour tromper ceux qui rôdent et qui cherchent les personnages,
40:10 aidant en particulier les Juifs.
40:13 On est en Italie.
40:14 Eh bien lui, avec son vélo,
40:15 comme s'il s'entraînait à l'intérieur du guidon,
40:19 il a des faux papiers.
40:20 Grâce à lui, plus de 800 Juifs échapperont au camp de la mort.
40:26 Après la guerre, il retrouve Coppi.
40:29 Quand je dis "il retrouve", oui, parce que Coppi avait commencé
40:32 à apparaître juste avant le sinistre événement Coppi.
40:37 Un homme qui, là encore, a un don exceptionnel.
40:41 Il est celui qui, pour la première fois,
40:44 tiendra compte de la diététique afin d'entretenir sa forme.
40:48 C'est aussi l'homme de tous les scandales.
40:50 Eh oui, il est marié, mais il tombe amoureux de la Dame Blanche.
40:54 La Dame Blanche qui ne cesse de l'accompagner
40:57 dans cette Italie très chrétienne.
41:00 C'est inadmissible. Une partie de la foule le eut.
41:04 Mais en revanche, tellement admirable dans les efforts,
41:08 il battra Bartali.
41:10 Et puis dans les grands aussi, on ne peut pas oublier
41:13 Charlie Gould, le Luxembourgeois, là encore,
41:15 grand grimpeur, il fait rêver.
41:17 Et Federico Bamontes, l'Espagnol, l'aigle de Tolède.
41:22 N'oublions pas celui qui est sans doute le plus grand de tous,
41:26 Eddy Merckx. 625 victoires.
41:29 Je n'ai pas le temps d'énumérer toutes les grandes aventures,
41:34 les grandes épopées dont il se rend l'auteur.
41:37 Dès son premier tour en 69, il remporte la victoire.
41:41 À 4 ans, il disait déjà "je serai coureur cycliste".
41:47 Et avec les petits galopins autour de lui, vers 7-8 ans,
41:52 il faisait mine de gagner le Tour de France.
41:55 Celui qui le battra, c'est en 1975, Bernard Thevenet,
42:00 un autre garçon du peuple, qui remportera, lui,
42:03 deux fois le Tour de France.
42:06 Bref, tous ces noms extraordinaires, de quoi rêver.
42:09 Alors, ce qu'il faut retenir, le Tour de France créé en 1903
42:13 par Henri Degrange, le premier vainqueur, Maurice Garin,
42:16 Eugène Christophe, le malchanceux, exemple de courage en 1913,
42:20 Eugène Christophe qui, en 1919, porte le tout premier maillot jaune,
42:25 en 1947, le Tour reprend après la guerre,
42:29 Jean Robic est le vainqueur,
42:31 en 1953, 1954, 1955,
42:34 Louis-Jean Bobet est le premier à remporter
42:37 trois fois le Tour de France successivement,
42:40 et puis Jacques Antil, le premier, a gagné le Tour cinq fois.
42:43 Vous avez trois livres à nous proposer,
42:45 une fois n'est pas la coutume.
42:47 - Il y a celui d'Albert Londe, bien évidemment.
42:50 - "Força de la route".
42:52 - Il y a de Bernard Morlino.
42:54 - "Vintage Véloclub".
42:55 - Voilà, avec des photos, vous rêvez.
42:58 Et puis, Jean-Paul Olivier.
43:01 - Le Tour de France des champions français.
43:03 - Tout le monde connaît Jean-Paul Olivier,
43:06 un formidable garçon qu'on appelle "Polo la science".
43:08 - Merci infiniment, Marc Menand,
43:11 pour ce grand destin du Tour de France.
43:13 Merci de nous avoir fait rêver
43:14 et d'avoir plongé dans ce grand destin, dans cette histoire.
43:17 Merci à tous de nous avoir suivis.
43:19 Excellente suite de programmes sur CNews et bel été.
43:21 Merci.
43:22 Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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