• l’année dernière
"Les mères qui vivent dans les quartiers populaires ont peur pour leurs enfants".
Après l'assassinat de Nahel, Fatima Ouassak, militante féministe et antiraciste cofondatrice de Front de Mères, dénonce l'ordre policier et sécuritaire de l'État, les crimes racistes et l'injustice à laquelle font face ces jeunes

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Transcription
00:00 Ce qui est grave et ce qui fait qu'il n'y a pas de calme dans les quartiers populaires,
00:03 c'est le fait de tuer nos enfants, comme ça, à bout portant, de manière aussi injuste.
00:08 C'est ça qui fait que ça brûle dans les quartiers, ça brûle dans le cœur des jeunes.
00:12 Les enfants des quartiers populaires sont en danger.
00:16 L'institution, la police considèrent que c'est une menace.
00:19 Il n'y a pas d'indulgence particulière pour ces enfants-là.
00:23 On va les considérer comme des adultes problématiques en devenir.
00:27 C'est pour ça que je parle de désenfantisation. On ne les laisse pas être des enfants comme les autres,
00:31 avec leurs droits spécifiques.
00:33 Et pour moi, c'est là qu'est le cœur du problème.
00:35 C'est-à-dire que quand la police a affaire à des enfants,
00:38 elle ne les perçoit pas comme des enfants, elle les perçoit comme une menace.
00:41 Pour moi, c'est ce qui explique la violence des contrôles policiers
00:45 et la vitesse avec laquelle ces contrôles policiers peuvent très vite dégénérer.
00:50 Il n'y a pas un moment donné où la police se dit "Attention, là j'ai affaire à des enfants".
00:55 Même lorsqu'ils ne sont pas violentés par la police, par l'État, par les institutions,
01:00 on ne les laisse pas vivre leur vie de gosses, de gamins.
01:03 On considère qu'ils n'ont rien à faire dehors, ils n'ont pas à traîner dehors.
01:06 Les mères qui vivent dans les quartiers populaires, et notamment les mères qui sont racisées,
01:11 qui sont descendantes de l'immigration postcoloniale, ont peur pour leurs enfants.
01:15 Alors pas tous leurs enfants, plutôt leurs garçons.
01:17 Parce qu'elles savent, nous savons, que nos enfants risquent des violences policières,
01:23 pour le moins des humiliations, des insultes, et que ces humiliations, ces insultes peuvent dégénérer.
01:28 Ce n'est absolument pas rare ce qui est arrivé à Nahel.
01:32 En réalité, dans ce cas-là, on a des images, on a une vidéo.
01:35 Et c'est pour ça que ça choque autant, évidemment.
01:38 Cette scène rappelle en réalité les années 70, à l'époque où il y avait beaucoup plus de crimes policiers.
01:46 C'est ce qu'on a appelé notamment cette période de ratonnade.
01:50 Et on a même parlé d'arabicide, pour dire à quel point on tirait sur les jeunes maghrébins,
01:58 notamment, à bout portant comme ça dans la rue.
02:01 On a des enfants de 8 ans, dans les années 70, je pense notamment à Manika Yezid,
02:06 une enfant de 8 ans qui a été torturée et tuée par des gendarmes.
02:12 Je pense à Fatima Bédard dans les années 60, en 61, qui a été jetée à la scène, elle avait 15 ans.
02:18 Si on accepte aujourd'hui qu'il n'y ait pas de justice, qu'il n'y ait pas de réparation,
02:24 en fait, on met en danger l'ensemble des enfants et des adolescents des quartiers populaires.
02:30 Nos enfants sont des enfants, ce sont des humains qui n'ont pas à être sous-humanisés,
02:34 qui n'ont pas le droit de tuer, sous prétexte que des adolescents et un adolescent s'échappent.
02:39 C'est inacceptable.
02:41 Si dès le début du débat, on n'est pas à égalité,
02:44 et on considère que certains enfants, certains individus méritent davantage que d'autres de mourir,
02:50 si on considère qu'il est normal qu'il y ait un tri, une sélection, une hiérarchie
02:55 entre des enfants qui ont le droit de respirer, qui ont le droit de circuler librement,
03:00 et d'autres dont la vie ne vaut rien, on a perdu le débat, il faut le refuser.
03:05 Il s'agit de dénoncer l'ordre policier, l'ordre sécuritaire,
03:08 qu'il faut refonder l'organisation de la société,
03:11 de manière à ce que nos enfants, ces enfants, ne soient plus mis en danger.
03:15 Il faut une parole radicale pour dénoncer le racisme,
03:19 pour dénoncer notamment les crimes policiers comme étant des crimes racistes.
03:24 L'État français est absolument responsable de la mort d'Onaël,
03:28 de la mort de tous ces jeunes qui ont été tués dans le cadre d'une intervention policière en France
03:34 depuis des décennies déjà.
03:36 Maintenant, c'est une question de rapport de force politique.
03:39 Ce n'est pas parce que l'État est absolument et entièrement responsable de ces violences policières
03:44 qu'il faut attendre de l'État et attendre seulement de l'État
03:49 le changement, la transformation sociale qui va faire que nos enfants vont être en sécurité.
03:54 C'est à nous de jouer.
03:55 Ça, c'est quelque chose vraiment qu'il faut répéter dans les quartiers populaires,
03:58 c'est à nous de nous organiser, de nous auto-organiser.
04:01 [BIP]
04:03 [Musique]

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