Grands témoins de notre histoire
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00:12 Fêter 100 ans pour une organisation syndicale comme la CFDT Île-de-France, c'est un moment qui est important.
00:18 Ce n'est pas toutes les organisations ou les entreprises ou les organisations politiques qui peuvent fêter 100 ans.
00:26 La CFDT Île-de-France, c'est une histoire qui remonte à 1923, la création de l'Union régionale parisienne CFTC.
00:34 À l'époque, c'est la mise en place du syndicalisme territorial et interprofessionnel.
00:39 Puis 1964, évidemment, moment important avec Robert Duvivier, premier secrétaire général de l'URP CFDT,
00:47 donc après la déconfessionalisation, où là, on est devenu vraiment CFDT.
00:52 Et depuis cette date, on a porté des actions, des revendications qui ont marqué, bien sûr, le syndicalisme francilien,
01:00 que ce soit sur des thématiques qui sont propres à l'Île-de-France, mais aussi des thématiques plus générales qui concernent tous les travailleurs.
01:08 Donc on est sur un moment, aujourd'hui, historique qui va nous... qui de revenir sur 100 ans et de regarder dans le rétroviseur sur les étapes
01:18 qui ont marqué cette histoire, mais surtout aussi faire parler des secrétaires généraux, des acteurs, et au travers d'eux,
01:25 les militants et les militantes et l'ensemble des personnes qui sont engagées durant ces 100 ans de syndicalisme, des 100 ans de CFDT-Île-de-France.
01:33 J'ai commencé à travailler chez Bulle. Voilà. J'avais le choix entre la Thomson et le Bulle.
01:42 J'ai choisi le Bulle parce que c'était pas très loin de chez moi.
01:45 Et j'avais pas encore commencé à travailler quasiment, enfin j'exagère un peu, mais il y a des gens de la CFDT qui sont venus, de la CFTC qui sont venus,
01:53 qui sont venus me voir pour me dire "Guy, il faudrait que tu puisses... Est-ce que tu peux pas adhérer ?"
01:59 Enfin bon, je me souviens plus de leur baratin. Toujours est-il que j'ai adhéré à la CFTC, illico presto.
02:09 Toutes les semaines, il y avait une manifestation. On arrive au métro Charonne, puis au moment où on se retire,
02:17 parce qu'on voit bien qu'il y a la police un peu plus haut, donc on décide de faire marche arrière.
02:26 Voilà. Je prends Claude Bourret sur mes épaules pour qu'il puisse se retourner et dire "Ça y est, c'est terminé, on rentre chez nous".
02:37 Voilà. À ce moment-là, la police commence à charger, donc nous on recule aussi, mais il y en a qui tombent dans l'escalier qui mène au métro.
02:56 Et là, je me retrouve allongé dans les escaliers, ne pouvant plus bouger, puisque j'ai juste la tête pour regarder un peu comment ça se passe.
03:11 Surtout essayer de m'en sortir. Et c'est là que j'ai vu un camarade de la métallurgie, de la Thomson exactement, qui m'a vu aussi et qui m'a tiré.
03:26 Robert Dubivier tenait beaucoup à ce qu'on décentralise au maximum notre action,
03:36 de façon à s'implanter dans la banlieue parisienne où il y avait énormément, à l'époque, de métallurgistes, de chimistes.
03:45 J'ai eu la chance de rencontrer des gens extraordinaires. Eugène Descamps, Robert Dubivier, Détrasse.
03:57 Il faut être crédible pour être pris au sérieux par les salariés. Ensuite, quand on leur propose d'aller manifester pour la paix en Algérie, par exemple,
04:06 il faut qu'en même temps qu'on soit capable de dire "voilà pour les salaires, voilà pour les conditions de travail". C'est deux choses à la fois.
04:17 Je suis siégeux au comité régional, puis après j'ai siége au bureau régional, et puis, avec le temps, j'ai succédé à Guigoulier
04:29 comme secrétaire général de l'URP, de l'époque. Voilà, et puis on a fait des grandes choses et à l'UDP et à la région.
04:45 On a une vandication, c'était sur les conditions de travail, parce qu'à l'époque, les toits du métro travaillaient dans les stations ou sur les voies
04:54 avec le courant de 750 volts qui passait dans les rails. À l'époque, la vérité du sentier, c'était surtout des travailleurs turcs
05:03 qui travaillaient dans le sentier, dans les différents lieux de confection. Et donc, on a mené des bagarres aussi avec le syndicat Acuitex de l'époque
05:16 pour la régularisation des travailleurs du sentier.
05:24 L'URP était jumelée avec Varsovie, parce que chaque région interprovinciale de la CFDT était jumelée avec une région de Pologne.
05:33 Nous, c'était Varsovie, la capitale. Les Polonais étaient venus à notre congrès à Bobigny en novembre.
05:40 Je suis allé en Pologne de manière un peu clandestine, parce qu'à l'époque, il fallait avoir des visas pour aller en Pologne.
05:48 Et on avait demandé à l'ambassade de Pologne en France des visas qu'on n'a jamais eues. On a fait des choses incroyables,
05:56 comme par exemple, un 23 décembre, une immense mutine à la mutualité qui a regroupé plusieurs milliers de personnes.
06:07 La salle était trop petite, tout le monde était dehors. Et il y avait des intellectuels. À l'époque, il y avait Simon Signoret, il y avait Yves Montand.
06:17 J'ai commencé par être étudiant et étudiant en droit social. En même temps que je faisais mes études, j'ai travaillé comme maître d'internat
06:33 dans un internat catholique de la banlieue parisienne, ce qui me permettait à la fois de travailler et de faire mes études de droit à Paris-Assas.
06:46 J'ai participé à un ESSED, constitué une section syndicale CFDT dans cette école. Le seul résultat positif, ça a été que mon contrat de travail,
06:59 qui était un CDD, n'a pas été renouvelé à la fin de l'année scolaire. C'est Jean-Paul Murcier qui m'a fait rencontrer l'UPSM,
07:08 l'Union parisienne des syndicats de la métallurgie, CFDT, qui cherchait à ce moment-là des juristes pour une réalisation intéressante
07:18 qui était une association de conseils juridiques en direction des comités d'entreprise et des salariés en entreprise.
07:26 J'ai été embauché et c'est là qu'a commencé l'aventure avec la CFDT.
07:32 La revendication de la réduction du temps de travail devenait la revendication de référence pour dire face à cette situation de dégradation de l'emploi,
07:46 le partage du travail et la réduction de la durée du travail sont la revendication et la solution.
07:54 Ça nous a amené à la région interprofessionnelle à reprendre ses revendications et à organiser autour de ça deux choses,
08:02 un forum emploi regroupant tous les secteurs concernés et l'édition de la brochure "Les 35 heures" qui était initialement prévue par l'UPSM
08:15 et qui a été reprise et réalisée par l'URP.
08:23 La solidarité internationale et aussi les actions de soutien à la lutte contre l'apartheid.
08:32 La forme traditionnelle était de manifester régulièrement devant l'ambassade d'Afrique du Sud.
08:38 Mais la réalisation peut-être un peu plus symbolique, un peu plus intéressante,
08:43 c'est d'avoir organisé un grand concert d'un groupe africain, Turekunda, à la salle de la mutualité.
08:51 J'ai eu la chance de trouver un emploi très très rapidement en quelques semaines à Paris.
09:00 Je suis, comme on dit, monté à Paris, ne connaissant personne, totalement isolé.
09:08 Et il n'y avait pas la salle d'été dans mon entreprise, une des plus grandes entreprises du bâtiment qui n'existe plus actuellement,
09:15 concurrente directe de BIT qui s'appelait Coignet. Aussitôt, le poids des représailles me tombent dessus.
09:22 Lettre d'avertissement, procédure de licenciement, j'en passe parce qu'il faut que je passe assez rapidement.
09:29 Et dans le même temps, je m'engage au sein du syndicat.
09:32 Conjoncture exceptionnelle, c'est-à-dire que le syndicat était dirigé à l'époque,
09:37 je vous parle de 1974-75, par des anciens qui avaient fait 36, la résistance,
09:45 et qui ont dit, nous étions un certain nombre de jeunes comme moi rentrés au syndicat,
09:49 nous ont dit "bon ben écoutez, nous on a donné, maintenant vous prenez les rênes du syndicat".
09:54 Donc c'est pour ça que je suis devenu assez rapidement secrétaire général du syndicat Construction Bois de Paris.
10:00 A l'époque, donc 78-79, Jean-Pierre Beaubichon décide "mais voilà un petit gars du bâtiment, qui est jeune,
10:10 qui est du secteur privé, pourquoi pas ne pas le solliciter pour venir dans l'interprofessionnel,
10:17 et en particulier à l'UDET Paris".
10:19 Notre action modélicative est marquée notamment sur le thème de la protection sociale,
10:28 avec la départementalisation de la CAF, le renouvellement des administrateurs,
10:34 et notre action aussi est bouleversée, parce que nous sommes à Paris, Paris la capitale,
10:39 proche de la Confédération, et nous sommes percutés positivement par les bouleversements Montjaune,
10:46 j'en citerai deux, la chute du mur de Berlin, la chute du communisme en 1989,
10:52 qui nous réjouit, entre autres, qui nécessite de nous adapter par rapport à cette nouvelle donne,
10:58 mais moins que la CGT, et puis la guerre de l'Irak.
11:03 Une reconstruction de la région dans ses fonctions vitales internes, la trésorerie, le développement syndical,
11:14 la communication, c'est là où on est solidaires, qui existe encore aujourd'hui,
11:19 la lettre régionale au syndicat, avec Jean-Jacques Denisard, la formation aussi syndicale.
11:25 Je pense à l'énergie que l'on a mise dans le développement de la formation,
11:32 mais je pense à l'énergie que l'on a mise aussi dans le dossier syndicalisation,
11:39 c'est-à-dire de retourner vraiment à l'objet premier, c'est d'avoir des adhérents,
11:42 parce que le moment le plus creux auquel on était descendus, c'était 1989,
11:47 il fallait rétablir déjà la syndicalisation dans un certain nombre de secteurs et dans les entreprises.
11:54 Pour nous, en Ile-de-France, je crois que c'était un tout, c'était à la fois retrouver les syndiqués,
12:04 c'était à la fois faire émerger un nouvel encadrement syndical,
12:08 issu de l'action syndicale, et c'est faire aussi que sur tous les sujets qu'on traitait,
12:14 on les traite sous un angle syndical.
12:17 Je peux prendre deux exemples, par exemple sur la question des transports,
12:23 c'est pas de parler en général de la question des transports pour un syndicat, c'est pas son rôle,
12:27 mais par exemple de dire comment on peut faire en sorte que les demandeurs d'emploi
12:32 aient les mêmes droits au transport que les actifs,
12:37 mais se dire qu'est-ce que nous, en tant que syndicats, qui avons des travailleurs immigrés syndiqués,
12:43 qu'est-ce qu'on peut faire nous pour que ces gens-là, on les forme, on les accompagne,
12:48 on les appuie pour contribuer à l'intégration des migrants dans la société française,
12:52 dans notre cadre syndical, dans notre cadre de travail.
12:55 En 1997, on a fait un résultat énorme à ces élections Prud'homale,
13:04 plus 4,7% quasiment, 4,74% très exactement,
13:10 et que ce résultat-là, c'est non seulement un résultat en pourcentage par rapport aux élections,
13:16 mais c'est aussi que dans un contexte de perte de participation aux élections Prud'homale,
13:22 on est la seule organisation qui a progressé en nombre de voix en Ile-de-France,
13:25 plus 3 000 ou 4 000 voix.
13:27 Au début des années 2000, je pense que nos équipes syndicales interprofessionnelles,
13:32 elles ressemblent beaucoup plus aux salariats,
13:35 et avec des militants qui sont issus de l'action syndicale dans des secteurs comme les services,
13:44 la santé, les banques, les assurances.
13:46 Bien sûr qu'il reste des gens des secteurs industriels traditionnels,
13:51 mais qui ne sont pas très nombreux de toute façon en Ile-de-France.
13:53 J'ai démarré mon expérience professionnelle à 22 ans,
14:01 après un BTS en technologie agricole et gestion de l'entreprise,
14:06 pour devenir au départ exploitante agricole,
14:09 et puis au final, j'ai pris l'engagement du salariat,
14:13 et j'ai travaillé pendant 6 ans au contrôle laitier du Morbihan
14:18 comme technicienne agricole en production laitière.
14:22 Et en fait, j'ai adhéré un mois après mon embauche,
14:25 parce que le délégué syndical CFDT de l'époque,
14:29 qui s'appelait Fernand, est venu me saluer et me demander ce que je faisais,
14:34 se présenter aussi en tant que délégué syndical CFDT.
14:38 J'ai continué ce travail autour de la réduction du temps de travail,
14:44 de la formation sur le développement syndical,
14:47 enfin toutes les questions autour du développement syndical,
14:49 parce que c'était important de permettre et de former les responsables à la négociation de la RTT,
14:58 entre autres, c'était un moment quand même assez phénoménal à cette période-là,
15:03 et ce qui a permis d'ailleurs l'émergence de beaucoup de femmes
15:09 qui ont voulu prendre des responsabilités pour que dans leur entreprise,
15:13 elles puissent mettre en place la réduction du temps de travail,
15:16 parce que pour elles c'était important.
15:20 Durant mon mandat, on était dans un contexte politique relativement dur, difficile,
15:28 avec un gouvernement et un État dirigé par Sarkozy,
15:33 qui mettait beaucoup de pression sur les questions d'emploi.
15:37 On était vraiment dans une dynamique de construction, d'avenir,
15:41 une dynamique pour replacer la CFDT Île-de-France au cœur des revendications,
15:48 au cœur de toutes les dynamiques autour de l'emploi, de la formation professionnelle,
15:53 des conditions de travail et bien sûr du développement syndical.
15:57 J'ai eu aussi beaucoup de joie et de fierté de croiser les parcours de militantes et de militants
16:06 qui ont toujours été là pour l'interprofessionnel,
16:10 toujours là pour leurs adhérents, là aussi au rendez-vous pour les salariés.
16:17 On est dans un moment, là aussi charnière, dans une nouvelle étape,
16:24 presque une nouvelle société qui va avoir le jour.
16:28 Ce sont des moments dramatiques, ce sont des moments difficiles,
16:33 où il faut aussi faire cohésion dans la société, mais aussi dans la CFDT dans ce moment.
16:40 Une action importante qui a été menée sur le mandat, c'est aussi le chantier immobilier,
16:46 c'est-à-dire la rénovation de l'immeuble Rural de Hénin,
16:53 et l'agrandissement et la rénovation de la rue de Climet.
16:56 Mais avant d'être un chantier immobilier, c'est d'abord un chantier politique,
17:01 puisqu'il s'agissait de rassembler l'ensemble des syndicats sur la rue Rural de Hénin, privés et publics,
17:08 et de faire en sorte que ces syndicats puissent se retrouver en conseil, en réunion, en bureau et en formation,
17:16 à l'union régionale rue de Climet.
17:20 On est sous un gouvernement qui crée de nouveaux droits sous l'impulsion de la CFDT,
17:29 il faut quand même le dire, sous l'impulsion de la CFDT,
17:31 de nouveaux droits dans le domaine de l'emploi, de la formation professionnelle,
17:35 de la formation tout au long de la vie, de la santé au travail, de la protection sociale.
17:42 Et donc ces nouveaux droits qui sont obtenus par l'action, les propositions et la négociation de la CFDT,
17:49 le rôle de la CFDT Île-de-France, c'est de les mettre en œuvre, d'accompagner nos équipes,
17:55 nos militants, nos syndicats, nos sections syndicales, de façon à les faire vivre.
18:02 Mon mandat a aussi été marqué par la première place obtenue par la CFDT
18:09 aux élections professionnelles, cumulées, privées, publiques.
18:15 C'est une forme, je ne dirais pas d'aboutissement parce que la vie continue,
18:19 mais c'est quand même une forme d'aboutissement pour la CFDT et un combat de plusieurs décennies.
18:26 Ce qui est frappant dans les éléments qui sont donnés au travers des interviews de ces secrétaires généraux,
18:33 c'est la continuité dans les valeurs, la continuité dans les actions de la CFDT Île-de-France,
18:38 que ce soit des années 60, 70, 80, à nos jours.
18:43 On voit tout l'engagement qu'ils y ont mis et puis à travers eux tout l'engagement des militants,
18:48 des militantes, des adhérents et des travailleurs qui ont participé à nos actions, à nos revendications.
18:52 Et il y a un fil conducteur, c'est le fil conducteur, et bien sûr, des valeurs de la CFDT
18:56 qu'on retrouve jusqu'à aujourd'hui sur la période plus récente, par exemple,
19:01 lorsque nous sommes mobilisés sur les questions internationales, notamment en soutien à l'Ukraine,
19:06 ou sur les travailleurs dits invisibles après le Covid, en organisant des marches, des manifestations,
19:13 avec notamment tous ces travailleurs qui ont fait vivre Paris et la région parisienne pendant les confinements,
19:20 et où encore plus récemment, dans le mouvement social contre la réforme des retraites,
19:23 qui a clairement remis le syndicalisme au centre du jeu,
19:27 mais finalement, il l'a toujours été sur une région comme l'Île-de-France.
19:31 C'est une vraie fierté d'avoir une organisation syndicale qui est centenaire et qui,
19:38 aujourd'hui, et je l'espère encore demain, sera au service des travailleurs, au service des franciliens,
19:43 pour faire progresser la société et bien sûr, gagner de nouveaux droits.
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