• l’année dernière
« Quand je vais en prison, j’y vais pour leur redonner toute leur humanité. » Élise est visiteuse de prison. Une fois par semaine, elle se rend à la maison d’arrêt de Nanterre pour donner de son temps et de son écoute. Pour Lou, elle raconte ses rencontres au parloir.

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Transcription
00:00 La veille, j'étais quelqu'un.
00:01 Le lendemain, je suis un numéro.
00:03 Je ne m'appelle plus...
00:05 Ismaël, mais je m'appelle 56...
00:08 Voilà.
00:09 Salut Lou, je m'appelle Élise,
00:13 j'ai 33 ans et deux enfants
00:15 et je suis visiteuse de prison.
00:16 Tous les samedis, je vais à la maison d'Arène Nanterre.
00:18 Je suis donc dans un petit espace
00:20 d'environ 2-3 mètres carrés
00:22 et j'attends que les détenus
00:23 qui m'ont été attribués par l'administration pénitentiaire
00:26 me rejoignent au sein de ce parloir.
00:27 Certains sont à une période très courte,
00:28 d'autres sont à une période un peu plus longue.
00:30 En tout cas, tous des hommes
00:31 dans cette même maison d'arrêt.
00:32 Les détenus que je rencontre en prison,
00:34 ils sont là pour des tas de raisons.
00:35 Ça peut aller du simple braquage
00:37 ou vendre la main armée.
00:37 Ça va aussi à des choses qui sont plus graves
00:40 comme de la pédophilie, des meurtres.
00:41 Voilà.
00:42 Évidemment, il y a tout,
00:43 mais moi, je ne vais pas là-bas
00:44 pour savoir les raisons pour lesquelles ils s'y trouvent.
00:46 Ça, ça m'est franchement complètement égale.
00:48 N'importe qui, vous et moi,
00:49 on fait des conneries dans la vie.
00:50 On fait des choses dont on est plus ou moins fier.
00:52 Et on est bien contents que les gens autour de nous
00:54 ne nous réduisent pas, ne nous résument pas à cette chose-là.
00:56 Et donc moi, quand je vais en détention,
00:58 j'y vais pour leur redonner toute leur humanité.
01:00 On a tendance à penser que la prison,
01:01 c'est un monde complètement coupé de la société,
01:03 qu'il y a plein de gens qui y sont
01:04 et qui n'en sortiront jamais.
01:05 Mais la réalité, ce n'est pas du tout celle-ci.
01:07 Ces gens-là vont sortir.
01:08 Ces gens-là seront demain vos voisins, les miens.
01:10 Donc, on a tous intérêt à ce que toutes ces personnes-là
01:12 soient dans les meilleures dispositions à la sortie.
01:14 Et c'est la raison pour laquelle
01:15 je fais en sorte de faciliter...
01:17 [Rires]
01:18 - On entend ?
01:18 - Non, on entend mon fils.
01:19 [Rires]
01:21 Il a un mois et demi.
01:22 - T'es une jeune maman.
01:23 Mais du coup, t'as arrêté les visites.
01:25 Comment tu gères ?
01:26 - Alors là, depuis que j'ai accouché,
01:27 effectivement, je ne suis pas retournée en prison.
01:28 Mais après, j'y suis allée quasiment jusqu'à mon terme
01:30 pour mes deux grossesses.
01:31 Et les deux, du coup, pourront dire qu'ils sont allés en prison.
01:34 Évidemment, il y a des situations dramatiques.
01:35 Il y a des choses très difficiles à entendre.
01:37 Mais comme je ne suis pas dans une démarche de jugement
01:38 et que je ne suis pas là pour parler de leurs crimes,
01:40 bon, quand je ressors de la prison,
01:42 je ne suis absolument pas déprimée.
01:44 Ce qui fait qu'il n'y a pas non plus de contraste énorme,
01:46 en tout cas d'un point de vue psychologique,
01:47 entre ce qui se passe en prison quand j'y vais
01:49 et ce qui se passe dans ma famille, avec mes bébés,
01:52 et puis tout l'amour que je reçois de ces deux petits êtres
01:54 qui, évidemment, sont très éloignés des problématiques carcérales.
01:57 Quand j'ai rencontré mon conjonct actuel,
01:59 j'étais déjà visiteuse.
02:00 Sur le coup, il ne comprenait pas trop mon engagement.
02:02 Au début, c'est vrai que ça lui faisait un drôle d'effet parfois
02:04 de voir sécher chez nous, à côté, ses caleçons,
02:07 les caleçons des détenus,
02:08 parce que c'est arrivé que je rende service à certains détenus comme ça.
02:10 Mais si effet, aujourd'hui, il comprend très bien.
02:12 C'est vrai que quand je ressors de la prison,
02:13 j'ai quand même le sentiment d'avoir été utile, tout simplement.
02:17 Généralement, j'observe quand même qu'il ressort du parloir
02:19 un peu plus léger que quand ils y sont entrés.
02:20 Et c'est trop bien.
02:21 Cet attrait pour mon carcérage, je pense qu'il vient de mon enfance,
02:24 puisque mon père est allé en prison quand j'étais jeune.
02:26 Je lui ai rendu visite, j'étais adolescente.
02:27 Et puis, j'ai tout de suite pu comprendre que derrière les murs des prisons,
02:30 il y a des gens tout à fait énormaux, des gens super, comme mon père.
02:33 Et il se trouve qu'aujourd'hui, en plus, mon père est de nouveau en prison,
02:36 mais dans des conditions complètement différentes,
02:37 puisqu'il est otage politique à l'autre bout du monde.
02:39 Je ne peux pas lui rendre visite, il est trop loin.
02:41 C'est absolument terrible comme situation.
02:42 Donc, j'ai le sentiment, en rendant visite à des détenus
02:44 qui sont plus proches de chez moi, quelque part,
02:46 que je contribue aussi à l'aide que je peux apporter à mon père
02:50 d'une façon différente.
02:51 Si vous voulez voir à quoi ça ressemble d'être visiteur de prison,
02:53 il y a un documentaire qui a été réalisé très récemment
02:55 par Charlotte Marie sur les visiteurs de prison.
02:57 Il s'appelle "Quelques heures d'évasion".
02:59 Et dans ce documentaire, vous pouvez voir trois visiteurs,
03:01 dont moi, en action au sein d'une prison.
03:03 On a vraiment besoin de nouveaux visiteurs
03:05 parce qu'il y a beaucoup de demandes
03:06 et malheureusement, elles ne peuvent pas toutes être traitées
03:08 parce qu'on est trop peu.
03:09 Donc, ce serait vraiment bien que ce documentaire
03:11 et puis que mon témoignage puissent créer des vocations.
03:13 [Musique]

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