Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 (Générique)
00:00:14 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:00:17 23 heures, on reviendra sur la durée du mandat présidentiel en France.
00:00:21 L'ancien président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a créé la polémique
00:00:25 en se prononçant dans une interview au Figaro contre la limitation dans le temps du mandat présidentiel.
00:00:30 Il a dû dire ensuite que sa suggestion ne concernait pas Emmanuel Macron,
00:00:35 mais le débat reste entier et fait partie des pistes de réflexion
00:00:39 pour la prochaine réforme des institutions voulue par le chef de l'État.
00:00:43 Revenir au mandat de 7 ans ou rester à celui de 5 ans,
00:00:46 deux mandats de suite seulement ou davantage, tout cela est sujet à débat,
00:00:52 comme on le verra tout à l'heure, mais d'abord l'actualité.
00:00:55 Et l'actualité, c'est le coup de force d'Evgeny Prigojin et de la milice Wagner en Russie.
00:01:00 Vladimir Poutine a parlé de coup de poignard dans le dos, de risque de guerre civile.
00:01:05 Le suspense a duré toute la journée.
00:01:07 Et puis, alors que Wagner s'approchait de Moscou, Prigojin a annoncé que ses hommes rentraient dans leur base.
00:01:13 Alors, que s'est-il passé au cours de cette journée historique ?
00:01:16 La rébellion est-elle terminée ? Poutine en sort-il renforcé ou affaibli ?
00:01:22 Et la guerre en Ukraine dans tout ça ?
00:01:23 Pour en débattre, nous allons pouvoir compter sur Vladimir Fedorovski,
00:01:27 l'auteur de « Poutine et l'Ukraine, les faces cachées » et de « Sorge, un espion pour l'éternité »,
00:01:34 ancien diplomate au temps de la perestroïka.
00:01:37 Vous avez vécu aux premières loges à l'époque, la tentative de coup d'État d'août 1991 contre Gorbatchev.
00:01:44 Régis Le Sommier, ancien directeur adjoint de Paris Match, puis grand reporter sur RT France.
00:01:49 Vous êtes aujourd'hui à la tête d'Omerta, un nouveau média d'enquête en ligne.
00:01:54 Pierre Lorrain, vous êtes vous aussi journaliste,
00:01:57 auteur de « La mystérieuse ascension de Vladimir Poutine » et de « L'Ukraine, une histoire entre deux destins ».
00:02:04 Gérard Vespière, vous êtes le fondateur du site « Le Monde décrypté ».
00:02:08 D'autres vont intervenir en duplex.
00:02:10 Carole Grimaud, la fondatrice du « Think Tank Center for Russia and Eastern Europe Research » de Genève, est déjà là.
00:02:19 On aura tout à l'heure Oleg Koptsev, professeur de géopolitique à l'American University of Paris,
00:02:25 et l'ambassadeur de France Eugène Berg, qui a publié « Ukraine, février 2023 ».
00:02:31 Alors première question. Tiens, vous, Vladimir Vétorovski, qui vous y connaissez en coup d'État,
00:02:37 qu'est-ce qui s'est passé aujourd'hui en Russie ? Et qui a gagné, Prigojin ou Poutine ?
00:02:43 C'est un marché de dupes. Dans la réalité, je dirais que…
00:02:50 Moi, je prédis que plutôt Poutine qui a gagné. Il y aura une sorte de réflexe légitimiste.
00:02:57 Tout d'abord dans l'armée, il a téléphoné à tous les chefs de front, à tous les généraux,
00:03:03 pratiquement. Et ce qui est significatif, d'après mes informations, vous savez,
00:03:08 Prigojin, derrière lui, il y a trois filiations. Il y a la filiation des GRU, c'est un renseignement militaire.
00:03:18 C'est un réflexe légitimiste qui a primé chez eux. Ils ne voulaient pas marcher à la confrontation avec le Kremlin.
00:03:27 Deuxième filiation, c'est les anciens de groupe Alpha du KGB, de renseignement extérieur essentiellement.
00:03:36 Non plus, ils ont été plutôt sceptiques envers la démarche. Ceux qui ont marché, c'est les gens qui sont assez importants.
00:03:46 C'est l'ancien Pegre. La Pegre, vous savez, il vient du milieu criminel. Elle a passé, Prigojin, 9 ans en tôle.
00:03:55 Et puis, il a engagé beaucoup de criminels qui ont été en tôle pour participer à son aventure.
00:04:02 Et finalement, ces gens-là, ils ont été les plus enthousiastes. Mais le pays ne marchait pas avec cette démarche.
00:04:10 Alors je prédis que plutôt Poutine qui veut se renforcer dans cette affaire.
00:04:16 En revanche, je ne donne pas un copec pour l'avenir de Prigojin parce que Poutine, j'ai écrit beaucoup.
00:04:23 Je suis poutinologue patenté avec mes 4 ou 5 livres que je lui ai consacrés.
00:04:28 Poutine est très rentluyer et je pense qu'étape par étape, il va l'avancer. Je ne donne pas un copec pour son avenir.
00:04:38 Alors que s'est-il passé aujourd'hui en Russie pour vous, Pierre Laurent ?
00:04:43 C'est une histoire qui semble très compliquée, mais qui en fait est très simple.
00:04:49 Evgeny Prigojin est un homme qui s'est laissé emporter par la fièvre du succès, le succès de Barmout, la renommée.
00:05:00 Cela fait longtemps qu'il se sent en danger. Et il se sent en danger pourquoi ?
00:05:06 Parce que le ministère de la Défense a demandé à tous les soldats de fortune de Russie,
00:05:13 des différentes compagnies militaires privées, de s'enregistrer au ministère.
00:05:20 Et dorénavant, à partir du 1er juillet, c'est le ministère qui va les payer.
00:05:24 Les compagnies restent en l'état, mais ce n'est plus le patron de la compagnie qui les paye, c'est le ministère.
00:05:33 Donc leur fidélité va aller au ministère. Et le seul qui a refusé, c'est Prigojin.
00:05:38 Le seul. Parce que justement, il avait un peu le melon.
00:05:42 Et je crois que ce qui s'est passé là, ces dernières 24 heures,
00:05:47 c'est qu'il s'est rendu compte qu'il perdait tous ses pouvoirs et qu'il fallait bien qu'il fasse quelque chose.
00:05:54 Et il pensait qu'une partie de l'armée allait se rallier à lui. Et ce n'a pas été le cas.
00:06:00 Peut-être effectivement, comme dit mon ami Fyodorovski, la pègre s'est ralliée à lui, mais la pègre, combien de divisions ?
00:06:09 Donc techniquement, il ne pouvait pas gagner. Et il s'en est bien rendu compte au bout du compte.
00:06:17 Simplement, pourquoi le président Loukachenko, le président biélorusse, a servi d'intermédiaire ?
00:06:22 Parce que Poutine, après le discours de ce matin, ne pouvait plus prendre langue avec Prigojin.
00:06:27 Et parce que Prigojin lui-même ne voulait plus parler avec les représentants du ministère de la Défense.
00:06:34 Donc il fallait un neutre. – Enfin un faux neutre.
00:06:39 – Un faux neutre, oui. – Ou un faux né.
00:06:41 Régis Sossomier, pour vous, il s'est passé quoi aujourd'hui ?
00:06:44 Parce que ça a été une sacrée journée quand même. – C'était une sacrée journée.
00:06:47 – Ils étaient à 200 km de Moscou.
00:06:49 – Oui, il y a eu tout ce qu'on a suivi, ce qu'on voit sur cette autoroute gigantesque qui fait près de 1000 km,
00:06:55 qui part de Rostov jusqu'à Moscou. On les annonçait progressants. C'était la marche sur Rome.
00:07:02 On s'est dit, mais est-ce qu'il sait ce qu'il fait ? Est-ce que Poutine est suffisamment affaibli ?
00:07:11 Donc il y a eu quand même des grands moments de doute.
00:07:14 Ce qui a été déclencheur quand même, pour rebondir sur ce qui a été dit à la fin, il y a eu deux phases.
00:07:23 C'est quand Prigojin a prononcé le mot "l'appel à l'insurrection",
00:07:26 là je pense qu'au niveau de Poutine c'était plus possible.
00:07:29 Et quand Poutine a prononcé le mot "trahison" et a appelé aux traîtres, là Prigojin s'est vu coincé.
00:07:35 Et je pense que cette dynamique-là et cette absence de communication entre les deux hommes
00:07:39 a fait que Prigojin s'est lancé dans une fuite en avant jusqu'à l'intervention de Loukachenko,
00:07:45 en sachant que jusqu'à présent, malgré les différents, malgré toutes les phrases,
00:07:50 parce qu'on oublie un peu vite, mais pendant toute la bataille de Bakmout,
00:07:54 souvenez-vous les chantages que Prigojin a fait à l'état-major, menaçant de retirer ses troupes.
00:08:00 Même il était allé jusqu'à retirer ses troupes d'un certain nombre de quartiers
00:08:04 pour demander plus de munitions, expliquant déjà à l'époque qu'on gaspillait la vie humaine sans compter,
00:08:10 que les gens de l'état-major étaient corrompus.
00:08:13 Ce n'est pas nouveau ce discours-là, mais je crois que dans sa rhétorique,
00:08:16 quand il y a eu "appel à l'insurrection", Poutine s'est dit "il est allé trop loin".
00:08:21 Et puis c'est revenu par quelqu'un, justement, une sorte d'intermédiaire "neutre".
00:08:27 Mais pendant tout le temps avant, Prigojin dialoguait toujours avec Poutine,
00:08:32 via un intermédiaire, pas directement, mais il y avait toujours ce contact,
00:08:36 parce que c'est la créature de Poutine, on pourra en revenir là-dessus après,
00:08:39 parce qu'il a été quand même construit, c'est une sorte, moi j'appelle ça,
00:08:42 une sorte d'expérimentation que Poutine a voulu faire avec la ministre Wagner,
00:08:46 qu'il a utilisée à plein de reprises, et Prigojin a été un petit peu le fer de lance
00:08:53 de cette expérimentation militaire, décidée par Vladimir Poutine,
00:08:56 et qui a failli lui revenir au visage.
00:08:58 - Mais là, ce que vous nous décrivez, c'est le putsch d'Alger, en fait, en avril 61.
00:09:03 - Oui, de Gaulle qui suscite l'espoir, les généraux qui ne veulent pas,
00:09:08 et puis de Gaulle qui ensuite, évidemment...
00:09:10 - Donc pour vous, c'est Poutine qui a gagné dans l'histoire.
00:09:13 - Poutine, attention, parce que la vraie question, oui, on imagine mal Prigojin garder sa stature,
00:09:19 on sait ce que nous a dit Vladimir Federoski, qui connaît très très bien que Poutine,
00:09:24 on n'a pas de difficulté à le croire, que Poutine est extrêmement rancunier,
00:09:28 et que Prigojin finira peut-être pas au goulag, mais en tout cas dans un placard,
00:09:32 ou on ne sait pas, mais en tout cas, voilà.
00:09:37 Non, Poutine va peut-être jouer justement la carte du renforcement autour de lui,
00:09:42 contrairement à ce qu'on a entendu aussi, attention, la population russe,
00:09:45 la popularité de Poutine n'a pas diminué, elle est toujours...
00:09:50 - Et les Russes, en tout cas les Moscovites, étaient très très calmes.
00:09:52 - Et même Rostov-sur-le-Don, on n'a pas vu des gens se jeter dans les bras des gars de Wagner
00:09:57 qui débarquaient dans le centre-ville, donc voilà, je crois qu'il a cru un moment pouvoir cristalliser des...
00:10:03 Il a aussi parlé, il a aussi remis en cause les fondements de la guerre en Ukraine.
00:10:08 - Oui, on y reviendra, parce qu'il a dit "et de la propagande officielle".
00:10:11 - Voilà, et là ce soir, il dit "il faut reconquérir, s'attaquer à l'armée ukrainienne
00:10:16 et reconquérir les terres naturelles des Russes".
00:10:18 Un discours complètement à l'inverse,
00:10:21 mais ça, Prigogine nous a souvent habitués à ce genre de volte-face.
00:10:24 - Carole Grimaud, qu'est-ce qui s'est passé pour vous au cours de cette journée ?
00:10:31 - Une journée folle, un coup de sang de Yevgeny Prigogine qu'on attendait,
00:10:39 suite à tous les échanges avec le ministère de la Défense
00:10:44 et les insultes qui ont alimenté les médias depuis de longues semaines.
00:10:50 On s'attendait à un coup de sang de sa part.
00:10:54 Peut-être pas aussi rapidement, je m'y attendais,
00:10:58 mais peut-être après les premiers résultats de cette contre-offensive ukrainienne
00:11:02 qui auraient pu faire précipiter les choses du côté de Wagner.
00:11:07 Je pense que Prigogine s'est peut-être engouffré dans une faille,
00:11:13 dans une faiblesse qu'il a sentie au pouvoir à ce moment-là.
00:11:17 Il a senti que c'était le moment de tenter quelque chose.
00:11:20 Ce qu'il a gagné, je dirais, c'est le fait que l'affaire pénale
00:11:25 qui était portée à son encontre aujourd'hui a été relevée.
00:11:30 Il sort de cela à peu près indemne.
00:11:35 Les garanties qui lui ont été accordées par l'intermédiaire de Lukashenko
00:11:41 sont encore à voir et nous aurons certainement des informations supplémentaires
00:11:46 d'ici les prochains jours.
00:11:48 Ces garanties se portent-elles au niveau du ministère de la Défense ?
00:11:53 Puisqu'on sait que Prigogine n'a pas tenté un coup d'État,
00:11:56 ce n'était pas un coup d'État,
00:11:57 c'est simplement le ministère de la Défense et l'état-major russe
00:12:02 à qui il en a principalement affaire.
00:12:06 Est-ce que ce ministère de la Défense va-t-il bouger ?
00:12:12 Est-ce qu'il va se passer quelque chose dans les prochaines heures ?
00:12:14 Ce qui a été garanti par Lukashenko à Prigogine,
00:12:18 nous le saurons bientôt.
00:12:21 Est-ce que ces garanties se portent justement sur le but principal de Prigogine
00:12:28 qui a décidé de faire demi-tour et donc d'abandonner cette insurrection ?
00:12:33 Je crois que les conséquences de cette affaire seront assez importantes,
00:12:40 seront importantes non seulement pour le pouvoir,
00:12:43 on a vu cette crainte, on a vu cette frais de fébrilité à Moscou,
00:12:49 se porteront également pour la population.
00:12:52 Je crois que la population russe est trouvée dans une inquiétude
00:12:59 et une désorientation totale dans cette journée du 24 juin
00:13:04 et je crois que c'est assez important pour la population de savoir qu'il est possible
00:13:12 que les choses basculent aussi rapidement.
00:13:14 En une journée ou en 24 heures, les choses peuvent basculer très vite
00:13:19 et cette désorientation cognitive pour la population russe,
00:13:22 à mon avis, aura des conséquences plus tard.
00:13:25 Je crois que nous entendrons encore parler de Yevgeny Prigogine d'une façon ou d'une autre
00:13:31 durant le cours de cette guerre jusqu'à la fin,
00:13:37 que j'espère atteindre le plus rapidement possible.
00:13:42 Gérard Vespière, le ministère de la Justice a dit que
00:13:47 ni Prigogine ni les gens de la Mises-Wagner ne seraient poursuivis.
00:13:52 Donc ça aurait l'air d'avoir fait partie de la tractation, de la négociation.
00:13:56 Enfin, après, ce ne sont que des paroles.
00:13:59 Effectivement, ce ne sont que des paroles.
00:14:01 Ce qu'il faut voir, c'est le cursus dans lequel cette histoire nous a emmenés.
00:14:07 On a évoqué effectivement un certain nombre d'événements clés
00:14:10 que l'on peut commencer peut-être à relier maintenant.
00:14:13 On a vécu une tragédie en quatre actes.
00:14:16 Le premier acte, et on n'a peut-être pas décrypté à sa valeur il y a quelques semaines,
00:14:21 c'est quand Prigogine a commencé à crier très très fort
00:14:26 quand on le privait de munitions.
00:14:29 C'est-à-dire qu'il a reçu un premier signal,
00:14:32 premier arrêt de mort de Wagner,
00:14:35 on va vous donner le minimum de munitions,
00:14:38 ne croyez pas un jour avoir de quoi vous battre pendant un mois, une semaine, etc.
00:14:43 Vous n'aurez que quelques jours.
00:14:45 Premier signal.
00:14:47 Deuxième signal, comme vient de l'annoncer tout à l'heure Pierre Laurent,
00:14:50 eh bien la force armée, les forces armées, le ministère de la Défense,
00:14:56 a décidé que les membres de la milice devaient maintenant être payés par l'État.
00:15:04 Donc deuxième déshabillage, après lui avoir dit "vous n'avez plus de munitions",
00:15:08 on le déshabille, après on lui dit "vous n'aurez plus d'hommes".
00:15:11 Et hier, que s'est-il passé ?
00:15:13 On a commencé à bombarder une des bases de Wagner.
00:15:17 Donc là, c'était le troisième.
00:15:19 C'est vrai ça ? Parce qu'on a entendu dire, si ça se trouve,
00:15:21 c'est du bluff de Prigogine.
00:15:24 En tout cas, la pression a monté et Prigogine a utilisé cela
00:15:29 pour déclencher son action ultime.
00:15:31 Voilà, en disant "il y a trois".
00:15:32 Donc ce serait lui qui aurait organisé.
00:15:34 Il y avait une vidéo qui a tourné qui n'était pas très convaincante.
00:15:37 Oui, c'était ça.
00:15:39 En tout cas, c'était assemblé par lui, c'est ce qui compte.
00:15:43 Assemblé par lui pour justifier.
00:15:45 Et donc maintenant, on est devant une situation où il a fait marche arrière.
00:15:50 Je pense, je ne crois pas du tout en l'intervention magique de Lukashenko.
00:15:56 Je crois que quand le capot du capot a un problème avec un capot dans la mafia,
00:16:01 il se parle ultimement.
00:16:03 Parce qu'une minute ou deux minutes pour prendre des accords essentiels, ça suffit.
00:16:08 Donc vraisemblablement, il peut y avoir eu des échanges
00:16:11 limités à l'ultra nécessaire entre Poutine et Prigogine.
00:16:16 Maintenant, le sort de Prigogine, effectivement, il ne sera peut-être pas poursuivi.
00:16:21 Mais Poutine a dit ce matin qu'il avait un poignard dans le dos.
00:16:27 Je ne vois pas comment Prigogine, maintenant,
00:16:30 va pouvoir se dégager du poignard que Poutine lui réserve.
00:16:34 Pierre Laurent.
00:16:35 Il y a un élément important pour expliquer un peu cette histoire de bombardement
00:16:40 des camps de Wagner, c'est qu'il se trouve qu'hier,
00:16:46 le ministre Choygou et le chef de l'état-major général Gerasimov,
00:16:51 étaient tous les deux à Rostov.
00:16:55 Et que donc, ces bombardements supposés, peut-être étaient-ils réels,
00:16:59 mais honnêtement, ça m'étonnerait beaucoup,
00:17:02 étaient le prétexte pour foncer sur Rostov et essayer de mettre la main sur les deux.
00:17:08 Ça peut être logique, puisque ce matin, quand Prigogine est arrivé à Rostov,
00:17:14 il a dit "je veux parler, je veux rencontrer Gerasimov et Choygou".
00:17:19 Et après, au cours de la journée, il a dit "le chef d'état-major était là,
00:17:24 il est parti quand je suis arrivé".
00:17:26 On a dit "le chef d'état-major est parti".
00:17:28 Après, ça a été extrapolé sur les réseaux,
00:17:30 on s'est imaginé que Gerasimov avait quitté la Russie ou qu'il était en fuite.
00:17:34 Donc, attention aussi à tout ce qu'on a entendu.
00:17:36 Mais ça, c'est vrai qu'en termes de recoupement, c'est assez logique.
00:17:39 Il vient à Rostov, qui est le QG de l'opération spéciale,
00:17:43 de la guerre en Ukraine, pour rencontrer le ministre et son chef d'état-major.
00:17:49 Qui sont ces deux ennemis jurés ?
00:17:50 Exactement.
00:17:51 Ceux qu'il a guenis d'injure depuis déjà un certain temps.
00:17:53 D'ailleurs, il a dit "nous allons attaquer, nous allons..."
00:17:55 En fait, c'était le convoi de la justice, il l'a appelé le convoi de la justice.
00:17:59 "Nous allons chasser la corruption qui est incarnée par lui".
00:18:02 C'est pour ça que, aussi, pendant la journée,
00:18:04 on a pas mal extrapolé sur ce que voulait réellement Prigojine.
00:18:07 Mais je ne pense que ce n'est jamais resté,
00:18:10 hors de cette haine personnelle, sur la conduite de la guerre.
00:18:13 Et qu'il fallait vraiment bien se garder de voir en Prigojine
00:18:17 une sorte de tombeur de Poutine qui pourrait amener un jour la démocratie en Russie.
00:18:22 Non, la démocratie, probablement pas.
00:18:23 Mais on est quand même allé jusqu'à 200 kilomètres de Moscou.
00:18:26 Oui, oui.
00:18:26 Et ils ont quand même abattu, sans doute, un ou deux hélicoptères.
00:18:29 Oui, c'est vrai. Mais quand on regarde cette journée folle,
00:18:31 on a entendu des gens qui, d'habitude, sont plutôt des farouches défenseurs des Ukrainiens,
00:18:38 voir en Prigojine un espoir.
00:18:41 Voilà, je pense qu'en fait, ça ne s'est jamais limité
00:18:44 qu'à une querelle entre Prigojine et l'état-major russe.
00:18:47 Pas du tout sur le fondement, en fait, de cette guerre.
00:18:51 On fait une pause.
00:18:52 On se retrouve après.
00:18:54 Et évidemment, on continue ce débat sur cette journée incroyable.
00:18:59 On continue sur le coup de force d'Evgeny Prigojine et de la milice Wagner en Russie.
00:19:09 Vladimir Fedorovski, l'auteur de "Poutine et l'Ukraine, les faces cachées"
00:19:13 et de "Sorge, un espion pour l'éternité" est avec nous.
00:19:18 Il y a également Pierre Lorrain, qui est journaliste.
00:19:22 Il y a Gérard Vespière, qui est à la tête du site "Le Monde Décrypté".
00:19:31 Il y a Régis Le Sommier pour Omerta, le nouveau site d'information en ligne.
00:19:37 On a été rejoint par Oleg Kobsev, qui est professeur de géopolitique
00:19:45 à l'American University of Paris.
00:19:49 Je vais vous donner tout de suite la parole.
00:19:50 Régis Le Sommier voulait nous faire un point sur les négociations
00:19:54 qui ont l'air d'avoir eu lieu entre Poutine et Prigojine.
00:19:57 Oui, c'est d'ailleurs par l'intermédiaire du porte-parole du Kremlin,
00:20:01 Dmitri Peskov, qui explique que les accusations qui ont été prononcées de trahison,
00:20:06 notamment ce matin, indirectement, même si Poutine n'a pas nommé Prigojine,
00:20:10 mais il a parlé de traître, ces accusations seront abandonnées.
00:20:14 Et Prigojine va quitter la Russie pour s'installer en Biélorussie.
00:20:19 Les personnes de Wagner qui n'ont pas participé au coup
00:20:24 signeront automatiquement des contrats avec le ministère de la Défense,
00:20:27 on l'a évoqué tout à l'heure.
00:20:28 Et aussi, les combattants de Wagner qui ont participé à cette expédition
00:20:34 ne seront pas poursuivis.
00:20:36 Et là, c'est une surprise, mais est-ce que ça va changer dans les jours qui viennent ?
00:20:40 Peskov explique qu'il n'y aura pas de changement dans le leadership de l'armée russe,
00:20:45 ce qui était une demande de Prigojine,
00:20:47 c'est-à-dire de la démission de Choygou et de Gerasimov.
00:20:50 Pour le moment, aucun de ces désirs de Prigojine n'a été exaucé.
00:20:56 Donc un coup d'épée dans l'eau, pour l'instant en tout cas.
00:21:00 Alors Oleg Kobtsev, pour vous, qu'est-ce qui s'est passé aujourd'hui en Russie ?
00:21:06 Et qui a gagné ?
00:21:07 Je l'avais dit tout à l'heure à l'antenne,
00:21:10 il nous a fait le coup de Mussolini et la marche sur Rome.
00:21:15 Alors ça aurait pu très mal se passer,
00:21:17 on avait parlé tout à l'heure avec le collègue qui est toujours sur votre plateau,
00:21:25 d'une fin à la poutche du style du carteron des généraux,
00:21:32 ou une farce qui se terminerait de manière très violente.
00:21:37 Eh bien, ce n'est ni l'un ni l'autre,
00:21:39 finalement ce n'est ni Mussolini qui s'entend avec le roi Vittorio Emanuele,
00:21:50 qui à mon avis était dans la tête de Prigojine,
00:21:54 il n'est pas non plus écrasé par Poutine,
00:21:57 c'est un tranquille compromis, je dirais que c'est quasiment une amnistie.
00:22:05 Mais non, ce qui est grave quand même, ce qui reste très grave dans cette affaire,
00:22:10 c'est que toute la légitimité de Poutine était basée,
00:22:15 premièrement sur l'idée et sur la représentation que le peuple,
00:22:21 que l'électorat avait de lui, de l'homme qui apportait la paix,
00:22:26 la tranquillité, la stabilité et surtout l'ordre et la loi,
00:22:33 après l'anarchie qu'il y avait sous Yeltsin.
00:22:37 Ça, c'est raté, puisque maintenant on a eu un petit début de guerre civile
00:22:43 sur le territoire même de la Russie,
00:22:45 avec un soudard finalement qui a réussi à le défier et qui s'en sort pas mal après tout.
00:22:52 Et deuxièmement, la légitimité et le pouvoir même de Poutine
00:23:00 reposait sur le fait qu'il avait réussi à créer un consensus
00:23:06 entre toutes les factions, les clans, les gangs qui contrôlaient toute la Russie.
00:23:14 Il en a éliminé plusieurs, des oligarques comme Khodorkovsky, Berezovsky
00:23:20 ou des groupes de gangsters.
00:23:23 Il a réussi à maintenir l'unité, un équilibre entre tous les clans
00:23:29 qui potentiellement pouvaient s'entretuer,
00:23:31 comme l'armée d'un côté, le FSB de l'autre, la police de Moscou,
00:23:37 grande organisation mafieuse d'ailleurs dans les années 90,
00:23:41 la police de Saint-Pétersbourg, le parti, les hommes de pouvoir de Saint-Pétersbourg,
00:23:47 ceux de Moscou, les Sibériens, etc.
00:23:52 Et maintenant, ça c'est la fin du consensus au fond.
00:23:54 Il est apparu comme n'ayant pas été capable d'arrêter, de tuer dans l'œuf,
00:24:02 un début de véritable guerre armée entre les clans,
00:24:07 les clans dans ce cas étant l'armée, l'establishment militaire
00:24:12 et Prigozhin qui représente une autre force,
00:24:19 une milice privée, certes au service de l'État,
00:24:23 mais une milice complètement parallèle à l'armée,
00:24:26 et une autre force dont on ne parle pas assez souvent,
00:24:30 c'est le contrôle de tout un tas de fermes informatiques,
00:24:35 et notamment tous ces trolls qui ont saboté les élections américaines en 2016.
00:24:43 Voilà les forces qu'il y avait en lice, et Poutine n'a pas su arrêter cela.
00:24:48 Alors maintenant, ça n'a duré que très peu de temps,
00:24:52 mais ça va détériorer terriblement plus que l'image de Poutine,
00:24:57 mais sa légitimité même.
00:24:59 Merci Oleg Kobzev.
00:25:02 Vous vouliez réagir Régis Sommier ?
00:25:04 Non, moi je pense que oui, c'est sûr qu'en termes d'image,
00:25:06 c'est jamais bon en plein milieu d'une guerre,
00:25:09 d'avoir une chamaillerie entre des diverses parties importantes.
00:25:13 Black Mouth, c'est Wagner, Wagner c'est 25 000 soldats très aguerris,
00:25:17 et puis on a l'armée russe de l'autre côté,
00:25:18 donc c'est sûr que ça fait extrêmement désordre.
00:25:20 Maintenant Poutine, pendant son long règne,
00:25:23 et avant quand il a commencé dans les arcanes du pouvoir russe,
00:25:28 souvenez-vous à l'époque de la Tchétchénie,
00:25:30 le pouvoir russe était aussi acculé,
00:25:33 il a l'habitude, il a connu des moments très difficiles,
00:25:38 donc je crois que c'est un animal politique,
00:25:42 il n'est pas immortel, mais c'est quand même quelqu'un qui est extrêmement dur,
00:25:47 et aujourd'hui je crois qu'il ne faut pas sous-estimer ça,
00:25:50 c'est que la société russe,
00:25:52 oui il y a eu des Russes qui ont quitté la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine,
00:25:56 oui il y a eu des critiques,
00:25:59 mais une majorité de la population,
00:26:01 et même une large majorité,
00:26:03 soutient Poutine et soutient cette action que nous pouvons trouver criminelle,
00:26:08 et qu'il l'est probablement,
00:26:09 mais pour les Russes, ils ne voient pas les choses de la même façon,
00:26:12 et dans cette guerre, et plus elle dure,
00:26:14 on n'a pas remarqué de défritement de la popularité de Poutine,
00:26:17 donc je ne crois pas que ça va complètement changer les choses,
00:26:21 sur le front ukrainien, parlons-en un petit peu,
00:26:23 aujourd'hui il n'y a pas eu d'évolution significative,
00:26:26 on aurait pu penser que comme il y a ce bordel,
00:26:30 pour le, en Russie, les Ukrainiens en auraient profité pour avancer,
00:26:35 peut-être que ce sera le cas dans les prochains jours,
00:26:36 mais en tout cas visiblement c'était business as usual sur le front.
00:26:40 Je voudrais donner la parole à Vladimir Fedorovski,
00:26:43 pour vous Vladimir Poutine,
00:26:45 il a quand même été affaibli, là au moins symboliquement,
00:26:48 est-ce qu'il peut s'en relever ?
00:26:51 Non mais attendez,
00:26:53 vous savez affaibli, vous prenez toujours vos désirs pour la réalité,
00:26:57 moi j'ai été critique de Poutine avant vous,
00:27:00 quand vous l'avez soutenu,
00:27:03 je vous signale que non pas du tout,
00:27:05 au contraire je pense que Poutine dans cette affaire,
00:27:08 il sera renforcé, il y aura, vous savez,
00:27:11 cette histoire de roi d'Espagne,
00:27:14 quelque chose que j'ai dans la tête,
00:27:15 moi j'ai parlé aujourd'hui, tout à l'heure,
00:27:17 avec énormément de Russes,
00:27:19 et je dois vous dire que tout le monde éprouve une sorte de soulagement,
00:27:23 et même gratitude à propos de Poutine,
00:27:25 mais cela dit,
00:27:27 évitons tout ça, ça l'avenir dira,
00:27:29 parce que beaucoup de choses dépendent de l'évolution militaire de la situation,
00:27:35 et l'évolution militaire de la situation est très contradictoire,
00:27:38 aujourd'hui sur le 20ème jour de l'offensive ukrainienne,
00:27:42 pour l'instant,
00:27:44 c'est vraiment contradictoire ce qui se passe,
00:27:47 mais je dois vous dire qu'on verra,
00:27:51 les Ukrainiens sont persuadés qu'ils vont aller dans la foulée vers la Crimée,
00:27:58 s'ils vont à la Crimée, il y a beaucoup de gens
00:28:01 qui pensent que Poutine va utiliser toutes les armes à sa possession,
00:28:06 et on va vers la guerre vraiment totale.
00:28:10 Si Poutine persiste avec son avancée,
00:28:13 à partir de Bahamut, mais aussi ailleurs dans les autres régions,
00:28:19 il annonce les couleurs, ils vont aller vers Odessa,
00:28:22 et cette fois-ci les Américains vont intervenir,
00:28:24 c'est toujours la guerre mondiale, même la guerre dans Lisbonne,
00:28:28 avec l'absence de sécurité de 15 Tchernobyl en puissance,
00:28:33 là-bas en Ukraine,
00:28:35 vous comprenez, ça peut donner un dérapage majeur,
00:28:38 et ce qui m'inquiète le plus, c'est ce dérapage, cette escalade,
00:28:42 cette vietnamisation du conflit que je vois volontiers à la rentrée.
00:28:48 - Kalorin ?
00:28:49 - Vietnamisation, je ne sais pas,
00:28:52 en tout cas j'aimerais revenir un tout petit peu sur la position de Poutine,
00:28:57 je crois que le président russe n'est pas plus affaibli maintenant qu'il ne l'était,
00:29:02 par exemple, on ne se souvient pas qu'en 2008,
00:29:06 au moment de l'élection présidentielle,
00:29:08 où il ne pouvait plus se présenter,
00:29:10 et où il a mis Medvedev à sa place,
00:29:13 il y avait une rivalité entre des groupes de pouvoir très importants,
00:29:20 au sein du FSB, au sein du GRU, au sein de l'armée, etc.,
00:29:25 et qu'il y a même eu des batailles à coups de feu dans un aéroport moscovite,
00:29:31 et à l'époque, on était également au bord de la guerre civile,
00:29:35 ça n'a pas été dit parce que c'était plus feutré,
00:29:38 mais on était vraiment dans une situation où ça pouvait déraper,
00:29:42 et pourtant, ce n'est pas lui, mais Medvedev, qui a maintenu les choses,
00:29:46 mais il était premier ministre, Poutine,
00:29:48 donc c'était lui qui menait la baraque,
00:29:51 et plus récemment, il y a eu d'autres crises,
00:29:54 en particulier la crise de Syrie,
00:29:56 avec l'intervention de l'armée russe en Syrie,
00:29:59 où également ça a renforcé sa popularité,
00:30:03 et là, le fait qu'il ait d'une certaine manière escamoté Prigojine,
00:30:09 ça lui sera certainement porté au crédit.
00:30:12 – On voit là la milice Wagner qui quitte Rostov,
00:30:17 donc ça y est, ils rentrent dans leur base,
00:30:19 comme c'était prévu, enfin comme c'était prévu par l'accord,
00:30:23 parce que Prigojine a dit que c'était ça le plan depuis le début,
00:30:26 il peut en douter.
00:30:28 – Leur base est à Rostov aussi, donc ils sont toujours sur pied d'oeuvre.
00:30:31 – Oui, il y en a plusieurs.
00:30:32 – Ils ont des bases dans 42 États, les 42 États de la Fédération.
00:30:35 – Par rapport à la vietnamisation,
00:30:37 je crois qu'on ne peut pas du tout envisager un tel schéma,
00:30:39 parce que la vietnamisation était une guerre asymétrique, n'est-ce pas ?
00:30:44 Tandis que là, on a 250 000 hommes de chaque côté,
00:30:48 on a 500 000 hommes au combat, avec des chars, des canons, des avions, des bateaux.
00:30:52 – Mais Wagner, ça représente combien ?
00:30:55 – C'est 3% de l'armée russe, c'est rien du tout, c'est rien du tout.
00:30:59 Donc pas de vietnamisation.
00:31:00 Par contre, je pense qu'il faut tenir compte des choses qui se sont passées aujourd'hui,
00:31:05 et l'élimination qui était décidée par Poutine de Prigojine a pris 24 heures.
00:31:13 Donc je pense que le peuple russe sera tout à fait conscient
00:31:19 de cette très très belle manœuvre.
00:31:22 Il a mis, Poutine, la pression sur Prigojine pendant quelques semaines,
00:31:26 il l'a fait sortir du bois, et dès qu'il est sorti du bois, dehors.
00:31:30 Donc c'est vraiment une période de simplement quelques heures
00:31:35 où il a enlevé un homme encombrant de la scène,
00:31:39 qui lui a rendu service à Batmout, qui lui a rendu service en Afrique
00:31:43 en patronnant le groupe Wagner, mais il est allé trop loin, on l'a remercié.
00:31:48 Néanmoins, pardon, Evgeny Prigojine a, pendant toute la journée,
00:31:55 mis à mal la propagande officielle russe en Ukraine.
00:32:00 Il a quand même cessé de dire que tout ça c'était des mensonges,
00:32:04 que depuis le début de la contre-offensive, les russes perdent beaucoup de terrain,
00:32:08 qu'il y a beaucoup de morts du côté russe, il a dit 1000 par jour,
00:32:11 ça peut paraître beaucoup, mais allez savoir, c'est pas rien ça.
00:32:16 C'est pas rien, le discours qu'il a tenu aujourd'hui était un discours...
00:32:18 C'est pour ça qu'il fallait l'éliminer.
00:32:19 Il est devenu extrêmement dangereux parce qu'il a peut-être dit la vérité.
00:32:22 Mais Prigojine a pris le parti, alors attention, prenons des pincettes aussi,
00:32:27 parce qu'on peut se rappeler aussi de choses complètement incohérentes
00:32:30 qu'a dit Prigojine à certains moments du conflit.
00:32:34 Il a annoncé des choses qu'il n'a pas fait, il a dit "on se retire de Batmout"
00:32:37 et le lendemain il faisait une offensive.
00:32:39 Il a lui aussi joué ce jeu de la déception, du camouflage, etc.
00:32:44 et il a tenu des propos parfois incohérents, donc attention à ça.
00:32:47 Mais surtout, il a eu parfois un discours que je dirais de franchise
00:32:51 sur la question des pertes, sur peut-être que l'absence de munitions
00:32:54 était aussi un problème réel de rapport de force entre Wagner
00:32:59 et l'armée régulière au niveau de Batmout,
00:33:01 et peut-être que Shoigu a mis en péril la progression de Wagner.
00:33:06 Donc là, c'est des questions logistiques et militaires.
00:33:09 Et politiques, si on lui a pas donné les munitions, c'est aussi politique.
00:33:12 Mais ça devient politique parce qu'il a tenu ce langage de vérité
00:33:16 et peut-être que les Russes ont vu que les Ukrainiens
00:33:18 s'enthousiasmaient du discours de Prigojin.
00:33:22 Prigojin est quelqu'un qui a eu, parfois on dit "ah oui, lui il dit la vérité"
00:33:26 et les Russes n'ont pas forcément envie de savoir que les choses vont mal.
00:33:30 Donc si vous voulez, le personnage n'était peut-être pas aussi populaire que ça.
00:33:34 À une différence près, tout à l'heure on a évoqué la question
00:33:36 de la composition de Wagner avec les bandits, enfin la pègre,
00:33:41 et puis les anciens des services, les anciens spetsnaz,
00:33:46 des forces spéciales, etc., qui eux sont plus fidèles à la Russie qu'autre chose.
00:33:50 Il avait cet avantage, je dirais, Prigojin, d'être proche de ses hommes.
00:33:55 Là, il a cru que cette proximité avec les hommes,
00:33:58 le fait qu'il ait risqué sa vie pour aller sur le terrain, pour les accompagner,
00:34:02 à tout moment de la bataille, depuis la bataille de Soledad,
00:34:04 il est avec ses hommes quasiment toutes les semaines.
00:34:07 Il va, quand une position est conquise, on le voyait avec les Wagner,
00:34:12 et Prigojin en fait pensait que ça, ça lui avait donné une popularité dans l'armée russe.
00:34:18 Bon, ça ne lui a pas donné finalement plus de popularité que ça.
00:34:22 Il n'a pas trouvé d'allié en dehors de Khodorovski qui s'est rallié à lui,
00:34:28 et évidemment de l'ancien oligarque en exil à Londres.
00:34:32 Personne n'a apporté son soutien en Russie,
00:34:35 sauf évidemment des gens qui sont en prison, des opposants qui l'ont soutenu.
00:34:39 Mais sinon, en dehors de ça, il n'a pas trouvé d'appui véritable.
00:34:43 Donc pour conclure, on peut dire que le personnage de Prigojin
00:34:48 n'était pas forcément quelqu'un d'extrêmement bien vu dans le reste de la Russie.
00:34:52 Mais c'est surtout, on voudrait comprendre, au fond, qu'est-ce qu'il avait dans la tête.
00:34:55 On aurait pu penser que c'était une sorte,
00:34:57 il se voyait comme une sorte de Donald Trump, Prigojin, avec un lien direct.
00:35:01 Il a beaucoup de messages sur les réseaux sociaux.
00:35:05 Il a un côté Trump, c'est quelqu'un qui a fait des casinos,
00:35:07 qui a construit des chaînes de restaurants, etc.
00:35:09 Donc il a un côté businessman, c'est un businessman de la guerre d'ailleurs.
00:35:12 C'est pour ça que peut-être aussi son analyse politique est un peu...
00:35:15 C'est aussi un mercenaire à la base, donc c'est quelqu'un qui espère être payé.
00:35:18 Il y a une idée de solde, il y a une idée de gain.
00:35:22 Et ce que fait Wagner en Afrique, c'est de la préemption sur certains pays.
00:35:26 Des mines de diamants, des ressources des pays se payent sur la bête.
00:35:30 Donc on est dans une logique de mercenariat.
00:35:33 Et Prigojin, qu'est-ce qui se passe dans sa tête ?
00:35:36 C'est, je pense, l'ivresse de Bakhmout,
00:35:38 parce que Bakhmout, il l'a délivré à Poutine sur un plateau.
00:35:41 Et je pense qu'il pensait, lui, être récompensé.
00:35:45 Et non pas se voir privé de sa milice et la voir retourner dans l'armée,
00:35:50 parce que c'est un peu ce qui a déclenché la crise.
00:35:52 Mais on peut se poser aussi la question de savoir qu'est-ce qui l'a arrêté ?
00:35:55 Pourquoi, à 200 kilomètres de Moscou, il s'arrête ?
00:36:00 - Ressemblablement, parce qu'il ne pouvait pas aller plus loin.
00:36:02 De toute manière, cette force, 170 véhicules, dit-on...
00:36:06 - Ah oui, il n'allait pas prendre Moscou avec ça.
00:36:08 - Il n'allait pas prendre Moscou avec ça, d'une part, et puis d'autre part.
00:36:10 Effectivement, s'il y avait des garnisons ici ou là qui s'étaient ralliés,
00:36:14 là, ça devenait intéressant.
00:36:16 Mais visiblement, rien ne s'est passé.
00:36:18 C'est exactement comme l'affaire du carteron des généraux...
00:36:22 - Jésus-Laure Haude.
00:36:23 - ... dénoncée par De Gaulle.
00:36:25 L'armée était derrière De Gaulle.
00:36:27 Les conscrits étaient derrière De Gaulle.
00:36:31 Et là, l'armée est derrière Poutine.
00:36:34 C'est tout, c'est aussi simple.
00:36:35 C'est un parallèle que l'on peut faire.
00:36:37 - Pas d'effet domino.
00:36:39 On ne peut pas prendre le Kremlin avec 3 % de l'armée russe.
00:36:41 - Oui, certainement pas.
00:36:43 Eugène Berg, l'ambassadeur de France, nous a rejoint.
00:36:47 C'est l'auteur d'Ukraine, février 2023.
00:36:51 Bonjour, Eugène Berg.
00:36:53 Je vous pose la même question qu'à tous ceux qui se sont succédés.
00:36:57 Qu'est-ce qui s'est passé pour vous au cours de cette journée ?
00:37:02 Et qui a gagné, Eugène Berg ?
00:37:05 - On se demande si ce n'est pas la journée des dupes.
00:37:09 Personne n'a vraiment gagné, personne n'a vraiment perdu.
00:37:13 Mais celui qui l'a le moins perdu, c'est quand même Prigogine.
00:37:17 Parce qu'avec 25 000 soldats, qui sont un peu certains,
00:37:22 on sait d'où ils viennent,
00:37:23 il a fait trembler les murailles du Kremlin.
00:37:27 Il a fait...
00:37:28 Aucune armée constituée ne s'est opposée à lui.
00:37:34 Et il a obtenu une espèce de sauf-conduit,
00:37:37 en montrant que finalement, le roi était nu,
00:37:43 c'est-à-dire que Poutine n'avait pas les moyens de son pouvoir,
00:37:46 que le pouvoir russe, sans être déliquescent,
00:37:49 était relativement faible,
00:37:51 et avait besoin d'un appui extérieur de Loukachenko,
00:37:54 dont on disait qu'il était complètement le vassal de Poutine.
00:37:58 Donc pratiquement, Poutine, le tsar omnipotent, tout puissant,
00:38:04 qui a quand même failli dans cette espèce de guerre sans nom,
00:38:10 a montré qu'il avait perdu son espèce de pouvoir,
00:38:15 sa maîtrise sur les événements,
00:38:17 il a pu mettre des horloges, comme on l'a dit,
00:38:21 et Prigogine s'en sort.
00:38:24 Alors, on ne sait pas très bien comment ça va se terminer,
00:38:27 parce que Prigogine aurait pu très bien continuer ses pressions,
00:38:32 se présenter comme un candidat aux présidentielles,
00:38:34 ramasser le quart des voix, il ne l'a pas fait.
00:38:37 Mais peut-être qu'il le fera.
00:38:38 Donc manifestement, ce n'est pas un match nul,
00:38:41 mais ce n'est pas un chaos.
00:38:43 Prigogine s'en sort avec les honneurs,
00:38:46 parce qu'il aurait pu être massacré,
00:38:48 ce n'est pas 25 000 ou 30 000,
00:38:50 il serait arrivé, il aurait été un petit peu...
00:38:52 Mais il a montré qu'avec une volonté,
00:38:56 et surtout avec un langage très cru, très direct,
00:39:00 finalement, Prigogine, qu'on prenait pour une espèce de criminel de grand chemin,
00:39:07 il parle le langage de la vérité.
00:39:10 Moi qui parle bien russe, je l'écoute,
00:39:12 il a un langage très clair, très direct,
00:39:15 il parle au nom, il est contre le mensonge,
00:39:19 il est contre la corruption, contre la bureaucratie,
00:39:22 ça parle ceci.
00:39:24 Donc il a fait trembler les murailles du Kremlin.
00:39:27 Et c'est là qu'il faut voir, c'est une première étape.
00:39:31 Qu'est-ce qui va se passer ?
00:39:33 J'ai entendu, j'ai passé toute la journée devant confrères,
00:39:36 certains en disaient "on va attendre 48 heures".
00:39:38 Finalement, ça s'est réglé très rapidement.
00:39:42 Mais ça s'est réglé, attention, c'est qu'une première étape.
00:39:45 Il faudra examiner ce qui s'est passé après.
00:39:48 Mais encore une fois, Poutine a perdu son aura,
00:39:52 a perdu sa maîtrise sur la situation,
00:39:55 et on verra très bien comment l'armée russe,
00:39:57 c'est-à-dire les pauvres soldats qui sont au front,
00:40:00 pourquoi ils se battent ?
00:40:02 Puisque Prigogine leur dit la vérité,
00:40:04 il leur dit "vous êtes là, on vous a menti sans arrêt,
00:40:07 vous vous êtes massacrés, est-ce qu'ils vont continuer à se battre ?
00:40:10 Est-ce qu'ils vont continuer à défendre des territoires
00:40:13 auxquels ils ne croient plus ?"
00:40:14 Donc même si Prigogine n'a pas gagné la mise,
00:40:18 il était difficile de croire qu'il allait prendre le pouvoir,
00:40:21 il a gagné finalement une espèce d'aura
00:40:24 où il a dit la vérité aux gens.
00:40:26 Est-ce que cette vérité va se répandre
00:40:28 dans la population russe, dans l'armée ?
00:40:32 Mais là, il a marqué un certain point.
00:40:35 Et donc, on croyait qu'il allait se sacrifier,
00:40:38 vous savez, les Russes, ils se sacrifient pour se sanctifier,
00:40:42 parce que finalement, mais non, il n'a pas fait.
00:40:44 Donc il a sauvé sa peau, il a sauvé son aura,
00:40:48 et pour l'instant, il reste relativement intact.
00:40:50 Donc voilà ce qui est intéressant,
00:40:52 et tout ça s'est fait dans un mouchoir de poche
00:40:54 qui a complètement trompé tous les observateurs
00:40:58 les plus patentés, parce que ce matin,
00:41:00 certains disaient "oh, il faut attendre 24 heures, 48 heures, on verra".
00:41:04 Tout ça s'est fait pour l'instant dans une journée.
00:41:07 Mais attention, prudence, on verra ce qui se passera
00:41:10 dans les jours ou les semaines à venir.
00:41:13 – Gérard Vespière.
00:41:14 – Sauver sa peau, ce n'est pas sauver son aura.
00:41:18 Sauver sa peau, c'est fuir ou être partisan de M. Loukachenko.
00:41:25 Perdre ses 25 000 hommes, ce n'est pas garder son aura,
00:41:30 c'est perdre ses troupes.
00:41:31 Donc je pense que là, il y a une analyse un petit peu étonnante,
00:41:36 mais les réalités sont celles-là, et ça s'est passé, encore une fois, en 24 heures.
00:41:41 Et je reste effectivement sur cette analyse,
00:41:44 l'éviction de Prégogine a été préparée depuis quelques semaines,
00:41:49 les décisions ont été faites par étapes,
00:41:52 et le règlement s'est fait en 24 heures.
00:41:54 – Ce que vous avez l'air de dire, Gérard Vespière,
00:41:55 c'est qu'au fond, il était obligé d'assurer aujourd'hui, d'une manière ou d'une autre.
00:42:00 – On l'a fait sortir du bois, et c'est l'erreur obligatoire,
00:42:05 il n'avait pas d'autre façon, ou c'était le siennur, ou il fallait se battre.
00:42:08 Bon, il a choisi de se battre, et on le fait sortir par la porte de derrière,
00:42:12 mais le pouvoir du Kremlin reste maintenant bien en place,
00:42:18 et fort de l'appui inconditionnel de l'armée.
00:42:21 – Et de l'autre part, sur le front ukrainien,
00:42:24 les soldats russes savent pourquoi ils se battent,
00:42:26 sinon le front aurait été enfoncé, comme le prévoyait le général Petreus le 6 juin,
00:42:34 en disant "on va les balayer parce que nous avons les meilleures forces,
00:42:38 les meilleurs équipements, etc."
00:42:40 Ce n'est pas, ça n'a pas été le cas, ça fait trois semaines
00:42:44 que l'armée ukrainienne n'a pas atteint les premières lignes de défense russes,
00:42:50 il y a eu des gains de terrain, mais qui n'étaient pas déterminants,
00:42:54 et les russes se battent, et ils savent pourquoi ils se battent,
00:42:58 parce que c'est justement parce qu'il y a eu un effet de corps
00:43:03 au sein de l'armée russe depuis un an, que aujourd'hui elle est déterminée.
00:43:08 – Moi je voudrais rajouter par rapport à ce que dit l'ambassadeur,
00:43:10 qu'il faut garder à l'esprit en permanence dans cette histoire,
00:43:15 on appelait ça une rébellion, certains ont vu un putsch, etc.,
00:43:18 enfin en tout cas, une personne qui est entrée et qui a tenté quelque chose
00:43:22 qui s'appelle Yevgeny Prigojin, mais on est entre personnes,
00:43:27 que ce soit Choygou, Surovikine, Gerasimov, Poutine,
00:43:32 on est entre personnes qui font la guerre et dont fondamentalement aucun
00:43:37 ne remet en cause le bien fondé de cette guerre en Ukraine.
00:43:41 Prigojin n'est pas le sauveur, n'est pas une personne opposée à la guerre en Ukraine,
00:43:45 même s'il a été critique sur la guerre en Ukraine pour la première fois aujourd'hui.
00:43:49 – Non, il serait plutôt pour la mobilisation générale.
00:43:51 – Oui, il voudrait qu'on négocie et qu'on garde, il n'est pas question,
00:43:55 Prigojin n'a jamais dit que l'Ukraine doit récupérer ses frontières de 1991,
00:43:59 on est en train d'en faire en Occident, une sorte avec une propension au fantasme
00:44:04 qu'on a médiatiquement régulièrement au sujet de cette crise en Ukraine,
00:44:08 c'est-à-dire de voir, de projeter sur des gens un espoir,
00:44:11 parce que la personne embarrasse Poutine ou en tout cas qu'elle peut potentiellement
00:44:16 le faire tomber, Prigojin au pouvoir, imaginons dans un monde que la colonne arrive,
00:44:24 Poutine démissionne et Prigojin prend le pouvoir,
00:44:26 ce n'est pas du tout un social-démocrate, ce n'est pas du tout quelqu'un qui va…
00:44:31 Donc attention à cette fiction de "oui, il dit la vérité",
00:44:36 il dit la vérité quand ça ne nous arrange pas, aujourd'hui il a dit
00:44:39 il faut reprendre la guerre contre… à la fin de son dernier communiqué,
00:44:42 il faut reprendre la guerre contre l'Ukraine et reprendre les terres naturelles des Russes.
00:44:46 Je suis désolé, ça ne correspond pas tout à fait à la vision, à mon avis, de l'ambassadeur.
00:44:51 Donc attention à Prigojin, il a un double langage,
00:44:54 il peut dire des choses complètement absurdes et il peut parfois en effet dire extrêmement la vérité
00:44:59 et c'est là où c'est un personnage équivoque dans cette guerre.
00:45:01 Vladimir Fedorovski, alors, et la guerre en Ukraine dans tout ça ?
00:45:07 La guerre en Ukraine va vers l'escalade sans précédent,
00:45:10 en mon sens, trois ou quatre scénarios que je vous décris et ça m'inquiète beaucoup.
00:45:17 J'étais très heureux vraiment d'être avec vous parce que tous vos invités
00:45:22 ont été absolument lucides sur l'évolution de la situation
00:45:29 et en revanche l'ambassadeur a prononcé quelque chose de tout à fait prépertinent.
00:45:33 C'était une marchée de dupes, notamment une marchée de dupes pour vos collègues,
00:45:39 vous savez, qui ont raconté tellement de n'importe quoi,
00:45:42 que Poutine va tomber, que c'est la fin, que les Ukrainiens vont avancer, tout ça.
00:45:49 Maintenant on revient au mot qui est le mot-clé pour moi, c'est la réalité.
00:45:55 Et la réalité est très grave parce qu'on va vivre la crise sans précédent dans l'histoire de l'Europe.
00:46:03 Eugène Berg ?
00:46:07 Oui, allô ?
00:46:08 Oui, oui, oui, vous êtes là, je vous écoute Eugène.
00:46:11 Non, écoutez, bon, là aussi il faut qu'on voit,
00:46:15 c'est évident qu'on a des points de vue un peu différents, divergents,
00:46:19 mais l'essentiel, bon, Prigojine c'est un homme qui dit une chose, son contraire.
00:46:25 Il a quand même dit, écoutez, il a dit à plusieurs reprises
00:46:29 que tout l'objectif de Poutine au départ, dénazifier, démilitariser, excusez-moi,
00:46:35 il l'a dit, je l'ai écouté, c'est quand même du bidon.
00:46:38 Il l'a dit ça, on ne peut pas le dire.
00:46:40 Alors, il a une approche qui est évolutive.
00:46:46 Alors évidemment, ce n'est pas le mouton blanc, c'est un espèce de pristoup, ni que c'est un type,
00:46:53 mais il parle au peuple et aucun dirigeant russe,
00:47:00 et mon ami Fedorovski ne va pas me contredire, il connaît ça très bien,
00:47:04 il ne pratique pas la langue de bois, il ne dit pas que tout va bien,
00:47:08 il dit une certaine vérité et le pauvre peuple russe
00:47:11 qui est complètement omnibulé, manipulé, il n'a plus la vérité,
00:47:17 il l'écoute, même s'il ne dit pas totalement la vérité, il a l'oreille.
00:47:23 Alors c'est là qu'il joue un rôle subtil qu'on ne peut pas décrypter.
00:47:28 À mon sens, il a été au suicide, il a sauvé sa peau.
00:47:33 Attendons de savoir ce qu'il va faire après.
00:47:35 Moi, je considère qu'il aurait très bien pu se présenter aux élections en 1924,
00:47:40 soit faire comme le général Leibovit avec Yeltsin en 1996,
00:47:45 se désister pour lui, devenir vice-président,
00:47:48 c'est peut-être un plan sur la comète,
00:47:50 mais au moins montrer qu'il a un poids et qu'il peut rassembler une certaine droite,
00:47:57 comme Jirinovski, LDPR, et ainsi de suite.
00:48:01 Il peut montrer que ce n'est plus un businessman à soif et de sang, à soif et d'argent,
00:48:07 qui joue un rôle politique.
00:48:09 Est-ce qu'il va le faire ou pas ? C'est ça l'essentiel.
00:48:11 Parce qu'il veut montrer qu'il est au-delà du business.
00:48:15 Vous savez, les Russes ne sont pas tout à fait attachés aux biens matériels.
00:48:19 Ils veulent rentrer dans une espèce d'éternité, ils veulent se sauver.
00:48:23 Il veut sauver, finalement. C'est ça la réalité.
00:48:26 Les Russes, ce ne sont pas des cartésiens, ce ne sont pas des gens oui ou non.
00:48:29 Ils disent une chose en contraire. Il faut comprendre ça.
00:48:32 Et ceux à qui on a assisté, personne, j'ai écouté tous vos confrères ce matin,
00:48:38 personne n'a prévu cela. C'est quand même fantastique ce rebondissement.
00:48:43 C'est quelque chose d'inédit. On a perdu notre latin.
00:48:47 Donc, Ascension, ne portons pas le jugement définitif,
00:48:50 mais simplement la réalité, c'est que Poutine n'est plus le maître des horloges.
00:48:56 Il est devant une réalité auquel il devra compter.
00:49:00 Écoutez, quand vous appelez M. Erdogan,
00:49:03 quand vous appelez le président du Kazakhstan que vous avez sauvé,
00:49:08 que vous demandez à Loukachenko, qui est votre vassal, en disant "sauvez-moi",
00:49:12 ce n'est plus le Poutine maître des horloges, excusez-moi,
00:49:15 où je n'y comprends rien. Donc Poutine est perdu.
00:49:17 Je vais donner la parole à Pierre Laurent, vous l'avez absolument…
00:49:21 Oui, je crois que là, il y a une confusion totale.
00:49:24 Si Poutine a appelé effectivement les chefs d'État des pays qui étaient autour de lui,
00:49:28 c'est pour leur dire "je contrôle la situation".
00:49:31 Et s'il a dit à Loukachenko "écoute, j'ai besoin d'un intermédiaire
00:49:34 parce que je ne veux pas parler à ce pourri, alors toi tu vas le faire",
00:49:38 et Loukachenko a dit "d'accord, je vais lui offrir l'asile politique".
00:49:42 Voilà, c'est comme ça que ça s'est passé.
00:49:44 Et c'est pour ça qu'il part…
00:49:47 Et c'est pour ça qu'il part en Biélorussie.
00:49:48 Voilà. Réaction Vladimir Fedorovski ?
00:49:53 Vous savez, c'est vraiment réaliste ce que dit mon ami Pierre Laurent.
00:49:56 Il a utilisé le mot qu'il fallait, c'était une farce qui se passait devant nos yeux.
00:50:02 Mais c'est vrai qu'aussi l'ambassadeur Berg, mon ami l'ambassadeur Berg,
00:50:07 il a raison de parler de quelque chose qui ressemble à Eltsine de mon époque.
00:50:14 Mais simplement, Rémi Prigogin n'est pas Eltsine, l'époque est une autre,
00:50:18 et surtout Poutine n'est pas Gorbatchev.
00:50:21 Félicitations, M. Semier, dernier mot ?
00:50:23 Dernier mot, non, je pense qu'il va falloir quand même,
00:50:28 là on dit oui, il va falloir quand même,
00:50:31 et là je suis assez d'accord avec l'ambassadeur,
00:50:32 attendre quand même quelques temps pour voir l'impact.
00:50:35 Voir l'impact et moi surtout je dirais de voir un petit peu
00:50:38 quelle vont être les évolutions du front en Ukraine dans les jours qui viennent.
00:50:44 Je ne crois pas que ça ait…
00:50:45 Et même Prigogine lui-même a dit en prenant Rostov ce matin
00:50:49 qu'il avait absolument mis un point d'honneur pour expliquer au début de son propos
00:50:53 qu'il ne mettait pas en péril les opérations aériennes
00:50:56 liées à l'opération spéciale et à la guerre en Ukraine.
00:50:59 Donc voilà, il risque, il n'y aura peut-être pas beaucoup de changements,
00:51:03 mais on va voir si ça a eu quelque chose.
00:51:08 Charles Vespers ?
00:51:09 Écoutez, je crois qu'on a vu pour le moment,
00:51:11 depuis les dernières semaines en Ukraine, que des préparatifs.
00:51:15 Nous attendions le 6 juin 1944,
00:51:18 mais nous oublions qu'avant le 6 juin il y a eu le mois d'août 1942
00:51:23 et le débarquement indien.
00:51:24 Et puis il faut tester.
00:51:25 Donc actuellement, depuis quelques semaines,
00:51:27 les Ukrainiens testent avec une toute petite partie de leur effectif
00:51:31 et une toute petite partie de matériel le front
00:51:33 pour savoir où et quand mieux opérer avec la totalité de leur force.
00:51:39 Et vous ne pensez pas que ce qui s'est passé aujourd'hui
00:51:41 ça peut changer quelque chose sur le front en Ukraine ?
00:51:45 Nous étions sur le front russe,
00:51:47 là nous parlons du front ukrainien,
00:51:48 ce n'a rien à voir.
00:51:49 Ce soir on retourne au front en Ukraine.
00:51:53 Pierre Laurent ?
00:51:54 Oui, je suis entièrement d'accord avec cela,
00:51:56 à la seule différence que je crois que,
00:52:00 aujourd'hui en tout cas,
00:52:02 l'Ukraine n'a pas les moyens de lancer une grande offensive
00:52:07 et que la comparaison entre Dieppe et le jour J
00:52:13 n'est pas tellement pertinente
00:52:15 dans la mesure où on voit mal
00:52:17 comment l'Ukraine pourrait reprendre des forces,
00:52:21 même avec l'aide occidentale.
00:52:23 L'aide occidentale aujourd'hui elle est presque terminée
00:52:26 parce qu'on n'a plus rien ou presque à leur donner.
00:52:28 On peut leur donner des avions, ça, ça peut changer.
00:52:31 On leur a donné 500 chars,
00:52:32 on leur a donné 1000 véhicules blindés de transport de troupes,
00:52:34 on leur a redonné trois fois plus d'Imars,
00:52:36 on leur a donné trois fois plus de César,
00:52:38 mais pour Pierre Laurent, ça n'existe pas.
00:52:41 Non, non, mais une couverture aérienne,
00:52:43 quand on opère avec une couverture aérienne,
00:52:45 c'est quand même plus facile.
00:52:46 Les systèmes antiaériens sont présents des deux côtés.
00:52:48 Oui, mais d'un côté il y a des hélicos,
00:52:50 de l'autre il y en a quand même beaucoup moins
00:52:52 et ça, ça crée un problème.
00:52:53 On s'arrête là.
00:52:55 Les patriotes gèlent tout.
00:52:57 On s'arrête là et je vous remercie tous les trois,
00:52:59 ainsi que Vladimir Fedorovski et Eugène Berg,
00:53:03 également Carole Grimaud et Oleg Komtsev
00:53:05 qui étaient avec nous au début de ce débat.
00:53:09 On laisse Isabelle Piboulot faire le rappel des titres
00:53:12 et puis après, on revient en France.
00:53:15 La Russie ne poursuivra pas pénalement
00:53:20 les combattants de Wagner.
00:53:21 Après avoir fait volte-face,
00:53:23 Evgeny Prigojine va se rendre au Belarus.
00:53:27 Le patron de Wagner a appelé ses troupes
00:53:29 à rentrer dans leur camp afin d'éviter un bain de sang.
00:53:32 La marche vers Moscou a donc été stoppée.
00:53:35 Un peu plus tôt, le président bélarusse avait affirmé
00:53:37 avoir négocié avec le chef de Wagner
00:53:40 afin d'éviter toute nouvelle escalade.
00:53:42 Vladimir Poutine a remercié Alexandre Loukachenko
00:53:45 pour son rôle de médiateur.
00:53:47 Dans le reste de l'actualité, en visite à Mayotte,
00:53:50 Gérald Darmanin a salué l'efficacité de Rambushu,
00:53:53 l'opération contestée de lutte contre la criminalité,
00:53:56 l'immigration illégale et l'habitat insalubre.
00:53:59 Depuis avril, des centaines de policiers et gendarmes
00:54:01 ont été déployés pour mener une série d'interventions.
00:54:05 Rambushu sera prolongé en septembre
00:54:07 pour cibler l'agriculture et la pêche illégale,
00:54:09 ainsi que les marchands de sommeil.
00:54:11 Dans le Loir-et-Cher, la fête de la violette
00:54:14 a eu lieu en présence d'Éric Zemmour.
00:54:16 Devant plusieurs centaines de partisans,
00:54:18 l'ex-candidat à la présidentielle a défendu être d'extrême droite
00:54:21 tout en faisant les yeux doux aux Républicains.
00:54:24 Éric Zemmour a appelé les derniers électeurs sincères à le rejoindre.
00:54:28 La droite s'y reconquête et reconquête,
00:54:29 c'est la droite, a-t-il déclaré.
00:54:32 Enfin, après de longues tergiversations,
00:54:34 le contrôle technique des deux roues est en passe
00:54:36 de voir le jour en France.
00:54:38 Et ce, dès début 2024.
00:54:40 Le gouvernement souhaite le mettre en place progressivement
00:54:43 en fonction de l'âge des véhicules.
00:54:45 Un projet de décret et un projet d'arrêté
00:54:47 seront soumis à la consultation du public,
00:54:49 à compter de lundi et jusqu'au 22 juillet.
00:54:52 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:54:58 les visiteurs du soir, c'est de 22h jusqu'à minuit.
00:55:01 On quitte la Russie, on revient en France.
00:55:04 L'ancien président de l'Assemblée nationale,
00:55:06 Richard Ferrand, a créé la polémique
00:55:08 en se prononçant dans une interview au Figaro
00:55:11 contre la limitation dans le temps du mandat présidentiel.
00:55:14 Il a été accusé de vouloir modifier la Constitution
00:55:17 pour qu'Emmanuel Macron puisse rester au pouvoir en 2027.
00:55:21 Il s'est rattrapé ensuite en disant qu'on ne change pas les règles
00:55:23 en cours de match, que sa suggestion ne concernait pas
00:55:26 l'actuel locataire de l'Élysée.
00:55:28 Néanmoins, la durée du mandat présidentiel
00:55:30 reste un sujet de débat.
00:55:32 Tout le monde le sait, ça fait partie des pistes de réflexion
00:55:34 pour la future réforme institutionnelle
00:55:37 voulue par Emmanuel Macron.
00:55:38 J'ai donc invité Mathilde Hitzmann-Patin,
00:55:44 professeure de droit constitutionnel
00:55:45 à l'Université du Mans.
00:55:47 Pierre Steinmetz, vous avez été directeur de cabinet
00:55:50 du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin,
00:55:52 puis membre du Conseil constitutionnel de 2004 à 2013.
00:55:56 Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la revue parlementaire
00:56:00 et l'auteur de "Comment sont morts les politiques ?
00:56:03 Le grand malaise du pouvoir".
00:56:05 Et Paul Cassiat, professeur de droit à l'Université Panthéon-Sorbonne.
00:56:10 Il y a également Guillaume Bernard,
00:56:11 qui est avec nous en duplex spécialiste des institutions.
00:56:15 Vous enseignez à l'Institut catholique de Vendée.
00:56:18 Alors je rappelle que c'est Nicolas Sarkozy,
00:56:20 quand il était à l'Élysée, qui a voulu limiter à deux
00:56:23 le nombre de mandats successifs du président de la République.
00:56:26 Il était plus démocratique, disait-il,
00:56:28 que le chef de l'État ne puisse pas se faire réélire à l'infini.
00:56:32 Gérard Ferrand trouve au contraire que ça a corseté notre vie publique
00:56:36 et l'expression de la volonté populaire.
00:56:39 On ne peut pas voter pour un président qui sort de deux mandats successifs,
00:56:42 même si on en a envie.
00:56:44 Pierre Steinmetz, vous étiez au Conseil constitutionnel
00:56:46 quand on a changé la Constitution en 2008.
00:56:49 Qu'est-ce que vous en pensez avec l'encule ?
00:56:53 Pardonnez-moi, mais je pense qu'il faut préciser deux choses
00:56:57 pour éviter les confusions.
00:57:00 Le premier, c'est que la limitation du nombre de fois où on se présente,
00:57:06 ce n'est pas la limitation du choix des électeurs.
00:57:09 La limitation est indirecte.
00:57:11 Et donc le sujet doit être traité en tant que tel.
00:57:14 Parce que des limitations, des conditions d'âge, de nationalité.
00:57:18 Aux États-Unis, il faut être né aux États-Unis.
00:57:20 En d'autres temps, il y avait une limite sansitaire, etc.
00:57:23 Donc il faut prendre la limitation en tant que tel.
00:57:27 La deuxième chose, c'est qu'effectivement,
00:57:29 il ne faut pas confondre la limitation du nombre de mandats et la limite d'âge.
00:57:33 C'est vrai que l'expérience Roosevelt a montré que ça pouvait se cumuler.
00:57:38 Mais ce sont deux choses différentes.
00:57:40 Et donc, si on parle des avantages et des inconvénients
00:57:44 de la limitation du nombre de mandats, combien de mandats ?
00:57:47 C'est une question en soi avec ses avantages et ses inconvénients.
00:57:51 Mathilde Hedman-Patin.
00:57:55 Je pense qu'il faut revenir.
00:57:56 Vous avez mentionné Nicolas Sarkozy
00:57:58 et la raison pour laquelle il a présenté cette réforme.
00:58:01 C'était aussi de son point de vue pour qu'un président
00:58:05 qui fait son second mandat, s'il en fait un,
00:58:07 ne soit pas un président candidat, un président en campagne,
00:58:11 mais un président président.
00:58:13 Donc ça, c'est un des arguments qui peut être mis en avant
00:58:16 sur la limitation du nombre de mandats consécutifs
00:58:19 pour pouvoir se consacrer à sa fonction et non pas à la candidature.
00:58:23 Et il y a aussi, évidemment, la question du renouveau démocratique.
00:58:27 Et ça, je voulais mentionner, on ne l'a pas évoqué encore,
00:58:30 mais le fait que dans les réformes constitutionnelles
00:58:33 qui ont été présentées sous le premier mandat d'Emmanuel Macron,
00:58:35 qui n'ont pas vu le jour, il y avait cette volonté de limiter
00:58:39 à trois le nombre de mandats consécutifs
00:58:41 pour les parlementaires et les exécutifs locaux.
00:58:44 Et c'était présenté comme une volonté de renouveau démocratique.
00:58:47 Donc, finalement, il faudrait que la démocratie soit renouvelée.
00:58:52 Donc, on limite même indirectement le choix des électeurs
00:58:55 pour permettre un renouveau démocratique.
00:58:57 Ce sont les deux arguments présentés pour une limitation.
00:59:01 Mais par ailleurs, on sait bien qu'à chaque fois,
00:59:04 ça va dans les deux sens, puisque parmi les adversaires
00:59:10 du fait qu'il ne puisse pas y avoir plus de deux mandats successifs,
00:59:16 ils disent que pendant le deuxième mandat,
00:59:17 ce que l'on vit aujourd'hui avec Emmanuel Macron,
00:59:20 en fait, c'est comme s'il n'y avait plus de chef pour la majorité,
00:59:23 puisqu'ils savent qu'Emmanuel Macron ne va pas se représenter
00:59:26 à la fin de son mandat.
00:59:28 Donc, il y aurait un problème d'autorité du président.
00:59:31 Ça va à l'inverse de l'argument qui était justement
00:59:33 celui de Nicolas Sarkozy.
00:59:35 On voit bien qu'à chaque fois, c'est dans les deux sens.
00:59:37 Alors oui et non, parce que l'idée de Nicolas Sarkozy,
00:59:40 c'était que le président ne cherche pas à se faire réélire.
00:59:42 Donc, il se consacre.
00:59:44 Il se consacre entièrement, mais les autres le soutiennent-ils encore ?
00:59:47 Le président n'est pas censé être le chef de la majorité
00:59:49 dans le fonctionnement normal des institutions.
00:59:51 D'ailleurs, aujourd'hui, avec la composition de l'Assemblée nationale,
00:59:55 de toute façon, ça ne peut plus fonctionner
00:59:57 comme lors de son premier mandat.
00:59:58 Arnaud Belletti.
00:59:59 Ce qui est intéressant, c'est de regarder l'histoire.
01:00:01 Et on a un historique de présidents qui ont fait deux mandats
01:00:06 dans le cadre de la possibilité, avec la possibilité éventuelle
01:00:10 de pouvoir renouveler leur mandat.
01:00:12 Ces deux présidents, c'est le général de Gaulle,
01:00:15 qui avait été élu en 58, alors avec un autre corps électoral,
01:00:19 puis élu au suffrage universel direct en 1965,
01:00:22 et François Mitterrand, élu en 81 et renouvelé en 88.
01:00:26 Alors, bien évidemment, on pourra toujours considérer
01:00:28 que le paramètre de l'âge a vraisemblablement peut-être affaibli
01:00:32 le second mandat des deux présidents,
01:00:35 mais on constate néanmoins que ces deux mandats
01:00:38 ont été des mandats difficiles, tant pour le général de Gaulle,
01:00:42 avec les événements de 68, puis après la démission
01:00:44 suite au référendum de 1969, que pour François Mitterrand.
01:00:48 Donc, si vous voulez, la question de l'efficacité
01:00:53 que l'on prête à un mandat qui pourrait être renouvelé
01:00:58 de manière quasi illimitée si les électeurs en faisaient le choix,
01:01:03 ne me paraît pas forcément répondre, au regard de ce que l'on sait,
01:01:06 l'histoire, au principe même d'efficacité.
01:01:08 Ensuite, il y a un autre sujet, qui à mon avis,
01:01:10 est un sujet qui va au-delà des questions constitutionnelles,
01:01:13 qui est un sujet sociopolitique.
01:01:15 C'est que nous ne vivons plus tout à fait dans la même société
01:01:19 que la société qui a été celle qui a présidé à l'élaboration
01:01:23 de la Constitution de 1958, et même à l'exercice des mandats
01:01:28 de François Mitterrand dans les années 80.
01:01:30 On voit bien qu'il y a aujourd'hui un taux d'abstention très fort,
01:01:35 on a des opinions publiques qui jugent de plus en plus sévèrement
01:01:39 leurs hommes politiques et leurs dirigeants.
01:01:41 On voit que depuis 2007, la génération qui est née après-guerre
01:01:47 et qui a dû habiter le costume présidentiel,
01:01:50 qui avait été quand même, il faut être clair,
01:01:52 tissé pour la personnalité du général de Gaulle
01:01:54 avec un charisme et un capital historique
01:01:56 qui étaient très différents de ses successeurs,
01:01:59 que finalement, cette configuration-là ne correspond peut-être plus,
01:02:03 quand on regarde encore les études d'opinion,
01:02:06 à ce qu'attendent les Français.
01:02:08 Donc finalement, cette idée d'avoir la possibilité de renouveler
01:02:13 des mandats présidentiels si finalement les électeurs
01:02:17 et les électrices ont décidé, est-ce que c'est une idée
01:02:20 qui correspond à la sensibilité collective du moment ?
01:02:23 Et ça, je pense que c'est la vraie question
01:02:25 et c'est la question à laquelle on se heurte
01:02:27 lorsque l'on évoque ce sujet.
01:02:28 On va en parler, Paul Caccia ?
01:02:31 Je voudrais revenir, si vous le permettez,
01:02:33 sur ce qu'a dit Richard Ferrand,
01:02:34 qui est l'objet de notre présence ce soir.
01:02:37 Il a dit qu'il était contre la limitation de l'expression
01:02:40 du peuple français dans sa souveraineté
01:02:42 et il a donné deux exemples à cet égard.
01:02:44 Le cumul dans le temps du mandat de président de la République
01:02:47 et le cumul du mandat de parlementaire et de maire
01:02:51 ou de président du conseil des parlementaires.
01:02:52 Il y avait l'intention d'y arriver aussi.
01:02:54 D'abord, ce qu'il a dit est contradictoire avec ce qu'il a fait.
01:02:58 Puisque quand il a été député socialiste,
01:03:00 il a voté à deux reprises, j'ai vérifié,
01:03:02 il a voté à deux reprises contre le cumul du mandat de parlementaire
01:03:06 et de maire ou président du conseil général ou départemental.
01:03:09 C'était en 2014.
01:03:10 C'était en 2014.
01:03:11 Donc il peut avoir changé d'avis,
01:03:13 mais en tout cas, comme député socialiste,
01:03:15 il avait une opinion tout à fait contraire.
01:03:17 Ensuite, le débat qu'on a ce soir,
01:03:19 c'est un débat qui est recurrent, ça fait 30 ans que c'est le même,
01:03:23 que des opinions diverses s'expriment.
01:03:25 Et le constituant a tranché, vous l'avez rappelé,
01:03:27 et vous avez dit que c'était Nicolas Sarkozy
01:03:29 qui était l'auteur de cette réforme.
01:03:30 C'est à la fois vrai et faux.
01:03:32 Nicolas Sarkozy, quand il a présenté
01:03:34 le projet de révision constitutionnelle à Epinal en 2007,
01:03:39 a dit "est-ce qu'il faut limiter ou pas dans le temps
01:03:43 le mandat du président de la République ?"
01:03:44 et il a laissé la question ouverte.
01:03:45 Il n'avait pas d'opinion personnelle sur ce sujet.
01:03:49 Et bon, la Constitution a été modifiée telle qu'elle est aujourd'hui,
01:03:52 mais ce n'est pas lui véritablement le père de cette modification.
01:03:55 Mais il l'a vraiment défendue et endossée,
01:03:57 parce qu'il a défendu cette décision comme si elle était la sienne.
01:04:00 Oui, il a défendu le pacte de la réforme de 2008
01:04:03 dans laquelle figurait effectivement cette limitation,
01:04:05 qui est justifiée par ce qu'a rappelé Mathilde il y a un instant,
01:04:08 l'idée de renouvellement démocratique.
01:04:10 Et ce que je voudrais dire pour terminer,
01:04:12 c'est que cette modification, finalement,
01:04:15 c'est la première fois qu'on va l'expérimenter
01:04:17 grâce à Emmanuel Macron.
01:04:19 Et puisque c'est la première fois qu'un président en exercice
01:04:22 ne sera pas en capacité, non pas physique,
01:04:25 en tenant à l'âge, mais tenant à la Constitution,
01:04:28 de se représenter.
01:04:30 Eh bien, je pense que c'est important de voir
01:04:32 qu'on ait ce recul, cette première expérience,
01:04:34 pour pouvoir juger de l'opportunité de modifier la révision de 2008.
01:04:39 Et effectivement, de toute façon,
01:04:41 comme l'a dit Richard Ferrand,
01:04:42 peut-être un peu pressé par la polémique,
01:04:45 il n'est pas question de changer les règles du jeu,
01:04:47 ce que n'avait pas fait d'ailleurs Nicolas Sarkozy à ce moment-là,
01:04:49 c'était pour sa rentrée en compte uniquement après.
01:04:53 Guillaume Bernard.
01:04:57 Écoutez, moi, je dois dire, je suis assez étonné
01:05:01 par cette défiance ambiante qui s'exprime vis-à-vis des électeurs et du peuple.
01:05:08 Moi, je crois qu'il y a deux raisons pour lesquelles
01:05:10 on pourrait être favorable à la remise en cause de la révision de 2008.
01:05:15 Une première raison qui est plutôt politique.
01:05:19 Je crois que pour qu'une politique soit préparée, mise en œuvre,
01:05:24 et pour qu'on en voit les fruits,
01:05:26 il est nécessaire qu'il y ait un temps suffisamment long
01:05:30 pour qu'il soit accordé aux hommes politiques.
01:05:32 C'est la première des raisons.
01:05:34 Et puis, il y a une deuxième raison plus juridique.
01:05:38 C'est tout simplement la question de la démocratie.
01:05:43 Au nom de quoi empêcherait-on les Français, les électeurs,
01:05:48 de décider qu'ils veulent réélire plus de deux fois de suite un président de la République ?
01:05:55 Je crois qu'il y a quand même un enjeu quant à la définition
01:05:59 de ce qu'est notre démocratie aujourd'hui.
01:06:02 Sommes-nous vraiment dans un régime authentiquement démocratique ?
01:06:05 Ce que je vais dire en quelques mots,
01:06:08 évidemment, va apparaître pour les éminents constitutionnalistes
01:06:11 qui sont sur le plateau extrêmement basique,
01:06:14 mais je ne suis pas certain que nos concitoyens en soient conscients.
01:06:19 Et donc, c'est pour ça que je vais le dire en quelques mots.
01:06:22 Lorsque les électeurs votent, dans notre système démocratique d'aujourd'hui,
01:06:26 lorsque les électeurs votent, ils n'expriment pas des idées,
01:06:30 ils ne font pas des choix politiques.
01:06:32 Ils ne font que désigner des représentants
01:06:35 qui, eux, vont exercer la volonté générale en leur nom.
01:06:40 Et c'est ça le cœur du problème.
01:06:42 C'est que, dans notre système démocratique d'aujourd'hui,
01:06:45 la démocratie directe est extrêmement dévalorisée.
01:06:49 Le personnel politique n'aime pas le référendum,
01:06:52 encore moins le référendum d'initiative populaire ou citoyenne,
01:06:56 appelons-le comme on veut.
01:06:57 Le personnel politique déteste l'idée du mandat impératif.
01:07:02 Or, s'il y a bien un certain nombre de mesures
01:07:05 qui pourraient permettre de rendre du goût à nos concitoyens
01:07:09 dans la politique et dans le débat politique,
01:07:12 eh bien ce serait de telles mesures le mandat impératif,
01:07:15 la démocratie directe, le référendum d'initiative populaire.
01:07:19 Et cette défiance vis-à-vis des électeurs
01:07:24 qui ne pourraient pas réélire plus de deux fois un président de la République
01:07:27 s'inscrit dans la même idée, dans la même défiance
01:07:30 qu'il y a dans ce rejet de la démocratie directe.
01:07:35 – Kerstin Maetz.
01:07:36 – Oui, c'est ce que je craignais.
01:07:38 C'est-à-dire, on part sur le débat sur la démocratie.
01:07:41 Pourquoi limiter le nombre de mandats à deux ?
01:07:45 Parce que, précisément, les électeurs ont décidé ça
01:07:47 en revisant la Constitution pour limiter.
01:07:51 Ce n'était pas le cas avant, c'est maintenant le cas après.
01:07:53 Donc la vraie question qui se pose, c'est,
01:07:56 est-ce que pour le bien du pays,
01:07:59 il est préférable d'avoir un nombre de mandats limité ou pas ?
01:08:04 Comme le disait M. Benedetti, les circonstances changent éminemment,
01:08:12 et par ailleurs, le nombre de mandats n'est qu'un élément
01:08:15 au sein d'une situation qui est éminemment multifactorielle.
01:08:19 Je veux dire, aujourd'hui, tout le monde voit,
01:08:22 en plus l'unanimité est quelque chose d'admirable
01:08:28 et d'extraordinairement changeant.
01:08:31 Mais, aujourd'hui, la mode, c'est de dire,
01:08:36 début du deuxième mandat, c'est fini.
01:08:39 Bon, personne n'a dit ça pour Obama.
01:08:41 Son deuxième mandat, il n'était pas mort
01:08:43 quand il a été élu la deuxième fois.
01:08:46 Aujourd'hui, on pourrait peut-être se poser la question,
01:08:48 qu'est-ce qui a fait le président de la République ?
01:08:50 C'est qu'il est au début de son deuxième mandat
01:08:52 et que ça, donc, ça le gêne ?
01:08:54 Certainement, c'est un élément.
01:08:55 Ou est-ce que c'est parce qu'il n'a pas de majorité ?
01:08:57 C'est un élément qui me paraît autrement plus intéressant.
01:09:00 Alors, du côté des deux mandats, il y a la continuité,
01:09:06 enfin, la non-limitation des mandats.
01:09:09 Il y a effectivement la possibilité de mener une politique dans la durée
01:09:14 et c'est un avantage considérable.
01:09:15 Il y a le fait que celui qui se présente a une expérience
01:09:19 et qu'il y a un certain nombre de bêtises qui ne refroient pas.
01:09:22 Et donc, c'est un avantage également considérable.
01:09:26 D'un autre côté, il y a l'usure du pouvoir.
01:09:28 C'est quelque chose qui existe.
01:09:31 Et puis, il y a le fait que, au fur et à mesure que vous prenez des positions,
01:09:38 vous êtes prisonnier de vos positions.
01:09:39 Pour prendre un exemple qui ne fâchera personne,
01:09:42 j'ai pu rentrer dans mon bar à Matignon en 1976.
01:09:46 J'ai été son collaborateur au SSJ d'abord, puis à son cabinet, jusqu'à 1981.
01:09:52 Lorsqu'il est rentré en 1976, c'était fondamentalement un universitaire.
01:09:58 Certes, ce n'était pas un poulet de l'année,
01:09:59 il avait été directeur de cabinet de Jeannet,
01:10:01 il était vice-président de la commission,
01:10:03 mais intellectuellement, il avait une ouverture totale.
01:10:06 Et à chaque fois, prenez une décision, fermez des portes.
01:10:10 Et à la fin, vous vous trouvez avec effectivement une limitation
01:10:14 de votre capacité de décision.
01:10:16 Et ça, c'est un élément extrêmement important qui balance les deux autres.
01:10:22 Ce n'est pas univoque, si vous voulez.
01:10:26 Et l'imitation du nombre des mandats,
01:10:30 c'est d'une certaine façon, une façon d'échapper au blocage.
01:10:37 En gros, c'est le changement dans la continuité de Giscard, si vous voulez.
01:10:41 C'est l'alternative à l'alternance.
01:10:45 Il y a l'idée que ce sont les despotes qui se font réélire à l'infini,
01:10:50 c'est-à-dire Xi Jinping, Poutine, Erdogan,
01:10:55 et que dans les régimes un peu présidentialistes,
01:10:58 comme le nôtre, comme celui des Américains,
01:11:01 il faut, dans les régimes où le président a beaucoup de pouvoir,
01:11:05 il faut une respiration démocratique, une transition démocratique.
01:11:09 Et donc, on limite le nombre de...
01:11:12 Ce qu'on ne fait pas, par exemple, en Allemagne.
01:11:14 Angela Merkel a fait quatre mandats, je crois, c'est ça ?
01:11:18 En tout cas, elle est restée 16 ans au pouvoir,
01:11:21 ce qui n'est plus possible dans les régimes présidentiels.
01:11:23 Il fut un temps, aux États-Unis, comme en France,
01:11:25 Roosevelt est resté 12 ans au pouvoir.
01:11:27 Il aurait dû rester 16 ans s'il n'était pas mort au début de son quatrième mandat.
01:11:32 – Sauf qu'il y a eu une modification constitutionnelle aux États-Unis,
01:11:35 c'est le 22e amendement.
01:11:36 Et à partir de 1947, le Congrès a limité le nombre de mandats.
01:11:41 – Parce que Roosevelt l'était resté trop longtemps.
01:11:43 – Ce qui est intéressant historiquement aux États-Unis,
01:11:44 c'est que George Washington, qui avait la possibilité de faire un troisième mandat,
01:11:48 a refusé de faire un troisième mandat à l'époque,
01:11:50 parce qu'il considérait que c'était, d'une certaine manière,
01:11:53 contredire l'engagement qui était le sien.
01:11:56 Les États-Unis s'étaient battus contre une monarchie.
01:11:58 Donc, si vous voulez, il y a une question de culture politique
01:12:00 qui est extrêmement importante.
01:12:01 Et ce que vous dites, en effet, sur la comparaison avec l'étranger,
01:12:05 me paraît absolument décisif aujourd'hui.
01:12:07 C'est que, quand on regarde la situation dans les autres démocraties libérales,
01:12:14 nous sommes en permanence avec des mandats qui sont quand même limités,
01:12:20 pour ce qui concerne le chef de l'État, en tout cas pour le président.
01:12:22 C'est le cas aux États-Unis, notamment.
01:12:24 Donc, je crois que ça, c'est une différence fondamentale.
01:12:26 – Alors, Guillaume Bernard, c'est limiter le choix des électeurs
01:12:30 ou c'est limiter les ambitions du despote potentiel
01:12:35 qu'il aurait dans la tête de tout chef d'État ?
01:12:41 – Écoutez, d'abord, c'est évidemment limiter la possibilité
01:12:44 des électeurs de choisir ce qu'ils veulent.
01:12:47 Mais je ne vois pas en quoi le changement de personnes
01:12:52 qui incarneraient le pouvoir serait un gage de réussite.
01:12:56 Ce serait considérer que parce qu'on a remplacé Charles de Gaulle
01:13:02 par Georges Pompidou, il n'y a pas eu de continuité.
01:13:05 Bon, il peut y avoir une continuité avec la même personne
01:13:09 ou avec une autre personne.
01:13:10 Donc, je crois qu'il y a un élément de stabilité
01:13:15 qui doit être dans l'État, ce que dans l'ancien droit
01:13:18 on appelait le principe de la continuité de la couronne,
01:13:21 et bien qui mériterait d'être pris en considération
01:13:24 dans le cadre de la fonction de chef de l'État.
01:13:27 Et donc, par principe, vouloir limiter la durée
01:13:33 au cours de laquelle une même personne va assurer
01:13:36 la fonction régalienne par essence,
01:13:40 ça ne me paraît pas être compatible avec les nécessités du bien commun,
01:13:44 avec le fait qu'il y ait une continuité dans une politique publique.
01:13:49 Mathilde F. Matin.
01:13:50 Je pense que vous avez mentionné un certain nombre de présidents
01:13:53 et de chefs d'État.
01:13:54 Le problème de ce type de question,
01:13:57 et vous l'avez introduit ainsi en parlant de Richard Ferrand,
01:14:00 c'est que finalement, on va se poser la question
01:14:02 dans un cadre particulier, dans un contexte particulier,
01:14:05 avec des personnalités politiques en place au pouvoir.
01:14:08 Et donc, il faut faire très attention de distinguer
01:14:11 la question que l'on se pose et la réponse à y apporter
01:14:14 des personnes qui exercent le pouvoir actuellement.
01:14:16 Et ça, c'est la difficulté de ce type de problématique,
01:14:19 parce qu'il ne faut pas transformer le débat
01:14:21 en "est-ce qu'il faut qu'Emmanuel Macron s'en présente ou pas ?"
01:14:24 Non, ça, ça a été écarté.
01:14:25 Oui, mais finalement, on y revient.
01:14:27 Angela Merkel a exercé beaucoup le pouvoir,
01:14:29 on a parlé des autres présidents,
01:14:30 on a parlé de régime autoritaire,
01:14:33 et donc on revient sur de l'intuitu personnée.
01:14:36 Après, je ne maîtrise pas le régime allemand
01:14:39 comme le régime français,
01:14:43 mais je ne suis pas sûre qu'Angela Merkel ait eu très peu de pouvoir à l'époque.
01:14:47 Mais elles sont des coalitions, c'est différent.
01:14:50 Mais là, aujourd'hui, en France,
01:14:52 on a un président qui ne fonctionne pas,
01:14:54 en tout cas, le régime ne fonctionne pas
01:14:55 comme il fonctionnait lors de son premier mandat.
01:14:57 Donc, juste pour mentionner qu'il faut faire attention au contexte…
01:15:02 On ne parle pas d'Emmanuel Macron,
01:15:03 sauf s'il se représentait cinq ans après avoir quitté le pouvoir.
01:15:07 Ça, c'est différent.
01:15:07 Auquel cas, la question se pourrait se poser pour lui, effectivement.
01:15:10 Il n'y a pas que la question de la limitation du nombre de mandats qui se pose,
01:15:14 il y a aussi la durée du mandat,
01:15:16 puisque Emmanuel Macron lui-même a dit qu'il était favorable à plutôt sept ans.
01:15:21 On sait que c'est un débat qui revient en permanence,
01:15:23 et depuis qu'on est passé à cinq ans,
01:15:26 on se dit qu'on avait peut-être tort,
01:15:28 peut-être que c'était mieux sept ans,
01:15:30 parce qu'à l'époque, le président était au-dessus de la mêlée,
01:15:33 il était l'arbitre,
01:15:35 et qu'à partir du moment où son mandat a été réduit à cinq ans,
01:15:39 il s'est retrouvé une espèce de super Premier ministre.
01:15:44 – Oui, alors la difficulté, si vous voulez,
01:15:46 c'est que le quinquennat a accéléré le rythme électoral,
01:15:50 c'est-à-dire qu'on le voit très bien dans le débat politique,
01:15:53 dès le lendemain de l'élection présidentielle,
01:15:56 on est quasiment dans un concours
01:15:59 où un certain nombre de personnalités politiques
01:16:02 se préparent à la future élection.
01:16:05 Donc si vous voulez, ce raccourcissement de la durée politique,
01:16:12 en effet, ne permet pas forcément un exercice serein du pouvoir.
01:16:17 C'est la vraie question.
01:16:18 Est-ce que finalement, le passage du septennat au quinquennat
01:16:21 a d'une certaine manière abîmé l'efficacité de l'action politique,
01:16:26 ou en tout cas la contrainte ?
01:16:28 On peut véritablement se poser la question depuis finalement 2002.
01:16:33 On voit bien que le mandat de Jacques Chirac a été,
01:16:36 surtout que c'était un second mandat après une cohabitation,
01:16:38 a été un mandat profondément contraint par le quinquennat.
01:16:44 D'où l'idée de certains, je crois que c'est M. Bertrand
01:16:46 qui propose lui un septennat non-renouvelable.
01:16:51 La difficulté aussi, c'est, j'allais dire, les contre-pouvoirs.
01:16:54 Parce qu'en fait, quand on pense à une réforme
01:16:58 qui est une réforme de ce type,
01:17:00 telle que la propose par exemple M. Ferrand,
01:17:03 il faut savoir aussi que dans un régime
01:17:06 qui a tendance à s'hyper-présidentialiser,
01:17:09 comment on va compenser cette hyper-présidentialisation ?
01:17:13 C'est un vrai sujet.
01:17:14 On le voit bien aujourd'hui, notamment avec l'absence de majorité
01:17:18 pour Emmanuel Macron, qui est très souvent soupçonné
01:17:21 de faire un usage des institutions de la Ve République
01:17:25 qui iraient à l'encontre par exemple des droits du Parlement.
01:17:28 On l'a vécu lors de la réforme des retraites.
01:17:31 – Fait-il de… Edouard Patin ?
01:17:33 – Pour poursuivre votre propos,
01:17:36 sur la question de l'équilibre des pouvoirs,
01:17:38 la question n'est pas forcément est-ce qu'il faut 5 ou 7,
01:17:40 mais faut-il vraiment que le mandat des parlementaires,
01:17:44 en tout cas des députés, soit…
01:17:46 – La même durée.
01:17:46 – La même durée et au même moment.
01:17:48 Et en fait finalement, quand vous parlez de l'équilibre des pouvoirs
01:17:51 et des contre-pouvoirs, c'est ça,
01:17:52 parce qu'on a un président qui vient d'être élu
01:17:55 et qui fait campagne pour avoir une majorité,
01:17:57 et après tout fonctionne…
01:17:59 – On rappelle que c'était l'objet de cette réforme,
01:18:01 puisque c'était pour lutter contre les cohabitations systématiques
01:18:04 qui s'étaient mises en place depuis que les Français
01:18:07 avaient découvert l'alternance.
01:18:08 – C'était l'objet de la réforme qui aujourd'hui est critiquée
01:18:11 par un certain nombre justement en disant
01:18:14 "on confond toutes les élections, on n'élit plus des parlementaires,
01:18:17 on élit des parlementaires pour le président,
01:18:19 on élit une majorité pour le président".
01:18:21 On a vu que ça ne fonctionnait pas forcément
01:18:23 et que là pour la première fois, ça n'a pas fonctionné.
01:18:25 – C'est pour ça qu'Emmanuel Macron d'ailleurs,
01:18:26 en disant qu'il était favorable à un mandat de 7 ans,
01:18:29 a ajouté "avec une respiration au milieu".
01:18:32 Et des élections législatives, comme aux États-Unis,
01:18:34 il y a des élections à mi-mandat.
01:18:36 On a l'impression qu'à chaque fois, au fond,
01:18:38 on est entraîné peut-être malgré nous,
01:18:41 vers un système à l'américaine, 5 ans, non renouvelable,
01:18:44 et puis bientôt avec des élections au milieu,
01:18:47 ce sera le régime américain.
01:18:49 – Alors ce qu'il y a de sûr,
01:18:51 c'est qu'il ne va rien se passer jusqu'en 2027.
01:18:55 Pour la raison qu'il n'y aura pas de révision constitutionnelle d'ici à 2027.
01:18:58 Donc les idées émises par le président de la République
01:19:01 ne trouveront pas de traduction concrète.
01:19:04 – Pourquoi pensez-vous qu'il n'y aura pas de réforme institutionnelle ?
01:19:06 – Parce que pour qu'il y ait une réforme constitutionnelle,
01:19:07 il faut soit l'accord de 3/5ème de tous les parlementaires,
01:19:11 soit un référendum,
01:19:12 et il me semble que ni l'un ni l'autre ne sont à l'ordre du jour.
01:19:16 Donc il n'y aura pas de révision constitutionnelle
01:19:18 pendant les 10 années des deux quinquennats Macron,
01:19:21 il n'y aura pas eu de réforme constitutionnelle,
01:19:24 c'est, voilà, ce sera un fait.
01:19:27 Je voudrais simplement dire, pour ce qu'on a évoqué tout à l'heure,
01:19:30 sur le non-rouvellement des mandats,
01:19:33 il y a une soupape dans notre ordre juridique
01:19:36 qu'on ne trouve pas dans les autres,
01:19:37 c'est qui consiste à dire qu'on ne peut pas exercer,
01:19:41 ni ne peut exercer deux mandats de 5 ans consécutifs.
01:19:44 Ça veut dire qu'une même personne peut se représenter
01:19:48 après qu'une transition est effectuée.
01:19:51 Pas nécessairement de 5 ans, une personne peut rester 6/6 mois,
01:19:54 un an président au président de la République,
01:19:56 et ensuite l'ancien président peut se représenter.
01:19:59 – Vous imaginez que ça pourrait s'organiser de cette manière-là ?
01:20:03 – Ça peut juridiquement s'organiser de cette manière.
01:20:05 Donc c'est quand même une soupape très très importante.
01:20:07 – Mais de Vendée-Franc-Russie.
01:20:10 – Voilà, et par ailleurs, je rejoins tout à fait
01:20:14 ce qu'a dit Mathilde il y a un instant,
01:20:16 le problème ce n'est pas tant la durée,
01:20:17 parce qu'on peut tous et toutes avoir des opinions sur cette durée,
01:20:20 elles sont toutes aussi justifiées les unes que les autres, ces opinions-là.
01:20:24 Ce qui importe c'est d'organiser les pouvoirs entre eux,
01:20:27 de les imbriquer, de façon à ce que la séparation des pouvoirs
01:20:30 en sorte améliorée.
01:20:32 Or ce qui s'est passé en 2000,
01:20:33 lorsque le mandat du président de la République a été ramené de 7 à 5 ans,
01:20:37 c'est que le mandat parlementaire lui est resté à 5 ans.
01:20:41 Et on n'a pas pensé comment les "checks and balances"
01:20:43 pouvaient s'organiser dans ce cadre-là.
01:20:45 Et peut-être que la situation maintenant est en réalité pire
01:20:48 du point de vue de l'équipe des pouvoirs qu'avant,
01:20:51 parce qu'il faudrait absolument décorréler,
01:20:53 comme le suggère le président de la République sans le faire,
01:20:56 le mandat du président de la République qui est normalement un arbitre,
01:20:59 et le mandat des parlementaires qui sont chargés de légiférer.
01:21:05 Kirsten Metz ?
01:21:06 Oui, pour rappeler tout le monde à la modestie,
01:21:08 je rappelle que tout le monde, sauf Barre,
01:21:11 était favorable au mandat de 5 ans.
01:21:14 Tout le monde était favorable à la coïncidence
01:21:20 des élections législatives et parlementaires.
01:21:21 Donc on brûle allègrement ce que l'on s'en souvient.
01:21:24 Et tout le monde était d'accord pour qu'on déplace les élections législatives
01:21:27 après l'élection présidentielle.
01:21:28 Parce qu'on avait l'expérience de la cohabitation,
01:21:30 et pour en avoir vécu quelques-unes,
01:21:33 je peux vous dire que ce n'est pas un bon système.
01:21:36 J'en suis tout à fait persuadé.
01:21:38 Oui.
01:21:40 Donc en fait, toute cette réforme s'est faite pour abolir,
01:21:43 pour ainsi dire, la cohabitation.
01:21:47 Mais dans la réspiration démocratique,
01:21:49 on a un système institutionnel qui est quand même extrêmement large.
01:21:53 Le président de la République peut remanier son gouvernement.
01:21:59 Il peut changer de premier ministre.
01:22:00 Il peut dissoudre l'Assemblée nationale.
01:22:03 Il peut organiser un référendum.
01:22:04 Ça fait une palette extrême.
01:22:08 Et très clairement, le référendum de 1969,
01:22:13 c'était l'équivalent du 49-3 d'aujourd'hui.
01:22:17 C'est-à-dire, j'ai une politique,
01:22:20 est-ce que vous voulez de moi ou pas ? Stop ou encore ?
01:22:26 Pour l'élection présidentielle en 62, c'était la même question.
01:22:30 C'était encore. En 69, c'était stop.
01:22:34 C'est tout à fait démocratique.
01:22:35 Oui, mais c'était la pratique du général de Gaulle, des institutions.
01:22:38 Je dois dire qu'il y a eu un vice de forme
01:22:42 après le référendum sur la Constitution européenne.
01:22:48 Depuis 2005.
01:22:49 Pour reprendre ce que disait Richard Ferrand
01:22:53 dans la même interview du Figaro,
01:22:55 il dit qu'on a beaucoup corseté notre vie politique.
01:22:58 Et il ajoutait l'expression de la volonté populaire.
01:23:02 Mais il citait la loi sur le non-cumul des mandats aussi,
01:23:06 qui fait qu'aujourd'hui, on ne peut plus être maire, député ou sénateur,
01:23:11 président du conseil départemental, président du conseil régional.
01:23:15 On pouvait être tout ça.
01:23:16 Autrefois, on pouvait même être ministre en plus.
01:23:19 Aujourd'hui, c'est devenu impossible.
01:23:20 Et dit-il, ça affaiblit notre vie politique en qualité.
01:23:26 Est-ce que c'était ? Non, vous me dites non.
01:23:29 Paul Cassiat.
01:23:29 Moi, comme citoyen, je ne trouve pas du tout que ça l'ait affaibli.
01:23:33 Je trouve préférable, comme citoyen,
01:23:38 d'avoir des parlementaires qui sont parlementaires,
01:23:40 ce qui n'empêche pas d'exercer un mandat local.
01:23:42 Pas du tout.
01:23:43 Un parlementaire peut parfaitement avoir un mandat local,
01:23:45 mais pas un mandat exécutif.
01:23:46 Et c'est quand même normal qu'on soit député ou sénateur ou sénatrice
01:23:50 et qu'en même temps, on ne soit pas maire ou président du conseil départemental,
01:23:53 président du conseil régional.
01:23:55 C'est une limitation limitée, si j'ose dire,
01:23:58 qui n'empêche pas d'être ancré dans le réel,
01:24:00 de venir à des émissions de télévision, d'aller faire le marché,
01:24:03 d'aller faire ses courses, de rencontrer des citoyens et des citoyennes.
01:24:05 On n'a pas besoin d'être maire, président, président du conseil général,
01:24:09 départemental ou régional pour connaître les réalités du terrain, comme on dit.
01:24:13 Donc la réforme de 2014 que Richard Ferrand a votée encore une fois
01:24:17 comme député socialiste est excellente.
01:24:19 Et j'espère bien qu'elle sera maintenue de toute façon.
01:24:21 Et sa mise en cause n'est pas à l'ordre du jour sous ce quinquennat.
01:24:26 Guillaume Bernard.
01:24:29 Écoutez, je voudrais revenir un tout petit instant, si vous permettez,
01:24:32 sur la question de la cohabitation et du quinquennat.
01:24:34 J'ai promis, je répondrai à votre question sur le cumul des mandats.
01:24:39 Je dois avouer que je suis un peu étonné par le fait
01:24:42 que l'on avalise ici le fait que le quinquennat avait pour objectif
01:24:50 et qu'il aurait réussi d'empêcher les cohabitations.
01:24:53 Il me semble tout de même que la grande coalition macronienne
01:24:56 qui sur le modèle allemand de l'alliance CDU-SPD
01:25:01 a d'une certaine manière institutionnalisé la cohabitation
01:25:06 et ne l'a en aucune manière véritablement empêchée.
01:25:09 Et puis je me permettrai de rappeler que le quinquennat,
01:25:12 avant même les cohabitations de 86, 93 et 97,
01:25:17 le quinquennat avait été voté en termes identiques
01:25:20 par les deux assemblées en 1973.
01:25:23 Et ce n'est que la maladie et la mort du président Pompidou
01:25:26 qui a empêché que soit le Congrès, soit le référendum
01:25:31 ne soient réunis pour pouvoir avaliser le quinquennat.
01:25:35 Donc depuis très longtemps, on avait pensé au quinquennat,
01:25:38 avant bien même la cohabitation,
01:25:40 et c'était évidemment dans le but de, disons,
01:25:44 rendre le régime semi-présidentiel selon l'expression du Vierge
01:25:50 véritablement ou quasiment véritablement présidentiel,
01:25:53 même si par ailleurs, évidemment,
01:25:54 le gouvernement est responsable devant le Parlement.
01:25:58 Alors pour ce qui est du cumul des mandats,
01:25:59 moi je crois qu'effectivement c'est une mesure
01:26:03 qui à la fois est supposée faire respecter la distinction
01:26:08 entre les fonctions exécutives et les fonctions législatrices,
01:26:12 pour autant évidemment on a un personnel politique
01:26:15 qui est coupé des réalités, qui est coupé de la base,
01:26:19 qui est coupé, je dirais, des circonscriptions
01:26:22 dans lesquelles ils sont censés représenter,
01:26:27 ou du moins dans lesquelles ils sont supposés être élus.
01:26:30 Alors il est bien évident qu'un homme politique
01:26:32 qui cumulerait trop de mandats n'aurait objectivement pas
01:26:36 la capacité de remplir avec efficacité,
01:26:41 avec professionnalisme ces différents mandats,
01:26:43 mais pour autant le fait d'empêcher certains mandats cumulés,
01:26:48 eh bien il me semble que cela conduit à avoir différents étages
01:26:54 dans les institutions, des institutions territoriales d'un côté,
01:26:58 des institutions nationales de l'autre,
01:27:00 et sans que la communication entre les deux
01:27:02 ne puisse héritablement bien se faire.
01:27:04 – Un nouvel éditif ?
01:27:05 – Moi il me semble quand même que la défiance vis-à-vis
01:27:08 de la classe politique des dirigeants a commencé il y a très longtemps,
01:27:13 et qu'il y avait le cumul des mandats,
01:27:16 et que depuis 30 ans quand on regarde encore une fois
01:27:19 le niveau de participation électorale,
01:27:22 quand on regarde les différentes enquêtes d'opinion,
01:27:25 je pense au barrailmaître maintenant annuel du Cévi-Pof,
01:27:29 on voit que cette défiance est inscrite dans la durée depuis presque 30 ans,
01:27:34 mais pour en revenir à la question du cumul des mandats,
01:27:38 c'est que le cumul des mandats a été très longtemps légitimé
01:27:41 dans un système qui était centralisé,
01:27:44 c'est-à-dire avant la décentralisation,
01:27:46 on avait coutume de dire finalement pourquoi on légitime le cumul des mandats,
01:27:50 parce que tout simplement il faut que le maire soit député
01:27:53 pour d'une certaine manière avoir accès aux échelons de l'État
01:27:57 qui lui permettront à un moment donné d'obtenir un certain nombre,
01:28:01 j'allais dire, de moyens pour sa collectivité.
01:28:03 C'était ainsi, c'était avoir plus de poids.
01:28:08 C'est vrai qu'avec la décentralisation les choses ont un peu quand même changé.
01:28:11 La réalité c'est qu'il y a aussi un besoin qui s'est exprimé dans l'opinion
01:28:16 d'avoir un renouvellement du personnel politique,
01:28:18 et que la figure de ces grands notables qui pouvaient cumuler parfois,
01:28:21 à une époque ils pouvaient être président d'un conseil régional,
01:28:24 maire d'une grande ville, ministre et président de l'Assemblée Nationale,
01:28:27 je ne citerai personne mais on en a connu quelques-uns.
01:28:29 Cette époque est totalement révolue.
01:28:30 Et ensuite il faut faire aussi une petite comparaison
01:28:32 avec ce qui se fait à l'international.
01:28:34 Dans la plupart des grandes démocraties il n'y a pas de cumul,
01:28:38 on ne cumule pas à la fois une fonction exécutive sur le plan local
01:28:43 et une fonction parlementaire.
01:28:45 Il n'y a pas de député maire de Rome, il n'y a pas de député maire de Barcelone.
01:28:49 Donc le fonctionnement, j'allais dire, presque normal des démocraties libérales,
01:28:53 c'est plutôt la règle du non-cumul.
01:28:56 - Tout à fait.
01:28:58 Oui, je vous en prie Pierre.
01:29:00 - D'abord il y a les éléments matériels qu'on peut écarter tout de suite.
01:29:03 La capacité à exercer plusieurs mandats, c'est affaire de personnes et d'organisation.
01:29:08 Il y en a qui sont incapables d'être maire d'une commune de 36 habitants
01:29:11 et il y en a qui sont capables de faire beaucoup de choses en même temps.
01:29:14 Le deuxième point...
01:29:16 - C'est vrai que c'était à des arguments, on disait que c'était chronophage.
01:29:19 - Mais c'est vrai, mais c'est vrai.
01:29:20 Il y a des gens qui s'en accommodent très bien et d'autres pas du tout.
01:29:23 Ensuite, le cumul des mandats, soyons matériels,
01:29:27 c'était aussi une assurance en cas de perte d'un mandat de continuer à subsister.
01:29:33 Ça c'est vu par le petit côté de la lorniette, mais ça existe.
01:29:37 Plus important, c'est qu'en système décentralisé,
01:29:41 les grands élus qui cumulent les pouvoirs
01:29:45 sont aussi ceux qui mettaient de l'ordre dans le foutoir institutionnel.
01:29:50 C'est-à-dire qu'un grand élu était capable, à l'intérieur de ses amis politiques,
01:29:57 de faire avancer des projets en faisant telle maire ou faire telle conciliation.
01:30:07 Et ça, c'était un avantage considérable.
01:30:10 L'inconvénient du point de vue de l'intérêt national,
01:30:12 c'est que comme la source de leur pouvoir était locale,
01:30:15 quand ils étaient aussi à Paris dans les fonctions exécutives,
01:30:19 ils n'étaient pas ministre de la République,
01:30:21 ils étaient représentants de leur région au gouvernement.
01:30:25 Bon, on n'a pas encore trouvé la solution.
01:30:29 Parce que le non-cumul de mandats fait que les grands élus sont partis.
01:30:35 Ils sont partis à Lyon, ils sont partis à Toulouse,
01:30:39 ils sont partis à Lille, comme toujours, ils ne sont plus au gouvernement,
01:30:43 mais ils continuent à faire la politique nationale.
01:30:46 Donc, je n'ai pas de solution, je consacre simplement un changement profond dans le rapport de force.
01:30:56 – Mais quand Richard Ferrand dit que ça affaiblit notre vie politique,
01:31:00 enfin la qualité de notre vie politique, on voit bien ce qu'il sous-entend.
01:31:03 Ce qui a été dit souvent d'ailleurs, c'est qu'au fond,
01:31:06 on était contre la professionnalisation de la vie politique,
01:31:11 et on s'est dit, tous ces gens qui restent en place indéfiniment,
01:31:13 qui ont énormément de mandats, qui vivent de ça,
01:31:16 il faut qu'il y ait du renouvellement de la transition démocratique,
01:31:20 de la respiration démocratique.
01:31:22 Et aujourd'hui, certains s'en plaignent en disant, le niveau a baissé,
01:31:25 on ne recrute plus les meilleurs, etc.
01:31:27 On l'entend souvent.
01:31:28 Alors, c'est ce que laisse sous-entendre Richard Ferrand,
01:31:33 est-ce que ce serait dû au non-cumul des mandats,
01:31:36 au fait qu'en plus, on pourrait ajouter la transparence qui est demandée
01:31:40 sur le patrimoine, sur la fortune, etc.
01:31:43 Toutes ces formes qui peuvent effectivement dissuader
01:31:47 un certain nombre de gens d'entrer en politique.
01:31:50 - En fait, j'ai du mal à répondre à cette question
01:31:53 parce que j'ai du mal à la comprendre.
01:31:55 Pardonnez-moi, mais qu'est-ce que la baisse de qualité ?
01:31:58 Qu'est-ce qui est moins bien fait ?
01:31:59 - C'est ce que j'ai fait que citait Richard Ferrand.
01:32:01 - Oui, mais ce n'est pas à votre endroit.
01:32:04 Vraiment, qu'est-ce qui est moins bien fait ?
01:32:06 Est-ce que c'est parce que quand les nouveaux députés sont arrivés à l'Assemblée,
01:32:10 ils n'avaient pas les us et coutumes ?
01:32:11 Et c'est probablement et même très certainement vrai.
01:32:14 - Comme à chaque fois, j'imagine qu'un nouveau député arrive à l'Assemblée de tout temps.
01:32:18 - Et donc, peut-être que ça s'est fait d'une façon un peu brutale
01:32:21 avec beaucoup de personnes qui ne maîtrisaient pas le fonctionnement.
01:32:25 Je fais des conjectures parce que je n'y étais pas.
01:32:27 Mais c'est aussi une question de personne.
01:32:29 Et après, combien de temps on apprend ?
01:32:32 Et puis, qu'est-ce qu'est un bon député ?
01:32:34 Est-ce que c'est bien maîtriser les us et coutumes ou pas ?
01:32:37 J'ai vraiment beaucoup de mal à répondre à cette question
01:32:39 parce que c'est extrêmement compliqué de voir quels sont les critères à prendre en compte
01:32:45 pour considérer qu'il y a une bonne qualité de la représentation.
01:32:48 - Qu'est-ce que ça amène ?
01:32:49 - Il y a six ans, un renouvellement considérable avec un grand vente des hiérarchismes.
01:32:56 On a vu arriver beaucoup de députés, effectivement, qui ne connaissaient rien.
01:32:59 Ce n'est pas simplement une question du us et de coutumes.
01:33:01 C'est une question de connaissance des dossiers et puis d'être capable d'exercer le métier.
01:33:05 Et on a vu, il y en a qui ont appris très vite.
01:33:08 Il y en a qui n'ont pas appris du tout.
01:33:09 - C'est une question de personne.
01:33:10 - C'est une question de...
01:33:11 - On y revient.
01:33:12 - Vous pouvez...
01:33:13 Arnaud, pardon.
01:33:14 - Pardon.
01:33:15 Non mais on a, par exemple, des exemples historiques qui sont très intéressants.
01:33:18 Je me souviens de la cuvée des nouveaux députés élus en 1981,
01:33:21 les députés socialistes qui avaient été très critiqués,
01:33:24 mais qui, pour la plupart, à la différence des députés,
01:33:27 notamment je pense aux députés, par renaissance, mais en marche, élus en 2017,
01:33:32 la plupart avaient eu quand même une expérience locale.
01:33:35 Ça, c'est vrai.
01:33:35 Ils avaient des mandats locaux de conseillers généraux, de maires, etc.
01:33:40 Là, on a eu une génération qui a surgi soudainement à l'Assemblée nationale
01:33:45 sans finalement connaître la vie politique de l'intérieur, y compris la vie locale.
01:33:50 C'est ce qui fait récemment la différence, le contraste entre des députés
01:33:55 qui étaient finalement des militants pour la plupart,
01:33:58 qui avaient, j'allais dire, blanchi sous le harnais de mandats électoraux divers et variés,
01:34:04 et une nouvelle génération, j'allais dire presque spontanée,
01:34:07 qui surgit dans le sillage d'Emmanuel Macron.
01:34:13 D'où récemment ce sentiment qu'il y aurait une déperdition de la qualité politique,
01:34:18 qui est d'ailleurs, là aussi, quand on regarde, notée dans les études d'opinion.
01:34:23 On a des indicateurs qui montrent très bien que les Français considèrent aujourd'hui
01:34:28 que le personnel politique n'est plus tout à fait le même que celui qu'ils avaient
01:34:33 il y a 15 ou 20 ans.
01:34:35 Quelques-uns ?
01:34:37 Il faut quand même rappeler que la politique, ce n'est pas un métier.
01:34:40 Et que par conséquent, que des amateurs ou des amatrices, des novices,
01:34:45 entrent dans une Assemblée, qu'elle soit nationale ou locale,
01:34:48 ça n'a rien de choquant.
01:34:49 C'est parfaitement normal, c'est sain et c'est bienvenu.
01:34:52 Et donc, c'est très bien qu'il puisse y avoir ce renouvellement
01:34:56 à travers le non-cumul des mandats, étant entendu que, j'y insiste,
01:35:01 ce n'est pas un non-cumul strict, c'est un non-cumul entre la fonction
01:35:05 de parlementaire et la fonction d'exécutif local.
01:35:07 Ça veut dire qu'on ne peut pas être un des 36 000 maires
01:35:09 ou président de conseil départemental, président de conseil régional.
01:35:15 Donc, c'est très limité comme limitation.
01:35:18 Et je ne sais pas comment déterminer si la qualité de la vie politique
01:35:23 a été améliorée ou affaiblie par la réforme.
01:35:27 Je constate seulement qu'elle permet un renouvellement des...
01:35:31 C'était le but.
01:35:32 Oui, elle permet à des personnes d'avoir des mandats
01:35:36 qu'elles n'auraient pas eus autrement si le cumul a été maintenu.
01:35:39 Et de ce point de vue-là, ça me semble être une très bonne réforme.
01:35:42 Dans les arguments en faveur du non-cumul des mandats,
01:35:44 il y avait aussi les conflits d'intérêt, justement.
01:35:47 Absolument.
01:35:47 Qui pouvaient naître du fait qu'on était maire d'une ville
01:35:50 et en même temps député ou président du conseil général.
01:35:55 Juste un petit élément pour terminer sur ce point de vue,
01:35:59 enfin sur cette idée.
01:36:00 Je ne suis pas sûr que le renouvellement,
01:36:02 le gros renouvellement de 2017 soit uniquement dû à la question
01:36:05 du non-cumul des mandats.
01:36:06 Il faut aussi remettre en perspective le fait de l'arrivée d'Emmanuel Macron
01:36:11 à cette candidature et de la création d'un nouveau parti politique
01:36:14 qui est aussi spécifique à 2017 et qui doit se détacher en partie
01:36:19 de la question de l'interdiction du cumul des mandats.
01:36:22 Guillaume Bernard.
01:36:25 Oui, un mot.
01:36:27 C'est-à-dire que nos députés sont supposés,
01:36:31 selon la théorie qui est en place dans le régime actuel,
01:36:35 être élus dans une circonscription,
01:36:38 mais être les représentants de la nation.
01:36:41 Je crois qu'il y a là une distorsion avec ce que pensent les électeurs
01:36:46 qui est dommageable.
01:36:49 Je suis persuadé que les électeurs considèrent que lorsqu'ils ont élu
01:36:53 un député dans une circonscription, dans leur circonscription,
01:36:57 ils ont élu quelqu'un pour les représenter eux.
01:36:59 Et donc je crois que ça explique le fait qu'un certain nombre
01:37:05 de nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi leur maire
01:37:09 ne pourrait pas être en même temps le député de la circonscription.
01:37:13 Mais c'est vrai que c'est une différence importante.
01:37:17 Et il faut rappeler pourquoi, Guillaume Bernard.
01:37:21 Pourquoi est-ce qu'un député, c'est le représentant de la nation
01:37:24 et ce n'est pas le représentant uniquement de ses électeurs ?
01:37:28 Eh bien parce qu'en fait, notre système repose sur l'idée
01:37:33 que c'est la nation en tant que corps social, corps politique,
01:37:39 qui va exprimer une volonté.
01:37:41 Et par conséquent, puisqu'on ne pourrait pas consulter sans arrêt
01:37:46 sur tous les sujets tous les électeurs, tous les citoyens,
01:37:49 eh bien il faut une représentation en miniature
01:37:55 du corps social qu'est la nation.
01:37:58 Donc ce sont les élus qui vont exercer, enfin qui vont exprimer,
01:38:03 qui vont déterminer la volonté générale.
01:38:05 Donc les élus ne sont pas les représentants
01:38:07 des différentes circonscriptions,
01:38:09 mais ils sont supposés être l'incarnation du corps social
01:38:12 dans sa globalité.
01:38:14 Arnaud Benéti ?
01:38:15 Non mais le débat, s'il vous plaît,
01:38:16 autour de la réforme institutionnelle est tout à fait,
01:38:19 j'allais dire, symptomatique de la vie politique française.
01:38:22 C'est que très souvent, quand on rencontre des difficultés,
01:38:25 on pense que la réforme institutionnelle va être le moyen
01:38:28 de sortir de la crise.
01:38:29 C'est pour ça qu'on a changé souvent la Constitution.
01:38:32 C'est un serpent de mer de la vie politique française
01:38:33 presque depuis deux siècles.
01:38:35 D'où le fait qu'on a eu des modifications constitutionnelles,
01:38:38 des changements de République multiples et variées.
01:38:41 Moi, je pense que le vrai sujet aujourd'hui,
01:38:43 c'est que s'il y a une crise de confiance
01:38:46 et même une crise démocratique,
01:38:47 c'est que les Français doutent de l'efficience des politiques.
01:38:52 C'est qu'ils considèrent que les politiques,
01:38:55 les dirigeants ne maîtrisent plus d'une certaine manière
01:38:59 les événements, ils ne maîtrisent plus la situation
01:39:01 et que les vraies décisions se prennent ailleurs.
01:39:03 Ce qui explique l'abstention, ce qui explique la défiance.
01:39:07 Et ce n'est vraisemblablement pas par une réforme,
01:39:10 une énième réforme constitutionnelle,
01:39:13 aussi louable soit-elle, que l'on va retisser le lien de confiance
01:39:17 entre le corps social et le corps politique.
01:39:21 Le problème, il est d'abord fondamentalement politique.
01:39:23 Alors évidemment, il y a certainement des pistes d'amélioration,
01:39:26 de fluidité à donner dans le fonctionnement de nos institutions.
01:39:30 Pas forcément d'ailleurs celles qui sont aujourd'hui
01:39:32 esquissées par M. Ferrand, il me semble.
01:39:35 Mais ce n'est pas là, en tout cas, le problème essentiel.
01:39:38 Je ne crois pas que le problème institutionnel
01:39:39 soit le problème politique majeur aujourd'hui de la société française.
01:39:42 Mais alors forcément, on se demande quel est le problème.
01:39:45 Parce que vous avez raison, c'est certainement une facilité d'esprit
01:39:48 que de se dire il suffirait de changer les institutions
01:39:51 ou il suffirait de revenir à autrefois,
01:39:54 quand les hommes politiques étaient formidables
01:39:56 et que maintenant ils seraient devenus médiocres.
01:39:59 Mais tout le monde cherche quelque chose.
01:40:02 Puisque pourquoi ce serait inéluctable que tout à coup,
01:40:07 les Français n'aient plus confiance
01:40:09 ou ne se sentent plus représentés par leurs représentants ?
01:40:13 Bien, je crois qu'on en était à raison en disant
01:40:17 on ne peut pas espérer trouver la solution dans le changement institutionnel.
01:40:21 Mais les institutions, c'est la boîte à outils des politiques.
01:40:26 C'est là où ils auront la truelle, la scie, le tire-bouchon.
01:40:29 Et donc, on ne peut pas faire une bonne politique
01:40:34 si on n'a pas une bonne boîte à outils.
01:40:36 Et donc la difficulté, c'est de trouver
01:40:37 quelle est la bonne boîte à outils correspondant à l'époque d'aujourd'hui.
01:40:43 Si je peux encore dire un mot sur le renouvellement du personnel politique,
01:40:47 on a deux grandes catégories de renouvellement.
01:40:51 On a eu le dégagisme depuis Pouzade 1958 jusqu'à Macron.
01:40:57 Et puis, on a l'effet extraordinaire
01:41:00 qui a été la païté aux élections proportionnelles,
01:41:04 qui a introduit un changement considérable.
01:41:08 Beaucoup plus que le non-cumul des mandats.
01:41:11 Mathilde Esmane, faites un ?
01:41:13 De la même manière, on n'a pas de bonnes ou de mauvaises réponses à cette question,
01:41:18 mais c'est vrai que je suis d'accord sur le fait qu'on a tendance
01:41:21 à vouloir réformer dès qu'il y a un problème politique
01:41:25 et que ce n'est pas forcément la bonne solution
01:41:27 puisque ça dépend de la conjoncture politique
01:41:29 et que celle-ci est amenée à changer régulièrement.
01:41:32 Lucassias ?
01:41:33 Alors, les deux éléments qu'on a abordés ce soir,
01:41:36 le mandat du président de la République qui n'est pas renouvelable,
01:41:40 qui n'est renouvelable qu'une fois,
01:41:42 et le cumul du mandat parlementaire et local,
01:41:45 ce sont deux sujets sur lesquels je trouve qu'il ne faut pas avoir de modification.
01:41:50 Ce sont deux bonnes réformes.
01:41:51 On peut quand même se féliciter, je crois, d'avoir eu quelques bonnes réformes.
01:41:55 Le vrai sujet d'aujourd'hui,
01:41:58 ce qui me sent-il pêche sous la Ve République en 2023,
01:42:02 c'est l'excès de présidentialisation.
01:42:05 C'est le fait que les pouvoirs,
01:42:06 on l'a bien vu avec la réforme des retraites,
01:42:09 sont concentrés dans les mains d'une seule personne.
01:42:12 Et même si cette personne n'a qu'une majorité relative à l'Assemblée nationale,
01:42:17 et le fait qu'il n'y ait pas suffisamment de contre-pouvoirs,
01:42:20 je ne parle pas ici sous le contrôle de Pierre Steinmetz
01:42:22 puisqu'il a été au Conseil constitutionnel,
01:42:24 mais les contre-pouvoirs sont insuffisants,
01:42:28 ne permettent pas de contrebalancer la toute puissance de l'exécutif
01:42:31 qui, pour le coup, est complètement décalé
01:42:35 par rapport à ce qu'on attend aujourd'hui en termes de renouvellement
01:42:38 et en termes de lutte contre les conflits d'intérêts.
01:42:40 Alors, Paul Cassiat nous a dit où est le problème à son avis.
01:42:43 Guillaume Bernard, il est où le problème à votre avis ?
01:42:47 Eh bien, pour moi, je pense que nos débats démontrent une chose,
01:42:51 c'est que les institutions qui sont nées de la pratique,
01:42:56 les institutions coutumières,
01:42:58 celles qui sont issues de la vie réelle du corps social,
01:43:02 me semblent être éminemment plus efficaces et plus pérennes
01:43:06 que celles qui sont plaquées depuis le haut sur le pays.
01:43:12 Le fait d'imposer, de concevoir une constitution de manière rationaliste
01:43:17 pour ensuite voir si elle fonctionne,
01:43:19 ça me paraît bien moins efficace que le fait de faire confiance
01:43:22 à la vie sociale du pays et des institutions coutumières
01:43:27 telles que l'ancienne France en connaissait
01:43:29 ou telles que l'Angleterre en connaisse,
01:43:31 me paraissent être beaucoup plus efficaces.
01:43:33 Kirsten Metz ?
01:43:34 Oui, simplement pour dire qu'un président tout puissant,
01:43:37 on a vu comment il a imposé la réforme des retraites,
01:43:40 il a quand même mis un cinquinquennat sans pouvoir la faire
01:43:43 et le second, ça a tangué très fort.
01:43:45 Je crois que les contre-pouvoirs, ils sont partout,
01:43:47 ils sont dans la presse, ils sont dans les syndicats,
01:43:49 ils sont dans l'opinion, ils sont dans les réseaux sociaux.
01:43:52 Je vous assure, entre le pouvoir de faire et le pouvoir d'empêcher,
01:43:56 aujourd'hui, c'est le pouvoir d'empêcher qui est le plus important.
01:43:58 C'est inexact.
01:44:00 Et où serait le problème d'après vous ?
01:44:03 Je pense que le problème fondamental,
01:44:06 je rejoins un peu ce que disait Benedetti,
01:44:09 c'est qu'on est dans une société qui est tellement fracturée
01:44:12 qu'il y a un individualisme absolument affolant,
01:44:18 une perte totale du sens de l'intérêt général,
01:44:21 une perte totale de la privonté de l'intérêt général
01:44:23 sur les intérêts spécifiques qui sont légitimes.
01:44:27 Tout à fait, mais qui ne sont que particuliers.
01:44:30 Et une incapacité à rassembler les Français sur quelques principes communs.
01:44:34 Vraiment, c'est ça le sujet d'inquiétude.
01:44:38 Il y a aussi ce qui s'est quand même largement développé,
01:44:42 là aussi, dans une grande partie du corps social,
01:44:44 il y a un sentiment de dépossession.
01:44:45 De dépossession de son expression,
01:44:49 de dépossession de sa maîtrise finalement sur les événements.
01:44:53 Je vais prendre quand même un élément qui est très important,
01:44:55 et vous l'aviez tout à l'heure cité, c'est 2005.
01:44:58 Le référendum de 2005 constitue à mon sens
01:45:01 une rupture très importante dans la perception
01:45:05 que les Français se font de leur vote.
01:45:07 On dit les Français ne votent plus,
01:45:09 mais quand même, 2005, il ne faut pas oublier,
01:45:12 vous avez 55% des Français qui disent non.
01:45:14 Alors à tort ou à raison, ce n'est pas le problème,
01:45:15 ce n'est pas la question, à un projet de traité constitutionnel européen.
01:45:20 Et la réalité, c'est que quelques années plus tard,
01:45:23 d'une autre manière, avec une autre méthode,
01:45:27 80% de ce traité est réintroduit.
01:45:31 Donc, il y a là quand même quelque part un hiatus
01:45:33 qui se crée inévitablement entre la perception
01:45:36 que se font les Français de leur rôle de citoyen
01:45:39 et la façon dont le pouvoir va à un moment donné
01:45:43 orchestrer la décision, va produire la décision.
01:45:46 Et je pense que cette crise est une crise, en effet,
01:45:48 profonde de confiance, une crise démocratique profonde,
01:45:52 qui fait encore une fois qu'on n'a pas les outils aujourd'hui,
01:45:54 peut-être, à notre disposition pour la résoudre,
01:45:58 mais qu'elle est latente, qu'elle est continue,
01:46:00 qu'elle est soutenue et que manifestement,
01:46:02 pour l'instant, on se heurte à un vrai sujet.
01:46:04 Dernier sujet, juste un dernier point.
01:46:05 On n'en a plus le temps.
01:46:06 Très vite, Nadine.
01:46:07 Dans cette même continuité,
01:46:09 le pouvoir aujourd'hui cherche à redonner confiance aux électeurs,
01:46:13 mais en faisant des choses qui ne marchent pas,
01:46:15 une convention citoyenne qui fait pchit,
01:46:19 des conventions à droite, à gauche,
01:46:21 des grands débats pour donner l'impression
01:46:23 de donner la parole aux citoyens.
01:46:24 Et les citoyens se disent qu'en fait, ça ne marche pas.
01:46:28 Je vous remercie tous les cinq d'avoir participé à cette émission.
01:46:32 Merci de nous avoir suivis et rendez-vous demain
01:46:36 pour un prochain numéro, demain, dimanche,
01:46:38 22h, les visiteurs du soir.
01:46:40 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:46:41 Merci.
01:46:42 *Rire*