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- Grand témoin : Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées

LE GRAND DÉBAT / Malades mentaux : les oubliés de la santé publique ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le 14 juin, quelques jours après l'attaque au couteau d'Annecy, le Président de la République a alerté sur les enjeux de santé mentale, durant le Conseil des ministres. Les agressions commises par des personnes atteintes de troubles psychiatriques se sont tout de même poursuivies, comme celle commise à l'encontre d'une grand-mère et de sa petite fille, à Bordeaux, le 19 juin 2023. En septembre 2021, lors des Assises de la santé mentale et psychologique, Emmanuel Macron avait annoncé une trentaine de mesures pour remédier au sous-investissement de l'Etat dans ce secteur. Les soignants continuent de dénoncer un nombre insuffisant de places en internat et un manque criant de moyens pour la psychiatrie. Le secteur de pédopsychiatrie est particulièrement touché : en 2009, la France comptait 1 200 pédopsychiatres contre un peu moins de 700 actuellement. Les récentes agressions, qui ont eu lieu en France, ont mis un coup de projecteur sur la crise de la psychiatrie en France mais cela suffira-t-il à donner un coup d'accélérateur pour lutter contre cette crise ?

Invités :
- Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique
- Elise Leboucher, députée LFI de la Sarthe
- Mathieu Bellahsen, psychiatre et co-auteur de « la révolte de la psychiatrie » (La Découverte)
- Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre et expert nommé auprès des tribunaux

LE GRAND ENTRETIEN / Jean-Christophe Combe : un ministre au chevet des plus vulnérables
En avril 2023, le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des personnes handicapées Jean-Christophe Combe a annoncé, lors de la restitution du Conseil national de la Refondation (CNR) les quatre axes de la future réforme du grand âge. Une proposition de loi, issue de la majorité présidentielle, a alors été débattue par les députés. L'opposition, comme les professionnels du secteur estiment que ce texte « manque d'ambition ». Jean-Christophe Combe, présente en juin 2023 un plan d'action s'inspirant notamment des conclusions du CNR. Plusieurs mesures sont prévues : un meilleur financement de « la mobilité des aides à domicile, par exemple en soutenant la création de flottes de véhicules électriques », la création d'un « service public départemental de l'autonomie » pour les personnes âgées, handicapées et les proches aidants, ou encore la mise en place de mesures de lutte contre la maltraitance dans les EHPAD. Le Ministre a également présenté un volet de mesures pour la petite enfance. Comment compte-t-il pallier la pénurie de places en crèche ?

- Grand témoin : Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées

BOURBON EXPRESS :
- Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie de Seine-Saint-Denis
- Isabe

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, ça vous regarde en direct.
00:09 Notre grand témoin ce soir c'est vous Jean-Christophe Combes.
00:11 Bonsoir.
00:12 - Bonsoir.
00:13 - Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes Handicapées,
00:16 beaucoup de vos dossiers font l'actualité, celui des EHPAD,
00:19 dont les résidences s'apprêtent à affronter une nouvelle canicule,
00:22 la proposition de loi sur le bien vieillir,
00:25 le grand âge qui avait fait grand bruit à l'Assemblée,
00:27 elle revient, on en parlera.
00:29 Et puis bien sûr le service public de la petite enfance que vous promettez
00:32 après le rapport choc de l'IGAS sur les crèches que vous aviez commandées.
00:36 On va en parler de tout cela dans la deuxième partie.
00:39 Mais on commence ce soir avec l'état d'urgence psychiatrique,
00:43 l'attaque au couteau d'Annecy et le fait divers sordide de Bordeaux
00:46 ont jeté une lumière crue sur l'enjeu de la santé mentale dans notre pays.
00:51 C'est un continent qui reste à conquérir,
00:53 à lâcher hier en Conseil des ministres Emmanuel Macron.
00:56 Alors la psychiatrie s'effondre et on regarde ailleurs.
00:59 Alors qu'est-ce qu'on fait ?
01:00 Grand débat dans un instant avec mes invités sur ce plateau
01:03 avant de retrouver nos affranchis pour leur partie pris
01:06 et puis Bourbon Express bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:09 Voilà pour le programme.
01:10 Vous êtes prêts ?
01:11 Prêts.
01:12 Ça vous regarde, c'est parti.
01:24 Cela fait des années que les psychiatres alertent dans le désert.
01:29 L'agression à Bordeaux d'une grand-mère et de sa petite-fille
01:32 par un homme qui souffrait de troubles majeurs du comportement
01:35 sera-t-elle l'occasion d'une véritable prise de conscience
01:38 et surtout l'occasion de passer aux actes la psychiatrie,
01:41 parents pauvres, de la santé publique ?
01:44 On en parle avec vous ce soir, Sandrine Jossot.
01:46 Bonsoir.
01:47 Et merci d'être là.
01:48 Vous êtes députée à Modem de Loire-Atlantique,
01:50 vous êtes membre de la Commission des affaires sociales à l'Assemblée
01:53 et vous êtes membre du comité d'études sur la santé mentale.
01:55 J'ai appris son existence aujourd'hui.
01:57 Vous nous direz ce que vous faites exactement dans ce comité d'études.
02:00 Vous débattez ce soir avec Élise Leboucher.
02:02 Bonsoir.
02:03 Merci d'être là.
02:04 Vous êtes députée La France insoumise de la SART
02:06 et éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie de profession.
02:10 Bonsoir, Mathieu Bellassène.
02:11 Bonsoir.
02:12 Bienvenue.
02:13 Vous êtes psychiatre, ancien chef de service à l'hôpital d'Anières.
02:16 Aujourd'hui, vous travaillez au BAPU,
02:18 le Bureau d'aide psychologique universitaire dans les Hauts-de-Seine,
02:20 et vous êtes auteur de "La révolte de la psychiatrie, les ripostes à la catastrophe gestionnaire".
02:25 C'est aux éditions "La Découverte".
02:27 Enfin, bonsoir, Pierre-Lévi Soussan.
02:29 Bonsoir.
02:30 Ravi de vous accueillir.
02:31 Vous êtes aussi pédopsychiatre.
02:33 On va parler des troubles psychiques des jeunes après le Covid.
02:36 Manifestement, ils explosent.
02:38 Il y a un rapport du Haut conseil à la famille et à l'enfance
02:41 sur la flambée des psychotropes qui a fait grand bruit chez les jeunes.
02:45 On en parlera.
02:46 Vous êtes aussi expert psychiatrique bien connu,
02:48 nommé auprès des tribunaux, monsieur le ministre.
02:51 Vous êtes aussi ancien patron de la Croix-Rouge.
02:53 Forcément, ce sujet-là, vous avez été confronté à cette question de la santé mentale.
02:59 N'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
03:01 On commence par planter le décor avec l'ami Stéphane Blakovsky.
03:03 Le chrono de Blakos, c'est parti.
03:05 Et je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir, mon cher Stéphane.
03:10 Bonsoir.
03:11 Je vous invite à faire de même.
03:13 Jean-Christophe Combe.
03:14 Bonjour à tous.
03:16 Alors, ce dossier difficile.
03:18 Vous savez que si les faits divers prennent autant de place dans les médias,
03:21 ce n'est pas seulement pour faire monter l'audience en jouant sur nos peurs,
03:24 notre fascination pour le pire.
03:26 Bien sûr que c'est ça, évidemment.
03:28 Mais c'est aussi parce que les faits divers permettent parfois d'attirer l'attention
03:31 sur un problème plus profond de notre société.
03:33 Cette semaine, on a tous été choqués par l'agression de cette grand-mère
03:36 et de sa petite-fille à Bordeaux.
03:38 On a vu que l'agresseur était resté très peu de temps en garde à vue.
03:41 Il a été placé en hôpital psychiatrique.
03:43 Il était totalement isolé.
03:44 D'autres faits ont marqué le dernier mois.
03:46 Il y a 15 jours, c'était ce terrible drame à une fille.
03:49 On ne s'est beaucoup pas interrogé sur l'agresseur.
03:51 Aujourd'hui, il est en hôpital psychiatrique.
03:53 Et il y a un mois, autre fait qui a choqué l'opinion en France,
03:56 c'était à Reims, une infirmière qui a été assassinée par quelqu'un
04:00 qui se trouvait de gros troubles psychiatriques.
04:02 Et donc le président, à la sortie du Conseil des ministres,
04:05 au Conseil des ministres, a fait ce commentaire qui était dans Le Parisien,
04:08 en disant que derrière la violence qui monte dans la société,
04:10 il y a un enjeu de santé mentale.
04:12 Et en parlant donc de la psychiatrie, il disait
04:14 "c'est un continent qui reste à conquérir".
04:16 Un continent à conquérir.
04:18 On reconnaît le président.
04:20 Il a toujours ce vocabulaire guerrier quand il veut montrer sa détermination.
04:23 Sauf que quand on regarde la presse régionale,
04:26 ce n'est pas vraiment une conquête, c'est plutôt une déroute.
04:28 Regardez le nombre de lits qui ont fermé,
04:30 et c'est uniquement depuis le début de l'année,
04:32 un peu partout en France.
04:34 Donc l'explication, on la voit, ça se résume assez bien à Caen.
04:38 On ferme des lits parce qu'on manque de médecins
04:40 et donc on ne peut plus accueillir les patients.
04:42 Les conséquences s'affichent elles aussi dans la presse régionale.
04:46 À Angoulême par exemple, dans la Charente-Libre,
04:50 on dit qu'il y a de plus en plus de cas psychiatriques
04:52 qui sont dans la rue, on n'arrive pas à les accueillir.
04:54 Des gens qui peuvent se mettre à crier, à se mettre nus.
04:56 Mais encore plus grave, c'était l'an dernier,
04:58 les psychiatres disaient qu'on manque tellement de personnel
05:00 que ce qui va arriver, ou ce qui arrive déjà,
05:02 c'est qu'on ne peut pas surveiller les patients,
05:04 donc on peut être amené à les enfermer ou à les ligoter.
05:08 Alors, que faire ?
05:10 Je vous rassure, la solution est très simple,
05:12 il suffit d'investir plus de moyens pour embaucher plus de médecins.
05:15 Il y a quand même un petit problème,
05:17 c'est que la psychiatrie n'est pas le seul secteur
05:20 qui a besoin de plus de moyens.
05:21 On écoute le ministre François Brune.
05:23 Notre psychiatrie, comme les urgences, comme les maternités,
05:26 comme notre système de santé, cela fait des mois, des années
05:31 qu'il est en difficulté, nous le savons.
05:33 Il est un petit peu déprimé aussi le ministre.
05:35 Ce n'est pas facile un ministre de la Santé comme boulot.
05:37 Mais il y a quand même des gestes qui ont été faits.
05:39 Il y a eu d'abord des assises de la psychiatrie, c'était en 2021,
05:41 que le président avait voulu.
05:42 Il y a des mesures qui ont été lancées depuis.
05:44 Donc ce numéro 3114 de prévention du suicide,
05:47 je crois qu'il y a environ 9000 cas de suicide par an en France,
05:50 c'était il y a deux ans.
05:51 L'an dernier, c'était mon parcours psy,
05:53 qui permet d'avoir des consultations psy 8 dans l'année.
05:56 Les professionnels ne sont pas très contents,
05:58 ils ont l'impression que ça ne marche pas très bien.
06:01 Mais en tout cas, il ne faut pas se faire d'illusions.
06:03 Si on veut vraiment conquérir ou reconquérir la psychiatrie,
06:08 ça va prendre du temps.
06:09 Et c'est ce que dit Arnaud Robinet, qui est maire de Reims,
06:11 qui est Renaissance, qui est psychiatre,
06:14 et qui est aussi président de la Fédération des hôpitaux publics.
06:16 On l'écoute.
06:17 Il faut dire la vérité aux Français.
06:19 Former des infirmières, ça fait quelques années.
06:21 Former des médecins, c'est 10 ans.
06:23 Donc on va vivre des moments tendus en termes de psychiatrie.
06:26 Et puis on l'a vu, la Covid a fortement impacté
06:30 l'état de santé mentale d'un grand nombre de nos concitoyens,
06:33 notamment chez les jeunes.
06:34 Ah oui, en plus, il y a les jeunes.
06:37 Parce que j'avais prévu de finir sur une note optimiste.
06:39 Mais il y a une étude qui vient de sortir aujourd'hui
06:41 qui dit que depuis le confinement et la Covid,
06:44 le nombre d'enfants qui ont des troubles psychiatriques
06:47 est en augmentation.
06:48 Et donc, vous voyez, la presse en parlait ce matin.
06:50 Donc évidemment, non seulement la psychiatrie est en crise,
06:53 mais l'avenir s'annonce difficile.
06:55 Je sais bien que plus on est de fous, mieux on débat.
06:58 Comme il n'y a pas assez de chaises, je vous laisse.
07:00 Je vais déambuler dans les couloirs.
07:02 Merci. Merci beaucoup, Stéphane.
07:04 Je vais commencer avec vous, Mathieu Bélaissen.
07:05 Dans l'introduction de votre livre, vous avez mis
07:08 quelques citations, quelques témoignages glaçants en exergue.
07:13 "Face à l'indifférence, ici, on crève."
07:16 "Hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen."
07:18 "On ne veut pas plus de salaire, plus de congés,
07:21 "on veut des moyens humains."
07:22 "Hôpital psychiatrique d'Amiens, bienvenue
07:25 "dans l'hôpital psychiatrique de la Honte,
07:27 "centre hospitalier du Havre."
07:29 Comment on en est arrivé là ?
07:31 -En fait, on en est arrivé là par 30 ans d'incurie publique,
07:36 dans une destitution de ce que c'est que vraiment les soins.
07:40 On en est arrivé là... Ce que vous citez, c'est 2018-2019.
07:44 C'est les premières grèves pour la dignité de l'accueil
07:47 des premiers concernés, des psychiatrisés.
07:49 Ca vient juste après le soulèvement des EHPAD,
07:52 juste avant les soulèvements des urgences,
07:54 le collectif interurgence, etc.
07:56 Et en fait, vous avez dit tout à l'heure,
07:58 dans la petite introduction,
08:00 il y avait les assises de la psychiatrie.
08:02 C'était les assises de la santé mentale.
08:04 Les mots sont très importants, parce que depuis 2005-2010,
08:08 on ne s'intéresse plus à la psychiatrie,
08:10 on s'intéresse à la santé mentale.
08:12 Et la santé mentale, c'est devenu un opérateur économique.
08:15 Avoir une population en bonne santé mentale
08:17 permettra de remplir les objectifs stratégiques de l'UE.
08:20 Ca, c'est le livre vert de l'UE, c'est en 2005.
08:23 En fait, ça a eu des traductions très concrètes
08:25 dans les hôpitaux, qui est qu'on a réorienté les soins
08:28 le temps qu'il faut pour les patients,
08:30 c'est-à-dire des fois le temps long,
08:32 vers du diagnostic, de l'orientation, de l'évaluation,
08:36 et en fait, finalement, les gens ne sont plus soignés.
08:38 Ils sont certes plateformisés,
08:40 parce qu'il y a plein de plateformes diagnostiques
08:42 qui se développent.
08:43 Les assises de la santé mentale étaient un...
08:45 Je dirais un cirque, pour ne pas être complètement méprisant.
08:49 C'est-à-dire qu'on n'a pas parlé des sujets qui fâchent,
08:52 on n'a pas parlé du fait que l'isolement et la contention
08:55 augmentent de manière massive, c'est-à-dire que
08:57 quand la personne qui fait le crime à Reims
08:59 dit "j'ai la haine des blouses blanches",
09:01 il y a de quoi... -On parle de l'infirmière
09:03 qui a été poignarde. -Exactement.
09:04 Il y a de quoi avoir la haine des blouses blanches,
09:06 parce que la maltraitance institutionnelle se développe,
09:09 et ces faits divers, qui sont tragiques pour tout le monde,
09:12 ils montrent un système en déshérence,
09:14 et ce système, en fait, c'est pas avec des mesurettes
09:17 comme les assises de la santé mentale,
09:19 la télé psychiatrie... -La liste est longue,
09:21 mais de quoi, pour vous, l'hôpital...
09:23 On va commencer par... C'est compliqué, la psychiatrie,
09:25 ce qu'il y a. L'hôpital psychiatrique,
09:27 il y a des consultations psychiatriques
09:29 dans un hôpital classique, et puis, évidemment,
09:31 tous les centres d'accueil, structures, en amont,
09:33 jusqu'à un cabinet privé d'un psychanalyste ou psychiatre.
09:36 Sur l'hôpital psychiatrique,
09:38 de quoi ils souffrent le plus ?
09:40 -Trois choses. -Succinctement.
09:42 -La première chose, c'est le climat sécuritaire
09:45 qui existe depuis des années,
09:47 a créé du sécuritaire dans les mentalités,
09:50 des professionnels et de tout le monde.
09:52 La deuxième chose, c'est que les gens ne sont plus formés.
09:55 La troisième chose, c'est que les gens partent
09:57 de l'hôpital psychiatrique, les soignants,
09:59 toutes catégories professionnelles...
10:01 -Crise de vocation. -Vous avez parlé des psychiatres,
10:03 mais les infirmiers, les aides-soignants, etc.
10:05 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus de sens au travail.
10:07 Le sens, c'est pas d'enfermer, d'attacher les gens,
10:09 c'est de les accompagner le temps qu'il faut.
10:11 Ca, on ne peut plus le faire,
10:13 parce qu'avec les critères de rentabilité
10:15 et la destruction massive du service public partout,
10:17 on n'a plus les moyens de le faire.
10:19 -C'est pas qu'une question de rémunération.
10:21 -Les grèves, elles étaient pas sur la rémunération,
10:23 elles étaient sur la dignité de l'accueil des patients.
10:25 -Cindrine Jossot.
10:26 La France manque de lits psychiatriques.
10:28 65 % de moins qu'en Allemagne.
10:30 Pourquoi, nous ? Ca nous arrive.
10:32 C'est la même chose sur le nombre de psychiatres.
10:35 Il a considérablement baissé,
10:37 -40 % en 40 ans.
10:39 Pourquoi ?
10:41 On a l'impression qu'on est face à un système
10:43 en totale déshérence.
10:45 -Moi, ce que j'aimerais,
10:47 c'est qu'on recontextualise.
10:49 Il y a, bien sûr, la psychiatrie
10:51 et l'état de santé mentale.
10:53 Il y a un Français sur quatre
10:55 qui déclare avoir des troubles anxieux,
10:57 des troubles dépressifs.
10:59 Il faut faire le distinguo entre les deux.
11:01 -Bien sûr.
11:03 La très grande majorité des gens
11:05 qui souffrent de troubles psychiques
11:07 ne sont pas hospitalisés.
11:09 Il faut bien le répéter, évidemment.
11:11 Mais là, je voudrais qu'on parle de l'hôpital psychiatrique,
11:13 le manque de lits.
11:15 Comment vous l'expliquez ?
11:17 C'est pas possible. On a l'impression d'un tabou.
11:19 La crise de l'hôpital est là,
11:21 mais la crise dans la crise psychiatrique,
11:23 à l'hôpital, personne n'en parle.
11:25 -Justement, pour revenir sur ce que disait monsieur,
11:27 effectivement,
11:29 la santé mentale, de toute façon,
11:31 est un tabou.
11:33 À l'intérieur de tout ça, c'est vrai
11:35 qu'il est important, aujourd'hui, d'arrêter
11:37 de détourner le regard là-dessus.
11:39 Nous, on a fait, actuellement,
11:41 quelque chose de très bien à l'Assemblée nationale.
11:43 On a commencé à mettre un pied dans la porte
11:45 avec une oie sur l'accompagnement psychologique
11:47 des couples confrontés à la fausse couche,
11:49 avec aussi le parcours psy
11:51 qui est devenu le soutien psy.
11:53 -On va venir aux solutions.
11:55 -Il est perfectible.
11:57 -C'est intéressant d'entendre l'état des lieux,
11:59 les mots qu'on place sur un état des lieux
12:01 pour comprendre et prendre la mesure
12:03 de l'alerte.
12:05 Pierre Lévis-Soussan, votre regard, déjà,
12:07 sur l'hôpital psychiatrique, aujourd'hui.
12:09 -Alors, dans le champ de la pédopsychiatrie,
12:11 il y a une fermeture de 60 %
12:13 de lits de pédopsychiatrie.
12:15 Donc, on ne peut plus répondre, déjà,
12:17 aux besoins sévères
12:19 par rapport aux urgences.
12:21 -60 %, c'est énorme.
12:23 -60 %, et si l'on voit
12:25 comment sont remplis ces lits,
12:27 ils sont remplis à près de 55 %
12:29 par des enfants maltraités,
12:31 récupérés par l'ASE.
12:33 Alors que, normalement,
12:35 la population ASE, c'est 2 %.
12:37 Donc, ça veut dire qu'on ne sait
12:39 absolument pas quoi faire
12:41 derrière le... Parce que, pour nous,
12:43 le continent noir des continents noirs,
12:45 c'est le champ de la maltraitance.
12:47 Et le parent pauvre de la psychiatrie,
12:49 c'est la pédopsychiatrie. On est le parent pauvre
12:51 du parent pauvre. C'est-à-dire qu'il y a
12:53 une diminution drastique
12:55 de tous les points qu'on a pu citer
12:57 précédemment. Donc, oui,
12:59 le champ de la maltraitance est
13:01 totalement sous-estimé. Dans les pays occidentaux,
13:03 on évalue à 10 % de la population
13:05 des enfants, c'est-à-dire ceux qui
13:07 ont eu 1,4 million
13:09 d'enfants maltraités.
13:11 Il faut savoir qu'on en prend en charge
13:13 300 000 à l'ASE.
13:15 - L'Aide sociale à l'enfance. - L'Aide sociale à l'enfance.
13:17 Donc, vous voyez à quel point on est dans un champ
13:19 mais désertifié
13:21 et par rapport à l'attractivité de la pédopsychiatrie.
13:23 Alors, déjà, la psychiatrie
13:25 n'est absolument pas une spécialité
13:27 pourvue, pour plein de raisons
13:29 qu'on va peut-être expliquer, mais la pédopsychiatrie
13:31 encore moins. C'est-à-dire que c'est absolument
13:33 pas un champ qui est...
13:35 qui est attractif.
13:37 Et encore moins le champ social
13:39 de la maltraitance. Donc, on est vraiment
13:41 dans un état par rapport à l'âge d'or
13:43 que j'ai... Enfin, l'âge d'or... - C'est quoi,
13:45 l'âge d'or ? Les années 70 ?
13:47 - L'âge d'or que j'ai connu... C'était relatif parce que
13:49 en fait, très vite, ça n'a plus été un âge d'or
13:51 parce que le numerus clausus est très vite appliqué.
13:53 - C'était quand ? - Le numerus clausus a été dans les années
13:55 70. Donc, très très vite,
13:57 il y avait, à un moment, dans toute
13:59 la région, Paris, Île-de-France, il devait y avoir
14:01 quelque chose comme 500 psychiatres.
14:03 Et puis, ma promotion, on était 70.
14:05 - Ca veut dire que, très concrètement, en hôpital psychiatrique,
14:07 aujourd'hui, il y a des patients
14:09 non pris en charge.
14:11 Ca, c'est une évidence.
14:13 Il y a des gens qui souffrent de troubles psychiatriques
14:15 qui devraient être hospitalisés
14:17 qui sont souvent, il faut le dire, dans la rue
14:19 parce qu'il y a, voilà,
14:21 des superpositions de difficultés,
14:23 notamment de la détresse,
14:25 de la misère sociale. C'est ça, aujourd'hui,
14:27 la réalité du pays ?
14:29 - Bien sûr que c'est ça, évidemment.
14:31 Je voudrais rebondir, justement,
14:33 sur l'état de la psychiatrie, aujourd'hui.
14:35 Je suis assez effarée
14:37 d'entendre les propos du ministre de la Santé
14:39 et du président de la République qui...
14:41 Le ministre de la Santé dit lui-même, "Ca fait des années,
14:43 nous le savons." Un président qui dit
14:45 "On a un continent à conquérir",
14:47 c'est ça, ça fait des années. - Il a posé la question
14:49 du problème de la santé mentale.
14:51 - On a eu une liste de faits divers, dramatiques
14:53 ces dernières semaines, mais pour monter
14:55 à des années, il y a toujours eu des alertes.
14:57 C'est vrai qu'on a souvent ce débat,
14:59 ce débat de ce soir, mais ce débat
15:01 suite à des faits divers. On n'a pas de réflexion
15:03 en prenant de la hauteur.
15:05 - Vous trouvez que c'est une forme de prisme
15:07 un peu déformant de rentrer
15:09 dans ce débat, parce qu'il y a aussi une question sécuritaire,
15:11 que de dire, au fond,
15:13 "Ces personnes-là sont dangereuses
15:15 "parce qu'elles sont
15:17 "psychiatriquement
15:19 "atteintes", certains diront "ce sont des fous",
15:21 alors que la réalité, c'est pas ça.
15:23 Elles sont plus vulnérables, statistiquement,
15:25 ces personnes, que dangereuses.
15:27 - Le prisme, il est défaussé, parce qu'on réagit
15:29 par l'émotion. On est tous forcément heurtés
15:31 par les images qu'on voit, par les agressions.
15:33 Mais dans les chiffres, je pense que
15:35 les docteurs pourront confirmer,
15:37 les personnes souffrant de troubles psychiatriques
15:39 ne sont pas les plus violentes dans la société,
15:41 elles sont même, souvent, victimes,
15:43 plus vulnérables, puisqu'elles sont, comme vous l'avez dit,
15:45 dans la détresse, dans la rue, dans la précarité,
15:47 elles sont plutôt en première ligne de ces violences.
15:49 Mais ce qui se passe en psychiatrie, c'est surtout symptomatique
15:51 de la crise sociale qu'on vit aujourd'hui,
15:53 de la crise de notre système de santé,
15:55 mais aussi des services publics, de la justice, de l'école.
15:57 Donc c'est vraiment
15:59 une réflexion globale qu'il faut avoir.
16:01 - C'est vrai qu'on entend peu cette idée qu'en fait,
16:03 si on arrive à avoir des statistiques,
16:05 c'est pas simple, les statistiques en matière de psychiatrie,
16:07 ces personnes-là
16:09 sont souvent plus vulnérables
16:11 que dangereuses. - Il y a une statistique d'Anne Lovell,
16:13 qui date de 2002, il me semble,
16:15 qui montrait que les personnes en souffrance psychique
16:17 sont sept fois plus victimes
16:19 que la population générale.
16:21 Et en effet,
16:23 les faits divers montrent une portion très congrue,
16:25 d'ailleurs,
16:27 les passages à l'acte
16:29 criminels sont beaucoup moindres
16:31 dans la population qui a des troubles psychiques
16:33 que dans la population "normale".
16:35 - Ça relativise, évidemment.
16:37 Mais vous, le psychiatre qui avait travaillé en HP,
16:39 comme on dit, au Chalps psychiatrique,
16:41 ça vous est arrivé de renvoyer quelqu'un
16:43 alors que vous avez le sentiment
16:45 qu'il y a des passages à l'acte possibles
16:47 et qu'il fallait plutôt
16:49 qu'il soit hospitalisé ? - Si vous voulez,
16:51 c'est une question d'arbitrage dont on n'est pas responsable.
16:53 C'est-à-dire que la pénurie
16:55 organisée, on n'en est pas responsable.
16:57 Je vous explique, par exemple, quand vous avez
16:59 une trentaine de lits d'hospitalisation sur une unité de secteur,
17:01 que vous avez cinq personnes qui sont aux urgences,
17:03 qu'il va falloir les hospitaliser,
17:05 donc, dans votre secteur,
17:07 qu'est-ce que vous faites ? Il va falloir que vous fassiez
17:09 cinq sorties, parce que sinon,
17:11 les gens restent aux urgences, vont pas bien, s'agitent encore plus,
17:13 donc se font attacher, etc.
17:15 Donc, vous devez faire un arbitrage impossible.
17:17 Alors, quand le dispositif ambulatoire
17:19 est suffisamment étoffé, que vous pouvez voir les gens assez vite,
17:21 et qu'il y a un climat de confiance qui s'est instauré,
17:23 vous pouvez les faire sortir plus tôt.
17:25 Mais oui, il est arrivé,
17:27 et il arrive tout le temps en ce moment,
17:29 d'avoir ce syndrome de la porte tournante,
17:31 où on se dit "très bien, la personne, on la fait sortir,
17:33 et puis elle reviendra, de nouveau,
17:35 contrainte, etc." Le problème, c'est que
17:37 les victimes de ça, c'est les patients et leur famille.
17:39 Les professionnels
17:41 sont des victimes secondaires,
17:43 c'est-à-dire qu'on fait mal notre travail
17:45 et on veut pas faire mal notre travail,
17:47 et ceux qui morflent vraiment, ce sont les patients.
17:49 Et pour répondre aussi
17:51 à cette question
17:53 de la dérive sécuritaire,
17:55 les faits divers,
17:57 il y a eu 2003, il y a eu 2008,
17:59 à chaque fois, c'était des lois
18:01 qui renforçaient la criminalisation
18:03 des malades mentaux. Il y a eu en 2018
18:05 la circulaire Colón, qui disait
18:07 "On va tous les patients
18:09 qui sont hospitalisés sans leur consentement,
18:11 on va croiser
18:13 les fichiers avec les fichiers S, les terroristes."
18:15 Donc il y a ça dans l'imaginaire politique.
18:17 Et quand vous recevez des patients,
18:19 forcément, que vous soyez
18:21 soignant ou que vous soyez un citoyen
18:23 normal, vous vous flippez un peu.
18:25 C'est ça qui explique aussi le fait
18:27 qu'on est moins dans l'accueil et dans l'hospitalité
18:29 et ça produit des dangers. -On va essayer
18:31 de parler des solutions dans un instant.
18:33 Déjà,
18:35 l'ancien patron de la Croix-Rouge,
18:37 vous, vous avez été confronté,
18:39 les maraudes de la Croix-Rouge,
18:41 dans les rues des grandes villes, c'est des appels
18:43 aux 115 et parfois, les structures
18:45 d'accueil, d'hébergement d'urgence sont saturées.
18:47 L'accompagnement psychiatrique
18:51 ne répond pas. Quel est votre témoignage ?
18:53 -C'est un sujet qui est
18:55 extrêmement complexe. Moi, ce que
18:57 je trouve intéressant dans le débat, c'est aussi
18:59 ce que ça signifie aussi
19:01 du regard qu'on peut porter
19:03 sur la vulnérabilité des personnes,
19:05 effectivement, qui sont à la rue, qui sont souvent
19:07 atteintes de troubles
19:09 psychologiques. Elles sont
19:11 particulièrement vulnérables et lorsqu'on
19:13 est dirigeant d'une association humanitaire,
19:15 notre premier rôle, c'est de les protéger,
19:17 c'est de les accompagner, c'est de les aider. Il y a quelque chose
19:19 de très frustrant, effectivement, dans notre système, c'est que
19:21 c'est très compliqué de sortir quelqu'un
19:23 de la rue, quand bien même on aurait tous les moyens
19:25 à notre disposition pour le faire,
19:27 suffisamment de soignants, de professionnels
19:29 de santé, etc. C'est quelque chose
19:31 qui est très compliqué et qui est
19:33 très frustrant. Et moi, mon rôle, lorsque j'étais
19:35 directeur de la Croix-Rouge, c'était de les
19:37 protéger et de les aider
19:39 à vivre dans des conditions qui étaient particulièrement
19:41 difficiles. La deuxième réflexion
19:43 que je porte, parce qu'elle concerne
19:45 aussi directement le secteur dont j'ai la responsabilité
19:47 aujourd'hui, social, médico-social,
19:49 c'est la question de la pénurie de professionnels
19:51 et là, on a un vrai sujet,
19:53 c'est-à-dire que, quand bien même, aujourd'hui,
19:55 on alerte sur cette...
19:57 On a un constat partagé, je veux dire, presque
19:59 transpartisan, sur l'urgence
20:01 de la situation, il n'y a pas
20:03 de parole magique, parce que la réalité, c'est
20:05 qu'on n'a pas les professionnels et
20:07 on ne les aura pas non plus demain, quand bien même
20:09 on investira massivement
20:11 sur le secteur. Il va falloir des années
20:13 pour reformer des professionnels dans
20:15 ces services, et pas seulement des médecins,
20:17 vous l'avez dit, tous les professionnels
20:19 soignants, des infirmières,
20:21 des aides-soignantes... - Il faut
20:23 du courage et aussi de l'humilité, parce que ça va
20:25 prendre du temps, vous êtes d'accord avec ça, Pierre-Denis Soussan ?
20:27 - Oui, mais c'est pas
20:29 avec des politiques, avec mon parcours de
20:31 soins qu'on va arriver à attirer des
20:33 psychologues pour soigner les gens.
20:35 C'est même limite insultant
20:37 pour les psychologues qui s'occupent
20:39 des patients, 30 euros, 8 consultations
20:41 gratuites, c'est
20:43 vraiment pas du tout ce qu'on
20:45 attend des psychologues. - Parce que vous qui êtes pédopsychiatre,
20:47 vous voudriez qu'on dise "on a parlé de l'hôpital psychiatrique",
20:49 mais il y a aussi l'amont, les fameux
20:51 CMPP, rappelez-moi, centres médicaux...
20:53 - Centres médicaux psychopédagogiques, et puis il y a aussi
20:55 surtout le médical. - Ils sont menacés,
20:57 ces centres-là ? Aujourd'hui, j'ai vu
20:59 passer pas mal de papiers. - Ils sont menacés, mais surtout
21:01 les CMP sont menacés, c'est-à-dire le champ
21:03 médical est menacé.
21:05 - Ce sont des structures qui accueillent... - Ce sont des structures
21:07 qui, avant, justement, dans l'après-guerre,
21:09 assuraient un maillage de toute la France,
21:11 aussi bien dans le champ adulte que dans le champ
21:13 pédopsychiatrique, et tout ce maillage a été
21:15 attaqué depuis 20 ans. - Donc on en ferme
21:17 des centres, aujourd'hui, c'est ça ? - On ferme les centres,
21:19 et puis l'exemple de la Covid
21:21 était une bonne idée, c'est-à-dire qu'il y avait déjà le maillage
21:23 pour répondre à toutes les urgences pédopsychiatriques.
21:25 On n'a absolument pas utilisé
21:27 le maillage des CMP, alors qu'il était
21:29 déjà là. - Pourquoi ?
21:31 - Interrogez les pouvoirs publics, pourquoi ?
21:33 Alors que ce maillage fait dans l'après-guerre
21:35 par toute la psychiatrie humanitaire
21:37 post-guerre n'a absolument pas été
21:39 utilisé pendant la Covid, alors que
21:41 nous étions tous là pour accueillir toutes les urgences
21:43 et les dégâts de la Covid, aussi bien
21:45 chez les adolescents que chez les enfants,
21:47 mais aussi chez les mères, c'est-à-dire on a
21:49 tous les dégâts de toutes les interactions
21:51 mère-bébé pendant cette période
21:53 qui ont eu des effets désastreux. - Exemple ?
21:55 - Bah... - Quelle forme de symptôme ça prend ?
21:57 - C'est-à-dire lorsque vous avez une... Lorsque
21:59 vous mettez une mère avec un bébé dans les
22:01 premiers jours, dans les premières semaines, dans un
22:03 espace complètement fermé, bah voilà,
22:05 ça rend... Enfin, je vais pas dire que ça rend
22:07 fou, mais ça rend extrêmement...
22:09 absolument plus disponible psychiquement... - Ça crée du tourment.
22:11 - ...aux interactions avec le bébé,
22:13 avec des effets extrêmement
22:15 délétères dans les premières semaines
22:17 et dans les premiers mois. - Alors qu'est-ce qu'on fait ?
22:19 On y vient aux solutions, mais d'abord, je voudrais quand même
22:21 qu'on se rende dans un hôpital psychiatrique.
22:23 C'est pas un hôpital psychiatrique,
22:25 c'est un hôpital classique, mais
22:27 une consultation psychiatrique, c'est l'hôpital
22:29 d'Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, avec
22:31 l'AFP Pierre-Michaël Carniel
22:33 vous présente son reportage.
22:35 (Générique)
22:37 (Générique)
22:39 (Générique)
22:41 - Dans cet hôpital psychiatrique d'Aubervilliers,
22:43 on soigne la dépression,
22:45 les troubles anxieux, alimentaire,
22:47 la bipolarité ou bien l'autisme
22:49 et la schizophrénie, le spectre
22:51 est large. Ces images ont été
22:53 tournées en 2020, pourtant
22:55 aujourd'hui, rien n'a changé.
22:57 Le personnel en sous-effectifs
22:59 est obligé de s'adapter.
23:01 Sur 80 patients,
23:03 certains doivent être isolés.
23:05 - Chaque secteur a une ou deux chambres
23:07 de ce type-là, qui sont occupés
23:09 par des patients qui vont être agités
23:11 ou qui ont fait un passage à l'acte agressif,
23:13 qui sont en tension, tension liée
23:15 à l'angoisse ou à plein d'autres choses, mais en tout cas
23:17 qui pourraient être contenus
23:19 par une présence infirmière à leur côté
23:21 et le manque des effectifs dans les équipes
23:23 conduisent à utiliser de façon plus fréquente
23:25 cette chambre-là pour isoler
23:27 temporairement le patient
23:29 et ce qui est pour nous une dégradation de l'offre de soins.
23:31 - Une situation déjà difficile
23:33 empirée par la crise Covid.
23:35 Budget réduit,
23:37 crise des vocations,
23:39 aujourd'hui, 30% des postes en psychiatrie
23:41 restent vacants, laissant
23:43 des services sinistrés.
23:45 - On a bien compte 3 soignants pour 24 patients,
23:47 donc quand un patient a besoin d'un peu plus de temps
23:49 pour dire comment il va
23:51 ou comment il ne va pas,
23:53 ce qui ne va pas dans sa tête,
23:55 s'il a des hallucinations, s'il est délirant,
23:57 si le fait de prendre le médicament
23:59 ça lui donne des effets indésirables
24:01 ou quelque chose comme ça, ça peut être vraiment
24:03 très minime à quelque chose de très grave.
24:05 On n'a pas ce temps, ce temps qui nous est limité
24:07 parce qu'on nous demande de plus en plus
24:09 d'être dans l'administratif,
24:11 dans le logistique.
24:13 - Dans certains territoires, comme ici en Seine-Saint-Denis,
24:15 les patients sont plus vulnérables,
24:17 ce qui complique encore plus la prise en charge.
24:19 - On a les indices de précarité
24:21 les plus importants. Donc précarité
24:23 génère plus facilement des troubles mentaux,
24:25 de la même façon que les populations
24:27 migrantes ont plus facilement
24:29 des difficultés psychologiques liées à leur parcours
24:31 traumatique. Et voilà,
24:33 donc on a nos difficultés liées
24:35 aux services publics, psychiatriques
24:37 et avec ces populations
24:39 plus en difficulté que partout d'ailleurs.
24:41 - Des troubles qui touchent de plus en plus
24:43 de Français, y compris les jeunes,
24:45 ce centre leur a même dédié
24:47 une unité. Un adolescent
24:49 sur deux, de 11 à 15 ans,
24:51 souffre de troubles d'anxiété
24:53 ou de dépression. Un stress
24:55 qui se traduit par des phobies scolaires,
24:57 des addictions aux écrans
24:59 et de plus en plus de tendances suicidaires.
25:01 En France,
25:03 on compte 24 suicides par jour.
25:05 - Voilà, évidemment, la palette des troubles psychiques
25:09 elle est très grande.
25:11 Il faut bien distinguer les pathologies.
25:13 Alors qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que vous attendez ?
25:15 Je vais demander aux praticiens, puis ensuite aux politiques.
25:17 Pierre Lévis, vous en...
25:19 - Alors déjà, le rapport
25:21 du Haut Conseil de la Famille et de l'Enfant
25:23 a fait un rapport saisissant.
25:25 On a un effet ciseau
25:27 entre l'augmentation
25:29 de 60 à 110 %
25:31 de prescriptions de psychotropes pour les enfants
25:33 et parallèlement à ça,
25:35 une diminution par 4 de consultations
25:37 dans les CMP. - D'accord.
25:39 On a tous été très frappés par ce rapport
25:41 que vous citez, qui fait la une d'ailleurs de l'Obs.
25:43 - Le médicament qui est de moins en moins fait
25:45 et le médicamenteux de plus en plus fait.
25:47 Et là, je le croise avec ce qu'a dit mon collègue
25:49 tout à l'heure, c'est-à-dire avec ce qu'on appelle
25:51 la gouvernance par les nombres, c'est-à-dire le fait
25:53 qu'on ne soigne plus les patients, mais on soigne des nombres
25:55 et on soigne des indices. Et ça, ça a été
25:57 dévastateur dans le démaillage institutionnel
25:59 des soins auprès des patients.
26:01 - Mais on peut lire aussi, parmi
26:03 les explications
26:05 de cette flambée de psychotropes
26:07 chez les jeunes, c'est tout simplement, il y a plus de prescriptions
26:09 parce qu'il y a plus de jeunes qui vont mal.
26:11 Vous n'êtes pas d'accord avec ça ?
26:13 - C'est-à-dire que, pour nous,
26:15 d'abord, il y a quelques cas où,
26:17 oui, il faut prescrire des psychotropes,
26:19 mais surtout, avant, ça faisait partie, une fois de plus,
26:21 d'un maillage, d'un maillage de soins
26:23 entre le CMP, le scolaire,
26:25 et là, tout a été défait.
26:27 Il y a de moins en moins de psychologues scolaires,
26:29 il n'y a plus de médecins scolaires,
26:31 il n'y a... Enfin,
26:33 la politique d'inclusion à l'école,
26:35 ça a été un échec. Pourquoi ça a été un échec ?
26:37 Parce qu'il n'y avait plus de maillage possible,
26:39 donc, du coup, les enfants,
26:41 en difficulté, seront encore plus en difficulté.
26:43 - Alors, ce que j'entends dans ce que vous dites,
26:45 c'est qu'il faut revenir aux acteurs territoriaux
26:47 qui existaient, ce fameux maillage,
26:49 surtout ne pas supprimer les fameux CMP ou CMPP,
26:51 et redonner un peu confiance aux acteurs, c'est ça ?
26:53 Qu'est-ce que vous attendez ?
26:55 - Moi, je pense qu'il faut rendre désirable
26:57 la question des institutions
26:59 qui s'occupent du soin psychique,
27:01 or, les politiques, je suis désolé,
27:03 mais vous avez rendu indésirables,
27:05 réellement.
27:07 Moi, je me rappelle qu'après le premier confinement,
27:09 il y avait des grèves devant les hôpitaux,
27:11 on s'est fait gazer.
27:13 Alors, les soignants étaient les héros d'un jour,
27:15 et puis après, on a été abandonnés
27:17 à notre triste sort.
27:19 En fait, il y aurait énormément de gens
27:21 qui voudraient revenir dans le secteur public,
27:23 mais qui n'y reviennent pas. Pourquoi ?
27:25 Parce qu'il est devenu indésirable,
27:27 avec les normes d'évaluation comptable
27:29 qui sont complètement à côté de la plaque,
27:31 avec le fait qu'on ne peut plus soigner vraiment les gens
27:33 et faire notre cœur de métier,
27:35 c'est ça, le principal problème.
27:37 Moi, je pense qu'il y a plusieurs choses.
27:39 Il y a, un, refaire que les formations des professionnels
27:41 soient des formations qui soient intéressantes,
27:43 de redonner des marges de manœuvre aux professionnels,
27:45 de faire qu'on entende plus
27:47 les patients sur leurs soins,
27:49 parce qu'en général, on les considère
27:51 comme des objets de soins, mais non, les gens sont des acteurs,
27:53 ils peuvent dire ce qu'ils veulent.
27:55 Et enfin, moi, je crois qu'il y a une association de patients
27:57 qui s'appelle UMAPSI, qui dit
27:59 que plus la consultation est courte, plus l'ordonnance est longue.
28:01 Et alors là, c'est un problème de société,
28:03 c'est quel temps on va se donner pour soigner.
28:07 Et la dernière chose, c'est un petit peu comme...
28:09 - Vous voulez dire qu'au fond, on attend des résultats immédiats...
28:11 - C'est pas avec des pesticides,
28:13 une agriculture, etc. - ...à une psychiatrie.
28:15 - Il faut arrêter les lobbies.
28:17 Alors, il y a un lobby qui a fait le passeport bipolaire,
28:19 les assises de la santé mentale,
28:21 le lobby fondamental qui réorganise les soins,
28:23 justement, en ne faisant plus de soins,
28:25 mais en faisant du diagnostic et de l'orientation.
28:27 Il faut, de nouveau, faire des soins et des dispositifs de soins.
28:29 Et arrêter avec juste les évaluations et l'orientation.
28:31 - Alors, on a deux représentants ici de la majorité
28:33 et du gouvernement. Qui veut répondre ?
28:35 - Moi, je veux. - Allez-y.
28:37 Madame Jossot.
28:39 - Alors, ce que vous dites, c'est intéressant.
28:41 Après, j'ai quand même l'impression
28:43 qu'on n'habite pas dans le même pays.
28:45 Il y a ce qu'on appelle des projets territoriaux
28:47 de santé mentale.
28:49 Ça, c'est quand même porté par des acteurs
28:51 des territoires qui sont capables
28:53 de se mettre en réseau.
28:55 Donc ça, c'est quand même très intéressant
28:57 sur des pratiques de bientraitance,
28:59 de travailler sur les compétences.
29:01 Les compétences psychosociales,
29:03 ça, c'est vraiment à développer.
29:05 Il y a énormément de choses qui sont faites,
29:07 peut-être pas assez visibles.
29:09 Et ça, c'est vrai, c'est aussi à nous tous
29:11 de les rendre plus visibles.
29:13 - On sent quand même qu'il faut un grand plan
29:15 pour la psychiatrie en France, dans notre pays.
29:17 Parce que c'est vrai que ce qu'on voit,
29:19 j'ai écouté François Braune ce matin,
29:21 ses assises de la santé mentale,
29:23 mon parcours psy,
29:25 les secouristes en santé mentale
29:27 déployés dans les entreprises
29:29 ou dans l'éducation nationale bientôt.
29:31 Ça vous semble adapté face aux praticiens
29:33 qui crient alerte quand même ?
29:35 - Il faut sans doute aller plus loin
29:37 et je laisserai le soin à François Braune
29:39 de faire ses annonces et d'aborder les choses.
29:41 - Donc il y aura un grand plan ?
29:43 - Je sais pas, c'est à lui de le déterminer
29:45 et de le dire.
29:47 Mais je reviens vraiment, encore une fois,
29:49 sur la question de la pénurie de professionnels.
29:51 Enfin, il n'y a pas de paroles magiques
29:53 en la matière.
29:55 Et effectivement, moi aussi,
29:57 j'ai l'impression qu'on vit pas dans le même pays.
29:59 Il y a quand même une réorganisation de l'hôpital,
30:01 un investissement massif sur les professions en santé,
30:03 sur la formation,
30:05 suite au Ségur de la santé, etc.
30:07 On a l'impression qu'on fait rien.
30:09 - Mais le psychiatre va devenir fou.
30:11 - Je vais devenir fou.
30:13 - Personne ne dit qu'il n'y a rien à dire sur l'hôpital.
30:15 - Mais les gens désertent les hôpitaux précisément
30:17 à cause de ça.
30:19 - On a vu des exemples tout à l'heure
30:21 de toutes les fermetures récentes de lits.
30:23 - Vous ne pouvez pas faire croire aux gens
30:25 que parce qu'on va dire qu'il y a un problème,
30:27 ça va se régler immédiatement.
30:29 - La crise de psychiatrie,
30:31 elle ne date pas de ce gouvernement-là.
30:33 - Exactement.
30:35 - Si on veut essayer d'être constructif...
30:37 - Ça se renforce.
30:39 - Il n'y a jamais eu autant de lits fermés depuis le Macron.
30:41 - Il y a les lits fermés
30:43 et il y a le fait qu'on ne fait plus de soins réels.
30:45 C'est-à-dire que là, vous avez même vu
30:47 dans les documentaires qui sont passés,
30:49 on pense que le soin, c'est donner du médicament.
30:51 C'est pas vrai.
30:53 Le médicament, c'est ce qui commence à faire du soin.
30:55 Mais le soin, c'est la relation,
30:57 c'est le fait de discuter avec les gens sur le temps long, etc.
30:59 C'est ça qu'on ne peut plus faire
31:01 dans les hôpitaux et dans les CMPP, etc.
31:03 On a un an et demi de file d'attente
31:05 en pédopsychiatrie, les CMP, c'est plus d'un an...
31:07 C'est ça, le pays dans lequel je vis.
31:09 Il faut arrêter de penser
31:11 que les professionnels de terrain
31:13 qui voient des patients tous les jours sont déconnectés des réalités.
31:15 Stop. Ça, c'est plus possible.
31:17 C'est plus entendable.
31:19 -C'est une solution perdant-perdant.
31:21 C'est-à-dire que tout ce que l'on ne fait pas
31:23 dans le champ de la prévention,
31:25 parce qu'en fait, le vrai champ,
31:27 pourquoi les enfants vont mal, c'est parce que les parents vont mal.
31:29 Il faut remettre un peu les choses en perspective.
31:31 Et que tout le champ de la maltraitance
31:33 qui est une conséquence de la violence des parents,
31:35 c'est totalement sous-estimé
31:37 et absolument pas pris en charge.
31:39 C'est toujours suite à des faits divers
31:41 qu'on est invité sur un plateau.
31:43 On essaie de dire, il y a un vrai problème de maltraitance,
31:45 il y a une vraie idéalisation du lien biologique
31:47 qui fait qu'on ne peut pas séparer les enfants
31:49 de parents maltraitants.
31:51 La loi Taquet, son premier article,
31:53 c'est "on va placer dans la famille élargie".
31:55 -Adrien Taquet, l'ancien secrétaire de l'État.
31:57 -Ca fait des années que l'on dit que la maltraitance
31:59 est quelque chose d'intergénérationnel.
32:01 D'où on va placer dans la famille élargie,
32:03 alors même que l'enfant a subi cette maltraitance-là ?
32:05 Donc, je suis d'accord avec mon collègue,
32:07 tout est mal pris en charge.
32:09 La plateforme psychiatrie,
32:11 ça a débouché pour.
32:13 On va faire de la stimulation cérébrale chez les enfants.
32:15 Comme si c'était ça ce qu'on attendait.
32:17 C'est-à-dire que le champ est sinistré de la pédipsychiatrie,
32:19 le traumatique envahit tout.
32:21 Il faut savoir que 40% des SDF
32:23 entre 18 et 25 ans ont un passé de maltraitance.
32:25 Et je ne vous dis pas les chiffres
32:27 dans les prisons de criminels.
32:29 -Un continent à conquérir.
32:31 -Ca fait 40 ans qu'on dit des choses.
32:33 Donc oui, il y a eu des...
32:35 Par chance, il y a eu quelque chose qui a été fait
32:37 au niveau de l'inceste.
32:39 Mais nous, on attend la même chose,
32:41 l'équivalent de la civisme,
32:43 c'est-à-dire la maltraitance physique,
32:45 qui est une civip, si je puis dire,
32:47 c'est-à-dire pour les violences physiques
32:49 faites sur les enfants.
32:51 -Vous êtes députée, vous pouvez aussi avoir
32:53 de l'initiative parlementaire.
32:55 Qu'est-ce que vous voudriez proposer ?
32:57 Si vous étiez aux affaires, qu'est-ce que vous feriez ?
32:59 -C'est bien ça qui est difficile.
33:01 Je ne suis pas dans la majorité, je ne suis pas aux affaires.
33:03 -Il faut être capable d'avoir des contre-propositions.
33:05 -Entendons les professionnels du terrain.
33:07 Il y a des choses qui sont mises en place,
33:09 des conseils de territoire.
33:11 -C'est pas des soignants qui sont sur place.
33:13 Entendons ce que réclament les soignants.
33:15 Ils veulent retrouver du sens au travail.
33:17 Arrêtons de dévoyer leur travail.
33:19 Je l'ai vu, j'ai travaillé en CMP,
33:21 j'ai vu l'évolution de ce qu'on demande aussi aujourd'hui.
33:23 En CMP, on devient des plateformes de diagnostic
33:25 et après, on oriente vers le libéral.
33:27 -Vers le vide.
33:29 -On est en train de continuer
33:31 d'accélérer la destruction de l'hôpital public
33:33 et donc de la psychiatrie.
33:35 -En tout cas, on a posé l'état d'alerte.
33:37 -Je ne pense pas qu'on a pu
33:39 poser l'état d'alerte.
33:41 Je pense que ce dossier-là, de toute façon,
33:43 il existe, il est à l'agenda.
33:45 On verra ce que propose François Braune.
33:47 Vous voulez rajouter un tout petit mot
33:49 à ce débat qui s'achève ?
33:51 -Oui, c'est important de prendre
33:53 le sujet de la santé mentale,
33:55 du bien-être mental
33:57 des Français.
33:59 Déjà, là, rien que ça,
34:01 il faut prendre ça,
34:03 bien sûr, tout de suite,
34:05 le plus rapidement possible.
34:07 -Vous avez bien entendu aussi
34:09 la distinction des mots.
34:11 -Oui, bien sûr. Parfois, on mélange tout
34:13 sur la question psychiatrique.
34:15 -Il y a la bien-traitance,
34:17 il y a quand même des solutions qui sont mises en place
34:19 et ça, des solutions qui fonctionnent.
34:21 Quand vous avez, par exemple, un étudiant
34:23 qui est vraiment en détresse, qui n'a pas d'argent,
34:25 qui va dans le parcours...
34:27 -Supprimer Parcoursup.
34:29 -Non, non, attendez, on relance pas le débat, là.
34:31 -Il fait quoi, au bout de 8 ans,
34:33 ce que fait le Parcoursup ?
34:35 -Il est quand même heureux
34:37 d'avoir des consultations
34:39 qu'il n'a pas à payer.
34:41 -Si personne ne considère que c'est forcément...
34:43 -On est aussi capables de dire
34:45 ce qui fonctionne, tout est perfectible.
34:47 -De toute façon, je crois que tout le monde
34:49 a bien compris que le problème ne date pas d'hier.
34:51 -Exactement.
34:53 -Il est temps de le saisir.
34:55 -C'est justement ça qui est inquiétant.
34:57 -Merci à vous, merci pour vos témoignages,
34:59 merci pour vos propositions, c'est un dossier qui nous tient à cœur,
35:01 ici, à LCP, et on aura à cœur de voir
35:03 ce qu'il trouve sa suite. Vous restez avec moi,
35:05 Jean-Christophe Comte. Dans une dizaine de minutes,
35:07 les partis prises de nos affranchis,
35:09 ce soir, le regard d'Isabelle Lasser,
35:11 toute jaune, vêtue
35:13 sur le sommet pour un nouveau pacte
35:15 financier mondial d'Emmanuel Macron,
35:17 une nouvelle histoire décolle avec Yanis Roder,
35:19 en colère, ce soir,
35:21 après l'arrêt des programmes d'éducation
35:23 aux médias, faute de financement,
35:25 et puis d'un Bourbon Express, Stéphanie Delpierre,
35:27 de quoi nous parlez-vous, ce soir ?
35:29 -On parle de proposition de loi. Si vous n'en faites pas,
35:31 vous ratez votre vie de députée.
35:33 -Ah ! J'ai hâte d'entendre ça.
35:35 Je vous propose maintenant de parler un peu
35:37 de vos dossiers, Jean-Christophe Comte,
35:39 et puis un peu de votre parcours. Vous avez sur les bras
35:41 les EHPAD, après le scandale
35:43 hors PA, les crèches,
35:45 après le rapport choc de Ligas
35:47 que vous aviez commandé.
35:49 En gros, de la petite enfance à la fin de vie,
35:51 ça fait beaucoup. L'invitation est signée
35:53 ce soir par Maïté Frémont. On en parle ensemble
35:55 juste après.
35:57 ...
36:01 Si on vous invite,
36:03 Jean-Christophe Comte, c'est pour nous parler
36:05 d'un grand défi de notre société,
36:07 prendre soin des plus fragiles,
36:09 du plus jeune au plus âgé,
36:11 de la petite enfance au senior.
36:13 Vous êtes derrière
36:15 le bien vieillir en France,
36:17 mission essentielle,
36:19 quand on sait que nous sommes les champions d'Europe
36:21 du nombre de centenaires,
36:23 30 000 au compteur.
36:25 Quand on traite du grand âge,
36:27 on ne s'adresse pas qu'aux personnes âgées.
36:29 On parle aussi à leurs enfants,
36:31 à leurs petits-enfants, et plus largement
36:33 à toutes celles et ceux qui, demain,
36:35 dans ce secteur d'avenir, trouveront des opportunités
36:37 sur le marché du travail.
36:39 - A 41 ans, Jean-Christophe Comte, on vous dit
36:41 issu de la société civile,
36:43 mais la politique vous est tout de même familière.
36:45 Votre carrière vous l'a commencé
36:47 au groupe Union centriste,
36:49 au Sénat, c'était en 2003,
36:51 puis en tant que directeur de cabinet
36:53 d'un député maire.
36:55 Aujourd'hui, à la tête du ministère, dites-vous,
36:57 des vulnérabilités, vous avez en charge
36:59 les dossiers des solidarités,
37:01 de l'autonomie et des personnes handicapées.
37:03 Et ça tombe bien,
37:05 car l'urgence sociale vous connaissez.
37:07 Avant d'intégrer le gouvernement,
37:09 Jean-Christophe Comte, vous étiez
37:11 l'ancien directeur général de la Croix-Rouge française,
37:13 une institution
37:15 qui secourt chaque année
37:17 près de 90 000 victimes.
37:21 Et sur votre bureau, les dossiers
37:23 aujourd'hui s'amoncèlent.
37:25 Des crèches visées pour maltraitance sur nos enfants,
37:27 des EHPAD
37:29 transformés en mouroirs,
37:31 partout un manque criant de personnel,
37:33 y compris dans les maisons d'accueil
37:35 pour personnes handicapées.
37:37 Face à toutes ces situations,
37:39 une question ce soir, Jean-Christophe Comte.
37:41 Votre ministère
37:43 n'est-il pas celui d'un modèle social
37:45 à bout de souffle ?
37:47 Réponse,
37:49 monsieur le ministre.
37:51 Je ne pense pas que notre modèle social soit à bout de souffle.
37:53 On a un modèle social qui est riche,
37:55 qui est redistributif, qui est protecteur.
37:57 En revanche, il faut qu'il soit réformé,
37:59 il faut transformer.
38:01 Si le président de la République et la première ministre
38:03 ont choisi de créer un ministère
38:05 des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées,
38:07 un ministère dédié, c'est la première fois
38:09 que ce ministère existe
38:11 sur ce périmètre-là, parce qu'il y a effectivement
38:13 beaucoup de travail et que ma feuille de route
38:15 est bien remplie de la petite enfance
38:17 jusqu'au grand âge.
38:19 On y va, sur les dossiers, dans l'ordre.
38:21 On commence par la petite enfance, le manque de places en crèche,
38:23 ça on connaît, dans certaines villes, il est criant.
38:25 Mais ce qui a pointé le rapport de l'IGAS,
38:27 que vous avez commandé, a beaucoup choqué.
38:29 Dysfonctionnement grave dans le recrutement,
38:31 dans la formation des personnels,
38:33 mais aussi dans l'accueil des enfants avec des cas
38:35 de maltraitance dans certains établissements,
38:37 il y a même des enquêtes qui ont été ouvertes.
38:39 Qu'est-ce qui va changer concrètement ?
38:41 D'abord, rappeler que c'est un engagement
38:43 du président de la République, pendant la campagne,
38:45 de trouver 100 000 places d'accueil
38:47 pour le jeune enfant d'ici à 2030.
38:49 C'est bon pour l'emploi,
38:51 parce qu'il y a aujourd'hui 150 000 personnes
38:53 qui renoncent à un emploi pour pouvoir
38:55 accompagner leur enfant, donc il y a un sujet
38:57 de conciliation entre vie personnelle,
38:59 vie familiale et vie professionnelle.
39:01 Donc ça, ça va être fait, et là, tout de suite,
39:03 pour les femmes qui vont accoucher
39:05 dans quelques mois.
39:07 Il y a un enjeu quantitatif pour pouvoir
39:09 répondre aux besoins des familles
39:11 qui est exprimé partout sur le territoire,
39:13 donc la possibilité de trouver une place de crèche
39:15 ou d'accueil chez une assistante maternelle
39:17 partout sur le territoire est accessible financièrement.
39:19 -Combien de places nouvelles en 2024 ?
39:21 -En 2027,
39:23 ça sera 100 000 places nouvelles.
39:25 -Mais quelle progression ?
39:27 -On va le travailler avec les collectivités.
39:29 On va faire du bloc communal
39:31 une autorité organisatrice,
39:33 donc vraiment consacrer leurs compétences
39:35 en matière d'organisation
39:37 de l'offre. -Et la pénurie de recrutement ?
39:39 -Mais surtout, voilà,
39:41 moi, ce que j'ai dit, et c'est pour ça
39:43 que, quand je suis arrivé en juillet,
39:45 j'ai choisi de saisir l'Inspection générale des Affaires sociales
39:47 pour amener une jambe plus qualitative
39:49 et comprendre, en fait, ce qui se joue
39:51 dans notre système.
39:53 Est-ce qu'il est performant ?
39:55 Est-ce que c'est bon
39:57 pour l'éducation des enfants ?
39:59 Je savais qu'il y avait des problèmes...
40:01 -Vous n'avez pas été surpris
40:03 par les constats
40:05 qui ont quand même largement choqué les Français ?
40:07 -Pas vraiment.
40:09 On les a objectivés. J'ai pas été étonné
40:11 parce que j'étais gestionnaire de crèche
40:13 lorsque j'étais à la Croix-Rouge, aussi,
40:15 donc je sais comment ça se passe, je connais les problématiques
40:17 de pénurie de professionnels.
40:19 Ce que je voudrais dire aussi, c'est que,
40:21 comme dans tout mon champ de responsabilité,
40:23 il y a des situations qui sont très hétérogènes.
40:25 Il y a des crèches où ça se passe très bien,
40:27 il y en a d'autres où ça se passe pas bien,
40:29 il y a des situations qui, d'ailleurs, c'est ce que dit le rapport,
40:31 il y a des situations qui sont très hétérogènes.
40:33 -Bien sûr. Alors, justement, puisque ce sont
40:35 les villes et les départements qui gèrent les crèches,
40:37 faut recruter, est-ce qu'il faut augmenter
40:39 les personnels, les rémunérations des personnels,
40:41 et donc que l'Etat aide les collectivités davantage ?
40:43 -L'attractivité des métiers,
40:45 c'est pas qu'une question de rémunération.
40:47 Il y a un sujet de rémunération,
40:49 et d'ailleurs, dit que l'Etat accompagnerait
40:51 les augmentations salariales dans le secteur
40:53 à condition qu'il y ait un travail qui soit fait
40:55 dans un secteur qui est très éclaté,
40:57 création d'un socle social commun,
40:59 c'est-à-dire de créer des métiers repères
41:01 et de pouvoir les rémunérer
41:03 de la même façon qu'on soit dans le public,
41:05 l'associatif ou le privé commercial,
41:07 mais c'est pas la seule réponse
41:09 qu'il faut apporter à ça. -Une logique de donnant-donnant.
41:11 -Il y a une question de parcours professionnel,
41:13 de carrière, d'organisation du travail,
41:15 de formation, d'accès à ces emplois-là,
41:17 qui est important. Il y a un sujet aussi,
41:19 on le disait tout à l'heure, de sens
41:21 derrière ces métiers, parce que quand vous interrogez
41:23 les auxiliaires de puériculture, les éducateurs
41:25 du jeune enfant, elles vous disent, il y a 15 ans,
41:27 on se bousculait au portillon pour devenir
41:29 professionnel de la petite enfance.
41:31 -Donc il faut revaloriser la reconnaissance.
41:33 -Révélez du sens. -Vous êtes de ceux
41:35 qui avaient vu venir les questions soulevées
41:37 par la réforme des retraites sur les conditions
41:39 de travail et notamment sur la pénibilité
41:41 des métiers d'auxiliaires de vie,
41:43 vous en avez parlé, des aides à domicile,
41:45 des assistantes maternelles,
41:47 toutes ces personnes sont souvent des femmes
41:49 qui disent que c'est difficile,
41:51 que c'est pénible, qu'il y a des horaires
41:53 fractionnés, qu'il y a des trajets en voiture
41:55 qui sont non pris en charge.
41:57 Ici, à l'Assemblée, vous savez que la NUPES
41:59 veut même créer un statut autonome
42:01 pour ces personnes-là.
42:03 Qu'en pensez-vous et qu'est-ce que vous proposez ?
42:05 -Ce que je propose,
42:07 il y a un sujet d'attractivité des métiers,
42:09 un sujet organisationnel,
42:11 qui dépend de chaque métier,
42:13 mais un sujet de conciliation entre vie
42:15 personnelle et vie professionnelle.
42:17 Par exemple, les auxiliaires de vie souffrent
42:19 d'emplois du temps fractionnés,
42:21 de temps partiels subis,
42:23 de problématiques aussi
42:25 de prise en charge de leur temps
42:27 de mobilité, etc.
42:29 Dans la proposition de loi
42:31 sur le bien vieillir, on a fait
42:33 d'ores et déjà un certain nombre de propositions
42:35 pour soutenir les professionnels,
42:37 créer une carte professionnelle,
42:39 mais c'est reconnaître leur statut,
42:41 dire que c'est un métier qui a des compétences
42:43 qui sont associées et qu'on peut aussi
42:45 imaginer des avantages.
42:47 On va mieux financer
42:49 les questions de mobilité,
42:51 permettre aux conseillers de département
42:53 des flottes de véhicules électriques,
42:55 considérer le temps de travail,
42:57 le temps de trajet,
42:59 le temps aussi d'analyse
43:01 des pratiques professionnelles,
43:03 des temps aussi de concertation
43:05 et de confrontation avec d'autres professionnels
43:07 qu'on va aussi rémunérer.
43:09 C'était une promesse du président de la République,
43:11 l'augmentation des plans d'aide
43:13 avec des heures de convivialité.
43:15 -C'est dans le projet de loi de finances ?
43:17 Vous avez obtenu les arbitrages de Bercy.
43:19 -Il y a une partie qui a été mise en loi de financement
43:21 de la Sécurité sociale,
43:23 une autre qui sera dans la PPL bien vieillir,
43:25 et puis il y a d'autres sujets
43:27 que j'inscrirai dans la feuille de route bien vieillir,
43:29 que je présenterai dans quelques jours.
43:31 Il y aura sans doute d'autres discussions.
43:33 -Cette feuille de route bien vieillir.
43:35 Dites-nous un tout petit peu,
43:37 parce que les Français sont encore sous le choc
43:39 du scandale Orpea, il y a cette proposition de loi
43:41 qui revient, c'est pas la même, j'imagine.
43:43 Vous allez l'amender,
43:45 on se souvient que les critiques étaient vives,
43:47 d'un grand soir qui n'était pas au rendez-vous
43:49 de l'importance du sujet dépendance.
43:51 Il y avait même des critiques au sein
43:53 de votre majorité.
43:55 Sur le bien vieillir, qu'est-ce que vous allez faire ?
43:57 -Eh bien, une grande réforme
43:59 du grand âge,
44:01 qui ne tient pas seulement dans une loi,
44:03 il y a des mesures qui sont de nature législative,
44:05 elles seront dans la proposition de loi,
44:07 il y a des mesures qui sont financières,
44:09 elles seront dans les projets de loi
44:11 de financement de la Sécurité sociale à venir.
44:13 On a inscrit d'ailleurs dans la PPL une loi de programmation
44:15 qui va permettre justement de programmer
44:17 pour les années à venir les moyens nécessaires
44:19 et l'argent qu'on souhaite y investir.
44:21 -Il y en aura plus ?
44:23 -Et puis, il y en aura plus.
44:25 -Quel est l'enveloppe budgétaire consacrée aux EHPAD ?
44:27 -Il faut se rendre compte que la branche autonomie
44:29 qui permet de financer l'accompagnement
44:31 de la perte d'autonomie dans le pays,
44:33 qui permet aussi de financer les actions en faveur des personnes
44:35 en situation de handicap, c'est la branche la plus dynamique
44:37 de la Sécurité sociale.
44:39 Entre 2021 et 2026, elle va prendre plus de 10 milliards
44:41 d'euros supplémentaires
44:43 et passer de 32 à 42 milliards d'euros
44:45 qui seront consacrés
44:47 à cette branche. Donc elle est très dynamique.
44:49 Il faudra que le Parlement dise
44:51 s'il faut mettre
44:53 plus d'argent ou pas.
44:55 Et donc ça, on le discutera dans le cadre
44:57 de la loi de programmation. Mais c'est déjà
44:59 une progression extrêmement dynamique qui va nous permettre
45:01 de renforcer le nombre de soignants dans les EHPAD.
45:03 On a une trajectoire de +50 000
45:05 d'ici à 2027. C'est considérable
45:07 quand on sait les difficultés qu'on a
45:09 à recruter. On va créer des places
45:11 de services de soins infirmiers
45:13 à domicile, 26 000 aussi
45:15 d'ici à 2027. On va renforcer
45:17 les services d'aide à domicile.
45:19 -Tout ça, vous l'avez annoncé.
45:21 -On l'a annoncé et on va continuer.
45:23 -Sur les contrôles, là encore,
45:25 dans les EHPAD, les choses ont changé.
45:27 C'est ce qui avait aussi marqué les Français.
45:29 -Là, on a pris
45:31 un engagement juste après Orpea.
45:33 Le gouvernement était très réactif,
45:35 ma prédécesseure, la commission des affaires sociales
45:37 et l'Assemblée nationale, avec la présidente Katabi,
45:39 ont été particulièrement offensifs. On a annoncé
45:41 que nos 7 500 EHPAD
45:43 seraient contrôlés dans les deux ans
45:45 après la crise Orpea. Aujourd'hui,
45:47 on met en oeuvre, on a recruté 120 professionnels
45:49 formés dans les agences régionales
45:51 de santé. On a ciblé
45:53 les EHPAD qui étaient les plus à risque
45:55 et ces contrôles continuent.
45:57 Aujourd'hui, on suit
45:59 aussi la mise en oeuvre de toutes ces recommandations,
46:01 injonctions, pour améliorer la situation
46:03 dans les EHPAD. Mais là aussi, il n'y a pas de paroles
46:05 magiques. -Pour terminer. -Ca prend du temps.
46:07 Ca prend du temps.
46:09 Dire aussi qu'il y a tout un tas d'endroits
46:11 où ça se passe bien, j'en visite
46:13 beaucoup des EHPAD. Des EHPAD
46:15 publics, associatifs... -On noircit le tableau.
46:17 -On noircit le tableau, ce qui d'ailleurs
46:19 participe à l'inattractivité
46:21 des métiers. On n'a pas envie de s'engager
46:23 dans des établissements dont tout le monde pense
46:25 qu'ils sont maltraitants. Vous êtes vous-même
46:27 maltraitant. -On entend. La feuille de route est bien remplie.
46:29 Rendez-vous début juillet dans
46:31 l'hémicycle et on sera là, évidemment, à LCP.
46:33 Et puis, pour cette feuille de route,
46:35 vous l'annoncez quand, le bien vieillir ?
46:37 -Dans les jours qui viennent.
46:39 -Bon. On regarde ça
46:41 de très près. Allez, c'est l'heure
46:43 d'accueillir nos affranchis.
46:45 Leurs parties-pris vont nous faire réagir. On les accueille
46:47 tout de suite. Bienvenue.
46:49 Soyez... Voilà, installez-vous.
46:51 Isabelle Lasserre,
46:53 correspondante diplomatique du Figaro.
46:55 Ravi de vous retrouver. Yanis Roder, pour
46:57 une nouvelle histoire d'école de la Fondation
46:59 Jean Jaurès, notamment. On commence
47:01 comme chaque soir par Bourbon Express.
47:03 L'histoire du jour, à l'Assemblée, nous est racontée ce soir
47:05 par Stéphanie Despierres. Bonsoir, Stéphanie.
47:07 -Bonsoir. Et ce soir, je vous raconte une histoire
47:09 d'inflation, Myriam, pas celle des prix,
47:11 mais celle des propositions de loi.
47:13 Lundi, ça ne vous a probablement pas échappé,
47:15 François Ruffin a lancé une pour
47:17 le droit aux vacances pour tous.
47:19 Rien que pour cette semaine, et
47:21 pour les insoumis, c'est une par jour,
47:23 et nous ne sommes que jeudi.
47:25 Mais c'est un sport partagé chez tous les députés
47:27 de l'Assemblée. Depuis
47:29 juin dernier, il y a eu 767
47:31 propositions de loi déposées.
47:33 -Ah oui, effectivement. Le décompte.
47:35 -C'est beaucoup.
47:37 -Le décompte n'est pas encore définitif,
47:39 il le sera fin septembre. On devrait largement
47:41 dépasser le chiffre de 2017.
47:43 Et ce qui est remarquable, Myriam,
47:45 c'est que sur ces 767 propositions,
47:47 seulement 18 ont été adoptées.
47:49 C'est-à-dire que 87 %...
47:51 -97 %, je vois.
47:53 -97, pardon.
47:55 Vous avez raison. D'entre elles, n'aboutissent
47:57 jamais et finissent à la poubelle.
47:59 Et je ne vous parle même pas des propositions de loi
48:01 claironnées dans les médias, qui ne sont pas
48:03 rédigées, comme celle, par exemple, de Louis Boyard
48:05 sur l'abonnement à Netflix
48:07 et qui n'est toujours pas déposée.
48:09 -Alors, à quoi ça sert, si elle n'est pas votée
48:11 et il finit cette proposition de loi ?
48:13 -C'est assez simple. Affaire de la com'
48:15 et de la politique, surtout dans une
48:17 assemblée éclatée et sans majorité
48:19 absolue. C'est le gouvernement,
48:21 je vous le rappelle, qui a la maîtrise de l'agenda
48:23 législatif. Il y a peu de place
48:25 pour les initiatives des députés
48:27 et c'est encore pire si vous êtes
48:29 dans l'opposition. Alors, déposer
48:31 une proposition de loi permet d'avoir
48:33 un article dans la presse, un moment à la télé,
48:35 de montrer à ses électeurs qu'on
48:37 travaille et même si, in fine,
48:39 votre idée n'a quasiment aucune chance
48:41 d'être discutée dans l'hémicycle.
48:43 Écoutez Antoine Vermorel, il est député
48:45 de la Loire et lui, il a écrit 12 propositions
48:47 de loi depuis son élection
48:49 en juin. Il était sur notre plateau
48:51 il y a quelques jours.
48:53 -C'est un acte politique fort.
48:55 J'en ai fait une, par exemple, sur la suppression
48:57 des allocations aux parents maltraitants,
48:59 qui m'a valu un rendez-vous
49:01 avec la secrétaire d'Etat en charge de l'enfance
49:03 qui m'a dit qu'on étudie cette proposition pour l'intégrer
49:05 dans le projet de loi de finance de la sécurité sociale
49:07 à l'automne. Et j'en ai déposé
49:09 une récemment sur la National 7
49:11 à Mabli, qui est un sujet local qui m'intéresse,
49:13 qui est un moyen de pression vis-à-vis du gouvernement.
49:15 Et pour moi, la proposition
49:17 de loi, et on le voit d'ailleurs
49:19 dans les niches, elle est vraiment
49:21 d'abord et avant tout un outil politique
49:23 au service d'une cause.
49:25 -C'est clair, Antoine Vermorel
49:27 et ses collègues républicains sont les champions.
49:29 D'ailleurs, à eux seuls, ils ont déposé
49:31 presque un tiers des propositions de loi
49:33 de cette année, alors qu'en fait, ils ne sont que 10%
49:35 dans l'hémicycle. -Il y en a quand même
49:37 qui aboutissent, rassurez-moi. -Oui, on disait 18
49:39 tout à l'heure, alors ce sont surtout celles
49:41 des députés du camp présidentiel
49:43 qui arrivent à être votés.
49:45 La loi anti-squat, la loi pour simplifier
49:47 le permis de conduire, ou l'accès
49:49 par exemple direct au kiné sans passer
49:51 par votre médecin traitant. Mais
49:53 il y a quand même cette année quelques textes
49:55 impulsés par l'opposition qui arrivent
49:57 au bout du processus quand ils sont soutenus
49:59 par plusieurs groupes politiques
50:01 et par la majorité, par exemple
50:03 la loi pour réguler l'univers
50:05 impitoyable des influenceurs
50:07 ou celle qui crée une aide d'urgence
50:09 pour les victimes de violences conjugales.
50:11 -Il y a quand même des sujets qui font l'unanimité
50:13 dans cette nouvelle Assemblée.
50:15 L'inflation des PPL, comme on dit.
50:17 Merci, Stéphanie. Alors,
50:19 on parle de ce sommet avec vous.
50:21 Isabelle, Sommet sur la finance,
50:23 organisé par le président de la République
50:25 depuis plus de deux jours, il prendra la parole demain.
50:27 Vous nous dites que c'est pour rallier
50:29 les pays du "sud global",
50:31 comme on les appelle. -Oui, ça fait partie
50:33 des efforts visant à rallier le sud global
50:35 parce que depuis la guerre en Ukraine, Myriam,
50:37 on s'est aperçu qu'il existait
50:39 un sud global qui, en fait,
50:41 a refusé de choisir entre, dans la guerre,
50:43 entre la Russie et l'Ukraine.
50:45 Le "sud global", c'est un mot un peu barbare
50:47 qui est d'ailleurs contesté par beaucoup
50:49 mais qui, si on caricature un petit peu,
50:51 se veut l'héritier du mouvement des non-alignés
50:53 des années 70, des pays comme l'Inde, à peu près.
50:55 -Des pays émergents, Brésil, Inde.
50:57 -Oui, des pays émergents
50:59 mais plus engagés politiquement.
51:01 Alors, ces pays, en fait, ont fait exploser le mythe
51:03 au début de la guerre en Ukraine
51:05 selon lequel, dans les grandes crises internationales,
51:07 l'Afrique,
51:09 l'Amérique du Sud
51:11 et une partie de l'Asie
51:13 alignaient forcément sa position sur celle
51:15 des pays occidentaux. Ça n'a pas du tout été le cas.
51:17 Au début de la guerre, on a vu qu'une quarantaine
51:19 de pays, dont l'immense Chine,
51:21 l'immense Inde
51:23 et beaucoup de pays africains,
51:25 ont refusé de voter
51:27 la résolution du Conseil de sécurité
51:29 qui condamnait la guerre
51:31 en Ukraine. On s'aperçoit que
51:33 16 mois après, cette ambiguïté persiste
51:35 parce qu'on s'aperçoit que
51:37 la guerre a révélé
51:39 l'ampleur des changements
51:41 à l'ordre sur la scène internationale
51:43 et qu'elle les a, en plus,
51:45 amplifiés. Pourquoi, me demandez-vous ?
51:47 -Pour quelles raisons ?
51:49 D'abord parce que ces pays considèrent que c'est une...
51:51 En gros, ils disent que c'est une guerre de blanc,
51:53 une guerre entre Européens qui leur est
51:55 complètement étrangère. Ensuite,
51:57 ils dénoncent le deux poids,
51:59 deux mesures dont
52:01 seraient coupables les pays
52:03 occidentaux qui accueillent
52:05 les réfugiés ukrainiens
52:07 les bras ouverts alors qu'ils essayent
52:09 de repousser les autres, les réfugiés
52:11 musulmans notamment.
52:13 Et ils aident énormément
52:15 l'Ukraine en lui fournissant des armes et aussi
52:17 une aide humanitaire et une aide financière.
52:19 Plus généralement,
52:21 ces pays, qui sont très, très
52:23 divergents, enfin, qui ont beaucoup, beaucoup de
52:25 divergences, luttent contre
52:27 la domination occidentale du monde
52:29 depuis 1945.
52:31 Ils veulent changer le système,
52:33 d'où l'idée d'Emmanuel Macron depuis plusieurs mois
52:35 d'essayer de les arrimer
52:37 en fait, à sa position,
52:39 pour, à court terme, c'est ça le
52:41 premier objectif, éviter
52:43 qu'ils ne tombent complètement
52:45 en fait, dans le panier russe.
52:47 - Alors, avec quelle chance de succès ce sommet
52:49 pour ramener le sud global
52:51 sur nos valeurs ? - Alors, c'est pas le sommet en lui-même
52:53 qui va décider, mais pour l'instant,
52:55 on n'a pas beaucoup de succès.
52:57 Par exemple, on s'est aperçu que
52:59 Emmanuel Macron avait pas mal
53:01 investi avec l'Algérie, mais le président
53:03 algérien, Théboune,
53:05 a annulé son voyage plusieurs fois.
53:07 Mais par contre, il est allé voir
53:09 Vladimir Poutine. - Oui, et la crise est consommée.
53:11 - On s'aperçoit que tous les
53:13 plans de paix, en fait, ou les propositions
53:15 de négociations de paix
53:17 qui ont été proposées par les pays
53:19 du sud ne sont pas du tout des plans
53:21 neutres, et en fait, sont tous plus ou
53:23 moins favorables à des degrés divers
53:25 avec la position
53:27 de la Russie. On s'aperçoit
53:29 aussi que, et bien même,
53:31 16 mois après le début de la guerre, le modèle
53:33 Vladimir Poutine, et surtout le modèle
53:35 de la Chine, c'est-à-dire un modèle
53:37 autoritaire et anti-occidental,
53:39 continue à séduire
53:41 tous ces pays.
53:43 Or, ces pays prennent de plus en plus d'importance
53:45 parce qu'avec le retrait américain
53:47 du Moyen-Orient et d'une partie de l'Europe,
53:49 a laissé la place à la Turquie, à l'Iran,
53:51 à la Chine, qui consolident
53:53 leur opposition. Alors,
53:55 il y a quand même un petit paradoxe, c'est que
53:57 l'Occident est de plus en plus critiqué
53:59 et en même temps, la guerre en Ukraine
54:01 a montré qu'il était
54:03 resté uni contre toute attente
54:05 et complètement soudé.
54:07 Donc, est-ce que peut-être
54:09 une victoire en Ukraine
54:11 pourrait peut-être un jour, lui,
54:13 en tout cas, c'est la question que vous me posez, lui rendre ses ailes ?
54:15 - Merci. On verra ça.
54:17 On a encore un petit peu de temps pour trancher.
54:19 On verra. Merci beaucoup.
54:21 En tout cas, d'ailleurs, on en parlera de ce sommet
54:23 à votre place demain, Jean-Christophe Comte,
54:25 la patronne de l'ONG ONE,
54:27 de Bono, de YouTube,
54:29 c'est Najat Vallaud-Belkacem. On reviendra
54:31 sur les fruits de ce sommet.
54:33 Yanis, vous vouliez
54:35 pousser un coup de gueule ce soir.
54:37 Vous voulez nous parler de l'éducation
54:39 aux médias et à l'information.
54:41 Évidemment, c'est très important, et on le voit
54:43 à l'heure des réseaux sociaux. C'est un rapport
54:45 de la commission Bromère qu'il avait
54:47 préconisé, "Les lumières
54:49 à l'ère numérique", remis au président
54:51 de la République. - En effet, Myriam,
54:53 les flux ininterrompus
54:55 des réseaux sociaux rentrent aujourd'hui absolument impératifs
54:57 d'éduquer notre jeunesse
54:59 au fonctionnement des médias et à la construction
55:01 de l'information. En 2015, après l'attentat
55:03 contre Charlie Hebdo, avec Laurence Bloch,
55:05 alors directrice de France Inter,
55:07 et Emmanuel Davier, l'actuel médiatrice de Radio France,
55:09 nous avions créé Interclass,
55:11 exemple même de projet innovant,
55:13 qui offre aux élèves des quartiers populaires
55:15 non seulement la possibilité de s'initier
55:17 au monde du journalisme en réalisant
55:19 tout au long de l'année des reportages
55:21 podcastables sur France Inter,
55:23 avec des professionnels du métier, mais également
55:25 de sortir de leur univers quotidien
55:27 par les lieux et par les personnes qu'ils
55:29 découvraient ou rencontraient. - Alors, quels exemples ?
55:31 - Des exemples, j'en ai des dizaines.
55:33 Si je ne parle que de mes élèves,
55:35 en huit ans d'Interclass, ils ont pu rencontrer
55:37 des personnalités comme Bernard Cazeneuve,
55:39 Claudie Aigneret, Laura Deler,
55:41 des gens talentueux dans leur domaine,
55:43 dans la haute couture, la cuisine, le sport,
55:45 des philosophes, des sociologues, des avocats,
55:47 et bien sûr, bien sûr, des journalistes de France Inter
55:49 qui donnent de leur temps,
55:51 que je ne peux pas citer tant ils sont nombreux,
55:53 mais ils le mériteraient tous. - Est-ce que ça marche, alors ?
55:55 - Cela fonctionnait,
55:57 Myriam, car en réalité,
55:59 il faut maintenant parler au passé.
56:01 La direction de France Inter nous a informé
56:03 en début de semaine que, faute de moyens,
56:05 car l'éducation aux médias n'est plus éligible
56:07 aux mécénats, le projet Interclass
56:09 s'arrêtait. Les élèves
56:11 des 16 établissements situés dans des espaces
56:13 de relégation sociale et qui avaient l'immense chance
56:15 de profiter de ce formidable outil d'éducation
56:17 à la citoyenneté se voient privés
56:19 d'une exceptionnelle ouverture sur le monde.
56:21 - Donc, évidemment, grosse déception pour vous,
56:23 mais ça va au-delà. - Oui,
56:25 je suis triste pour les élèves, mais je suis aussi
56:27 amer, car en même temps que nous apprenions
56:29 qu'Interclass s'arrêtait, faute de moyens financiers,
56:31 je suis tombé sur une petite dépêche
56:33 qui annonçait que France 2030,
56:35 un dispositif public qui vise à favoriser
56:37 les expérimentations et innovations pédagogiques,
56:39 accordait une subvention, parmi d'autres,
56:41 de 3,2 millions d'euros
56:43 à une école dans le cadre d'un appel à projet.
56:45 - Ah oui ? Alors, où est le problème, selon vous ?
56:47 - Alors, il faut bien sûr financer
56:49 la recherche, Myriam, mais là, on donne de l'argent
56:51 public à une école qui, non seulement,
56:53 est une école privée hors contrat,
56:55 mais qui, plus est, demande
56:57 entre 7 et 11 000 euros par an
56:59 pour escolariser son enfant, une école
57:01 qui doit rendre compte de sa rentabilité
57:03 à des actionnaires privés. Alors, on me rétorquera,
57:05 ce sont des lignes budgétaires différentes,
57:07 c'est pour la recherche, il ne faut pas tout mélanger,
57:09 d'accord, bien sûr,
57:11 et je sais que les rectorats d'Île-de-France sont associés
57:13 et qu'il faut espérer que cela profite
57:15 à tous à long terme. Mais on ne m'enlèvera
57:17 pas, Myriam, ce petit goût amer
57:19 que j'ai dans la bouche, ni l'idée que,
57:21 au regard des 3,2 millions d'euros
57:23 d'argent public donné à cette école,
57:25 les 65 000 euros nécessaires à l'existence
57:27 d'interclasses dédiées aux élèves de nos quartiers
57:29 ne sont pas grand-chose.
57:31 Voilà, j'ose espérer que votre parti pris ne passera pas inaperçu.
57:33 Sauver les interclasses,
57:35 ça vous parle,
57:37 monsieur le ministre ?
57:39 Bien sûr, je pense qu'il faut vraiment qu'on investisse
57:41 et qu'on continue à investir
57:43 dans la jeunesse, d'ailleurs,
57:45 hier, on a conclu avec la première ministre
57:47 les assises de la jeunesse.
57:49 Et donc, trouver des financements
57:51 pour continuer les interclasses.
57:53 Ça fait partie des choses qu'il faut
57:55 qu'on développe, évidemment,
57:57 et en particulier dans les quartiers prioritaires
57:59 de la ville. Moi, en tant que ministre des Solidarités,
58:01 j'ai évidemment un attachement
58:03 fort au développement et à l'éducation
58:05 de la jeunesse. J'aimerais aussi
58:07 qu'on puisse leur présenter
58:09 d'autres types de métiers
58:11 qui ont beaucoup de sens, des infirmières,
58:13 des aides-soignants, des auxiliaires...
58:15 C'est la fin de cette émission, on est en retard,
58:17 en tout cas, le message est passé,
58:19 et il est directement passé au gouvernement,
58:21 et c'est ce que ça donne. Ce petit ruban vert
58:23 que vous voyez plâtronner
58:25 chez mes invités ainsi que moi-même,
58:27 c'est parce que c'est la journée nationale
58:29 du don d'organes. Plus de 28 000 Français
58:31 sont en attente d'une greffe,
58:33 alors il suffit de dire oui pour sauver des vies.
58:35 Voilà pour cette émission.
58:37 Merci de votre fidélité. Tout de suite,
58:39 votre soirée documentaire avec Jean-Pierre Grasse.
58:41 À demain.
58:43 ...

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