L’interview d’actualité - Jack Lang

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Julia Vignali


Julia Vignali reçoit Jack Lang, président de l’institut du Monde Arabe, dans l’interview d’actualité. C’est un peu la fête de Jack Land aujourd’hui, en plus de la fête de la musique, car il est l’homme qui a inventé l’évènement culturel le plus fédérateur de l’année, c’était en 1982 !
Transcript
00:00 Il est 8h13, c'est l'interview d'actualité. Son jour de gloire est arrivé depuis 1982, le 21 juin, c'est un peu la Sainte,
00:06 Jack Lang avec la Fête de la Musique. Et ça tombe bien, Julia, puisque Jack Lang est votre invitée. Bonjour et bienvenue.
00:11 Bonjour Jack Lang, merci d'être l'invité de Télématin. Alors il y a 41 ans, vous lanciez la première édition de la Fête de la Musique
00:17 qui est aujourd'hui devenue l'un des événements culturels les plus fédérateurs.
00:21 Racontez-nous brièvement comment est née cette idée.
00:23 Elle est née, comme vous le disiez, entre deux portes, plutôt que de s'être le fruit d'une réflexion dans mon équipe, dans notre équipe.
00:31 Nous voulions que la politique de la culture soit pas seulement le soutien à la création, à des institutions nouvelles,
00:39 mais que les citoyens soient eux-mêmes acteurs ou co-auteurs d'un événement.
00:45 Et la musique, comme vous l'avez dit à l'instant, est fédératrice, donc nous avons proposé à tous les citoyens amateurs de musique
00:52 ou professionnels de se retrouver sur les places, dans les rues, un peu partout, pour célébrer ensemble l'arrivée de l'été.
00:59 Alors Jack Lang, je vous propose une petite séquence nostalgie. On vous écoute en 1982 lors de la première édition justement de la Fête de la Musique. Regardez.
01:07 Lundi prochain à 20h30, des centaines de milliers de Français seront dehors avec leurs instruments de musique sans complexe
01:17 pour célébrer la naissance de l'été. Et je crois que cette immense armée des musiciens français montrera sa force ce soir-là.
01:24 Sur les places publiques, dans les kiosques, dans les rues, au pied de son domicile, à sa fenêtre.
01:32 Alors ce qu'on ne sait pas forcément, c'est que vous aviez drôlement le trac. Vous n'étiez pas sûr que tous les Français se retrouvent dans la rue en 1982.
01:38 D'ailleurs c'était plutôt en 1983 que ça a pris. Cette fête, maintenant ça fait 41 ans, elle représente quoi ?
01:45 Quels ont été les changements en 41 ans ?
01:47 D'abord, elle est restée je crois fidèle à ce que nous avions imaginé. C'est un brassage, un brassage fraternel, festif.
01:57 Il y a le bonheur de se retrouver chaque année à travers une sorte de rituel civique. C'est une expression utilisée par Edgar Morin pour en parler.
02:06 C'est en même temps l'été, on l'a dit, cette belle saison, la saison des rencontres, la saison de la lumière, la saison de l'amitié, et peut-être pourquoi pas la saison des amours.
02:18 Donc elle est restée fidèle à elle-même. C'est une fête de bénévoles, c'est gratuit, chacun est acteur, co-auteur.
02:28 C'est le contraire de la culture, disons, de pure consommation.
02:33 C'est politique alors cette fête en fait, c'est un peu politique aussi, puisque vous parlez de consommation, c'est-à-dire que vous l'avez vraiment voulu hors circuit de consommation.
02:43 D'une certaine manière oui, et le fait qu'elle soit devenue un événement populaire, ce matin a été publié un sondage de votre…
02:49 Oui, je voulais vous en parler, le sondage IFOP, c'est bien ça, le sondage IFOP.
02:53 77% des Français savent que vous êtes le créateur de la Fête de la Musique, 82% des Français considèrent que la Fête de la Musique fait partie du patrimoine culturel du pays.
03:02 Qu'est-ce que vous inspirent ces chiffres ?
03:03 Oui, ça veut dire que pour les… ils se reconnaissent, les gens se reconnaissent à travers l'événement qui est le leur.
03:09 C'est eux qui l'ont fait, il y a eu une impulsion première, mais ce sont les musiciens, les amateurs qui font que chaque année on se retrouve dans un esprit, je dirais, de fraternité.
03:19 Et pas qu'en France, parce que 140 pays ont fait cette fête, elle s'est exportée, 140 pays, c'est énorme.
03:25 Dites-nous vraiment, c'est une grande fierté, c'est la plus grande fierté de votre vie professionnelle ?
03:30 C'est une fierté, non, c'est le bonheur que… moi je suis universaliste, donc je suis très heureux que ce concert géant, gratuit, bénévole, couvre toute la planète.
03:40 Aux États-Unis, dans quelques heures, c'est 6 000 événements qui auront lieu de New York à Los Angeles, même chose en Chine.
03:47 Vous les avez toutes faites, les Fêtes de la Musique, dans le monde entier, quasiment ?
03:49 Non, j'en ai ouvertes quelques-unes, mais aux États-Unis en particulier, en Chine aussi, et ailleurs.
03:55 Il y a eu même une Fête de la Musique avec un pianiste au pied du Mont Blanc, enfin, il y a eu beaucoup de…
04:00 Il y a eu d'événements insolites, de lieux…
04:02 Il y a eu beaucoup d'événements assez extraordinaires.
04:04 Mais tout à l'heure, vous me disiez, est-ce que c'est politique ?
04:06 Dans le sens civique, je dirais, je dirais qu'il y a un refus quand même dans cette période où les marchés financiers dominent tout.
04:16 Il y a un refus de la marchandisation de la culture.
04:18 Les gens ont envie de temps en temps de ne pas être des consommateurs passifs d'images fabriquées ailleurs,
04:25 et n'ont pas envie non plus d'être soumis à la dictature des groupes financiers qui dominent de plus en plus les médias,
04:32 l'édition, le marché de l'art, les festivals de musique.
04:36 Et voilà qu'un événement, chaque année, je le répète, gratuit, bénévole, montre quand même quelque chose.
04:43 En tout cas, moi, je l'interprète ainsi.
04:45 Il faut assurer une meilleure séparation entre le pouvoir financier, que je respecte,
04:52 et le pouvoir de la culture, le pouvoir de la pensée, le pouvoir de l'art.
04:57 C'est pourquoi je plaide pour que l'on adopte un jour, bientôt, une loi anti-trust,
05:02 c'est-à-dire anti-concentration, pour assurer l'indépendance des acteurs de la culture.
05:08 Alors depuis 2013, Jack Lang, vous êtes président de l'Institut du Monde Arabe.
05:11 Ce soir, qu'est-ce qui va s'y passer ?
05:13 Venez, ce sera un moment assez fun, assez innu, je ne sais pas comment on peut dire.
05:18 C'est le jeune rappeur Omis qui l'a conçu, c'est son idée à lui.
05:23 Il a associé Aaron Pieper, le Label Empire, qui malgré le nom, est un groupe indépendant,
05:30 va aussi réunir des artistes, des créateurs. On va s'y amuser.
05:34 Bon, et ça fait 10 ans que vous êtes donc à la tête de cette institution.
05:36 Vous avez dit "quand je suis quelque part, j'y suis pour l'éternité".
05:40 Ça veut dire quoi ? Que c'est rappé pour Jean-Yves Le Drian, qu'il souhaite vous succéder ?
05:43 Ça n'a rien à voir, non. Vous êtes là, vous travaillez vous-même, à l'instant, avec conscience professionnelle.
05:48 Donc, vous êtes là pour l'éternité.
05:50 Non, non, je pars, l'année prochaine, quelqu'un me remplace. Vous, ce n'est pas votre cas ?
05:54 Bon, mais ailleurs, vous serez là aussi, très présente, avec votre talent, votre sourire, votre imagination.
05:59 Non, ça veut dire tout simplement que quand on est quelque part, on se bagarre pour l'avenir, pour des projets.
06:04 En ce moment, nous préparons en IMA le grand projet.
06:07 En ce moment, sur la Palestine, notamment avec les valises de Jean Genet,
06:12 qui contenaient des fragments de ses derniers écrits.
06:16 Et c'est Roland Dumas qui en a été le récepteur, c'est une première.
06:20 Et puis, à l'automne, ce sera un grand événement sur les parfums d'Arabie.
06:27 Ça peut faire un peu rêver. Et bien, l'autre chose encore.
06:30 On vous sent très attaché à cet institut du monde arabe et à la fête de la musique qui aura donc lieu
06:34 partout en France et dans le monde, dans 140 pays, grâce à vous, Jack Lang.
06:39 Merci d'être avec nous, d'avoir été avec nous ce matin, et bonne fête à vous.
06:42 Et bonne fête à vous.

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