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00:00 On va parler de votre naissance à Beyrouth en 1980 précisément, en pleine guerre civile.
00:06 Vous avez grandi aussi avec cet instinct de survie, parce que je crois savoir, Ibrahim
00:11 Alouf, que finalement vous n'auriez peut-être pas dû être là.
00:14 L'hôpital était bombardé quasiment au moment de l'accouchement de votre maman.
00:19 Oui, c'est une histoire que la seule personne qui vraiment me racontait ça, parce qu'elle
00:25 nous a quittés malheureusement il y a deux ans, c'était ma grand-mère qui nous a quittés
00:27 à 99 ans, et j'ai l'impression que c'est la seule personne qui était prête à en parler
00:32 sans avoir peur, avec une sorte de pragmatisme, une forme de résilience.
00:41 Ma grand-mère qui en parlait, qui racontait en disant "Imagine il s'est passé ça, imagine
00:45 il s'est passé ça, imagine qu'au moment où tu es né il s'est passé ça".
00:48 Et quand je regardais ma mère, je disais "Mais maman c'est vrai, elle baissait les
00:50 yeux".
00:51 C'est comme s'il y avait une sorte de honte dans la famille qu'on puisse avoir donné
00:56 la vie dans un moment où des gens mourraient, comme si on avait honte de venir d'un endroit
01:01 aussi cicatrisé, aussi difficile à vivre, etc.
01:05 Comme si on voulait presque nous cacher ce malheur pour que les enfants puissent avoir
01:08 une vie meilleure et heureuse, à la hauteur des espérances qu'on peut avoir quand on
01:13 les attend ces enfants.
01:15 Donc mes parents sont restés dans ce tabou par rapport à ça, on avait du mal à en
01:20 parler, et la seule personne qui vraiment évoquait ce sujet, c'est celle qui l'a
01:26 vécu de plein fouet, puisque c'était sa propre fille qui vivait ça.
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