Une polémique autour de l'hymne algérien est survenue lorsque le gouvernement a décidé de remettre à goût du jour la version longue de l'hymne en mai dernier. Cette version longue comporte en réalité un couplet anti-français. Les explications de notre éditorialiste politique, Matthieu Croissandeau.
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00:00 La politique, Mathieu Croissando.
00:01 On va revenir sur cette polémique autour d'un hymne,
00:05 l'hymne algérien.
00:06 Ça a quelques jours, mais c'est passé un peu inaperçu.
00:08 Pourquoi ?
00:09 On va parler plutôt d'un couplet
00:10 qui est devenu une pomme de discorde de plus
00:12 entre Paris et Alger.
00:13 Alors l'hymne en question, il s'appelle "Kassaman".
00:15 Il a été composé en 1955.
00:17 On est alors pendant la guerre d'Algérie
00:19 et c'est un poète, militant, nationaliste,
00:21 Moufdi Zakaria, qui compose cet hymne.
00:24 Et voici le couplet en question.
00:26 On va l'écouter.
00:27 [Musique]
00:30 "Ô France, le temps des palabres est révolu.
00:33 Nous l'avons clos comme on ferme un livre.
00:37 Ô France, voici venu le jour
00:39 où il te faut rendre des comptes.
00:41 Prépare-toi, voici notre réponse.
00:44 Le verdict, notre révolution le rendra
00:46 car nous avons décidé que l'Algérie vivra,
00:48 soyez-en témoins."
00:49 Bon, ce n'est pas très amical, évidemment,
00:51 mais je rappelle qu'on est en 1955
00:53 et puis comme le relève nos amis du Parisien ce matin,
00:56 avec son sang impur, la Marseillaise
00:58 n'est pas non plus franchement un hymne à l'amour.
01:00 Mais ce couplet fait en tout cas de l'Algérie
01:02 un cas quasiment unique au monde
01:04 où un pays s'en prend nommément à un autre
01:06 dans son hymne national.
01:07 En 1986, sous la présidence de Chadli Ben-Jadid,
01:10 l'hymne avait d'ailleurs été raccourci
01:11 pour supprimer le fameux couplet.
01:13 En fait, il y avait deux versions en vigueur
01:15 et on ne jouait plus la version longue
01:16 que dans les congrès du FLN.
01:18 Mais voilà, depuis le 21 mai dernier,
01:21 un décret propose de ne jouer que la version longue
01:23 lorsque les cérémonies se déroulent
01:24 en présence du président de la République.
01:26 Pourquoi cette décision ?
01:27 Alors, dans la presse algérienne,
01:28 on explique qu'il fallait formaliser les choses,
01:30 en gros que les deux versions cohabitées
01:32 sont qu'il y ait vraiment de mode d'emploi
01:33 et que le fameux décret serait donc,
01:35 du coup, une question de forme.
01:37 Mais en France, évidemment, vu de Paris,
01:39 on n'en fait pas tout un pataquès,
01:41 mais on ne se leurre pas non plus.
01:42 Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères,
01:44 est d'ailleurs revenue sur ce sujet vendredi
01:46 dans des termes très diplomatiques.
01:48 Le contexte de l'époque l'explique.
01:50 Aujourd'hui, je vous concède que je peux m'interroger
01:52 et que cela paraît un peu à contre-temps.
01:54 Et c'est vrai, du coup, que ça paraît un peu à contre-temps
01:56 à un moment où la France et l'Algérie
01:59 cherchent à donner une forme de nouvel élan à leur relation.
02:01 Il y a une commission mixte d'historiens,
02:03 il faut le rappeler, qui a été mise en place
02:04 avec des historiens algériens, des historiens français.
02:07 Il y a l'accès aux archives qui a été facilité
02:09 par le président de la République.
02:10 Tout ça pour jouer la carte de la transparence
02:12 et de l'apaisement.
02:13 Mais on le voit, 60 ans après la fin de la guerre d'Algérie,
02:16 il reste encore du chemin à faire.