"Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?" C'est l'une des questions posées lors de l'épreuve de philosophie du bac, mercredi 14 juin 2023. Xavier de la Porte, journaliste au service Idées de "l'Obs", tente d'y répondre dans cette vidéo.
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00:00 Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice, sujet tombé dans la filière générale ?
00:04 Alors une chose, les comités qui choisissent les sujets de philo sont composés d'êtres humains
00:09 qui vivent dans le même monde que vous.
00:11 Il ne faut jamais l'oublier ça.
00:12 Et dans notre monde, en ce moment, il se passe un truc qui s'appelle la guerre en Ukraine.
00:16 Et bien ça, ça aurait pu être un très bon point de départ pour ce sujet.
00:20 Parce qu'il y a dans le monde plein de chefs d'État, à commencer par le nôtre Emmanuel Macron,
00:25 qui considère que si on veut voir un jour advenir la paix en Ukraine,
00:30 et bien il faut laisser une porte ouverte à Vladimir Poutine.
00:34 Il ne faut pas trop l'humilier.
00:36 Alors qu'on sait que c'est le seul responsable de cette guerre en Ukraine.
00:39 Et donc, ça paraît profondément injuste.
00:42 C'est un cas d'espèce tout à fait intéressant qui montre que certains considèrent
00:45 que pour avoir la paix, il faut oublier la justice.
00:47 La question qui se pose donc, c'est qu'est-ce qui est au-dessus ?
00:51 Est-ce que la paix est au-dessus de la justice ou est-ce que la justice est au-dessus de la paix ?
00:55 Si je considère que c'est la paix qui est au-dessus, que je veux absolument la paix,
00:59 je dois donc un peu mettre de côté la justice et faire des concessions.
01:03 On associe ça souvent à ce qu'on appelle la réelle politique
01:06 et à un philosophe de la renaissance italienne qui s'appelle Machiavel.
01:11 En gros, pour lui, ce qui compte c'est le résultat.
01:13 Si pour avoir la paix, il faut serrer la main d'un criminel de guerre, et bien pourquoi pas ?
01:18 Mais si je considère que ce qui est au-dessus, c'est la justice,
01:22 qu'il faut absolument que le bon l'emporte sur le mauvais,
01:25 que le fautif soit puni à hauteur de sa faute,
01:30 et bien là, c'est pas du tout le même scénario.
01:32 Là, on est dans une conception plus qu'ancienne des relations internationales
01:36 qu'on appelle parfois l'idéalisme.
01:38 C'est-à-dire que la justice est un peu au-dessus et c'est en fait la paix qui va fabriquer la justice.
01:42 Et ça, pour la troisième partie, ça nous amène à introduire une dimension plus temporelle.
01:47 En gros, se demander si une paix durable, une paix qui ne soit pas simplement une pause dans la guerre,
01:52 mais une vraie réconciliation, ça ne nécessite pas quand même de mettre un peu la justice en avant.
01:57 Mais une justice qui soit adaptée, une justice qui soit intelligente.
02:01 Alors là, il y a un très bon exemple.
02:03 Ce sont les comités Vérité et Réconciliation qui ont suivi la disparition de l'Apartheid en Afrique du Sud.
02:10 Au lieu de condamner unilatéralement tous les Blancs qui avaient participé à l'oppression des Noirs en Afrique du Sud,
02:18 les nouvelles autorités sud-africaines ont constitué des comités dont le but n'était pas de condamner,
02:24 mais de mettre en scène la reconnaissance de la participation à un système oppressif.
02:29 Ça a plutôt pas mal marché.
02:31 Et là, on voit très bien qu'il n'y a pas de paix durable sans justice.