Les poils, et si on en parlait ? Enfance, adolescence, grossesse, accouchement, transmission.. nous invisibilisons les poils depuis toujours alors qu'ils occupent une grande place dans notre vie. Nous avons interviewé les journalistes Léa Taïeb et Juliette Lenrouilly, co-autrices de "Parlons Poils !", pour nous en dire un peu plus...
Retrouvez leur site internet ici : https://www.parlonspoil.com/
︎ Crédits :
Léa Leyris et Marion Bellal
Retrouvez leur site internet ici : https://www.parlonspoil.com/
︎ Crédits :
Léa Leyris et Marion Bellal
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 ça prend du temps pendant que les hommes sont en train de refaire le monde,
00:03 nous on est en train de penser à nos poils.
00:05 Je m'appelle Juette Languille, je suis journaliste et co-autrice du livre "Parlons poils" avec Léa.
00:11 Bonjour, je suis Léa Tailleve, journaliste, et on a co-écrit ce livre "Parlons poils"
00:16 qui s'interroge sur pourquoi on s'épile depuis la nuit des temps
00:20 et pourquoi on continue à le faire encore aujourd'hui en 2023.
00:22 Les poils ne sont pas qu'une histoire de poils, ce n'est pas du tout un sujet cosmétique,
00:26 ça revient vraiment sur le sujet, est-ce que les femmes aujourd'hui en France peuvent faire ce qu'elles veulent de leur corps,
00:32 est-ce qu'elles sont libres ?
00:33 Et bien non, en fait, parce qu'à partir du moment où elles ne peuvent pas sortir de chez elles avec leur corps au naturel,
00:38 où elles risquent de se faire virer de leur travail parce qu'elles ont des poils aux jambes,
00:42 qu'elles risquent de se prendre des discriminations dans la rue parce qu'elles ont des poils aux jambes ou sous les bras,
00:47 il y en a qui se font cracher dessus, qui se font insulter,
00:49 qu'elles sont victimes de menaces de viol, de meurtres pour ça, en fait, ce n'est pas du tout un sujet cosmétique.
00:55 Les poils féminins, ils ont toujours été invisibilisés.
00:58 Nous, on est nés dans les années 90 et on n'en a jamais vu, en fait, c'est nouveau cette tendance de montrer finalement des poils féminins
01:04 sur les écrans, aussi bien sur les réseaux sociaux qu'à la télévision, dans les médias.
01:08 C'est vrai qu'on l'a vu avec le confinement, énormément de femmes ont arrêté de s'épiler à ce moment-là
01:12 et ont découvert leur propre poil, leur propre corps.
01:15 Donc les femmes enceintes ne doivent pas s'épiler, chacune est libre de faire ce qu'elle a envie de faire, évidemment.
01:20 Il y a une pilosité qui se développe, qu'on peut considérer comme anormale, c'est-à-dire une pilosité un peu plus drue, un peu plus visible,
01:27 mais en fait, c'est une pilosité qui est liée au cycle hormonal.
01:31 Évidemment qu'il y a des femmes qui peuvent complexer puisqu'elles n'ont jamais vu leurs poils et qu'elles n'ont jamais été habituées à les supporter.
01:37 Et après, au moment de l'accouchement, on met beaucoup la pression aux mères, aux futures mères, comme quoi elles doivent avoir une tenue décente.
01:44 Il y a quelques années, il était recommandé aux femmes enceintes de s'épiler avant un accouchement pour des raisons sanitaires.
01:51 Il a été démontré, notamment par l'OMS, que c'est un mythe.
01:56 En aucun cas, l'absence de poils permettra un accouchement plus hygiénique.
02:00 Et ça montre encore une fois aussi l'ampleur du tabou de la pilosité féminine.
02:05 Des femmes qui sont enceintes de 9 mois, qui ont quand même bien d'autres choses à s'occuper,
02:10 pensent à s'épiler juste avant l'accouchement, à prendre leur rendez-vous, etc.
02:14 Rien que le fait d'en parler, c'est déjà énorme.
02:17 Nous, dans nos recherches, on s'est rendu compte qu'il y avait énormément d'enfants, voire même des ados, des jeunes adultes,
02:22 qui ne savaient pas que les femmes avaient des poils.
02:24 Ils sont tellement invisibilisés en société qu'il y a des enfants qui voient des poils aux jambes et qui se disent "mais pourquoi tu as les jambes de papa ? Je ne comprends pas".
02:32 Et donc déjà, rien que d'en parler, d'informer sur le fait que les hommes, comme les femmes, ont des poils, pourquoi est-ce qu'ils sont là ?
02:37 Il faut avoir un rôle protecteur pour expliquer que c'est naturel, pour que ça paraisse normal,
02:41 et les normaliser en leur montrant des photos, des films où on voit des poils féminins.
02:47 Pour dédiaboliser le poil, ce qui est souhaitable, il faut le normaliser.
02:51 Et pour le normaliser, il faut le rendre moins choquant, il faut le voir.
02:54 Quand l'enfant, justement, la petite fille, a une envie pressante de se raser, on lui laisse le choix de s'épiler ou de ne pas le faire.
03:03 De se débarrasser de sa "honte" ou en tout cas de potentielles discriminations.
03:08 Mais on peut aussi lui expliquer que si elle garde ses poils, en fait, elle a le droit.
03:11 Elle a le droit parce que c'est son corps, c'est sa vie, et que son corps n'appartient à personne d'autre qu'à elle-même.
03:16 Elle a le droit aussi de customiser sa pilosité, de décider "moi je m'épile les jambes, mais je ne m'épile pas les aisselles".
03:21 Oui, parce que c'est ça le plus gros problème aujourd'hui, c'est que les filles vont s'épiler parce qu'elles ont honte.
03:25 Ça commence aussi au sein de la famille. Énormément de discriminations pilophobes sont faites.
03:29 Quand se moquer des poils sous les bras des féministes, de faire des remarques sur la dame qui a des poils au bras à la télé, etc.
03:36 Ou des micro-remarques type "il y a quelqu'un qui a oublié de s'épiler encore aujourd'hui".
03:41 Ça arrive beaucoup, c'est revenu beaucoup dans nos témoignages.
03:43 C'est aussi pour ça qu'on a fait "Parle en poil", c'est que si on n'est pas là pour dire "il faut arrêter de s'épiler, il faut laisser ses poils",
03:49 c'est déjà en fait se poser la question de pourquoi on le fait et de comprendre tous les mécanismes.
03:53 L'épilation féminine c'est quelque chose de caché, finalement.
03:57 On a toujours, toutes les femmes font en sorte que justement, on ne voit pas les rasoirs dans la salle de bain quand on a un mec.
04:03 On invisibilise en fait ce processus.
04:06 On pense que dans une salle de bain, il faut montrer finalement ces instruments qui sont à l'origine de cette police.
04:14 De montrer que finalement c'est une construction, c'est une injonction, mais c'est aussi quelque chose que l'on a orchestré, que l'on a mis en place.
04:22 C'est coûteux, ça prend du temps. Pendant que les hommes sont en train de refaire le monde, nous on est en train de penser à nos poils.
04:39 Ce n'est pas quelque chose qui est ancré en nous.
04:42 Les petites filles, elles peuvent avoir des poils à partir de 8 ans, comme à partir de 14 ans, tout est une question d'individus.
04:49 C'est pour ça qu'il y a énormément de problèmes de discrimination pilophobe à l'école, quand on a une pilosité qui est plus précoce que celle des autres.
04:57 Elle va être discriminée à l'école, on va l'appeler Chewbacca, Tarzan, etc.
05:00 C'est un rite de passage en fait, de s'épiler. On ne se pose même pas la question de pourquoi on le fait.
05:04 On le fait parce que tout le monde le fait, tous nos potes le font.
05:07 Ça se fait beaucoup en fait de femmes à femmes, de filles à filles.
05:09 Les copines pour faire pareil que les copines, parce que c'est elles qui vont lui donner des conseils.
05:14 La mère, parce que c'est elle qui va se rendre compte de la pilosité et qui va lui en parler.
05:18 Ou alors ça va être la tante, souvent la tante est revenue beaucoup, ou la grande sœur.
05:22 En général, la mère a tendance aussi à recommander l'épilation, pas parce qu'elle est fan de l'épilation,
05:27 mais parce qu'elle a envie justement que son enfant vive bien son adolescence.
05:31 Si sa fille ne s'épile pas, elle va avoir l'impression d'être entre guillemets une "mauvaise mère",
05:36 parce qu'elle n'a pas été en mesure de transmettre et d'assurer sa part de transmission.
05:40 Évidemment, c'est une caricature de la mère.
05:43 Une mère a toujours peur que les discriminations qui sont vécues par sa fille peuvent retomber sur elle.
05:47 Et qu'elle soit responsable finalement de l'exclusion sociale de sa fille.
05:50 On n'a pas besoin d'avoir une éducation féministe pour accompagner son enfant dans ses choix corporels,
05:55 déjà parce qu'être féministe, ça s'apprend.
05:57 Si vous voulez accompagner votre enfant dans ses choix corporels le mieux possible,
06:01 c'est déjà de se renseigner à ce moment-là sur comment faire, comment mieux parler à son enfant le possible.
06:06 On ne demande pas aux femmes d'être des militantes féministes.
06:09 D'ailleurs, on ne demande rien aux femmes, on leur demande juste d'être libres.
06:12 Mais si elles ont envie de créer un dialogue, un échange avec leur enfant,
06:17 c'est une démarche finalement qui est féministe, puisque c'est une démarche ouverte,
06:21 et c'est une démarche pro-choix de s'épiler comme de ne pas le faire.
06:24 [Musique]