Endométriose, spondylarthrite, fibromyalgie…Vivre au quotidien avec une maladie influence grandement notre vie quotidienne et familiale, surtout si l’on a des enfants. Gaëlle Gill et Anabelle Langlais témoignent du regard de leurs enfants sur leur maladie, et de comment elles ont trouvé un moyen de leur expliquer ce qui se passe dans leur corps. Leur livre “KRRRONIK la mystérieuse Mal-à-Partout de ma Maman” raconte ce chemin.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Moi, ça arrivait à ma fille de me voir tomber ou d'avoir très mal
00:03 et me dire "mais j'ai rien fait, j'ai rien fait".
00:05 Mais bien sûr que non, tu n'as rien fait.
00:06 Comme je le disais, moi, j'ai bénéficié d'une rémission
00:19 à la naissance de mon fils il y a trois ans.
00:21 Du coup, mon fils ne m'a jamais vraiment vue en crise,
00:23 même si j'en ai eu quelques-unes, mais ce n'était pas des grosses crises,
00:27 donc c'était tout à fait gérable.
00:28 Et en fait, au mois d'octobre, je me suis retrouvée hélitée pendant cinq jours,
00:31 vraiment coincée, mais coincée du dos.
00:33 Et c'est la première fois que mon fils me voyait comme ça,
00:35 à pleurer de douleur, à ne pas pouvoir me lever pour m'occuper de lui,
00:39 à littéralement tomber de douleur
00:42 et à ne pas pouvoir me relever alors que j'étais seule à la maison avec lui.
00:46 Et là, vous avez votre fils qui vient totalement chamboulé
00:49 et qui vous apporte tous ses doudous
00:51 parce qu'il ne sait pas comment calmer sa maman autrement,
00:54 comment faire en sorte que sa maman ne pleure plus.
00:55 Donc ça m'a beaucoup pris aux tripes.
00:58 Et à cette époque, je me suis dit que je vais chercher un livre
01:00 pour expliquer un peu ce que je vis,
01:01 expliquer les douleurs, expliquer ce que c'est que la douleur chronique,
01:04 pour qu'ils comprennent que ce n'est pas de sa faute
01:05 et que par contre, ça risque d'arriver à nouveau, etc.
01:08 Donc je me suis rapprochée d'Annabelle, qui est éducatrice de jeunes enfants.
01:12 On est arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas de livre existant en France.
01:16 Et du coup, on s'est dit "Allez, on y va".
01:17 Je sais qu'Annabelle, du coup, elle dessinait beaucoup.
01:20 Moi, j'aimais beaucoup ce qu'elle faisait en termes de dessin.
01:22 De mon côté, j'avais un début d'histoire qui était venu,
01:24 donc on s'y est mis, on a pris plumes et pinceaux pour le faire.
01:29 Voilà, c'est comme ça qu'est née "Chronique, la mystérieuse mal à partout" de ma maman.
01:33 Alors déjà, on ne parle pas de maladie chronique,
01:41 pour commencer, parce qu'un enfant, il ne va pas comprendre
01:43 et que pour lui, ça n'a aucun sens.
01:45 Par contre, on parle de ce qui va, lui, le concerner au quotidien,
01:50 c'est-à-dire sa maman qui a mal, les symptômes.
01:52 Les symptômes, par exemple, d'une maman qui est allongée,
01:54 qui ne peut pas se lever,
01:55 les symptômes d'une maman qui doit d'un coup arrêter ses activités
01:59 pour faire quelque chose,
02:01 soit pour aller se coucher parce qu'elle n'en peut plus,
02:02 soit pour aller prendre des médicaments.
02:04 Enfin voilà, on parle de tout ça.
02:06 On parle aussi des émotions.
02:08 Des émotions que ça peut entraîner, notamment ce qu'on disait,
02:12 c'était cette fatigue psychique-émotionnelle,
02:14 quand vous avez trop mal et que vous n'en pouvez plus de la douleur.
02:16 Vous pleurez, vous vous mettez en colère.
02:19 Encore dernièrement, j'ai grondé mon fils sans raison
02:22 parce que je n'en pouvais plus de la douleur dans mon dos.
02:24 C'était atroce.
02:25 Et qu'il a fait un petit pas de trop ou qu'il a fait quelque chose,
02:28 je ne sais même plus, mais j'ai crié trop fort et il a été surpris.
02:31 On a voulu aussi mettre dans le livre
02:33 que tout ça, ce n'était pas de la faute de l'enfant.
02:35 Notre livre s'adresse quand même aux jeunes enfants.
02:38 Et c'est des âges où tout tourne autour d'eux,
02:41 donc ils ont l'impression que dès qu'il se passe un truc,
02:43 c'est de leur faute.
02:44 Moi, ça arrivait à ma fille de me voir tomber ou d'avoir très mal
02:48 et me dire "mais je n'ai rien fait, je n'ai rien fait".
02:49 Et bien sûr que non, tu n'as rien fait.
02:51 C'était important pour nous d'intégrer au livre
02:53 que l'enfant puisse se rendre compte et se rattacher à ça,
02:56 que ce n'est pas de sa faute ce qui arrive à sa maman ou à son papa.
02:59 On a aussi voulu garder une touche d'espoir
03:01 en disant que la maman arrive toujours à faire en sorte
03:06 que la maladie se calme.
03:07 L'apparition de ma maladie, elle est apparue à l'âge de 13 ans
03:16 suite à un choc psychologique.
03:19 Ça a débuté par des gonflements de toutes les articulations,
03:21 plutôt des doigts.
03:23 Très vite ensuite, ça s'est répandu à toutes les articulations.
03:26 Donc très tôt, ça a été au moins diagnostiqué
03:29 en tant que rhumatisme inflammatoire, juvénile, chronique.
03:33 C'est vraiment bien plus tard que le diagnostic s'est orienté
03:35 vers une spondylarthrite, voire une spondylarthropathie,
03:38 parce que c'était vraiment la colonne qui était touchée.
03:40 Mais j'ai quand même attendu presque dix ans
03:44 avant d'avoir un diagnostic.
03:45 Moi, la première maladie qui m'a été diagnostiquée,
03:48 c'était l'endométriose.
03:49 J'ai mis entre sept et huit ans, on va dire, à avoir un vrai diagnostic,
03:55 puisqu'au départ, j'ai vu pas mal de gynécologues
03:58 qui m'ont dit que tout ça, c'était dans ma tête.
04:00 Les douleurs, les saignements et compagnie, tout était dans ma tête.
04:03 Et finalement, comme c'était dans ma tête,
04:05 je suis allée consulter une psychologue, enfin une psychothérapeute,
04:09 qui a réussi à me faire comprendre que non, ce n'était pas dans ma tête.
04:13 Et là, j'ai trouvé un gynécologue qui écoute mes souffrances.
04:19 Et voilà, j'ai été diagnostiquée à ce moment-là,
04:21 je pense, entre sept et huit ans, il m'a fallu.
04:24 Pour la spondylarthrite, en fait, c'est un peu plus compliqué
04:28 parce qu'il y a des symptômes qui sont un peu similaires
04:33 entre l'endométriose et la spondylarthrite.
04:36 Donc, ça faisait très, très longtemps que j'avais mal au dos et au bassin,
04:39 mais je pensais qu'en fait, c'était lié à l'endométriose.
04:42 Et puis, les douleurs étaient de plus en plus intenses
04:44 et de plus en plus handicapantes au quotidien.
04:46 Donc, je suis retournée voir mon spécialiste de l'endométriose,
04:49 qui m'a dit non, non, non, ça, c'est sûr, ce n'est pas l'endométriose.
04:52 Et donc, à partir de là, avec mon généraliste,
04:55 on a commencé à essayer de chercher ce que j'avais.
04:57 Et ça a mis deux ans, à peu près,
04:59 pour avoir un diagnostic posé sur la spondylarthrite.
05:08 Alors moi, vu que le diagnostic a pris très, très longtemps à être posé,
05:13 j'ai beaucoup déménagé.
05:14 Vu que je changeais d'hôpital à chaque fois,
05:16 à chaque hôpital, chaque hôpital avait envie de retrouver un nouveau diagnostic.
05:20 Donc, à chaque fois, à chaque nouvel hôpital,
05:21 j'avais le droit à une nouvelle batterie d'examens.
05:24 Donc, à l'âge de 13 ans, c'était beaucoup de colère,
05:27 beaucoup de découragement.
05:28 Avec la fatigue de la maladie en plus, ça faisait beaucoup d'émotions négatives.
05:32 J'ai même fait une dépression à l'âge de 15 ans
05:34 parce que c'était juste trop apporté.
05:36 J'ai bénéficié d'une rémission à la naissance de mon fils il y a trois ans,
05:39 et ça m'a permis quand même d'être plus en paix avec la maladie.
05:42 Depuis octobre, les douleurs reviennent,
05:45 donc c'est très difficile à vivre.
05:47 Voilà.
05:48 On se sent aussi un peu coupable.
05:50 On se demande qu'est-ce qu'on a fait de mal pour que ça revienne.
05:52 Donc voilà, c'est une maladie avec laquelle on a beaucoup d'émotions,
05:56 beaucoup d'émotions à gérer.
05:58 Moi, par rapport à l'endométriose,
06:00 en fait, ce qui m'a fait peur, c'était de ne pas pouvoir avoir d'enfant.
06:03 Et puis, en fait, j'ai été prise en charge assez rapidement.
06:06 Dans ce désir d'avoir un enfant, j'ai été opérée
06:09 et j'ai réussi à tomber enceinte six mois après de manière naturelle.
06:12 Donc j'ai eu la chance de ne pas rentrer du tout dans les fives et compagnie.
06:17 Donc voilà, c'est super chouette.
06:20 Après, pour la spondylarthrite,
06:23 au moment du diagnostic, en fait,
06:25 moi, je pensais déjà...
06:27 J'avais déjà vu que mes symptômes ressemblaient quand même vraiment pas mal
06:30 à cette maladie, bizarrement.
06:32 Et donc, ça ne m'a pas surpris.
06:33 J'ai été soulagée parce qu'en fait,
06:35 depuis cette fameuse endométriose,
06:39 j'avais toujours ce truc qui me disait
06:41 "Ah, mais c'est dans ta tête, c'est dans ta tête, c'est dans ta tête."
06:43 Donc au départ, ça m'a vraiment soulagée, en fait,
06:45 d'avoir un vrai diagnostic et de me dire
06:47 "En fait, ce n'était pas dans ma tête."
06:48 Et puis, quand j'ai commencé à me renseigner un peu plus sur cette maladie,
06:52 petit à petit, j'ai senti vraiment la colère monter.
06:55 Au début, je n'y prêtais pas attention.
06:58 Et puis, à un moment donné, j'ai fait une espèce de crise de nerfs,
07:03 où toute la colère est sortie.
07:05 C'était très violent.
07:06 Et finalement, tout est sorti à ce moment-là.
07:09 Enfin, peut-être pas tout,
07:11 mais en tout cas, une bonne partie de la colère est partie à ce moment-là.
07:16 Moi, pour la spondylarthropathie que je vis,
07:24 je dirais que le premier mot que j'ai envie de mettre, c'est la fatigue.
07:27 La fatigue physique, déjà, que vous ressentez,
07:29 parce que vous avez mal au dos,
07:30 parce que moi, j'ai une atteinte périphérique,
07:33 donc parfois, je peux avoir mal notamment au doigt.
07:35 La fatigue physique, mais aussi la fatigue psychique,
07:38 parce qu'au bout d'un moment, la douleur, elle tape tellement sur le ciboulot
07:40 que vous en venez à être fatigué de partout.
07:43 Donc, c'est un peu une lutte au quotidien de devoir trouver l'énergie qu'il faut
07:46 pour avancer déjà physiquement, pour mettre un pied devant l'autre,
07:49 et puis aussi avancer psychiquement, moralement, avec sa famille, avec ses enfants,
07:53 arriver à trouver l'énergie pour faire des choses.
07:55 Au quotidien, je le revis encore plus violemment ces dernières semaines,
08:01 parce que les douleurs sont là un peu tous les jours en ce moment.
08:03 C'est vraiment se poser la question, quand vous commencez quelque chose,
08:06 de "Est-ce que je suis en mesure de le faire ou pas ?"
08:07 ou "Est-ce que je vais le faire, mais du coup, derrière,
08:09 je vais devoir m'allonger parce que je peux plus ?"
08:11 Et c'est par exemple, vous poser la question de "Est-ce que vous pouvez porter votre enfant ?"
08:15 Ça, c'est un peu difficile.
08:17 -Là, ce qu'on dit l'arthrite, c'est se dire "Bon, j'ai envie de faire ça.
08:20 Est-ce que je peux ? Est-ce que demain, je pourrais ?
08:23 Aujourd'hui, je peux, mais peut-être demain, je pourrais pas."
08:26 C'est aussi un peu une épée de dame en place,
08:28 parce qu'on sait que ça peut empirer, on sait pas jusqu'où ni quand.
08:33 C'est aussi assez difficile, parce que c'est une maladie qui est invisible
08:39 et du coup, qui est peu compréhensible, en fait, par l'entourage.
08:43 "Ah mais dis-donc, t'as l'air d'aller bien."
08:45 "Non, pas du tout, en fait. J'ai mal partout,
08:47 mais je continue à sourire parce que c'est la vie et il faut continuer d'avancer."
08:51 Donc c'est vrai que c'est pas évident de ce point-là aussi.
08:56 Plus techniquement, la maladie, c'est les articulations du bassin et du dos
09:03 ou d'autres articulations sur les éteintes périphériques qui s'ossifient, en fait.
09:08 C'est l'ankylose, c'est-à-dire de manière très imagée,
09:12 vous avez 30 ans, vous avez 20 ans, mais pour autant, le matin,
09:17 vous avez pas 20 ans.
09:18 Pour vous lever, c'est compliqué.
09:20 Lorsqu'on a eu ce type de maladie, il faut jamais désespérer,
09:24 parce que c'est facile d'en arriver au moment où on désespère, etc.
09:28 Mais on a toujours une force et un courage au fond de nous qu'il faut aller chercher.
09:34 Sous-titrage ST' 501
09:36 [Musique]