Le dernier confesseur de Louis XVI

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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte le destin du prêtre irlandais qui accompagna Louis XVI jusqu’à l’échafaud. Le 20 janvier 1793, Henri Edgeworth de Firmont (1745-1807) se rend à la prison du Temple pour entourer le roi dans ses derniers instants. Le lendemain, le couperet de la guillotine s'abat.
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Transcription
00:00 Dans l'intimité de l'histoire.
00:02 - Aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez le destin de Henri Edgworth de Firmon, le prêtre irlandais
00:08 qui accompagna Louis XVI jusqu'à l'échafaud. Un Irlandais.
00:12 - Ben oui, qu'est-ce qu'il faisait là celui-là ? Il était né en Irlande, tout à fait, 1745,
00:17 mais il a passé le plus clair de sa jeunesse à Toulouse,
00:20 parce qu'à l'époque à Toulouse, il y avait une petite communauté irlandaise.
00:24 Et pourquoi sa famille avait-elle quitté l'Irlande ? Parce que son père s'était converti au catholicisme
00:30 et à l'époque, être catholique en Irlande, cela entraînait toutes sortes de brimades
00:36 et d'interdictions d'un grand nombre de professions. Donc toute la famille est partie à Toulouse.
00:41 Henri devient prêtre et au passage, comme il en a un petit peu marre d'entendre les Français écorcher son nom,
00:47 il va le franciser parce qu'il s'appelait Henri Edgeworth, certes, mais Edgeworth of Fairmont,
00:54 c'est-à-dire la colline aux fées, c'était le nom d'une terre qui appartenait à sa famille en Irlande.
00:59 Donc plutôt que d'entendre écorcher Fairmont, il le transforme en Firmont.
01:04 C'est pourquoi quand vous entendez son nom complet, Henri Edgeworth de Firmont,
01:09 vous vous dites "ben ce gars-là était français". Eh ben non, pas du tout.
01:12 Et il devient le prêtre attitré d'un petit cercle d'Anglais d'Irlandais qui vivent à Paris.
01:19 Survient la Révolution française, les ecclésiastiques commencent à faire l'objet de brimades.
01:24 Stéphane vous en parliez tout à l'heure, il y a la constitution civile du clergé,
01:28 on demande aux prêtres de prêter serment sur cette constitution civile et certains sont réfractaires,
01:33 refusent de le faire. Alors notamment, il y a le confesseur de Madame Élisabeth.
01:38 Madame Élisabeth c'est la soeur cadette de Louis XVI. Lui il sent que ça commence à sentir le roussi,
01:44 donc il juge plus prudent d'émigrer. Donc Madame Élisabeth n'a plus de confesseur.
01:49 Alors on propose à Edgeworth de remplacer ce confesseur.
01:52 Et Edgeworth est-il téméraire ou tout simplement extrêmement naïf,
01:56 c'est-à-dire ne se rendant pas du tout compte de la façon dont vont évoluer les événements en France,
02:01 eh bien lui continue comme si de rien n'était à se rendre aux Tuileries, en soutane auprès de Madame Élisabeth.
02:07 Quand même au bout d'un moment il finit par voir que les choses tournent mal et se gâtent,
02:12 parce qu'une première fois le 10 août 92 à minuit, ce sont 50 individus munis de torches armés de piques
02:19 qui enfoncent la porte du séminaire des missions étrangères, c'est rue du Bac à Paris, où habite Edgeworth.
02:26 Son logier est envahi, on passe toutes ses affaires au peigne fin.
02:29 Heureusement il a pu in extremis dissimuler quelques lettres compromettantes et embrûler d'autres.
02:36 Mais le 2 septembre suivant, on n'en est plus seulement à fouiller les affaires des prêtres,
02:41 on les massacre, on les massacre à la prison des Carmes, on les fait sortir,
02:45 on les emprisonne dans l'église et puis on les fait sortir sur le péron et on les assomme à coups de gourdin l'un après l'autre.
02:53 Enfin c'est un massacre absolument sanglant et affreux.
02:57 Et Edgeworth peut numéroter ses abattis parce que les journaux révolutionnaires du moment le présentent comme un proche de la famille royale.
03:04 Sa vie est vraiment en danger, d'autant qu'en fuyant la capitale, l'archevêque de Paris l'a investi de tous ses pouvoirs.
03:12 Alors lui aussi il est parti, puis il a dit Edgeworth "bon bah ok, vous prenez ma place".
03:16 Bon très bien. Et au même moment, sachant certaine sa condamnation à mort,
03:21 Louis XVI demande à son avocat, Guillaume de Malherbe, d'aller chercher ce fameux Edgeworth dont sa sœur lui a parlé.
03:28 Le 20 janvier 1793, donc c'est la veille de l'exécution de Louis XVI, Edgeworth accepte la responsabilité d'entourer le roi dans ce moment effrayant.
03:39 Et il est conduit près de lui à la prison du Temple.
03:42 Donc voyez-vous, les candidats pour accompagner Louis XVI à ce moment-là ne se pressaient pas au portillon,
03:47 puisque y compris l'archevêque de Paris avait fui.
03:51 Et quand Edgeworth voit Louis XVI à la prison du Temple, il a raconté bien sûr tout ça en détail, et je vous invite à le lire,
03:58 mais il est surtout frappé par sa sérénité, et une fois seul avec lui malgré tout, le roi est ému aux larmes,
04:05 et il lui dit "je n'ai vu depuis longtemps que des êtres insensibles, mes yeux y sont accoutumés,
04:11 mais la vue d'un homme compatissant, la vue d'un sujet fidèle, ébranle toute mon âme et me met dans l'état où vous me voyez".
04:20 Le roi, on le sait, va être autorisé une dernière fois à revoir sa famille, il revient brisé de douleur,
04:26 et dès lors, une seule pensée l'obsède, mourir dignement après avoir reçu les sacrements de l'Église.
04:33 Alors là encore, sur l'insistance d'Edgeworth, les commissaires de la Commune vont accepter qu'il puisse mettre ses vêtements sacerdotaux,
04:42 parce que si vous n'êtes pas un prêtre ayant prêté serment, la soutane, tout ça, les derniers sacrements,
04:47 c'est déjà bien beau que Louis XVI ait pu bénéficier des derniers sacrements.
04:52 Le formalisme administratif, tout à fait dans l'esprit de la Révolution,
04:57 fait qu'Edgeworth doit s'engager par écrit à ce que la messe soit terminée le lendemain, à 7h au plus tard,
05:04 parce qu'à 8h précise, Louis Capet doit partir pour le lieu de son exécution.
05:08 Donc il signe le document, le roi entend la messe et reçoit la communion,
05:13 dont il rend grâce à Dieu et Edgeworth passe la nuit auprès de lui.
05:17 Le 21 janvier 1793, Louis XVI se lève à 5h du matin, il entend à nouveau la messe,
05:23 reçoit la communion des mains de l'abbé, mais déjà on vient le chercher.
05:27 Il demande quelques minutes de répit, la porte fermée, il tombe aux genoux de l'abbé.
05:32 Tout est consommé, monsieur, donnez-moi votre dernière bénédiction et priez Dieu qu'il me soutienne jusqu'au bout.
05:39 Et là, ils prennent place avec son confesseur dans la voiture à cheval qui les attend pendant le trajet.
05:44 Il lit les psaumes que l'abbé Edgeworth lui a marqué pour lui dans son brévière.
05:50 Et jusqu'au bout, Edgeworth aura été auprès de lui.
05:53 Alors là, il y a le fameux moment où on attribue à Edgeworth cette parole.
05:59 Il aurait dit à Louis XVI, fils de Saint Louis, montez au ciel.
06:03 Mais Edgeworth a toujours nié avoir jamais dit ça.
06:06 Lui, il va s'en tirer et dans les 18 mois qui suivent, il va être obligé de se cacher naturellement
06:11 parce qu'en France, il était resté par loyauté envers madame Elisabeth.
06:15 Quand il apprend qu'elle aussi est exécutée, il s'embarque pour l'Angleterre.
06:19 Et cet homme-là, on lui a tout proposé, des pensions, des honneurs,
06:23 la présidence du nouveau séminaire catholique d'Irlande.
06:26 Ben non, il a tout refusé.
06:28 Au lieu de cela, il est resté le fidèle serviteur de la monarchie française.
06:32 Il a rallié le frère de Louis XVI, le comte d'Artois, puis le comte de Provence,
06:36 futur Louis XVIII, il en est devenu le confesseur.
06:39 Et c'est lui qui va célébrer le mariage du duc d'Angoulême avec madame Royal.
06:43 Bon, il est mort, Edgeworth, il a soigné des prisonniers français,
06:47 il a contracté une mauvaise fièvre et il rend l'âme le 22 mai 1807, à l'âge de 62 ans.
06:52 Il est entouré et enterré dans le petit cimetière catholique de Meathoe.
06:56 Et c'est Louis XVIII qui se fait un devoir de composer lui-même l'épitaphe du plus fidèle des Irlandais.
07:01 "Je pleure un ami, un consolateur, un bienfaiteur,
07:05 qui avait conduit le roi, mon frère, aux portes du ciel et m'en tracé à moi-même la route.
07:11 Le monde n'était pas digne de le posséder plus longtemps."
07:14 Stéphane, Jean-Luc, je suis sûr qu'on dira la même chose de vous quand vous serez mort.
07:18 "Le monde n'était pas digne de le posséder plus longtemps."
07:21 - Oh là là, oui, c'est une façon de vous dire "Allez, il était temps de partir aussi jeune."
07:26 Merci Clémentine, à demain.
07:30 - Ah ben non, il y a le quiz.
07:33 - Je vois que vous êtes pressé, vous aussi, de vous débarrasser de moi.
07:36 - Merci beaucoup Clémentine.
07:39 Et maintenant, c'est le moment de l'émission, vous le savez chers auditeurs, je ne contrôle plus rien.
07:43 C'est Jean-Luc qui prend la main pour le quiz "Burn to be alive".

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