Brigitte Bardot l amie des animaux
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00:00:00 Toujours belle, incroyable, égoïste, menteuse, amorale, impudeuse, indécente.
00:00:11 Mais si c'est vrai !
00:00:13 Je te remercie d'être ce que tu es.
00:00:28 Quelle belle femme ! C'était vraiment un être d'une beauté lumineuse.
00:00:33 C'est la plus belle femme du monde.
00:00:35 Des journalistes lui demandaient "Are you a sex symbol ?"
00:00:41 Elle répondait "What about you ?"
00:00:43 Tout d'un coup, Brissuit est arrivé, les seins libres, pieds nus, les cheveux défaits.
00:00:55 Dans la rue, c'était "Oh c'est ça, Bardot, cette salope ?"
00:00:58 Elle a toujours été libre et elle le paye très cher.
00:01:01 Elle est persécutée comme personne.
00:01:05 Je suis un peu fatiguée, excusez.
00:01:07 C'était une façon de tirer un trait sur sa vie superficielle.
00:01:12 On les aura, va !
00:01:13 Est-ce que Brigitte est heureuse ? Finalement c'est la question récurrente.
00:01:23 Quand je serai 80 ans, je serai différente, je pense.
00:01:29 Chaque été, c'est le même rituel.
00:01:31 20 fois par jour, le bateau longe la baie de Saint-Tropez en direction de la Madrague,
00:01:36 la célèbre demeure de Brigitte Bardot.
00:01:38 Depuis la plage, on entend le guide raconter la vie de la star.
00:01:44 En 1958, Brigitte Bardot s'offre un de ses abos de pêcheur,
00:01:49 qui est un des plus célèbres des abos de pêcheurs du monde.
00:01:52 Elle est la plus célèbre des abos de pêcheurs du monde.
00:01:55 Elle a fait un grand défi pour la pêcheuse.
00:01:58 Elle a fait un grand défi pour la pêcheuse.
00:02:01 Elle a fait un grand défi pour la pêcheuse.
00:02:04 Elle a fait un grand défi pour la pêcheuse.
00:02:07 Elle a fait un grand défi pour la pêcheuse.
00:02:10 En 1958, Brigitte Bardot s'offre un de ses abos de pêcheur, la Madrague.
00:02:15 Brigitte qui entend sa vie débiter dans des hauts parleurs, tous les jours, tous les jours.
00:02:20 Tout ça en allemand, en anglais, en français, et peut-être bientôt en chinois,
00:02:25 je sais pas, ça passe sans arrêt.
00:02:28 Quand on entend ça depuis 40 ans, que c'est la maison de Brigitte Bardot,
00:02:32 à la fin, ça finit par la gonfler un peu.
00:02:34 Alors, chaque matin durant l'été,
00:02:37 elle quitte la Madrague pour aller se réfugier dans une autre maison,
00:02:41 cachée dans les hauteurs, à l'abri des regards.
00:02:44 Elle range ses cannes, elle fait grimper ses chiens,
00:02:50 et elle part donc après à la garride, chez ses animaux,
00:02:54 où elle est protégée.
00:02:57 À l'aube de ses 80 ans,
00:02:59 alors qu'elle n'a plus tourné de films depuis 40 ans
00:03:02 et qu'elle refuse toute apparition médiatique depuis des années,
00:03:05 Brigitte Bardot ne parvient pas à se faire oublier.
00:03:08 Le mythe est toujours vivant.
00:03:12 Alors, comment est-il né, ce mythe ?
00:03:17 D'abord, par une première fuite.
00:03:19 Fuir le carcan familial, trop rigide, trop étroit,
00:03:22 pour celles qui rêvent de liberté,
00:03:24 à une époque où les femmes, jeunes ou moins jeunes,
00:03:26 n'y avaient pas encore réellement accès.
00:03:28 Boudeuse, érieuse, nonchalante et excessive,
00:03:31 Bardot va marcher toute sa vie sur le fil du paradoxe.
00:03:34 Finalement, a-t-elle eu conscience de révolutionner son époque
00:03:37 au gré de ses désirs, d'inventer et de dessiner les contours
00:03:40 d'un être inclassable et insaisissable ?
00:03:42 Quelle place auront les hommes dans cette vie de tumulte ?
00:03:45 Qui aimera qui ? Qui jouera avec qui ?
00:03:47 La notoriété avec elle ou elle avec la notoriété ?
00:03:50 Difficile parfois de suivre la ligne de ce destin
00:03:52 dans lequel elle s'est elle-même perdue.
00:03:54 Elle a en tout cas toujours suivi son instinct.
00:03:56 La gloire devenue étouffante,
00:03:58 la beauté qu'elle tendait à voir s'échapper,
00:04:00 vont la conduire à choisir avec panache
00:04:02 de disparaître de la scène.
00:04:04 Dès lors, seuls les animaux la feront sortir
00:04:06 de son silence et de son isolement.
00:04:08 Un combat sincère auquel elle alléguait son temps et sa fortune.
00:04:11 Et puis il y aura les mots, les livres,
00:04:14 les condamnations et le parfum du scandale.
00:04:17 De tout cela, elle parlera tout à l'heure.
00:04:19 Après plus de dix années de silence devant les caméras,
00:04:21 elle a accepté de revenir sur cette histoire,
00:04:24 celle de bébé, celle de Bardot,
00:04:26 celle de Brigitte qui, en 1940, n'avait alors que six ans.
00:04:32 Nous sommes à Loussienne, dans les Yvelines.
00:04:35 Tous les week-ends, la famille Bardot quitte son luxeux appartement
00:04:38 du 16e arrondissement parisien
00:04:40 pour venir ici se ressourcer loin du tumulte de la guerre.
00:04:45 Louis Bardot est un riche industriel.
00:04:51 Avec son épouse Totti, ils ont eu deux filles,
00:04:54 Brigitte l'aînée et Mijanou la cadette.
00:04:58 Totti, c'était sa maman, qui était belle comme le jour,
00:05:02 vénitienne comme tout.
00:05:04 Moi, j'avais une passion pour la maman.
00:05:08 Et Louis Bardot, qui était un espèce d'insecte agrand,
00:05:13 avec des lunettes, qui avait de l'humour formidable,
00:05:16 qui était drôle.
00:05:19 Brigitte est une jeune fille aimante et bien élevée.
00:05:23 Mais Totti n'a Dieu que pour sa sœur Mijanou,
00:05:26 la fierté de sa famille.
00:05:28 Durant toute son enfance, celle qui deviendra
00:05:31 la plus belle femme du monde, se trouve laide et mal aimée.
00:05:36 Avec son appareil dentaire, avec ses lunettes
00:05:42 pour corriger sa myopie, elle se trouvait affreuse.
00:05:47 Elle se rend bien compte que c'est sa petite sœur qu'on préfère.
00:05:53 Elle est tellement meurtrée qu'on la considère
00:05:56 comme le vilain petit canard de la famille.
00:05:59 Elle est très mauvaise à l'école, elle est tout le temps dernière.
00:06:02 Elle est déjà assez flémasse, alors que sa sœur,
00:06:05 elle, visiblement, suit le pli.
00:06:08 Malgré cela, Brigitte fait tout ce qu'elle peut
00:06:11 pour plaire à sa mère, attirer son attention.
00:06:14 Jusqu'au jour où le lien va être rompu.
00:06:20 Un soir, en jouant dans le salon de l'appartement parisien,
00:06:24 Brigitte et Mijanou renversent un vase.
00:06:27 Un trésor de famille datant du 19e siècle,
00:06:30 et leurs parents sont furieux.
00:06:33 La maman de Brigitte a dit à Brigitte,
00:06:38 qui avait 7 ans et demi, et à sa sœur Mijanou,
00:06:41 "Dorénavant, vous n'êtes plus nos filles,
00:06:44 "vous êtes des étrangères, et lorsque l'on s'adresse
00:06:47 "à des étrangers, on leur dit 'vous'.
00:06:50 "Dorénavant, vous nous direz 'vous'."
00:06:53 Et Brigitte va finir par le croire.
00:06:56 Elle ne se sent plus réellement chez elle.
00:06:59 A l'âge de 7 ans, elle va découvrir un échappatoire,
00:07:03 une passion qui va changer sa vie, la danse.
00:07:07 En 1941, sa mère l'inscrit dans un prestigieux cours parisien,
00:07:12 et très vite, ses professeurs découvrent chez elle
00:07:16 un talent inné.
00:07:19 -Toute petite, elle danse de façon mignonne,
00:07:31 et elle ne le fait pas mécaniquement.
00:07:34 Elle dégage un rythme, un sens de la démonstration physique
00:07:38 extraordinaire. Elle a le goût de la danse,
00:07:41 elle marche souvent sur la pointe des pieds.
00:07:44 -Pour la première fois de sa vie, Brigitte fait quelque chose
00:07:48 qui suscite l'admiration.
00:07:51 -Elle rentrait chez elle, parfois les pieds en compote,
00:07:54 et elle s'acharnait à y retourner le lendemain.
00:07:57 -Brigitte, qui est une mauvaise élève,
00:08:00 qui n'aime pas beaucoup faire d'efforts ni travailler,
00:08:03 va à travers la danse en adopter et en adorer la discipline.
00:08:07 -Elle sait que la danse, c'est du travail,
00:08:11 c'est de la douleur, c'est de la contrainte,
00:08:14 et en même temps, ça génère un épanouissement formidable.
00:08:17 -La danse affine son corps, la discipline forge son caractère,
00:08:22 la métamorphose est en marche.
00:08:26 -Elle avait ce corps de tête, cette cambrure,
00:08:31 ces jambes inouïes, enfin, je veux dire, tout ce qui fait bardo.
00:08:35 -Au fil des années, elle commence à se trouver belle
00:08:38 et gracieuse, et elle n'est pas la seule.
00:08:41 A 14 ans, elle est admise au conservatoire de Paris.
00:08:45 Mais c'est ici que sa passion pour la danse va tourner court.
00:08:50 Au conservatoire, l'entraînement est dur,
00:08:54 le professeur exigeant, un bâton à la main,
00:08:57 il n'hésite pas à frapper les filles qui traînent des pieds,
00:09:01 et Brigitte n'est pas épargnée.
00:09:06 -Elle a quelques difficultés pour faire les pointes,
00:09:09 elle a failli plusieurs fois être rouée de coups,
00:09:12 parce qu'elle allait au plus facile et ne faisait pas trop d'efforts.
00:09:16 -Au bout d'un an, Brigitte n'est plus très motivée par la danse.
00:09:23 Elle ne supporte plus ses cours,
00:09:28 et elle va finir par quitter le conservatoire.
00:09:31 -Brigitte Bardot a sans doute commencé à laisser exprimer
00:09:35 une part d'elle-même qui est sa part d'indolence,
00:09:39 de légère fainéantise, de laisser aller,
00:09:42 de ne pas vouloir forcer sa personnalité.
00:09:45 -A 15 ans, belle et affirmée,
00:09:48 Brigitte rêve de liberté et d'insouciance.
00:09:51 Sa beauté, désormais indiscutable,
00:09:54 ne veut pas tarder à lui ouvrir de nouvelles portes.
00:09:57 Au printemps 1949, Hélène Lazaret fut une amie de sa mère,
00:10:03 rédactrice en chef d'un grand magazine de mode,
00:10:06 tombe sous le charme de la jeune Brigitte.
00:10:09 -Elle a déjà un peps absolument incroyable,
00:10:14 elle est la jeune fille fraîche, nouvelle, de l'après-guerre,
00:10:18 avec un petit côté un peu effronté, très spontané, très sportif.
00:10:23 -Hélène Lazaret s'est dit "c'est la femme de demain,
00:10:29 ça va être le modèle de la femme de demain, allons-y,
00:10:32 et je vais vendre du papier, je la lance".
00:10:35 -Et quelques semaines plus tard,
00:10:37 Brigitte se retrouve en une du magazine.
00:10:40 Le succès est tel qu'elle les enchaîne.
00:10:43 Ses parents laissent faire, mais ils posent leur condition,
00:10:46 Brigitte ne doit pas apparaître sous son vrai nom.
00:10:49 Alors, pour la première fois,
00:10:51 elle signe ses contrats par ses initiales, bébé.
00:10:54 -Qui n'est pas content de voir que sa fille est la plus jolie,
00:10:59 mais malgré tout, ils étaient un petit peu inquiets,
00:11:02 ça mène où, tout ça ?
00:11:04 -Tout ça va l'emmener jusqu'à la télévision.
00:11:07 En 1951, elle commence à apparaître dans des spots publicitaires.
00:11:11 -Avec son fuseau vert et son gilet de plaie écossais frangé,
00:11:14 et merle blanc avec son blouson de saparis vert transparent.
00:11:17 -C'est une gamine qui a 15 ans,
00:11:21 elle commence à avoir des formes formidables,
00:11:24 on la filme, on s'intéresse à elle, on la scrute,
00:11:27 elle est magnifique, donc elle est contente.
00:11:30 Ca la sort aussi, sans doute, du milieu familial,
00:11:33 parce que, mine de rien, c'est déjà une certaine transgression
00:11:37 par rapport à son milieu.
00:11:39 -Mais la pire transgression familiale
00:11:41 arrive lorsque Brigitte rencontre son premier amour.
00:11:44 Au printemps 1950, un jeune scénariste nommé Roger Vadim
00:11:53 recherche une comédienne pour incarner l'héroïne de son prochain film.
00:11:57 Et c'est en découvrant, par hasard, le visage de Brigitte
00:12:00 en une d'un magazine, qu'il pense avoir trouvé sa perle rare.
00:12:04 -Il est frappé par ce visage, par sa fraîcheur, par sa tenue,
00:12:10 et il se dit, ça y est, je l'ai trouvée, la Sophie de mon roman.
00:12:15 Je ne savais pas qu'elle existait, mais je viens de la voir.
00:12:18 -Vadim présente alors sa trouvaille au réalisateur du film,
00:12:21 Marc Allégret, qui accepte immédiatement
00:12:24 de lui faire passer un bout d'essai.
00:12:26 Le rendez-vous est donné dans un studio parisien.
00:12:31 La scène se déroule dans un cours de danse,
00:12:33 et c'est Vadim lui-même qui va donner la réplique à Brigitte.
00:12:36 -Je t'aime et je n'ai pas à supplier tes parents.
00:12:39 -C'est la 1re fois que tu me dis que tu m'aimes.
00:12:42 -Brigitte se prend rapidement au jeu, et pour cause,
00:12:45 elle tombe immédiatement sous le charme de son partenaire.
00:12:48 -Elle a eu un coup de coeur immédiat pour Roger Vadim.
00:12:51 Ca a été son 1er coup de foudre.
00:12:54 -Vadim était irrésistible.
00:12:58 -Il avait un talent fou, il était très beau, très bien physiquement.
00:13:02 -C'était un des personnages les plus exquis qu'on puisse rencontrer.
00:13:06 -J'ai pas le temps de m'amuser. Papa va venir me chercher.
00:13:09 -C'est pour ça que tu as passé Paris à vélo sous la pluie ?
00:13:12 -Marc, écoute, ma mère a jamais voulu te recevoir.
00:13:15 -Elle est comme ça, ses principes et ses théories derrière.
00:13:18 -Quand seraient ses principes à elle ? -Je sais.
00:13:21 -La scène est presque prémonitoire. Vadim a 22 ans,
00:13:24 Brigitte n'en a que 16, mais peu importe.
00:13:27 Le soir même, lorsqu'il la raccompagne chez elle,
00:13:30 ils s'échangent leur 1er baiser.
00:13:33 Le film ne verra jamais le jour, mais l'idylle
00:13:37 entre le scénariste et l'apprentie comédienne perdure
00:13:40 jusqu'à ce que les parents de Brigitte découvrent leur relation.
00:13:43 Elle est mineure, et Vadim n'est pas, à leurs yeux,
00:13:46 un garçon sérieux.
00:13:48 -Ses parents ne souhaitent pas qu'elle ait une relation
00:13:51 avec un saletain banque, un vagabond qui gagne mal sa vie.
00:13:55 -Il n'avait pas un véritable travail, il voulait faire du cinéma.
00:13:59 -Les 2 amants sont alors convoqués chez les parents Bardot.
00:14:04 Et pour impressionner le jeune scénariste,
00:14:07 le père de Brigitte met en garde sa fille
00:14:10 en brandissant un revolver.
00:14:13 -Et il lui dit, s'il te touche, je le tue.
00:14:16 Et à ce moment-là, sa mère, la mère de Brigitte,
00:14:19 dit, si c'est pas lui qui le fait, c'est moi.
00:14:22 -Pour finir, Louis Bardot annonce à sa fille
00:14:25 qu'il va l'envoyer en pension, en Angleterre.
00:14:28 Pour Brigitte, c'est la phrase de trop.
00:14:31 -C'est quelqu'un d'excessivement sensible.
00:14:34 Elle vit dans un monde de rêves, c'est une petite gamine
00:14:37 et elle ne comprend pas parfaitement.
00:14:40 Elle réagit avec force à tout ce qu'on lui dit.
00:14:43 -Le soir même, alors que toute la famille est sortie,
00:14:48 Brigitte est restée seule à l'appartement.
00:14:51 Elle va dans la cuisine,
00:14:54 allume le gaz et met la tête dans le four.
00:14:57 Lorsque ses parents reviennent, ils la trouvent inanimée.
00:15:03 Elle est sauvée in extremis.
00:15:06 Face à cette détermination,
00:15:09 ils finissent par accepter son idylle avec Vadim.
00:15:12 Mais pour cela, le jeune homme doit trouver un vrai travail.
00:15:15 Il l'a promis au père de Brigitte,
00:15:18 alors il se fait embaucher comme journaliste
00:15:21 au sein du tout nouveau magazine Paris Match.
00:15:24 Sa fiancée l'y retrouve régulièrement.
00:15:27 La salle de rédaction va devenir leur refuge.
00:15:30 -Elle attendait patiemment assez sur une chaise
00:15:33 pour qu'on lui confie ses articles et tout ça.
00:15:36 Et elle venait, je sais pas, 4-5 fois par semaine.
00:15:39 -Elle devient même la coqueluche des journalistes.
00:15:42 Dans le milieu, on la surnomme déjà
00:15:45 la petite fiancée de Paris Match.
00:15:48 -Elle était devenue la copine
00:15:51 de tous les photographes historiques de Match
00:15:54 qui étaient devenus un peu ses confidents.
00:15:57 -Elle connaissait tout le monde au journal,
00:16:00 tout le monde l'embrassait.
00:16:03 -Un jour, elle est montée sur la table de la rédaction
00:16:06 en soulevant ses jupons et a esquissé 4 pas de danse
00:16:09 devant les hurlements des rédacteurs en chef
00:16:12 et des garçons qui applaudissaient cette fille ravissante
00:16:15 parce que quand Brigitte se met à danser,
00:16:18 je peux vous dire que c'est quelque chose.
00:16:21 -Sans le savoir, en dansant sur cette table,
00:16:24 Brigitte va inspirer Vadim qui n'a pas renoncé
00:16:27 à ses ambitions cinématographiques.
00:16:30 Mais pour l'heure, le couple a d'autres préoccupations.
00:16:33 Gagner son indépendance financière.
00:16:36 En 1952, Brigitte, dont la beauté ne fait que s'affirmer,
00:16:39 se voit proposer quelques rôles au cinéma.
00:16:42 Elle saute sur l'occasion.
00:16:45 -Elle s'est rendue compte que c'était quand même
00:16:48 pas trop mal payé pour faire semblant d'être un personnage.
00:16:51 Elle trouvait que c'était intéressant.
00:16:54 -Mais elle découvre aussi l'envers du décor.
00:16:57 L'installation, la préparation, la transformation, l'attente.
00:17:00 Brigitte aime quand les choses vont vite.
00:17:03 Tout l'inverse, en fait, du cinéma.
00:17:06 -Elle s'est aperçue qu'on attendait longtemps
00:17:09 pour tourner 30 secondes, que vous n'étiez pas libre
00:17:12 en fait d'être maquillée, d'être coiffée comme vous voulez.
00:17:15 Bon, il y avait déjà, pour elle, c'était le début de l'enfer.
00:17:18 -Durant ses premiers tournages,
00:17:21 Vadim la soutient, reste à ses côtés.
00:17:24 Le couple parvient ainsi à tenir jusqu'aux 18 ans de Brigitte,
00:17:27 étape imposée par ses parents pour pouvoir enfin se marier
00:17:30 et gagner leur liberté.
00:17:33 Après 2 ans d'attente, Brigitte épouse donc Vadim
00:17:39 le 21 décembre 1952.
00:17:42 Tous les amis de Paris Match sont là.
00:17:45 Le magazine sera le seul à publier une double page
00:17:48 sur ce mariage.
00:17:51 -Elle est une petite starlette qui a tourné quelques films,
00:17:54 mais c'est pas une star à l'époque.
00:17:57 -Elles étaient pas très connues, ni l'un ni l'autre.
00:18:00 C'était vraiment un mariage chez nous, entre nous.
00:18:03 -Et c'est une photo prise sur le vivre
00:18:06 dans l'ascenseur de l'immeuble familial
00:18:09 qui va immortaliser cette union.
00:18:12 -On descendait à pied, nous, et puis tout d'un coup,
00:18:15 on a fait un coup de pied et on les voit.
00:18:18 Alors j'ai dit, comment, tu remontes et tu redescends.
00:18:21 -Enfin affranchie du joug familial,
00:18:24 Brigitte et Vadim peuvent désormais vivre
00:18:27 comme ils l'entendent.
00:18:30 Pour Vadim, cela passe évidemment par le cinéma
00:18:38 et Brigitte s'amuse, il veut en faire une star,
00:18:41 il va alors lui écrire un film sur mesure
00:18:44 et elle pourra enfin s'exprimer.
00:18:47 Le titre est "Annonciateur" et "Dieu créa la femme".
00:18:50 Le problème est que pour le moment,
00:18:53 il lui manque une grande partie du financement.
00:18:56 Pour tenter d'intéresser les producteurs,
00:18:59 Vadim décide d'emmener Bardot au festival de Cannes.
00:19:02 Pour créer l'événement, il va lui suggérer
00:19:05 de changer quelque chose à son apparence.
00:19:08 Le 23 avril 1956, lorsque Brigitte Bardot arrive à Cannes,
00:19:11 elle se retrouve au centre du train.
00:19:14 Ce n'est pas encore la star que tout le monde veut voir,
00:19:17 mais au bout du 2e jour, un petit détail va tout changer.
00:19:20 -Un soir, elle est allée se faire teindre en blonde
00:19:23 chez le coiffeur du Carlton.
00:19:26 -Elle s'est trouvée très jolie en blonde,
00:19:29 elle a maintenu cette couleur de cheveux.
00:19:32 -Une blondeur qui va transformer immédiatement
00:19:35 la jeune ingénue en femme fatale.
00:19:38 -Evadim obtient son financement.
00:19:41 Il va enfin pouvoir tourner son 1er film.
00:19:44 Le tournage débute quelques jours plus tard à Saint-Tropez.
00:19:47 Brigitte y est déjà venue plusieurs fois en vacances
00:19:50 avec ses parents.
00:19:53 Ici, elle se sent chez elle.
00:19:56 -Ca va jouer certainement beaucoup dans la manière
00:19:59 dont Brigitte va se sentir incroyablement à l'aise
00:20:02 devant la caméra, dans ses rues, avec ses gens.
00:20:05 C'est la 1re fois qu'elle le connaît.
00:20:08 Pour la 1re fois, je ne cherchais pas à jouer.
00:20:11 Elle avait peut-être fait 10 films à l'époque, mais j'étais moi.
00:20:14 ...
00:20:17 -La force de Brigitte, Vadim l'a compris, c'est son naturel.
00:20:20 Alors il va lui faire rejouer des situations
00:20:23 qu'elle a déjà vécues, comme lorsqu'elle dansait sur les tables.
00:20:26 -Arrête!
00:20:29 ...
00:20:32 -Vadim sait qu'il a un joyau brut.
00:20:35 Il sait donc que ça, c'est extrêmement éphémère,
00:20:38 qu'il faut la choper en 1 prise, en 2 prises,
00:20:41 parce qu'après, elle commence à s'étioler, à s'ennuyer
00:20:44 et en tous les cas, à perdre sa spontanéité.
00:20:47 -Brigitte s'amuse, se laisse aller, et la magie opère.
00:20:50 Elle apparaît plus séduisante que jamais.
00:20:53 Elle dégage surtout quelque chose de très sensuel
00:20:56 que l'on n'avait encore jamais vu au cinéma.
00:20:59 -Tout d'un coup, Brigitte est arrivée avec sa petite blouse,
00:21:02 les seins libres, pieds nus, les cheveux défaits.
00:21:05 ...
00:21:08 -Brigitte Bardot était un bonheur de mouvement.
00:21:11 C'est une fille qui bougeait absolument magnifiquement
00:21:15 et elle avait du nerf,
00:21:18 elle avait de l'énergie.
00:21:21 -Elle provoque par cette danse extrêmement érotique,
00:21:24 extrêmement lassive
00:21:27 et ô combien excitante.
00:21:30 -Le film sort en salle quelques mois plus tard,
00:21:33 mais au grand dam de Vadim, il n'attire pas les foules.
00:21:36 Son caractère érotique dérange.
00:21:39 -Il y avait des familles catholiques
00:21:42 qui étaient très attentives
00:21:45 aux films qui étaient présentés dans les villes
00:21:48 et le film de Bardot, évidemment,
00:21:51 était sur les listes noires de l'Eglise catholique.
00:21:54 -Le cinéma était un divertissement collectif,
00:21:57 c'était le divertissement de la famille.
00:22:00 Personne n'allait au cinéma tout seul,
00:22:03 c'était presque louche.
00:22:06 -L'histoire de ce film aurait pu s'arrêter là,
00:22:09 mais 10 mois plus tard, "Et Dieu créa la femme" sort aux Etats-Unis.
00:22:12 La réaction du public américain ne va pas du tout être la même.
00:22:15 -Là, c'est un événement invraisemblable
00:22:18 parce qu'ils n'ont jamais vu une chose pareille aux Etats-Unis.
00:22:21 Le sous-titre du film américain, c'est "Et le diable créa Bardot".
00:22:24 -Comme les Français,
00:22:27 les Américains sont choqués par l'érotisme du film,
00:22:30 mais ici, c'est un véritable scandale qui éclate.
00:22:33 ...
00:22:36 -Le film va être banni, censuré, interdit,
00:22:39 vilipendé, menacé.
00:22:42 -Le film a été interdit dans l'état du Texas
00:22:45 parce qu'il aurait risqué
00:22:48 de faire bouillir le tempérament
00:22:51 des spectateurs noirs.
00:22:54 C'est quand même...
00:22:57 -Un scandale qui attire finalement les spectateurs dans les salles.
00:23:00 Le film bat des records de fréquentation aux Etats-Unis.
00:23:03 -Et Dieu créa la femme, on ne parle plus que de ça.
00:23:06 -Ca provoque un bouche-à-oreille hallucinant
00:23:09 et vraiment, tout le monde se précipite.
00:23:12 -En à peine 3 semaines, Brigitte Bardot a changé de statut.
00:23:15 Elle est devenue une star internationale.
00:23:18 On la compare déjà aux plus grandes.
00:23:21 -Elle devient l'égale de Marilyn Monroe,
00:23:24 d'Elizabeth Taylor, Audrey Hepburn,
00:23:27 les grandes stars de l'époque.
00:23:30 -Mais plus qu'une star,
00:23:33 Bardot devient un phénomène de société.
00:23:36 Pour la 1re fois, une femme ose mettre en avant sa sensualité
00:23:39 et elle l'assume.
00:23:42 -C'est un moment de démonstration de la liberté et d'émancipation.
00:23:45 -D'un seul coup, les gens, ça a été l'icône et leur idole.
00:23:48 Ils ont voulu lui ressembler, toutes les femmes voulaient lui ressembler.
00:23:51 ...
00:23:54 -Je me coiffais comme elle,
00:23:57 je m'habillais comme elle à Tunis.
00:24:00 Oui, parce que pour moi,
00:24:03 c'était la plus belle femme du monde.
00:24:06 -Personne n'a quand même anticipé
00:24:09 que ça soit le point de départ d'une véritable révolution.
00:24:12 Ca, je crois que personne ne l'a anticipé.
00:24:15 -La vie de Brigitte Bardot vient de changer radicalement.
00:24:18 Elle a eu une liaison pendant le tournage avec Jean-Louis Trintignant
00:24:21 et elle a rompu avec Vadim.
00:24:24 Elle s'achète une maison à Saint-Tropez,
00:24:27 elle vient y chercher la paix,
00:24:30 mais l'annonce de son arrivée dans le petit village de pêcheurs
00:24:33 va très vite changer la donne.
00:24:36 En 1988, les Bardots affluent à Saint-Tropez
00:24:39 pour découvrir ce lieu mythique
00:24:42 où a été tourné "Et Dieu crée à la femme".
00:24:45 L'arrivée de Brigitte à l'été 1958 accentue le phénomène
00:24:48 car la star se montre facilement dans les rues de la ville
00:24:51 avec son nouvel amant, Sacha Distel.
00:24:54 -Elle se promène en maillot de bain, très à l'aise,
00:24:57 très naturelle, très décontractée.
00:25:00 -Elle est absolument somptueuse de beauté, de féminité
00:25:03 et elle s'arrête de bouger pour la voir passer.
00:25:06 -Quand elle était dans les rues de Saint-Tropez,
00:25:12 c'était une révolution, c'était un monde qui suivait.
00:25:15 Il y avait elle, les amis, la garde rapprochée
00:25:18 et puis les paparazzis et les curieux.
00:25:21 -Pour fuir la foule, Brigitte peut facilement se réfugier
00:25:24 dans sa nouvelle maison au bord de la mer.
00:25:27 Du moins, c'est ce qu'elle croit.
00:25:30 -Au-delà des simples curieux, il y a aussi désormais
00:25:33 les photographes de presse qui s'intéressent de plus en plus à elle.
00:25:36 -On ne les voyait pas, sauf qu'ils étaient là,
00:25:39 anonymes et cherchant à faire des photos à tout prix.
00:25:42 -Ce jour-là, alors que Brigitte Bardot se baigne devant chez elle,
00:25:45 les paparazzis ne sont qu'à quelques mètres.
00:25:48 -Petit à petit, on s'est rapprochés,
00:25:51 on s'est rapprochés comme on pouvait
00:25:54 parce que dès que quelqu'un se rapprochait, elle se cachait.
00:25:57 Donc là, on est arrivés, on est sortis, on a fait nos photos.
00:26:00 -C'était quand même terrible parce qu'elle était là
00:26:08 pour vivre libre et d'un seul coup, elle était enfermée.
00:26:11 -Se faire interpeller ou prendre en photo dans la rue,
00:26:14 Brigitte s'y était habituée.
00:26:17 Mais d'être harcelée jusque dans sa propriété,
00:26:20 elle ne s'y attendait pas.
00:26:23 Elle comprend vite que sa nouvelle notoriété a un prix,
00:26:26 et que la politique médiatique est en marche.
00:26:29 Il va être très difficile de l'arrêter.
00:26:32 Ce matin-là, Brigitte Bardot embarque pour Londres.
00:26:35 Elle va tourner un nouveau film, "Babette s'en va en guerre".
00:26:38 A l'aéroport, elle rencontre son partenaire,
00:26:41 le comédien Jacques Charié.
00:26:44 Dès les premiers instants, le courant passe.
00:26:47 -C'est un jeune homme beau, romantique, fils de colonel.
00:26:50 Donc il a tous les atouts pour devenir
00:26:53 le partenaire idéal de Brigitte Bardot.
00:26:56 -Il était beau, il était gentil, il était charmant, il l'adorait.
00:27:00 -Il la courtise, et là, elle est séduite,
00:27:03 et puis elle se laisse faire.
00:27:06 -Leur édile commence dès le 1er jour,
00:27:09 et le couple s'affiche sans retenue.
00:27:12 Mais une nouvelle va bouleverser leur vie.
00:27:15 Brigitte tombe enceinte au bout de 3 mois,
00:27:18 et à 25 ans, elle n'en a aucune envie.
00:27:21 -Le rapport qu'elle a avec son corps fait que la grossesse
00:27:24 est quelque chose qui ne va pas la combler,
00:27:27 mais au contraire, va l'inquiéter, va la déranger.
00:27:30 -Avoir un enfant, c'était perdre sa liberté.
00:27:33 -Jacques Charié va lui d'abord souhaiter absolument
00:27:36 qu'elle garde cet enfant et faire en sorte que ce soit le cas.
00:27:39 -Avant que la presse ne la prenne,
00:27:42 pour éviter le scandale,
00:27:45 un mariage est organisé en urgence.
00:27:48 C'est l'événement de l'été 1959.
00:27:51 La ville de Louvcienne est envahie par les journalistes et les curieux.
00:27:54 À la mairie, Louis Bardot tente de mettre de l'ordre,
00:27:57 mais la situation dégénère rapidement.
00:28:00 -Pilou, lui, qui voulait faire ça dans les règles de l'art,
00:28:03 a été débordé par les photographes
00:28:06 qui voulaient bien sûr entrer dans la mairie.
00:28:09 -Et ça l'a mis dans une colère noire,
00:28:12 et il y a eu une bagarre générale
00:28:15 qui l'a provoqué lui-même tellement il était totalement hors de lui.
00:28:18 -Le mariage est expédié en 7 minutes.
00:28:21 Tous les invités partent se réfugier dans la maison familiale.
00:28:24 Mais les journalistes et les photographes ne les lâchent pas.
00:28:27 Ils prennent d'assaut la propriété.
00:28:30 -Les journalistes et les paparazzi
00:28:33 se comportent comme une nuée d'insectes
00:28:36 qui essayent de s'infiltrer par tous les moyens partout.
00:28:39 -Alors, pour éviter les débordements,
00:28:42 les femmes mariées, à bout de nerfs,
00:28:45 acceptent finalement de poser pour les photographes.
00:28:48 A partir de ce jour, Brigitte et Jacques
00:28:51 deviennent les nouvelles idoles de leur génération.
00:28:54 Ils sont jeunes, beaux et amoureux.
00:28:57 La presse va suivre le feuilleton de leurs aventures.
00:29:00 En décembre 1959,
00:29:11 Brigitte entame son 8e mois de grossesse.
00:29:14 Une grossesse difficile qui l'oblige à rester à l'IT chez elle.
00:29:17 Au pied de l'immeuble,
00:29:20 des dizaines de photographes et de journalistes
00:29:23 sont déjà sur le pied de guerre, dans l'attente de l'heureux événement.
00:29:26 Et plus les jours passent, plus la pression monte.
00:29:29 -Tous les journalistes étaient là comme des piranhas
00:29:34 autour de cette pauvre créature
00:29:37 qui était enfermée dans son appartement là-haut, dans son donjon,
00:29:40 dont elle n'avait pas le droit de sortir.
00:29:43 -Les photographes avaient loué toutes les fenêtres de toutes les maisons
00:29:46 aux alentours, en face, les chambres de bonne, les machins,
00:29:49 il y en avait de planqués partout.
00:29:52 -On a tout de même vu des photographes déguisés en bonnes soeurs
00:29:55 qui venaient à la quête, on a vu des faux Ramonneurs,
00:29:58 des faux employés de l'EDF qui faisaient semblant
00:30:01 de relever les compteurs sur les étages
00:30:04 pour essayer d'apercevoir Brigitte et de la shooter.
00:30:07 -C'était extrêmement cher.
00:30:10 Une photo de Brigitte enceinte, c'était des millions.
00:30:13 -Alors, pour se protéger, Brigitte vit ses dernières semaines
00:30:18 de grossesse cloîtrées dans le noir, rideaux fermés.
00:30:21 Le 11 janvier 1960, la nouvelle tombe.
00:30:27 Brigitte Bardot vient d'accoucher chez elle.
00:30:30 -Elle a dû mettre au monde son enfant dans son salon
00:30:33 avec une unité médicale qu'elle a fait venir.
00:30:36 C'est invraisemblable.
00:30:38 Quelle est la femme qui pourrait vivre ça aujourd'hui ?
00:30:41 Ne pas pouvoir mettre au monde son enfant parce qu'on l'est bloquée chez soi.
00:30:44 -L'événement a eu lieu, mais la presse ne part pas.
00:30:47 Au contraire.
00:30:50 -Les 180 envoyés spéciaux du monde entier sont toujours en bas.
00:30:53 Ils veulent voir Brigitte avec son bébé
00:30:56 ou au moins espérer une photo.
00:30:59 -Alors, c'est Jacques Charié qui descend leur parler.
00:31:02 Brigitte vient de lui donner un fils
00:31:05 et il s'appelle Nicolas.
00:31:08 -Devant tous les copains où j'étais,
00:31:11 il nous a fait ce fameux geste.
00:31:14 "J'ai un fils, il mesure 50 cm, il est comme ça."
00:31:17 On montait sur les tables,
00:31:24 les chaises se renversaient, c'était un bordel imprésemblable.
00:31:27 Ça hurlait, les flashs partaient dans tous les sens
00:31:30 et Brigitte était là-haut avec son bébé.
00:31:33 -Jacques finit par accepter qu'une équipe de télévision
00:31:36 monte dans la chambre pour filmer Brigitte et son enfant.
00:31:39 La jeune maman fait bonne figure.
00:31:42 ...
00:31:45 -Elle tient son bébé comme une mère amoureuse
00:31:55 de cet enfant qui vient de naître.
00:31:58 En réalité, elle était très malheureuse.
00:32:01 Elle la rejetait, cet enfant, elle n'en voulait pas.
00:32:04 -C'était pas de la faute ni de son mari ni du pauvre bébé.
00:32:07 Elle adorait son enfant,
00:32:10 mais elle se sentait pas prête à être mère de famille.
00:32:13 -Les semaines suivantes,
00:32:16 Brigitte ne parviendra pas à s'attacher à cet enfant.
00:32:19 Alors c'est Jacques qui va s'en occuper.
00:32:22 Dès qu'elle est remise sur pied,
00:32:25 elle part se réfugier sur les plateaux de cinéma.
00:32:28 Et pour la 1re fois, elle va exprimer son malaise
00:32:31 face à la médiatisation de sa vie privée.
00:32:34 -Ma vie ressemble à une grande prison, agréable,
00:32:37 mais c'est un peu une prison quand même.
00:32:40 -C'est-à-dire que vous ne savez pas, vous ne vous appartenez plus.
00:32:43 -Non, j'appartiens à tout le monde.
00:32:46 On me fait dire des choses que je ne dis pas,
00:32:49 on me fait faire des choses que je ne fais pas.
00:32:52 C'est un peu, je vous dis,
00:32:55 on a un peu l'impression de ne plus être libre.
00:32:58 -Il s'agit de savoir si cette existence que, dans le fond,
00:33:01 vous l'avez dit, vous l'avez souhaitée,
00:33:04 si cette existence est supportable. -Non.
00:33:07 -Pour fuir son quotidien,
00:33:10 Brigitte Bardot est partie tourner "La vérité" de Henri-Georges Clouseau.
00:33:13 Elle en est la tête d'affiche,
00:33:16 aux côtés de Samy Fray.
00:33:19 Mais le tournage est difficile, le réalisateur fait tout pour la pousser à bout.
00:33:22 -C'était un génie et en même temps, c'était un fou furieux.
00:33:25 C'était un sadique, c'était un... Il était dingue, ce type.
00:33:28 -Il n'a eu de cesse
00:33:31 de lui mettre des idées noires dans la tête
00:33:34 en lui disant que la vie était triste.
00:33:37 -Clouseau va même jusqu'à la droguer à son insu pour parfaire sa prestation.
00:33:40 Et il obtient ce qu'il souhaitait,
00:33:43 une Bardot intense et juste,
00:33:46 comme elle ne l'a encore jamais été au cinéma.
00:33:49 -Et vous croyez encore à cet amour ? Moi, pas.
00:33:52 -Mais si, Gilbert m'a aimée. Mais ça, vous ne voulez pas l'admettre.
00:33:55 Ça vous gêne. C'est "La vérité", la seule.
00:33:58 J'ai été bête, méchante,
00:34:01 pleine de défauts. Il m'a aimée quand même.
00:34:04 Maintenant, je le verrai plus.
00:34:07 Je le verrai plus, vous comprenez ?
00:34:10 Alors, tout m'est égal, j'ai peur de rien.
00:34:13 Vous êtes là, déguisée, ridicule.
00:34:16 Vous voulez juger, mais vous n'avez jamais vécu,
00:34:19 jamais aimé. C'est pour ça que vous me détestez.
00:34:22 Parce que vous êtes tous morts, morts !
00:34:25 -Ces ingères sont intolérables.
00:34:28 -Tout le monde était sidéré par la force de son jeu.
00:34:31 ...
00:34:34 -Bardot criante de vérité,
00:34:37 elle qui s'est réfugiée dans ce rôle pour fuir sa vie,
00:34:40 finit même par tomber réellement amoureuse de son partenaire, Samy Frey.
00:34:43 -Alors ? Tu comprends pas, non ?
00:34:46 Je t'aime. Je suis bien près de toi,
00:34:49 avec toi. J'ai été si malheureuse.
00:34:52 Pardon.
00:34:55 Pardon de te déranger.
00:34:58 Pardon pour moi, pardon pour tout, pour le passé.
00:35:01 Pardon.
00:35:04 -Il me disait, "J'ai rencontré,
00:35:07 je suis amoureuse, je suis amoureuse."
00:35:10 Je la serrais.
00:35:13 Elle me disait, "Il est beau, il est superbe, je l'aime."
00:35:16 -Le temps de ce tournage,
00:35:19 Brigitte Bardot avait tout oublié. La pression médiatique,
00:35:22 cet enfant qu'elle ne voulait pas et même son mari.
00:35:25 Mais la réalité va vite se rappeler à elle.
00:35:28 Ce soir-là,
00:35:31 Brigitte Bardot est en voiture avec son amant, Samy Frey.
00:35:34 Ils s'apprêtent à démarrer lorsqu'un homme arrive à leur hauteur
00:35:37 et les interpelle violemment.
00:35:40 C'est son mari, Jacques Charrier.
00:35:43 -Pour elle, c'est l'épouvante totale,
00:35:46 parce qu'il y a toute cette culpabilité qui ressort.
00:35:49 -Une bagarre éclate entre les 2 hommes.
00:35:52 Brigitte est terrorisée. Mais pire que cela,
00:35:55 des paparazzis en embuscade assistent à la scène.
00:35:58 Elle a juste le temps de se cacher le visage
00:36:01 avant le crépitement des flashs.
00:36:04 -La honte et la douleur sont mêlées, quoi.
00:36:07 C'est bouleversant pour elle, tout ça.
00:36:10 -10 jours plus tard, les photos sont publiées.
00:36:13 S'en est trop pour Jacques Charrier, il demande le divorce
00:36:16 et la garde de l'enfant. Son image du mari bafoué
00:36:19 fait passer Bardot pour la pire des épouses.
00:36:22 -Il y a beaucoup de femmes qui étaient contre elle
00:36:25 et qui trouvaient que c'était une femme de mauvaise vie.
00:36:28 -C'était le délire dans le sens où, dans la rue,
00:36:31 c'était "Ah, c'est ça, Bardot, cette salope."
00:36:34 -Une fille libre comme elle, à l'époque,
00:36:37 dans les années qui commençaient à peine à éclater,
00:36:40 vous étiez instantanément une pute.
00:36:43 -Le jour de cette parution, Brigitte Bardot décide de fuir Paris.
00:36:47 Elle part seule se cacher dans le sud de la France.
00:36:50 -Elle est persécutée comme personne,
00:36:53 pas heureuse dans sa vie privée, acharnée,
00:36:56 à trouver le bonheur avec beaucoup de gens qui tournaient autour,
00:36:59 à la faire blesser, trahir, abandonner.
00:37:02 Donc, à un moment, elle a craqué.
00:37:05 -Le lendemain, le 28 septembre 1960,
00:37:08 le jour de son 26e anniversaire,
00:37:11 elle est retrouvée inanimée dans une bergerie.
00:37:14 Les veines tailladées et une boîte de barbituriques vides à ses côtés.
00:37:18 Elle est alors emmenée aux urgences,
00:37:23 mais le calvaire continue.
00:37:26 Ses espoirs ne changent rien.
00:37:29 Jusque dans sa chambre d'hôpital, elle reçoit des courriers d'insultes.
00:37:32 -Il y avait une lettre cachetée
00:37:35 avec une lame de rasoir pour pas que vous ratiez la prochaine fois.
00:37:39 Enfin, je veux dire, c'est monstrueux.
00:37:42 -On lui a conseillé de se jeter, si elle voulait vraiment mourir,
00:37:45 de se jeter de la tour Eiffel, ça serait plus efficace
00:37:48 et il y aurait une salope de moins sur la Terre.
00:37:52 -Au début des années 60,
00:37:55 la vie de Brigitte Bardot est devenue un enfer.
00:37:58 Tous ses faits et gestes sont commentés dans la presse.
00:38:01 Sa vie privée ne lui appartient plus.
00:38:04 On l'a félicité à ses débuts d'avoir libéré l'image de la femme
00:38:07 et c'est ce qu'on lui reproche aujourd'hui.
00:38:10 A l'été 1963, elle tourne Le Mépris, signé Jean-Luc Godard,
00:38:13 un nouveau chef-d'oeuvre qui redonne à Bardot son statut
00:38:16 de star internationale et fait un peu oublier
00:38:19 le feuilleton de sa vie privée.
00:38:22 Le 17 mai 1963, Brigitte Bardot rejoint le plateau du Mépris.
00:38:28 Le tournage a lieu ici, dans une villa à Capri.
00:38:34 On ne peut y accéder que par la mer ou en escalade dans les falaises.
00:38:37 Le lieu a été spécialement choisi pour protéger Bardot des regards.
00:38:40 Malgré cela, les photographes sont partout,
00:38:46 ils ont envahi la ville et ils prennent d'assaut les hauteurs de la villa.
00:38:49 Le nombre de paparazzi était triplé, voire quadruplé,
00:38:55 parce qu'il y avait beaucoup plus de magazines encore qu'en France.
00:38:58 Nous, on descendait peut-être une dizaine, une vingtaine,
00:39:01 mais eux, ils étaient une cinquantaine.
00:39:04 Les paparazzi en Italie sont évidemment plus dingues que n'importe où sur la planète.
00:39:07 Ils font n'importe quoi pour essayer de la shooter.
00:39:13 On s'accrochait, on s'accrochait.
00:39:16 C'était à celui qui pouvait avoir l'image qui se vendrait,
00:39:19 parce qu'il n'y avait qu'une image qui se vendrait, il n'y en avait pas deux.
00:39:22 Même Jean-Luc Godard perd son sang-froid.
00:39:29 Il pourchasse les photographes jusque sur la colline,
00:39:32 mais quand l'un s'échappe, un autre arrive de l'autre côté.
00:39:35 S'ils sont tous là, c'est aussi parce que Brigitte Bardot est à nouveau célibataire.
00:39:39 Elle s'est récemment séparée de Samy Fray.
00:39:43 En décembre 1963, le film sort en salles.
00:39:49 Dès la première scène, Bardot y apparaît totalement nu.
00:39:54 Tu vois mes pieds dans la glace ?
00:40:02 Oui.
00:40:04 Tu les trouves jolies ?
00:40:07 Oui, très.
00:40:10 Et mes chevilles, tu les aimes ?
00:40:14 Oui.
00:40:17 Tu les aimes mes genoux aussi ?
00:40:21 Oui, j'aime beaucoup tes genoux.
00:40:26 Et mes cuisses ?
00:40:31 Aussi.
00:40:35 Tu vois mon derrière dans la glace ?
00:40:38 Oui.
00:40:42 Tu les trouves jolies, mes fesses ?
00:40:47 Oui, très.
00:40:51 Elle avait un corps magnifique et elle pouvait le montrer sans gêne,
00:40:57 avec un naturel extrême.
00:40:59 Avec un corps magnifique, elle pouvait le montrer sans gêne,
00:41:02 avec un naturel extrême.
00:41:05 Avec le succès du mépris, elle devient une icône absolue dans tous les domaines,
00:41:10 c'est-à-dire à la fois auprès du public, mais aussi auprès des intellectuels.
00:41:15 Brigitte Bardot profite alors de cet état de grâce pour prendre le large.
00:41:21 Pendant deux ans, elle voyage à travers l'Amérique du Sud,
00:41:25 où elle tourne le nouveau film de Louis Malle,
00:41:28 "Viva Maria".
00:41:32 Cependant, en France, rien n'a changé.
00:41:36 A chaque fois qu'elle repasse à Paris, les photographes l'attendent en bas de chez elle.
00:41:41 Pas question pour eux de manquer le retour de leur star préférée.
00:41:46 On attendait, on avait froid, on s'enrumait devant l'Avenue Paul-Doubert, des semaines.
00:41:52 Un jour, ils vont même manifester au pied de son immeuble
00:41:56 pour lui reprocher de ne plus se montrer.
00:41:58 On est arrivé avec des pancartes, on voulait qu'elle descende,
00:42:01 qu'elle descende au moins 5 minutes, et puis on l'aurait laissée en paix.
00:42:06 Ça n'a jamais donné suite parce qu'elle nous haïssait.
00:42:13 On n'était rien, on était vraiment, je dirais vulgairement, de la merde,
00:42:17 c'est vraiment, et traité comme tel.
00:42:20 Bébé, souviens-toi ! Bébé, souviens-toi !
00:42:28 Après ses deux années d'escapade au bout du monde,
00:42:32 Brigitte Bardot a pris du recul par rapport à la pression médiatique.
00:42:36 Elle vient d'avoir 30 ans et part aux États-Unis pour l'avant-première de Viva Maria.
00:42:44 Elle ne s'est encore jamais rendue dans le pays qui la fait star, 8 ans auparavant.
00:42:50 Le journaliste Henri Chapier l'accompagne ce jour-là.
00:42:53 Ce que Brigitte souhaitait surtout, c'est se promener tout à fait incognito.
00:42:59 Mais dès qu'elle arrive sur place, les Américains semblent bel et bien impatients
00:43:11 de découvrir l'héroïne de Edieucrelle à femme.
00:43:18 Elle est accueillie exactement comme les Beatles un an plus tôt.
00:43:21 Ça a été inouï, je veux dire, ils l'ont glorifiée.
00:43:26 Il y a des banderoles sur la route de l'aéroport avec "Viva Maria, Viva Bardot".
00:43:36 Et là, les majorettes, les drapeaux, la musique, enfin, l'apothéose.
00:43:46 C'était absolument extraordinaire.
00:43:49 C'est une conférence de presse de chef d'État.
00:43:51 Tout le monde était conquis parce que des journalistes pas tout à fait gracieux,
00:43:59 des mecs barbus, sauvages et tout, lui demandaient "Are you a sex symbol?"
00:44:04 Alors elle, elle répondait "What about you?"
00:44:08 Ça a été formidable de voir ce que ça pouvait faire.
00:44:12 Ça a été formidable du coup, comme climat, comme atmosphère.
00:44:17 Cette année-là, Brigitte Bardot est à son apogée.
00:44:37 Elle est libre, belle et désirée par la planète entière.
00:44:42 Mais un nouveau prétendant très différent des autres va tout faire pour la conquérir.
00:44:47 Nous sommes en juillet 1966 et Bardot s'envole pour Las Vegas.
00:44:54 À ses côtés, son nouvel amour, le milliardaire allemand Gunther Sachs.
00:45:02 Gunther Sachs est l'héritier de la famille Von Opel.
00:45:07 Ce sont de très très riches Allemands et Gunther c'est celui qui va flamber à Saint-Tropez.
00:45:11 Elle l'a rencontré il y a à peine un mois sur la côte d'Azur.
00:45:14 Un mois d'extravagance et d'amour fou.
00:45:17 Depuis le premier jour, Gunther la traite comme une princesse et ça lui plaît.
00:45:22 C'était tout d'un coup le premier homme qui la gâtait comme ça,
00:45:26 qui faisait des trucs que les autres n'avaient jamais faits.
00:45:29 De son côté, Gunther Sachs n'est pas du genre à attendre lorsqu'il désire quelque chose.
00:45:33 Il vient de demander Brigitte en mariage et elle a accepté.
00:45:37 Voilà pourquoi ils sont à Las Vegas,
00:45:40 la seule ville au monde où l'on peut se marier en quelques instants sur un coup de tête.
00:45:45 Ce mariage va durer 8 minutes, il va coûter 7 dollars.
00:45:48 Gunther a demandé au juge qui allait les marier d'attendre qu'il soit minuit pour qu'ils se marient le 14 juillet.
00:45:56 Brigitte Bardot semble heureuse dans les bras de son nouveau mari, elle se sent amoureuse.
00:46:02 Gunther Sachs est également ravi, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons.
00:46:07 Il a fait venir à Las Vegas un couple d'amis munis d'appareils photo et de caméra.
00:46:12 Ce mariage avec la plus belle femme du monde, il veut le brandir comme un trophée.
00:46:18 Il va même y avoir plusieurs versions pour mieux le filmer, le cadrer, etc.
00:46:23 Ce qui prouve à quel point Gunther Sachs était en représentation permanente.
00:46:29 Je pense que ça faisait bien de le mettre à son tableau de chasse.
00:46:32 On a même dit qu'il l'a épousé en faisant un pari avec un de ses copains.
00:46:39 Quelques jours plus tard, alors que le couple est en voyage de Noss à Tahiti,
00:46:43 les images du mariage ont déjà fait le tour de toutes les rédactions parisiennes.
00:46:50 Le mariage exprès surprend tout le monde, puisqu'elle se marie assez rapidement.
00:46:55 Elle a la surprise générale, même des parents de Brigitte,
00:46:59 qui ont été surpris, qui l'ont appris par les journaux.
00:47:02 Le symbole d'un Allemand milliardaire épousant la plus grande star française,
00:47:08 une star planétaire, à ce moment-là, c'est encore lourd de très grande signification.
00:47:16 Alors à Tahiti, Brigitte est sollicitée par la presse.
00:47:20 Tout le monde veut qu'elle raconte ce mariage inattendu.
00:47:24 Et contre toute attente, cette fois, elle accepte.
00:47:28 Elle se prête au jeu des photos posées et des interviews.
00:47:32 Mais de retour à Paris, elle découvre le quotidien de son époux.
00:47:44 Une vie de luxe et d'apparat, en fait, tout ce qu'elle déteste.
00:47:49 Ils passent leur temps à courir les soirées mondaines,
00:47:52 dans lesquelles elle a parfois le sentiment de n'être qu'un fervaloir.
00:47:56 Il va vouloir la présenter à tous les grands de ce monde, aux milliardaires, etc.
00:48:04 Et elle va y compris se poser la question de savoir si la légende urbaine
00:48:10 qui dit que Gunter Sachs, en fait, en l'épousant, a gagné un pari qu'il avait fait avec ses copains,
00:48:15 n'aurait pas quelque chose à voir avec la réalité.
00:48:19 Mais Brigitte veut donner une chance à ce mariage.
00:48:23 Alors elle cède à tous les caprices de son mari,
00:48:26 y compris lorsqu'il lui demande de l'accompagner au festival de Cannes,
00:48:30 alors qu'elle s'était juré de ne jamais y retourner.
00:48:33 Dans ces extravagances de milliardaires, Gunter Sachs vient de produire un documentaire.
00:48:40 Une occasion en or pour se montrer au bras de sa célèbre épouse,
00:48:43 dans l'antre du cinéma mondial.
00:48:46 Un retour inattendu de Bardot après 10 ans d'absence,
00:48:50 qui va forcément créer l'événement.
00:48:52 C'était de la folie furieuse.
00:48:54 Les gens, les journalistes, tout le monde était débordé.
00:48:57 Comme vous pouvez le voir à l'ambiance,
00:48:59 les photographes sont absolument ahurissants, extraordinaires.
00:49:03 Maintenant les gens commencent à s'affoler, ça c'est pas possible.
00:49:07 Brigitte a failli être étouffée dans le sens physique du mot.
00:49:12 Un de mes copains, Jean-Claude Serrère de Paris Mage, a été blessé, photographe.
00:49:17 Les vitres du vieux palais du festival de Cannes ont explosé, ont explosé.
00:49:21 Et Gunter Sachs a dit lorsqu'il est arrivé en bas des escaliers,
00:49:24 "surtout ne me l'écrasez pas".
00:49:27 "C'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible."
00:49:30 Elle va être très fâchée après Gunter de lui avoir fait subir ça.
00:49:47 Elle va se barrer toute seule à la madrague et ne plus vouloir voir personne.
00:49:53 Après cet événement, Brigitte Bardot ne veut plus accompagner son mari dans sa vie de jet-setter.
00:49:58 Elle veut donc vivre seule, à Paris, à Saint-Tropez.
00:50:03 Gunter Sachs le prend mal. C'est la fin du conte de fée.
00:50:07 Leurs relations se dégradent au point qu'au cours d'une dispute,
00:50:12 Gunter Sachs lui révèle qu'elle est la femme la plus cocu du monde
00:50:16 et qu'elle a bien le droit de se venger.
00:50:18 Brigitte Bardot se sent bafouée et trahie.
00:50:22 Elle qui pour une fois s'était investie comme jamais dans ce mariage.
00:50:25 Et c'est pourtant dans cette période trouble qu'elle va vivre l'une de ses plus grandes histoires d'amour.
00:50:32 Quelques mois après le festival de Cannes,
00:50:40 Bardot prépare une émission de télévision pour le Nouvel An.
00:50:43 Une émission entièrement consacrée à sa carrière musicale
00:50:46 qui s'appellera tout simplement le show Bardot.
00:50:50 Elle a déjà une trentaine de titres à son actif,
00:50:52 mais les producteurs veulent des nouveautés.
00:50:55 Ils font alors appel pour cela aux compositeurs les plus en vogue de l'époque.
00:50:59 Parmi eux, Serge Gainsbourg, très impatient de rencontrer Bardot.
00:51:05 Il lui dit qu'il a deux chansons à lui proposer, à lui faire entendre.
00:51:10 Et donc il lui demande si elle dispose d'un piano.
00:51:14 Elle lui répond que oui.
00:51:17 Gainsbourg se rend alors à son domicile pour lui faire écouter ses chansons.
00:51:20 Ils se sont déjà croisés quelques années auparavant sur un plateau de cinéma,
00:51:24 mais cette rencontre plus intime les met tout de suite mal à l'aise.
00:51:28 Ça ne va pas bien se passer au départ.
00:51:32 Elle n'arrive pas à bien chanter le morceau.
00:51:35 Donc pour décoincer la rencontre, il lui demande si elle a du champagne.
00:51:40 Et au fil de la soirée, l'atmosphère se détend.
00:51:45 Brigitte accepte de chanter du Gainsbourg.
00:51:48 Quelques jours plus tard, les deux artistes se retrouvent au restaurant pour célébrer leur collaboration.
00:51:55 Et c'est Brigitte Bardot qui va faire le premier pas.
00:51:59 Ils ont été foudroyés totalement l'un à l'autre.
00:52:07 Là c'est absolument électrique.
00:52:12 Ce soir-là, Bardot et Gainsbourg passent la nuit à faire la fête,
00:52:16 avant de rejoindre l'appartement au petit matin.
00:52:19 Pendant des jours, ils s'y retrouveront le plus souvent possible, seuls au monde.
00:52:25 Gainsbourg n'en revient pas.
00:52:28 Il a séduit la plus belle femme du monde, il a séduit une star,
00:52:34 il ne pensait même pas dans tous ses rêves, je pense, être un jour l'amant légendaire de Brigitte Bardot.
00:52:41 Elle a découvert un poète, vraiment elle a été enthousiasmée par cette rencontre.
00:52:46 Et lui, bon, on n'en parle pas.
00:52:49 Lorsqu'ils quittent leur nid, Brigitte et Serge font attention à ne rien laisser paraître de leur romance.
00:52:55 Brigitte est toujours mariée à Gunther Sachs, alors dans la rue, le couple garde ses distances.
00:53:01 Quand ils sortaient ensemble et qu'ils étaient plus ou moins cachés,
00:53:08 elle lui disait toujours "il y a un photographe, je le sens".
00:53:11 Et lui lui disait non, et finalement oui, effectivement, il y avait un photographe qui était dans les parages.
00:53:16 Brigitte est vigilante, la rumeur court, mais les photographes n'obtiennent rien de vraiment compromettant.
00:53:34 En studio pendant l'enregistrement, les deux amants évitent de croiser leurs regards,
00:53:38 même si parfois les yeux de Serge Gainsbourg le trahissent lors de certains duos.
00:53:43 À ma connaissance, personne sur le plateau n'était au courant.
00:53:52 On n'a jamais parlé de cette relation privée éventuelle,
00:53:57 parce que c'était que des journaux qui de temps en temps sortaient une petite information.
00:54:03 "Brigitte Bardot a dîné dans tel restaurant avec Serge Gainsbourg".
00:54:07 Mais ce n'était pas quand même quelque chose d'ouvert en grand.
00:54:11 "Brigitte Bardot a dîné dans tel restaurant avec Serge Gainsbourg".
00:54:15 Pendant trois mois, le couple parvient à garder sa relation secrète.
00:54:37 Mais quelques jours avant la diffusion du show, ils vont finir par se faire démasquer.
00:54:42 Un soir, Brigitte Bardot lance un défi à Serge Gainsbourg.
00:54:48 Elle lui demande de lui écrire la plus belle des chansons d'amour.
00:54:52 Il y passe toute la nuit, et finit par trouver le texte et la mélodie qui expriment le mieux ses sentiments.
00:55:06 La chanson s'appelle "Je t'aime moins non plus".
00:55:09 Quand Brigitte Bardot la découvre au petit matin, elle reste sans voix.
00:55:15 Elle a senti que c'était vraiment la plus belle déclaration qu'un homme lui ait faite.
00:55:24 Une chanson très poétique, d'un érotisme torride, mais pas du tout pornographique et jamais vulgaire.
00:55:35 Quelques jours plus tard, le couple se retrouve en studio pour enregistrer la chanson dans le plus grand secret.
00:55:41 Les deux amoureux se laissent totalement emportés par le texte, oubliant même la présence des techniciens.
00:55:47 Il y a une vraie tension, oui on peut dire érotique.
00:55:51 Ils ont mis un certain temps à enregistrer, et finalement, disons que...
00:56:02 Brigitte Bardot a beaucoup aidé Serge pour son interprétation.
00:56:07 Elle l'a encouragée, enfin bon, elle l'a décontractée.
00:56:11 Une séance d'enregistrement qui ne va pas rester secrète très longtemps.
00:56:15 L'information fuite dans la presse, c'est la preuve que les journalistes attendaient pour confirmer la rumeur qui court depuis des semaines.
00:56:22 Quand Gunther Sachs la prend, il se rend immédiatement chez Brigitte Bardot,
00:56:30 et lui ordonne d'interdire la diffusion de cette chanson.
00:56:33 Il lui a dit "non mais tu ne chantes pas ça, c'est fini, tu t'appelles Madame Sachs, tu...
00:56:38 Ah non, non, non, ça ne passe pas, je fais un procès".
00:56:42 Son agent Holga lui met la pression, elle lui dit que ce titre peut ruiner sa carrière.
00:56:56 La première fois de sa vie, elle recule devant le candidaton, devant l'opinion publique, devant la menace que son entourage fait peser sur sa carrière.
00:57:05 Brigitte Bardot finit par rappeler Serge Gainsbourg.
00:57:11 Blessé mais conscient de la situation, il accepte de faire retirer la chanson.
00:57:16 Il va même déclarer à la radio que la décision vient de lui, pour protéger Brigitte Bardot.
00:57:22 "Je voudrais dire que ce n'est pas Gunter Sachs qui a interdit le disque, la version avec Brigitte, c'est moi."
00:57:28 "Pour quelles raisons ?"
00:57:30 "Parce que des journaux à scandale s'étaient emparés de l'affaire et je trouvais que ça avait pris mauvaise tournure."
00:57:36 "Vous pouvez croire que c'était une déclaration directe ?"
00:57:39 "On pouvait croire ce que l'on voulait mais ça tournait mal."
00:57:43 Ce scandale marque la fin de leur parenthèse enchantée. Ils le savent tous les deux.
00:57:51 Quelques jours plus tard, Brigitte doit partir en tournage en Espagne.
00:57:55 Serge Gainsbourg vient lui rendre une dernière visite.
00:57:58 Il cache dans sa valise des dizaines de petits mots d'amour.
00:58:02 Les deux amants font même un pacte de sang.
00:58:05 "Elle s'entaille l'index, écrit 'je t'aime' avec son sang."
00:58:12 "Lui fait la même chose et écrit 'moi non plus'."
00:58:18 Brigitte Bardot part pour l'Espagne et retourne vivre avec son mari.
00:58:22 Serge Gainsbourg quant à lui se retrouve seul à Paris.
00:58:28 Brigitte Bardot ne le savait pas mais il venait juste d'acheter un grand appartement, rue de Verneuil, pour l'accueillir.
00:58:35 "Je suis un peu triste."
00:58:38 "Je suis un peu triste."
00:58:40 "Je suis un peu triste."
00:58:42 "Je suis un peu triste."
00:58:45 Il va finalement s'y installer seul, entouré d'affiches et d'objets à l'effigie de Bardot.
00:58:52 Serge Gainsbourg mettra des années à se remettre de sa rupture avec Bardot.
00:59:06 Jusqu'à la fin de sa vie, son image entra à son appartement de la rue de Verneuil.
00:59:10 Quant à la chanson "Je t'aime, moi non plus", il finira par l'enregistrer avec Jane Birkin.
00:59:14 Avec Jane Birkin, sa nouvelle compagne.
00:59:16 A la fin de l'année 1967, Brigitte Bardot, quant à elle, est au sommet de sa gloire.
00:59:20 Elle a déjà tourné dans près de 40 films.
00:59:22 Elle est surtout devenue la meilleure ambassadrice de la France dans le monde.
00:59:25 Un statut d'icône nationale qui va susciter l'intérêt d'entrer au lieu.
00:59:30 Depuis des années maintenant, les publicitaires ont compris comment utiliser l'image de Brigitte Bardot
00:59:43 pour vendre le savoir-faire à la française.
00:59:45 C'était vraiment la personne qui représentait le plus la française.
01:00:04 La très très jolie française. Elle est typiquement française.
01:00:10 Elle faisait vendre des voitures, des films, des photos, des robes.
01:00:15 Elle rapporte plus de devises à la France que la régie Renault.
01:00:20 Ça lui donne aussi un statut vis-à-vis du monde politique, économique.
01:00:25 Et l'un des plus grands admirateurs de Brigitte Bardot, c'est le général de Gaulle.
01:00:39 En novembre 1967, il lui fait envoyer une invitation pour la soirée des arts et des lettres organisée chaque année à l'Elysée.
01:00:48 Brigitte est ravie. Elle rêvait de rencontrer le général.
01:00:53 Elle a toujours été gaulliste, profondément gaulliste. Elle a toujours admiré le général.
01:00:58 Il est son idole. Il incarne les valeurs de la France, la moralité, la droiture.
01:01:05 Le 5 décembre 1967, toutes les grandes stars du moment entrent à l'Elysée.
01:01:11 Mais celle qui crée l'événement cette année-là, c'est Brigitte Bardot.
01:01:18 Elle arrive au bras de son époux, Gunther Sachs, dans une tenue pas du tout protocolaire.
01:01:25 On avait donné à Brigitte l'instruction de s'habiller en robe.
01:01:33 La petite robe noire et le chignon qui était la tenue du protocole à l'Elysée.
01:01:37 Elle était habillée en tenue de hussard à Brandebourg.
01:01:44 C'était assez étonnant de l'avoir arrivée habillée comme ça. Elle avait osé.
01:01:52 C'était extraordinaire. Il y a qu'elle qui pouvait faire ça et avec une sûreté, une assurance magnifique.
01:02:00 Dans la salle de réception, une femme ne cache pas son désarroi.
01:02:05 L'épouse du général Yvonne de Gaulle ne voulait pas inviter Brigitte Bardot à ce dîner.
01:02:10 La générale s'est opposée parce que Brigitte Bardot était divorcée deux fois.
01:02:15 Elle était mariée avec Gunther Sachs parce que Brigitte Bardot était une chose qui se promène toute nue selon la générale.
01:02:21 Et cette tenue extravagante ne fait que la conforter dans cette position.
01:02:27 La générale qui était derrière les portes de verre a manqué à avoir une commotion.
01:02:32 Elle a fait "gloops".
01:02:35 L'audace de Bardot semble en revanche amuser le général de Gaulle.
01:02:39 Quand elle est arrivée, le général a dit "chic, un militaire".
01:02:50 Brigitte lui dit d'abord "bonsoir général" et lui répond "c'est le cas de le dire".
01:02:56 Durant tout le repas, le général est subjugué par la beauté et le culot de l'actrice.
01:03:02 Et ça tombe bien car il ne l'a pas fait venir pour rien.
01:03:06 Il a une idée derrière la tête mais ce n'est pas le moment de lui en parler.
01:03:10 Il m'a dit des choses très charmantes.
01:03:13 Il voit vos films.
01:03:15 Il m'a dit qu'il les avait.
01:03:17 Il vous a parlé d'un film en particulier ?
01:03:19 Oui, "Lui va marier".
01:03:21 Je ne sais pas s'il l'a vu plus d'une fois mais il a dû le voir au moins une fois.
01:03:24 Il a été marié.
01:03:25 Quelques jours plus tard, Brigitte Bardot apprendra qu'elle a été choisie par l'Elysée pour incarner le nouveau visage de la République française.
01:03:36 On lui a dit "voilà, vous avez été choisie par le général de Gaulle pour représenter Marianne".
01:03:40 Elle était extrêmement fière.
01:03:42 Pour elle devenir l'incarnation de la République avec le bonnet phrygien et les seins à l'air, c'est Brigitte Bardot.
01:03:52 Cette Marianne n'est pas tout à fait comme les autres.
01:03:54 Vous l'avez reconnu ?
01:03:56 Oui, en effet, il s'agit de Marianne Bardot.
01:04:00 Jamais une star de cinéma n'avait servi de modèle pour Marianne.
01:04:04 Une nouvelle fois, Bardot fait évoluer les mœurs malgré elle.
01:04:07 Les Français dans l'ensemble approuvent ce choix, surtout les hommes.
01:04:12 Brigitte en Marianne ou Marianne en Brigitte, c'est une riche idée.
01:04:18 C'est un des plus beaux, surtout pour ses formes, ses avantages.
01:04:23 Pas la République, mais la Brigitte Bardot.
01:04:26 Brigitte Bardot, c'est Brigitte Bardot. Marianne, moi je la trouve bien comme elle est.
01:04:30 Le buste de Brigitte Bardot trône désormais dans 8000 mairies en France et fixa jamais sa beauté comme une statue antique.
01:04:39 Une beauté désormais éternelle, mais qui semble pourtant lui échapper.
01:04:45 Est-ce que vous imaginez sans cinéma ?
01:04:51 Oui, je m'imagine sans cinéma.
01:04:54 De quelle manière ?
01:04:56 D'une manière sereine.
01:04:58 J'ai appris à pouvoir me passer de tout.
01:05:04 En 1969, interviewée sur le tournage de L'Ours et la Poupée, Brigitte Bardot évoque pour la première fois la possibilité d'arrêter le cinéma.
01:05:14 N'importe quel homme normal ferait tomber.
01:05:17 Le métier en lui-même ne lui a jamais plu, mais aujourd'hui c'est une autre raison qui lui fait se poser des questions.
01:05:29 Elle souffrait de ce que représentait pour elle ce mythe qu'elle était.
01:05:34 De plus en plus sur les tournages, Brigitte traîne dans sa loge et tarde à rejoindre le plateau.
01:05:42 Elle ne se reconnaît plus, elle a peur de décevoir.
01:05:45 On pouvait l'attendre une heure, deux heures, elle restait au maquillage, elle se jaugeait dans le miroir.
01:05:54 Elle me disait "je ne veux plus, je ne veux plus, je ne veux plus, je ne veux plus avoir à me voir en projection et à me voir vieillir".
01:06:02 À l'été 1973, Brigitte Bardot va alors prendre une décision irrévocable.
01:06:11 Pour son 48e film, "Colino trousse chemise", elle doit tourner une scène de nu au côté de Francis Huster.
01:06:18 Elle va bientôt avoir 39 ans et pour la première fois, elle se sent très mal à l'aise en entrant sur le plateau.
01:06:25 - C'est pas un 804 il y a. - Vas-y.
01:06:36 - Qu'est-ce que tu fais ? - Ne reconnais-tu pas la douce santé du poivre ?
01:06:41 - Vas-y, vibrette et fête. - Délicieusement.
01:06:48 Brigitte Bardot joue le jeu mais le soir même en retournant dans sa loge, elle appelle son agent.
01:06:55 Elle veut faire une déclaration à la radio, ce sera son dernier film.
01:07:00 - Ce sont vos adieux au cinéma ? - Oui, je pense.
01:07:04 - On vous regrettera beaucoup sur les écrans et tous les Français.
01:07:07 On lui a proposé de tourner avec Marlon Brando, des rôles de gay star dans des séries américaines comme "Dynasty".
01:07:14 Elle a tout refusé.
01:07:16 - Maintenant que le cinéma s'est terminé, ça va être quoi ? Des voyages, le repos, la lecture ?
01:07:21 - Ça va être la vie.
01:07:30 - C'est une actrice qui aurait pu continuer des années.
01:07:34 Elle a fait un choix dans la vie.
01:07:37 L'arrêt du cinéma, ça a été une libération.
01:07:40 Pendant trois ans, Brigitte Bardot s'interroge sur cette nouvelle vie.
01:07:51 Le déclic arrive au début de l'année 1976.
01:07:54 Elle est seule chez elle, lorsqu'elle tombe sur un reportage bouleversant à la télévision.
01:07:59 - Chasse, massacre ou boucherie.
01:08:02 C'est comme on voudra, mais ce qui est sûr, c'est que 250 000 bébés phoques seront légalement écorchés vifs dans les deux mois qui viennent.
01:08:09 - Les images sont carrément insoutenables.
01:08:12 Les chasseurs torturent sans scrupule aucun de ces animaux.
01:08:18 Et ça, ça la touche au plus profond de ses entrailles.
01:08:21 Elle a toujours été sensible à la cause animale, mais ce reportage lui donne envie de partir au combat.
01:08:27 Et pour une fois, sa notoriété pourrait même lui être utile.
01:08:32 Un an plus tard, Bardot s'envole pour le Canada.
01:08:38 Elle a appris qu'une opération allait être lancée par le militant écologiste Franz Weber.
01:08:43 Elle lui a écrit une lettre.
01:08:45 - Cher Franz Weber, si vous le voulez, je suis avec vous.
01:08:49 Mon temps, mon nom, mon argent.
01:08:53 J'aimerais tant être utile à cette cause, Brigitte Bardot.
01:08:58 Je l'ai vue. On a discuté.
01:09:02 Il dit « Je vais au Canada ». « Je viens avec vous, je viens avec vous ».
01:09:06 L'opération commence bien.
01:09:08 La présence annoncée de la star a attiré la presse internationale.
01:09:12 Et c'est le Français Alain Bougrain-Dubourg qui obtient sa première interview à la descente de l'avion.
01:09:17 - Vous pensez que la cause que vous défendez va être entendue ?
01:09:21 - Oh la la, j'espère. Mon Dieu, c'est tout ce que je souhaite.
01:09:24 Il faut qu'elle soit entendue. De toute façon, maintenant, ça suffit.
01:09:27 Mon dentier est révolté, est écœuré.
01:09:29 - Elle était stressée immanquablement, mais elle était déterminée.
01:09:33 Et elle avait la conviction que son déplacement lui permettrait de changer les choses.
01:09:39 Mais tout cela ne sera pas aussi simple.
01:09:42 D'abord parce que le gouvernement canadien refuse de donner les autorisations de vol.
01:09:47 - Vous voulez que je sois comme votre soeur ?
01:09:49 - Oui !
01:09:50 - Les autorités canadiennes ne veulent pas que les médias témoignent de la réalité.
01:09:55 Donc, ils inventent un truc surréaliste pour ne pas déranger les phoques.
01:10:00 Il ne faut pas qu'on aille en hélicoptère sur la banquise.
01:10:03 Ensuite, parce que la météo s'en mêle, le lendemain de son arrivée, une tempête de neige s'abat sur le camp de base.
01:10:10 - On s'est réveillés, il y avait un mur de neige, c'était infranchissable.
01:10:19 L'hélicoptère qui devait emmener Brigitte sur la banquise est cloué au sol.
01:10:23 Les journalistes s'impatientent, alors elles décident d'organiser une conférence de presse au pied levé.
01:10:29 Mais l'atmosphère est tendue.
01:10:31 - À ce moment-là, elle rentre avec Franz Weber, et elle rentre comme ça, sans un sourire.
01:10:37 - J'aurais voulu faire mon premier voyage au Canada, dans des conditions différentes.
01:10:42 Je voudrais le silence, s'il vous plaît.
01:10:45 Les journalistes sont à l'écoute, mais Brigitte prend tout de suite un ton agressif.
01:10:51 - Si je fais le voyage de France jusqu'ici, c'est pas pour faire du tourisme, ni pour me faire photographier comme au festival de Cannes.
01:10:58 - Brigitte se rend compte que c'est sa personnalité qui intéresse les gens beaucoup plus que la campagne et le massacre qu'elle veut défendre.
01:11:05 - Elle devient ce qu'elle est en pareilles circonstances, c'est-à-dire un peu violente et en même temps pleine d'émotions, au bord des larmes.
01:11:12 Toutes les émotions passent.
01:11:16 - Elle finit par faire ce qu'il ne fallait pas, s'attaquer aux chasseurs.
01:11:21 - L'argument qu'on nous oppose, c'est que vont devenir les chasseurs.
01:11:26 Chasseurs, c'est un grand mot pour ce qu'ils font, les bouchers, disons.
01:11:33 Des bouchers, la chasse ici est une coutume ancestrale et les journalistes canadiens présents dans l'Assemblée n'entendent pas lui pardonner.
01:11:42 - Elle a eu le droit absolument à tout, l'ancienne starlette, la mère qui a abandonné son enfant, est-elle droguée ?
01:11:50 - Brigitte a toujours eu des mots qui apparaissent comme durs et qui sont parfois incontestablement maladroits.
01:11:58 Et parfois, c'est préjudifiable à la cause qu'elle défend.
01:12:02 - De toute façon, quoi qu'il arrive, le Foc est en voie de disparition.
01:12:07 L'opération médiatique est en train de tourner au fiasco, lorsque soudain les conditions météo s'améliorent.
01:12:13 - Brigitte m'appelle, "Franz, il fait beau, est-ce que tu me prêtes un hélicoptère ?"
01:12:19 "Bien sûr." Alors je réveille le pilote pour qu'il amène Brigitte.
01:12:25 Elle sait maintenant qu'il n'y a plus qu'une chose à faire, montrer un bébé Foc pour toucher l'opinion publique.
01:12:31 Mais il faut faire vite. La météo se dégrade à nouveau.
01:12:37 - Il y a la mère qui appelle. Mais tu sais qu'il y en a encore un près de la mer, là-bas, regarde.
01:12:44 Est-ce que c'est mignon ? Est-ce que c'est mignon ?
01:12:48 Elle ne peut rester sur place que quelques minutes.
01:12:51 - Comme on peut les tuer.
01:12:53 Juste le temps de prendre une image qui fera le tour du monde.
01:12:55 - Voilà ce que c'est qu'un bébé Foc. Et voilà ce qu'on tue.
01:13:00 Par centaines de milliers pour la fourrure.
01:13:03 Ces petites choses qui se laissent prendre comme ça, tout confiants, adorables.
01:13:08 Ces petits bébés merveilleux.
01:13:11 Voilà. On les tue pour faire des jouets en plus, des bébés Foc en plus,
01:13:18 des manteaux de fourrure pour les connes qui veulent se mettre ça sur le dos.
01:13:22 Et voilà.
01:13:26 On les aura, va.
01:13:29 L'opération terminée, Brigitte Bardot rentre à Paris, exténuée.
01:13:36 Entre-temps, elle a découvert les commentaires dans la presse.
01:13:41 Personne ne l'a prise au sérieux.
01:13:43 - Lorsque je la retrouve à Paris, le matin de son retour, moi, je l'attends en boulevard Lannes,
01:13:50 avec une équipe télé, et elle est en larmes.
01:13:53 - Je n'ai pas dormi depuis 36 heures, je ne sais plus très bien où j'en suis.
01:13:56 J'étais tellement contente de rentrer en France.
01:13:59 Et je vois que la presse française m'a descendue en flamme.
01:14:03 - Elle est très blessée, très meurtrie de ce retour qui se solde par un échec.
01:14:09 - Brigitte, que ressort-il de ce que vous avez fait, de positif ?
01:14:15 - De positif ? C'est que je suis en règle avec moi-même.
01:14:19 Je n'aurais jamais pu faire plus. J'ai fait tout ce que je pouvais faire.
01:14:22 Ça, c'est déjà très positif.
01:14:25 Et puis, de positif aussi, c'est que j'ai remis l'opinion publique canadienne.
01:14:31 Je suis un peu fatiguée, excusez-moi.
01:14:33 - Allant sur place, elle espérait faire bouger les consciences beaucoup plus vite.
01:14:42 Et elle se rend compte que le combat va être dur.
01:14:45 Brigitte Bardot pensait commencer une nouvelle vie avec ce combat pour les animaux.
01:14:50 Mais une fois encore, son image la dessert.
01:14:53 Alors elle s'isole à nouveau et sombre dans la dépression.
01:14:56 - La seule question que se posaient ses proches, ainsi que ses amis qui l'aimaient beaucoup,
01:15:06 c'est "Est-ce que Brigitte est heureuse ?"
01:15:09 Finalement, c'est la question récurrente.
01:15:11 "Est-ce qu'elle ne souffre pas trop ? Est-ce qu'elle est heureuse ?"
01:15:15 - Pour penser ses blessures, Brigitte Bardot retourne à la madrague à Saint-Tropez.
01:15:21 Elle ne souhaite pas infliger sa souffrance aux autres.
01:15:24 Elle se coupe du monde.
01:15:26 - Je pense que Brigitte a eu des moments de solitude, comme tout le monde,
01:15:30 mais particulièrement...
01:15:32 C'est particulièrement difficile quand on s'appelle Brigitte Bardot.
01:15:38 Elle s'est isolée, c'est ça.
01:15:40 Quand on lui téléphonait, c'était "Non, Madame n'est pas là."
01:15:45 - C'est elle qui l'a choisie, avec quelques personnes autour d'elle, très peu.
01:15:50 Pour ne plus être blessée, pour ne plus être trahie, pour ne plus être attaquée, pour ne plus être critiquée.
01:15:59 - C'est une période très sombre où elle sentait son amour.
01:16:05 C'est une période très sombre où elle sentait qu'elle passait un cap de vie, qu'elle vieillissait.
01:16:11 Donc elle était déprimée.
01:16:12 - Brigitte Bardot va alors traverser une nouvelle période sombre.
01:16:20 Elle perd ses parents et tente une nouvelle fois de mettre fin à ses jours.
01:16:24 À l'aube de ses 50 ans, Brigitte Bardot n'a plus aucun repère.
01:16:28 Une seule passion l'a fait encore tenir, sa passion pour les animaux.
01:16:31 Alors pourquoi ne pas y consacrer sa nouvelle vie ?
01:16:34 En 1987, elle décide de tout sacrifier pour ce combat.
01:16:38 Elle veut créer une fondation, mais pour cela, il lui faut de l'argent, sans aucune hésitation.
01:16:43 Elle organise une vente aux enchères et se sépare de l'ensemble de ses biens.
01:16:48 Ce jour-là, Brigitte Bardot est anxieuse.
01:16:59 La salle des ventes est pleine à craquer.
01:17:02 Elle n'a pas fait d'apparition publique depuis 5 ans
01:17:05 et elle a encore la mère souvenir de son expédition au Canada.
01:17:08 Elle a peur une fois encore de ne pas être prise au sérieux.
01:17:12 - Avec une demi-heure de retard, je viens la chercher et je lui dis "Brigitte, ça y est, maintenant, c'est le moment, il faut qu'on y aille.
01:17:20 Et il faut que la vente marche, il faut que tu... Oui, oui, mais viens, tu es avec moi. Oui, oui, je suis avec toi."
01:17:27 (Applaudissements)
01:17:35 - À ce moment-là, tout le monde se lève et c'est une ovation, une ovation, mais comme on ne voit jamais.
01:17:43 Elle commençait à frissonner parce que c'était tellement émouvant.
01:17:54 Au total, elle a mis en vente plus d'une centaine d'objets personnels.
01:17:58 Son célèbre buste de Marianne, sa guitare, des vêtements, des bijoux.
01:18:03 Elle doit récolter plus de 3 millions de francs, alors elle a accepté tous les sacrifices.
01:18:08 - Chaque objet qui était présenté à la vente, c'était un pan de sa vie qui tombait au bénéfice d'un autre pan de sa vie qui allait se construire.
01:18:22 C'était extrêmement fort et émouvant.
01:18:24 - C'était une façon de tirer un trait, ça, sur sa vie, justement, superficielle.
01:18:28 Je crois qu'elle a été dans le don d'elle-même.
01:18:32 - De l'émotion et des surprises comme ces bracelets que lui avait offerts Gunther Sachs le lendemain de leur folle soirée au casino.
01:18:44 C'est lui-même qui les rachète ce jour-là pour lui offrir une seconde fois.
01:18:49 - J'avais mes collaborateurs à côté, alors je disais tous les 10 numéros, après je disais "On en est où ?"
01:18:58 "On en est à 1 million 20 mille."
01:19:02 "Ah, ça va être long."
01:19:04 "Et ainsi d'ailleurs, on en est à combien ?"
01:19:06 "1 million 400 mille."
01:19:08 "Et bon, il faut absolument que je m'étrevienne."
01:19:11 Les enchères montrent rapidement.
01:19:15 Brigitte commence à se détendre et à plaisanter.
01:19:17 Elle veut tout vendre jusqu'au marteau du commissaire Priseur.
01:19:20 En seulement 3 heures, tout est vendu.
01:19:26 L'objectif financier est atteint, elle va pouvoir monter sa fondation.
01:19:30 Cette fois, plus personne ne pourra l'arrêter.
01:19:34 - Et là, elle est rayonnante.
01:19:36 J'avais en face de moi cette femme qui, tout d'un coup, n'était plus la même.
01:19:39 Elle changeait de vie.
01:19:40 Elle était devenue la dame qui s'occupait des animaux.
01:19:43 - Je voulais vous dire aussi que j'ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes.
01:19:50 Et que je donne ma sagesse et mon expérience, maintenant et le meilleur de moi-même, aux animaux.
01:19:56 Merci.
01:19:58 A partir de ce jour-là, Brigitte Bardot va consacrer tout son temps et tout son argent à sa fondation.
01:20:06 Elle hypothèque même sa maison, la Madrag, pour enflouer les caisses.
01:20:12 En 1992, elle obtient le statut d'utilité publique.
01:20:16 - A mon avis, ça valait toutes les légions d'honneur du monde.
01:20:20 Parce que finalement, c'était son engagement que l'État reconnaissait publiquement.
01:20:25 Et elle allait pouvoir travailler avec des dons.
01:20:28 Ce qui a eu d'important dans cette fondation, c'est l'idée que son combat lui survive.
01:20:34 Les années passent et plus personne ne doute de sa légitimité.
01:20:39 Elle est envoyée auprès du Pape en tant qu'ambassadrice de la cause animale à travers le monde.
01:20:43 Elle rencontre des ministres, des chefs d'État.
01:20:46 Elle arrive à faire passer plusieurs décrets.
01:20:49 - Elle sait de quoi elle parle. Elle le fait avec passion.
01:20:53 Elle n'entend pas nécessairement les objections qui peuvent être formulées.
01:20:57 Ce qui lui vaut peut-être, de temps à autre, quelques difficultés avec les gens qui ne sont pas de son avis.
01:21:03 Mais incontestablement sincère.
01:21:06 En 1995, 8 ans après le lancement de sa fondation, tout semble aller pour le mieux.
01:21:12 Lorsqu'une affaire personnelle est douloureuse, la plonge au cœur d'une polémique.
01:21:19 Cette année-là, à la demande générale, Brigitte Bardot achève l'écriture de ses mémoires.
01:21:27 - Elle s'est dit, bon, depuis le temps que les éditeurs veulent que je sorte mes mémoires, je vais les faire.
01:21:33 Seulement à une condition, il faudra que l'éditeur qui va prendre mes mémoires les accepte,
01:21:36 c'est que je dis tout, tout ce que je veux et on ne coupe rien.
01:21:40 Le cinéma, les hommes, les trahisons, Brigitte Bardot ne veut rien éluder.
01:21:50 Elle veut surtout rétablir ses vérités.
01:21:53 Et il y en a une qui lui tient particulièrement à cœur, l'histoire de son fils Nicolas.
01:21:59 Brigitte ne s'en est jamais occupée. Au moment du divorce avec son père, Jacques Charrier, elle a renoncé à en avoir la garde.
01:22:05 Nicolas n'avait que deux ans.
01:22:07 Depuis, elle n'a accepté qu'une seule séance photo avec lui pour un magazine.
01:22:12 C'était en 1967.
01:22:14 Mais ils n'ont jamais eu de relation suivie.
01:22:19 En 1982, elle s'en expliquait pour la première fois.
01:22:22 - J'étais pas capable d'élever Nicolas.
01:22:26 J'ai besoin qu'on s'occupe de moi.
01:22:29 Peut-être maintenant moins, mais en tout cas à l'époque, j'avais besoin d'avoir une mère et pas d'avoir un enfant.
01:22:36 Alors qu'est-ce que j'aurais montré à cet enfant ? Une vie de folle.
01:22:40 La vie que j'avais, c'est-à-dire pleurant tout le temps, sortant n'importe comment avec n'importe qui.
01:22:46 C'était une vie pas possible pour un enfant.
01:22:49 Dans ses mémoires, 13 ans après cette interview, elle tente de s'expliquer à nouveau.
01:22:54 Mais quand elle évoque sa grossesse dans le livre, Brigitte Bardot choisit des mots d'une extrême dureté.
01:22:59 - C'était un peu comme une tumeur qui s'était nourrie de moi, que j'avais portée dans ma chair tuméfiée,
01:23:04 n'attendant que le moment béni où l'on m'en débarrasserait enfin.
01:23:08 Le cauchemar arrivait à son paroxysme, il fallait que j'assume à vie l'objet de mon malheur.
01:23:13 Impossible, je préférais mourir.
01:23:16 Au moment où sort le livre, Nicolas a 37 ans.
01:23:19 Il vit en Norvège avec sa femme et sa fille, mais vient de temps en temps passer des vacances chez sa mère.
01:23:25 Brigitte Bardot affirme qu'elle lui a fait lire les passages le concernant avant de les publier, et qu'il les a donc validés.
01:23:32 - Je le revois arriver avec les mains en disant "bon je désélu, non il n'y a pas de problème".
01:23:36 Je savais que ça s'était passé comme ça, je savais que maman avait eu du mal avec cet accouchement et avec ma naissance et tout.
01:23:46 C'est la preuve, je suis là, on s'entend très bien, il n'y a plus de soucis maintenant et tout.
01:23:51 Mais c'est le père de Nicolas, Jacques Charrier, qui va réagir violemment à la sortie du livre.
01:23:56 - Sa vie est entachée de cet abandon de ce fils qu'elle a aimé au début et qu'elle a laissé tomber.
01:24:08 Confortée par l'idée qu'elle est toujours un mythe, elle croit qu'elle peut tout faire, qu'elle peut tout dire, qu'elle peut tout écrire.
01:24:15 Nicolas finit par se ranger du côté de son père.
01:24:18 Les deux hommes prennent rendez-vous chez une avocate et portent plainte pour diffamation et atteinte à la vie privée.
01:24:24 Alors comment va réagir Brigitte Bardot ?
01:24:27 - Elle a été complètement meurtrie parce qu'elle ne s'attendait pas du tout à un procès de la part du père et du fils.
01:24:33 Le 5 mars 1997, Brigitte Bardot est condamnée à verser 250 000 francs à Jacques Charrier et à son fils Nicolas.
01:24:42 Cependant, le livre n'est pas retiré de la vente.
01:24:48 - Avec ce livre et ce procès, l'image de Brigitte Bardot est une nouvelle fois entachée.
01:24:53 Ses apparitions médiatiques se font de plus en plus rares et l'écriture devient son unique mode d'expression publique.
01:24:59 Le problème, c'est qu'elle écrit tout ce qu'elle pense et que parfois cela choque et dérange.
01:25:04 Entre 1996 et 2000, elle est condamnée à trois reprises pour des propos racistes ou homophobes dans la presse ou dans ses livres.
01:25:12 En 2003, elle récidive pourtant avec "Un cri dans le silence", un livre sur sa vision de la France, des propos durs, troublants et violents.
01:25:20 Beaucoup ne reconnaissent plus Bardot et certains s'interrogent. Est-elle manipulée ?
01:25:26 - Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous demande d'accueillir et de recevoir comme il se doit, Mademoiselle Brigitte Bardot.
01:25:32 - Allez-y !
01:25:34 Le 5 mai 2003, Brigitte Bardot est sur le plateau d'On ne peut pas plaire à tout le monde, une émission de débat qui aime la polémique.
01:25:41 Elle a accepté l'invitation car elle connaît bien Marc-Olivier Fogiel, mais ce jour-là, l'équipe de l'émission est dans l'embarras.
01:25:50 - Deux jours avant l'enregistrement de l'émission avec Bardot, on découvre donc qu'un livre est annoncé par un éditeur.
01:25:58 - Donc évidemment, on tombe des nues parce qu'elle ne nous en a jamais parlé et là, c'est la stupeur.
01:26:03 - On découvre un bouquin absolument haineux.
01:26:08 Dans ce pamphlet contre la société contemporaine, Brigitte Bardot s'en prend pêle-mêle aux politiques, aux fonctionnaires, aux écologistes, aux artistes, aux homosexuels.
01:26:17 Elle dénonce l'islamisation du pays et la perte des valeurs et des traditions françaises.
01:26:22 Bref, elle déteste la France dans laquelle elle vit et elle l'écrit son ménagement.
01:26:30 - Cette femme caractérielle qui dit toujours ce qu'elle pense va commenter les mœurs de son époque pour les dénoncer sur le thème fondamental de "c'était mieux avant".
01:26:44 - Faisons-le comme ça, vous êtes d'accord pour dire ça ?
01:26:46 Alors forcément, Marc-Olivier Fogiel va aborder le sujet à la fin de l'émission.
01:26:51 - On va pas éclipser les choses qui fâchent, on va parler et terminer avec ce livre qui est sorti bien malgré nous, on pensait pas faire une émission à cette occasion-là.
01:27:00 - Écoutez, on fait une émission divertissante, une émission agréable, qui n'est pas une émission littéraire et on va arrêter de parler de ça.
01:27:08 - Brigitte qui avait écrit ça vraiment comme un coup de gueule, qui avait voulu jamais atténuer ses propos, elle s'était pas préparée à répondre du tout aux questions et on la sentait un petit peu déstabilisée.
01:27:19 - Pendant le moment, c'est le silence du cathédrale, tout le monde est... Tout le monde tremble, qu'est-ce qui va se passer ?
01:27:25 - Elle se retourne vers moi et moi je lui fais "Tire-toi", et elle me fait un signe "Oui, oui, oui, oui, du style j'ai compris, ne t'en fais pas, je vais m'en aller".
01:27:32 Brigitte Bardot est mal à l'aise et elle menace de quitter le plateau.
01:27:38 - Je m'en vais !
01:27:39 - C'est trop facile, vous fuyez, vous fuyez, c'est de la lâcheté.
01:27:42 - Non, je suis pas une fille lâche !
01:27:44 - Bah la preuve !
01:27:45 Et là, elle est restée, parce que Brigitte, bon, on la traite pas de lâche.
01:27:48 - C'est pas juste des gens comme ça qui décident de changer de sexe un jour pour faire rire, quoi.
01:27:51 Marc-Olivier Fogiel aborde alors les sujets sensibles.
01:27:54 - Vous dites à un moment donné, c'est les musulmans, 5 millions de musulmans en France...
01:27:57 - Alors moi, je trouve que ça commence à faire trop.
01:27:58 - Comment ça, ça commence à faire trop ?
01:27:59 - Oui, ça fait trop.
01:28:00 Et puis soudain, un homme vient s'asseoir dans le public derrière Brigitte Bardot, c'est Bernard Dormal, son époux.
01:28:07 - J'ai voulu l'arrêter quand j'ai vu que Brigitte en avait mort et qu'elle souffrait, elle répondait plus.
01:28:12 Ça l'a fait 11 ans qu'ils sont mariés, un mariage qui avait déjà fait polémique à l'époque.
01:28:18 Bernard Dormal est un proche de la famille Le Pen.
01:28:22 Le couple avait même été pris en photo en week-end sur le bateau du leader du Front National.
01:28:27 - Quand cette photo est publiée dans la presse, à ce moment-là, tout le monde est surpris.
01:28:35 Qu'est-ce qu'elle fait sur un yacht à côté de Jean-Marie Le Pen ?
01:28:40 Brigitte Bardot a toujours parlé d'un mariage d'amour.
01:28:43 Mais l'arrivée de son mari sur le plateau au moment où sont évoqués les thèmes sensibles
01:28:49 pousse le présentateur à lui poser la question qui fâche.
01:28:52 - On a invité Brigitte Bardot, pas son mari. Est-ce que vous considérez avoir été manipulée par votre mari ?
01:28:56 - Oh non, non, je... Il n'est pas né celui qui va me manipuler. Vraiment pas né.
01:29:01 - Le prix de l'incidence, elle l'a écrit toute seule.
01:29:03 Contrairement à ce qu'on a pu dire, il n'a pas été dicté par personne.
01:29:06 - C'est-à-dire que même son mari l'a découvert un jour en même temps que moi.
01:29:10 - Ça lui est venu comme ça, je l'ai laissé faire. Quand j'ai lu, j'ai dit "tu vas avoir des problèmes".
01:29:15 Mais... Il faut laisser faire.
01:29:19 - On aurait souhaité que le livre ne sorte pas au moment de cette émission, comme c'était prévu au départ,
01:29:24 puisqu'il n'y avait pas de livre du tout quand vous a contacté Brigitte Bardot. Merci beaucoup.
01:29:27 Brigitte Bardot décide alors qu'elle ne viendra plus jamais à la télévision.
01:29:34 Mais l'affaire du livre n'en reste pas là. La star est une nouvelle fois traînée devant les tribunaux.
01:29:40 Plusieurs associations portent plainte pour incitation à la haine raciale.
01:29:44 - Brigitte Bardot s'est effondrée en larmes en écoutant la plaidoirie des partis civils.
01:29:49 "Elle ne cultive pas la haine", dit-elle. "Elle a juste des convictions".
01:29:52 Ce sera sa quatrième condamnation. Mais cette fois, elle accepte de présenter ses excuses.
01:30:00 Elle rencontre le recteur de la mosquée de Paris.
01:30:03 Elle envoie une lettre à la communauté homosexuelle.
01:30:07 Non pas qu'elle regrette ses propos. Elle a simplement peur des répercussions pour sa fondation.
01:30:12 - Sa fondation, c'est sa vie. Du coup, sans doute, s'en veut-elle d'avoir mis la fondation en situation de précarité par ses propos ?
01:30:22 - "Homosexuel, mes amis de toujours, je vous aime.
01:30:25 Restez tels que vous êtes et continuez de m'accepter tel que je suis avec mon pire et mon meilleur."
01:30:30 - Je suis convaincu que Brigitte Bardot n'est pas raciste.
01:30:33 Je suis même convaincu qu'elle n'est pas homophobe, en réalité.
01:30:37 Mais qu'en revanche, elle a peur du monde d'aujourd'hui.
01:30:40 - On raconte qu'elle est mise en trampouille, elle est un peu, mais dans l'ensemble de l'humanité,
01:30:46 mais individuellement, elle aide plein de gens, elle fait plein de choses pour les gens.
01:30:51 Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mais elle n'en parle pas parce que ce n'est pas son combat.
01:30:56 - Brigitte Bardot se sent une nouvelle fois incomprise.
01:31:00 Mais c'est surtout le monde qui l'entoure qu'elle ne comprend plus.
01:31:03 Alors elle s'isole, une fois encore.
01:31:06 Elle retourne à Saint-Tropez et coupe les ponts avec son entourage.
01:31:11 - Elle est retirée du monde, vivant et actif. Elle ne sort plus.
01:31:30 Elle est entre sa madrague et la garrigue, maintenant entourée de son corps.
01:31:36 Elle est entre sa madrague et la garrigue, maintenant entourée de ses animaux.
01:31:42 Alors elle a un mari, elle a deux personnes autour d'elle.
01:31:46 Et de temps en temps, un ami de passage, une amie de passage.
01:31:51 Sinon, voilà, elle ne voit plus beaucoup de monde. Elle ne voit plus personne.
01:31:55 - Mais elle ne veut pas qu'on l'appelle. Moi, je respecte tout ça.
01:31:59 Ça me crève le cœur parce que j'aurais envie de l'appeler.
01:32:01 - Elle s'est fait un monde à elle.
01:32:04 Sa seule préoccupation, c'est encore et toujours son combat pour la défense animale.
01:32:10 Elle y consacre tout son temps.
01:32:13 - Elle a encore des rêves et des projets.
01:32:15 Et son grand rêve, pour ses 80 ans, ça serait vraiment de voir une grande victoire pour les animaux.
01:32:23 - Mais elle vit aussi dans la nostalgie d'un passé révolu.
01:32:26 Chaque jour, lorsqu'elle arrive à la garrigue, elle ouvre son courrier.
01:32:29 Des centaines de lettres de fans qui lui arrivent encore du monde entier.
01:32:33 Et elle prend le temps d'y répondre.
01:32:35 - C'est les dédicaces, elle lui demande deux livres.
01:32:41 On lui demande encore de tourner dans des films.
01:32:43 On lui demande de préfacer des livres.
01:32:45 On lui propose des sujets de documentaires, etc.
01:32:49 - Ça vient de Sibérie, du Japon, du Pérou, du fin fond du Texas, de Sumatra.
01:32:54 Enfin, c'est complètement extraordinaire de penser que 60 ans plus tard,
01:32:59 cette jeune bourgeoise du 16e arrondissement est devenue ce qu'elle est devenue.
01:33:04 40 ans après la fin de sa carrière au cinéma, Brigitte Bardot reste un mythe.
01:33:11 Un mythe vivant.
01:33:13 Elle aura passé sa vie à essayer de s'en détacher.
01:33:16 Mais même en se coupant du monde, l'empreinte qu'elle a laissée sur son époque
01:33:20 semble à jamais indélébile.
01:33:22 - Finalement, c'est ça qui fait que sa popularité, c'est d'être ce qu'elle est.
01:33:28 Alors, on aime, on n'est pas toujours d'accord, on peut la détester, ça peut arriver.
01:33:33 Mais elle est comme ça.
01:33:35 Surtout pas toucher à ce qu'elle est.
01:33:38 Elle a toujours été libre et elle le paye très cher, cette liberté.
01:33:43 - Bonsoir, Brigitte Bardot. - Bonsoir.
01:33:54 - On est où ici ? - On est à La Garigue.
01:33:58 - La Garigue, c'est quoi La Garigue ? - C'est mon petit paradis secret de Saint-Tropez.
01:34:03 - Là, vous accueillez tous ces animaux que vous aimez ?
01:34:08 - C'est là surtout que je me préserve de la foule de l'été, de la foule en général qui envahit La Madrague.
01:34:18 - De temps de paix, quoi, ici. Protégée. - Oui.
01:34:21 - La Madrague, c'est devenu un lieu où bébé, Bardot, on vient visiter, on vient regarder, il y a ces bateaux qui passent.
01:34:29 Ça, ça a été aussi fatigant, usant.
01:34:33 - La Madrague, c'est devenu la tour Eiffel de Saint-Tropez.
01:34:37 Donc, tous les bateaux se mettent devant La Madrague et dans des canipus toute la journée.
01:34:44 - Donc, aujourd'hui, vous avez plutôt envie de la fuir.
01:34:47 - Oui, toute l'année. - Toute l'année. - Parce que je l'aime le matin et je l'aime le soir.
01:34:55 C'est un peu comme un vieux mari et un jeune amant.
01:34:58 Alors, le vieux mari, c'est La Madrague et le jeune amant que je vois dans la journée, c'est La Garigue.
01:35:03 - Vous ne le souhaitez pas apparaître à l'écran, à l'image ou un petit peu comme ça, de manière un peu furtive ?
01:35:10 - Non, c'est très exceptionnel que même un peu de profil, je vous laisse me filmer. Voilà.
01:35:17 - Vous avez une explication à ça ?
01:35:20 - Quand on mange trop de chocolat, on a une indigestion.
01:35:23 Moi, j'ai une indigestion des photographes et des gens qui m'ont poursuivi toute ma vie
01:35:28 et des films qui ont été faits, des photos auxquelles je ne m'attendais pas.
01:35:34 - C'est venu brutalement, cette indigestion ? - C'est venu doucement, mais sûrement.
01:35:38 - Et vous l'avez imprimé de votre marque, cette période-là, cette époque-là ?
01:35:41 - C'est sûr que je l'ai imprimé de ma marque, oui.
01:35:44 - Vous aviez été cette beauté insolente pour certains, même ?
01:35:48 - Mais oui, insolente, bien sûr. J'aime bien être insolente.
01:35:52 - Heureusement. Je sais, on a adoré ça. Vous avez appris plein de choses, vous avez appris plein de choses.
01:35:57 Les millions de femmes à travers le monde qui étaient insolentes, qui étaient légères,
01:36:00 qu'une femme avait le droit de regarder un homme si elle avait envie.
01:36:03 C'est pas mal, ça, pour des millions de femmes.
01:36:05 - Mais c'est très bien. - Avant de baisser les yeux, vous savez.
01:36:08 - Moi, je sais pas ce qu'elles ont fait, les femmes. Enfin, moi, c'est ce que j'ai fait, moi, et j'ai bien fait.
01:36:13 - Est-ce que vous avez conscience de l'impact de ce que vous faisiez, de ce que vous provoquiez ?
01:36:18 - Non, non, non, non. - Vous assumiez cette idée d'être cette femme libre qui était comme ça ?
01:36:22 - J'avais aucun impact à assumer. J'étais comme j'étais. Voilà. J'ai toujours été comme ça.
01:36:27 Et encore maintenant, j'ai pas changé.
01:36:31 - Vous me faites naître un sac symbole, comme ça ?
01:36:33 - Oui. C'est fini, ça. - Oui, mais à l'époque, c'était une...
01:36:38 - Non, mais à l'époque, je savais pas, je sais pas. - Vous saviez pas ?
01:36:42 - Non, ça me... ça m'intéressait pas, ça.
01:36:48 Ça m'a jamais intéressée, je m'en fous.
01:36:52 - Vous refusez l'idée d'avoir été un mythe ?
01:36:55 - Je refuse rien du tout. - Mais ?
01:36:58 - Non, non, non. Je refuse rien. Je crache pas du tout dessus.
01:37:02 Parce que le fait d'avoir été connue dans le monde entier par le cinéma me permet et m'a permis, au départ,
01:37:12 de structurer plus fermement cette fondation et d'en faire quelque chose de plus solide que si j'avais jamais été connue.
01:37:21 - L'enfance, ça a été une période heureuse ou une période déjà de révolte ?
01:37:27 À un moment donné, vous avez ressenti l'idée de fuir ?
01:37:30 Parce que votre père vous a imposé, à un moment donné, une forme de rigueur, quand même ?
01:37:35 - À l'époque, c'était dur et difficile à supporter.
01:37:38 Oui, j'ai eu des envies de fuir.
01:37:41 Mais enfin, bon, j'ai fui en épousant Vadim, en fin de compte.
01:37:47 - Vadim, c'est ça. Ça a été le ticket de sortie, quoi. - Oui.
01:37:50 - Vous êtes tombée amoureuse de lui très vite ?
01:37:52 - Oui, mais alors c'était pas bien du tout, parce que lui n'était pas conforme à ce que...
01:37:57 - Ce que vous pensiez ou ce que votre père pensait ?
01:38:01 - Moi, il était conforme à ce que je pensais. Mais ce que mes parents pensaient, c'était pas vraiment ça, non.
01:38:07 - Votre père, il a vous fait vivre l'enfer avec Vadim.
01:38:10 C'est-à-dire, impossibilité de le voir, pression sur lui, même en lui disant, voilà, si tu revois ma fille, ça va très, très mal se passer.
01:38:16 Il y a même cette phrase qui est incroyable. Il avait un pistolet, votre père ?
01:38:20 - Oui, l'histoire du pistolet, oui, c'est vrai.
01:38:23 - Il dit si Vadim, je le vois ? - Non. Il a dit, si vous manquez de respect à ma fille, je vous tue !
01:38:29 Et maman arrive derrière et dit, si mon mari le fait pas, c'est moi qui le ferai.
01:38:33 Alors, comme on était quand même en faute, on a passé un sale quart d'heure, là.
01:38:40 - D'où l'envie de fuir, de partir. - D'où l'envie de fuir, voilà.
01:38:43 - Quand vous étiez plus jeune, très jeune, vous ne vous trouviez pas très, très jolie ?
01:38:47 - J'étais très laide. Non, mais c'est vrai que j'étais pas belle.
01:38:52 J'avais des cheveux châtains raides comme des baguettes, j'avais des lunettes et un appareil pour me redresser.
01:38:59 - Les dents. - Les dents.
01:39:01 - Qui a rien dressé du tout de reste et heureusement parce que comme ça, j'ai mes dents de lapin.
01:39:07 - Et progressivement, le papillon va apparaître.
01:39:11 Il y aura ce film, "Et Dieu créa la femme", film incroyable dans lequel vous êtes d'une beauté inouïe.
01:39:20 Qu'est-ce que vous ressentez, vous, avec ce personnage que vous interprétez ?
01:39:25 Et qu'est-ce que vous ressentez quand vous vous voyez à l'époque ?
01:39:28 - Je ne me vois pas souvent parce que je ne regarde pas mes films.
01:39:32 Je sais que j'avais déjà fait des films avant, qui étaient tous des trucs dénavés, épouvantables.
01:39:39 Sauf la parisienne qui était rigolo, je crois.
01:39:42 Mais à part ça, ce n'était pas terrible.
01:39:45 Et quand j'ai tourné "Et Dieu créa la femme", Vadim m'a laissé faire.
01:39:50 Il m'a laissé être maquillée comme j'avais envie, c'est-à-dire pas maquillée.
01:39:56 Coiffée comme j'avais envie, c'est-à-dire pas coiffée.
01:39:59 Et habillée comme j'avais envie, c'est-à-dire pas habillée.
01:40:02 - La liberté. - Voilà.
01:40:04 J'étais comme j'avais envie d'être.
01:40:07 Et ça a déclenché des scandales, des foudres de critiques ou d'applaudissements.
01:40:17 - Ça a été incroyable. - Oui, ça a été incroyable.
01:40:20 - Les hommes, on a parlé de votre père, on a parlé de Vadim.
01:40:25 Il y en a eu plusieurs. - De quoi ?
01:40:27 - D'hommes dans votre vie. - Heureusement.
01:40:30 - Quelques-uns, quand même. - Oui.
01:40:32 - Ils ont tous compté ? Chacun à leur mesure ?
01:40:35 - Écoutez, chaque personne qui a partagé ma vie m'a apporté quelque chose que j'ai gardé
01:40:43 parce que chacun était enrichissant pour moi.
01:40:46 Et ce qui a été négatif, j'oublie. Je garde ce qui a été positif.
01:40:51 - On en prend quelques-uns. Gunter Sachs, c'est quoi ?
01:40:54 Ça a été magique et en même temps un conte de fées, un cauchemar ?
01:40:59 - Oui, Gunter, ça a été une folie merveilleuse.
01:41:05 Une espèce de chose qui m'est arrivée comme ça, très différente de ce que j'avais connu jusqu'alors
01:41:13 et qui m'a emportée dans un tourbillon et qui, en fin de compte, n'était absolument pas ce qu'il me fallait.
01:41:22 - Jean-Louis Trintignant ? - Ça, je l'adore, mais Jean-Louis.
01:41:26 J'ai vraiment beaucoup aimé Jean-Louis.
01:41:29 - Très attachant, très intelligent. - Profond.
01:41:33 - Déjà triste à l'époque, déjà cette noirceur ? - Il n'était pas triste, il était lucide.
01:41:39 - Avec Gainsbourg, il y a eu des moments fabuleux ?
01:41:42 - Avec Gainsbourg, il y a eu des moments fabuleux. Il m'a apporté beaucoup.
01:41:46 - Ça ne devait être finalement qu'une parenthèse. Il y a eu des parenthèses comme ça dans votre vie ?
01:41:49 - J'ai eu des parenthèses. Ces parenthèses sont peut-être plus des symboles de bonheur
01:41:54 parce qu'elles ont été tronquées. Les choses n'ont pas été jusqu'au bout d'elles-mêmes.
01:41:59 - À cause de quoi ? À cause de tout ce qui entourait tout ça ?
01:42:03 Parce qu'on ne vous a jamais finalement laissé suffisamment libre dans ces histoires que vous viviez, dans ce que vous étiez.
01:42:10 Vous étiez tout le temps épiée. Vous aviez le sentiment d'être en permanence traqué. Vous l'étiez, d'ailleurs.
01:42:15 Vous vous souvenez, dans cet ascenseur, cette femme qui voudrait vous crever les yeux ? C'est quand même ahurissant.
01:42:20 - Je l'ai vécu, ça. J'allais voir une amie qui était dans une clinique. Je me suis trouvée dans un ascenseur
01:42:27 avec une aide-soignante qui portait un plateau de déjeuner. Quand elle m'a reconnue, elle a pris la fourchette
01:42:35 et elle m'a dit que je suis une salope. "Vous prenez tout nos mecs." Elle m'a fait une peur.
01:42:40 J'étais pétrifiée d'horreur parce que l'ascenseur était fermé. J'étais en claustrophobie totale avec cette bonne femme.
01:42:49 Oh là là, mon Dieu, ce que j'ai peur !
01:42:52 - A chaque fois, ça vous renvoie à quoi ? Au fait que l'image que vous renvoyez, elle peut susciter autant de colère
01:42:59 alors que vous, vous n'imaginiez même pas ça, une seconde ?
01:43:02 - Non, moi, je ne peux pas imaginer qu'on ait vis-à-vis de moi des comportements pareils.
01:43:07 Et ça m'a fait prendre conscience de la médiocrité et de l'injustice humaine, aussi.
01:43:16 Ça m'a fait prendre conscience que l'être humain porte en lui des défauts qui sont épouvantables.
01:43:26 - Et pourquoi, à un moment donné, cette vie qui était légère, forte et en même temps compliquée, difficile, lourde avec tout ce que ça impliquait,
01:43:38 vous avez fait le choix plutôt d'aller tourner la page ? Pourquoi tourner la page comme ça, d'un coup ?
01:43:45 Pourquoi vouloir changer de vie ?
01:43:48 - C'est bien, ça, je trouve. Vous me voyez en train de faire des films, encore à 80 ans.
01:43:56 - Certains le font. Certains qui le font.
01:44:01 - Ils font ce qu'ils veulent, mais en fait, c'est un peu ridicule.
01:44:04 - Mais certains qui le font très bien.
01:44:05 - Oui, mais moi, j'ai représenté la liberté, la jeunesse, la beauté sous une certaine forme.
01:44:12 Je ne vais pas, après, représenter la belle-mère, la mère et la grand-mère et même l'arrière-grand-mère.
01:44:20 - Ça, pour vous, ce n'est pas possible.
01:44:23 - Vous vous souvenez de cette phrase de Duras qui disait "c'est la fin de cette éblouissante matinée, ce moment où le temps passe et fait qu'on passe d'un autre chose".
01:44:33 Vous l'avez ressenti, vous, à un moment donné ?
01:44:35 - C'était quoi, l'éblouissante matinée ?
01:44:37 - On va dire la jeunesse, la beauté.
01:44:40 - Ah non, non, moi, je ne sais pas. Je veux dire, à partir du moment où je suis nature, super, comme la nature m'a fait et tout, je ne m'en fous.
01:44:55 Je n'ai pas fait de lifting, je ne fais rien du tout. Je ne vais jamais chez le coiffeur, je ne fais pas de soin de beauté.
01:45:04 Je ne la vois pas partir. Je sais bien qu'elle est partie, ma beauté, ma jeunesse.
01:45:09 - Je vois, vous êtes magnifique.
01:45:12 - C'est gentil, ça me fait plaisir. Alors du coup, on peut faire une photo ?
01:45:18 - On peut pouvoir faire une photo, oui.
01:45:20 Cette traque des paparazzis, des photographes, votre vie privée qui était épiée à chaque instant, à un moment donné, ça vous a poussé à partir, à changer de vie aussi.
01:45:34 J'avais en moi, depuis que je suis née, un amour fulgurant pour les animaux.
01:45:39 Donc, je voulais faire du cinéma pour m'acheter une ferme où on ne tuerait pas les animaux.
01:45:45 Et comme au départ, je n'avais pas un rond, je me suis dit que la seule façon d'avoir un peu d'argent pour m'acheter cette ferme, c'est de faire du cinéma.
01:45:53 Alors depuis la méduille, j'ai fait du cinéma et j'ai pu m'acheter autre chose qu'une ferme.
01:45:58 Mais maintenant, le but de ma vie, en fin de compte, c'est ce que j'ai fait, c'est ma fondation.
01:46:05 - À un moment donné, vous faites le choix de sacrifier tous vos biens pour cette fondation, pour les animaux.
01:46:11 - Oui, oui, oui.
01:46:12 - C'était une évidence pour vous ?
01:46:14 - Evidemment. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse de tas de trucs qui ont une valeur formidable et dont je ne me servirai jamais ?
01:46:22 - Aucun regret ?
01:46:23 - Non, je n'ai aucun regret.
01:46:25 - Il n'y a pas des petits objets comme ça qui vous manquent aujourd'hui, que vous auriez aimé avoir encore avec vous ?
01:46:28 - Non, rien ne me manque puisque ma fondation les a remplacés.
01:46:34 - Même la balrague, vous l'avez entre guillemets...
01:46:36 - Je l'ai donnée.
01:46:37 - Donnée ?
01:46:38 - Oui. Et ici aussi, je vais le donner, cette année.
01:46:41 - C'est quoi ? C'est une façon aussi de tirer un trait sur la vie d'avant ?
01:46:45 - Non, c'est pour que ça ne soit pas prêt à ma mort par des promoteurs.
01:46:50 - Oui.
01:46:51 - Et que ça garde l'âme que j'ai commencé à lui donner.
01:46:55 - Il continue à y mettre des animaux et à protéger et à récupérer les animaux qui sont en détresse sur la côte d'Azur et dans le coin.
01:47:04 - Vous avez eu de nombreux combats, il y a eu effectivement les bébés phoques, qui étaient un moment de bascule fort, important.
01:47:10 - Très fort.
01:47:11 - Et aujourd'hui, vous dites que tout ça n'a pas servi à rien. Il y a eu des décrets, il y a eu des lois, il y a eu des choses qui ont progressé.
01:47:18 - Par rapport à l'énergie dépensée, au courage que j'ai et à la volonté que j'ai d'arriver à certaines choses,
01:47:30 ce qu'on a eu comme victoire, ce n'est pas assez en fonction de ce que je demande. Voilà, c'est ça.
01:47:41 - Est-ce qu'avec le temps, votre vision du monde a évolué, a changé ?
01:47:47 - Oui, oui, beaucoup.
01:47:49 - Beaucoup. Vous qui étiez, on va dire, très libéral et qui aviez un père un peu réactionnaire, est-ce que vous n'êtes pas revenu aux sources ?
01:47:57 - Comment ça, réactionnaire ?
01:47:59 - Un peu conservateur, votre père.
01:48:01 - Ah oui, conservateur.
01:48:03 - Vous êtes revenu un petit peu aux sources.
01:48:05 - Je n'ai jamais quitté les sources.
01:48:07 - Jamais ?
01:48:08 - Ben non.
01:48:09 - En étant ce que vous étiez, cette femme qui était là, légère, qui aimait la vie, qui était un symbole sexuel.
01:48:15 - Et alors ?
01:48:16 - Et alors, parfois, aujourd'hui, certaines de vos positions sur l'évolution de la société donnent un côté conservatrice. Vous savez bien ?
01:48:26 - Mais vous croyez qu'elle évolue dans le bon sens, la société ?
01:48:29 - Moi, je ne sais pas, c'est mon point de vue de la question.
01:48:31 - Moi, je vous dis que non. Voilà, c'est tout. Elle n'évolue pas dans le bon sens. Regardez dans quelle merdouille on se trouve. Alors évidemment, je suis conservatrice.
01:48:40 - Dans le sens où ?
01:48:42 - Dans le sens où je trouve que ce n'est pas du tout rigolo d'évoluer vers une société comme la nôtre. Voilà.
01:48:51 - C'est vrai que vous avez croisé tous ces hommes politiques. De Gaulle, Giscard. Vous avez ragé avec Giscard, c'est vrai ou pas ?
01:48:58 - Il continue.
01:48:59 - Il continue, c'est vrai ? Il continue à vous écrire ?
01:49:01 - Non, il ne m'écrit pas, mais il me téléphone de temps en temps.
01:49:04 - C'est vrai ?
01:49:05 - J'ai gardé une grande amitié pour lui. Il est très gentil.
01:49:09 - C'était un bon président ?
01:49:11 - Écoutez, ça, je n'en sais rien. Non, je ne sais pas. À l'époque, je ne m'en occupais pas du tout de ce genre de trucs.
01:49:17 - François Mitterrand ?
01:49:19 - François Mitterrand, il a eu de jolis gestes vis-à-vis de moi, du point de vue social, puisque c'est lui qui m'a remis une Légion d'honneur que je n'ai pas voulu accepter. Mais c'était un joli geste.
01:49:35 - Chirac ?
01:49:36 - Chirac, alors, c'est le roi des menteurs.
01:49:39 - Ah bon ?
01:49:40 - Oui, parce qu'il m'a promis beaucoup de choses, mais je crois qu'il fait la course avec Sarkozy, parce que les deux m'ont promis énormément de choses, étaient absolument charmants avec moi et ne m'ont rien donné. Mais rien ! Rien du tout.
01:49:58 - Le président actuel ?
01:50:00 - Alors, le président actuel est assez à l'écoute de certaines de mes demandes.
01:50:10 - Il y a une image de vous qui est apparue sur une affiche de Marine Le Pen pour la campagne des européennes ?
01:50:15 - Elle est belle, cette affiche ! Elle est magnifique ! Je la trouve très belle, moi.
01:50:22 - Elle vous avait demandé l'autorisation ?
01:50:23 - Non.
01:50:24 - Non ?
01:50:25 - Non.
01:50:26 - Elle vous lui parlait de temps en temps ou pas ? Parce que vous avez Giscard au téléphone, est-ce que vous avez de temps en temps Marine Le Pen au téléphone ?
01:50:31 - Il m'arrive d'avoir Marine, oui. Mais j'aime beaucoup Marine. Et vous n'allez pas me faire dire des trucs que je ne veux pas dire.
01:50:41 - Ah, je vous pose juste des questions, je ne vous fais pas dire ce que vous voulez.
01:50:43 - Non, non, non.
01:50:44 - Pourquoi ?
01:50:45 - Parce que j'aime beaucoup Marine et je l'affirme et je le dis, c'est tout. Je n'ai pas à m'en cacher.
01:50:51 - Qu'est-ce qu'elle a de plus que les autres ?
01:50:53 - Elle a de plus que les autres ? Eh bien, je vais vous dire un truc rigolo. C'est la seule femme, mais elle a une paire de couilles.
01:51:00 - Et ses idées vous plaisent ? Globalement ?
01:51:04 - Ah oui, oui, dans l'ensemble, ses idées me plaisent.
01:51:06 - Pourquoi ? Parce que c'est la vision de la France que vous aimez ?
01:51:08 - C'est la vision de la France que je souhaiterais revoir apparaître, oui. Revoir apparaître.
01:51:16 - Vous avez fait scandale quand vous aviez dit ça. Ça vous a troublé le fait que les Français, ou une partie des Français, une partie de la presse soit scandalisée par ça ?
01:51:23 - Par quoi ?
01:51:24 - Par le fait que vous aviez eu, on va dire, des propos sur un parti qui symbolise, pour certains, l'extrême droite, qui symbolise une histoire compliquée.
01:51:34 - Elle n'est pas un peu étroite, cette vision-là, selon vous ?
01:51:36 - Écoutez, pour le moment, vu l'état dans lequel elle est, cette pauvre France, plus étroite, ça m'étonne. C'est difficile.
01:51:46 - Il y a eu, on va dire, un autre scandale qu'a été ce livre dans lequel vous reveniez sur la naissance de votre fils. Ça va mieux avec lui ?
01:52:00 - Pourquoi ça irait mieux ?
01:52:04 - Je ne sais pas, parce qu'avec le temps, les choses passent, parfois.
01:52:06 - Non, non, mais ça va bien, oui, ça va très bien. Pourquoi ?
01:52:09 - Parce que ça n'a pas été parfois.
01:52:11 - Non, il y a eu des moments de tirage, bon, vous savez, dans toutes les familles.
01:52:14 - Voilà, un petit peu plus que la moyenne.
01:52:16 - Oui, peut-être.
01:52:18 - Un peu.
01:52:19 - Peut-être.
01:52:20 - Et cette vie de famille, telle qu'elle est aujourd'hui, ça vous plaît ?
01:52:23 - Oui.
01:52:24 - Telle qu'elle est installée, avec lui, les relations que vous aviez ?
01:52:26 - C'est-à-dire qu'on a des relations, lui, dans Norvège et moi ici, et on se voit très, très rarement.
01:52:32 - Et quand il a des enfants ?
01:52:33 - Je ne les ai jamais vus, une fois seulement.
01:52:36 - Elles ne parlent pas français, mais je les aime beaucoup.
01:52:40 - Elles sont belles, en plus.
01:52:42 - Il n'y a pas eu de grande solitude dans votre vie ?
01:52:45 - Ah si, mais je la recherche maintenant, la solitude.
01:52:48 - Je n'aime pas qu'on vienne m'emmerder et qu'on soit près de moi ou qu'on...
01:52:55 - Je ne sais pas, j'aime bien être seule.
01:52:57 - Avant, c'était une source d'angoisse, aujourd'hui, c'est un plaisir.
01:53:00 - Une source de faire le vide dans ma tête, de réfléchir et de contempler, aussi.
01:53:08 - J'aime bien contempler, je suis très contemplative.
01:53:11 - Je suis très, très seule et j'aime bien.
01:53:14 - Finalement, vous êtes heureuse, aujourd'hui.
01:53:16 - Je ne suis pas heureuse.
01:53:18 - Le bonheur, c'est tellement...
01:53:23 - Tellement difficile.
01:53:24 - Mais disons que je ne suis pas malheureuse.
01:53:27 - Et que je suis sereine.
01:53:30 - Pas de regrets ?
01:53:31 - Non, ni regrets, ni remords.
01:53:34 - Sur rien ?
01:53:35 - Sur rien.
01:53:37 - Merci beaucoup, Brigitte Bardot.
01:53:40 - À bientôt ?
01:53:41 - À bientôt, quand j'aurai 100 ans.
01:53:43 - On fera ça ensemble.
01:53:45 - Voilà pour cette interview, voilà pour les chapitres de cette histoire.
01:53:51 - Une Bardot adulée, critiquée, mais sans remords et sans regrets.
01:53:55 - Bébé qui restera un mythe jamais remplacé à ce jour.
01:53:59 - Merci à vous de nous avoir suivis.
01:54:01 - Restez sur France 2, Brigitte Bardot revient devant la caméra de Vadim.
01:54:04 - Tout de suite, le film qui participa à faire de la jeune comédienne un mythe.
01:54:08 - Voir ou revoir, et Dieu créa la femme.
01:54:11 - Rendez-vous dans quelques semaines pour un nouveau numéro d'Un jour, une histoire.
01:54:15 - L'incroyable histoire de l'une des femmes préférées des Français.
01:54:18 - Vous comprendrez pourquoi en découvrant Le Destin de Simone Veil.
01:54:22 - À très bientôt.
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