Le philosophe Alain Finkielkraut était invité dans Face à Bock-Côté, ce samedi 10 juin, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur la condamnation de Nicolas Sarkozy : «C’est de la justice en état d’ivresse».
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00:00 Alors, Simon Blain, dans Libération, a écrit un article à droite,
00:07 "Les mauvais juges de l'état de droit".
00:11 Et il me classait parmi ces mauvais juges,
00:15 dans un article d'ailleurs qui n'était pas du tout insultant.
00:17 Mais ma réaction n'est pas celle du tout d'un homme de droite,
00:22 ni d'ailleurs d'un homme de gauche,
00:23 mais d'un citoyen et d'un justiciable éventuel.
00:30 C'est Montesquieu qui disait,
00:33 "Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir,
00:35 il faut que par la disposition des choses,
00:38 le pouvoir arrête le pouvoir.
00:40 Il faut que le pouvoir judiciaire arrête le pouvoir politique."
00:44 Et c'est toute d'ailleurs la question qui s'oppose en Israël.
00:47 C'est pour ça qu'il y a cette révolte.
00:50 Il faut arrêter la frénésie d'un pouvoir politique
00:53 qui veut faire main basse sur le pouvoir judiciaire.
00:56 En France, c'est l'inverse.
00:59 Il faut arrêter ce pouvoir judiciaire
01:01 ou cette justice en état d'ivresse.
01:04 Il y va de l'avenir même de l'État de droit.
01:07 Cette condamnation de Nicolas Sarkozy,
01:09 de Thierry Herzog, son avocat,
01:12 et de Gilbert Aziber, est délirante.
01:16 On érige, la justice a érigé,
01:22 même pas une volonté, une véléité,
01:27 en forfait et même en crime.
01:29 Il n'a jamais rien sollicité, Sarkozy,
01:33 et il n'a jamais rien obtenu,
01:35 et il est condamné à un certain nombre d'années de prison
01:40 et au bracelet électronique.
01:43 C'est en effet de la justice en état d'ivresse.
01:46 J'ajoute que ces conversations avec son avocat
01:50 ont été écoutées.
01:52 C'est comme l'a dit très justement Vincent Tremolet de Villers,
01:56 "La vie des autres", version française.
02:00 On ne devrait pas tailleurer ça, et notamment pas Mediapart,
02:03 puisque Edoui Plenel a protesté, comme on sait,
02:07 quand il a appris que ces conversations étaient écoutées.
02:12 Donc, pourquoi les conversations d'un journaliste
02:15 devraient-elles être protégées
02:17 et celles d'un avocat et de son client écoutées ?
02:19 Et puis, il faut se souvenir que du mur des cons,
02:25 on n'est pas sortis, on n'a pas purgé cette affaire du mur des cons.
02:28 Parmi les cons, il y avait Nicolas Sarkozy, bien sûr.
02:32 Il y avait d'autres hommes politiques.
02:35 À Nicolas Sarkozy, un certain nombre de magistrats...
02:39 -Vous voulez l'humilier ?
02:40 C'est une volonté d'humiliation de Nicolas Sarkozy ?
02:42 -Sarkozy, il faut le tuer. Pourquoi ?
02:45 Parce qu'il a voulu réformer la justice,
02:48 parce qu'il a rétabli les peines planchées,
02:50 et ça, on considère que c'est un ennemi.
02:52 Et contre lui, la faim justifie les moyens.
02:59 Et sur le mur des cons,
03:01 il y avait aussi le nom de deux personnalités
03:05 dont les filles avaient été tuées et violées
03:11 et qui appelaient à une plus grande répression sexuelle.
03:15 Ces deux personnalités aussi se retrouvaient sur le mur des cons.
03:19 Donc rien n'est plus dangereux aujourd'hui,
03:22 pour nous, citoyens, pour nous, justiciables,
03:26 qu'une justice qui se veut justicière.
03:30 Cette tentation existe, elle s'est manifestée au grand jour,
03:36 et j'aurais aimé que tout le monde réagisse,
03:39 et notamment les adversaires de Nicolas Sarkozy.
03:43 Ce n'est pas la question.
03:44 On peut dresser un bilan très négatif de sa présidence,
03:50 peut-être, oui, mais et alors ?
03:53 Et alors ? Et alors ?
03:55 Parce que, je veux dire,
03:59 quand on voit les représentants de l'État de droit
04:02 piétiner l'État de droit, on est en droit,
04:06 on est en droit, c'est le cas de le dire, d'avoir peur.
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