La famille Hernandez

  • l’année dernière

Category

Personnes
Transcription
00:00 Dans le monde entier, le succès, elle a connu. Voici des extraits de la pièce "La famille
00:06 hernandaise" créée par Jacqueline Bailac.
00:11 Les voici, vous les connaissez. Ils habitaient Babelwed, Nelson, Lacantère, Madame d'Afrique.
00:19 Ils aimaient la nisette, le soleil, le rire, la guitare, la mouna du dimanche et le bal du
00:25 samedi. Un jour, l'histoire s'empara de ce petit peuple et dans les remous de ses péripéties,
00:31 dans les tempêtes de son vent violent, elle les fit aborder aux rivages blancs de Provence.
00:36 Comme la cigale, ils chantent encore, ils dansent encore, ils apprennent à rire de
00:41 l'adversité, car telle est leur force et leur vertu. Tout peut leur être ôté, sauf
00:47 le courage. Et ce qu'ils feront éclater toujours à la face du monde, c'est ce qu'ils portent
00:52 en eux, tenace et indestructible. C'est le plus grand élan de l'humanité, c'est la vie.
00:57 Amen !
00:59 Les rougis ! Les rougis ! A la sardine fraîche, il est frais, il est frais ! A l'hierougie !
01:12 Aïe ! Ouh ! Oulah !
01:14 Ah ben vous avez qu'à paraissait en derrière moi collé, comme une arapelle.
01:17 Ah ça alors, ça alors ! Ça fait un quart d'heure que je me tape la chaîne devant
01:22 le marchand du poisson, vous arrivez, vous se mettez devant moi, vous me marchez en
01:27 deux sur les pieds et encore vous m'engueulez. Dans deux minutes vous allez dire que vous
01:31 étiez là avant moi peut-être. Et parfaitement, j'étais là avant, parfaitement, même
01:35 que monsieur là il m'a vu. Quel monsieur il vous a vu ?
01:38 Oui, celui là qui est derrière moi, même que je l'ai vu arriver avec sa voiture, la
01:43 stude pas chère là, quand elle revient on dirait qu'elle s'en va. Et vous, vous l'avez
01:47 pas vu arriver non ? Tout ça que je sais c'est que je suis là
01:50 avant vous, c'est tout. Demandez-y oh monsieur, demandez-y ! C'est
01:54 pas vrai monsieur que madame elle est arrivée après moi non ?
01:57 Je n'ai pas vu arriver cette dame. Ah ben, eh ben pourtant elle a fait tout
02:01 ça qu'il faut pour qu'on la remarque, hein, ben mon ami.
02:03 Bon vous vous faisez mieux d'aller voir dans votre marmite si elle cuit bien la soupe.
02:06 Oh dis, eh ! Je suis là et je reste, voilà. Et le monsieur
02:10 il vous dit merde, n'est-ce pas monsieur ? Je ne me permettrais pas de dire le mot
02:14 de Cambronne à un monsieur que je ne connais pas.
02:16 Ah ah ah, vous voyez, vous voyez, vous se croyez que tout le monde il est comme vous
02:20 autres, mauvais et tout. D'abord, le monsieur à vous il vous dit...
02:25 Mais je ne dis rien madame, cessez de me prendre à témoin, je suis impartial.
02:29 Ah, eh ben enchanté de vous connaître monsieur impartial, eh ben moi c'est Pépette.
02:33 Et l'autre là, celle là qui gueule si tant qu'elle a mote les populations, c'est
02:37 Mame Cajule. Espèce de malhonnête que vous êtes, si mon mari il était là...
02:42 Aïe aïe, ah ah ah, à votre mari laissez-moi rigoler. Chance qu'il soit en sauvé depuis
02:48 avant qu'il soit né, vos trois gosses, sinon il vous casse les dents lui.
02:52 Insolent, falso, vous insultez à une pauvre femme qui a trois enfants, qui peut lever
02:57 la tête haute. Je ne suis pas comme à votre sœur.
03:00 Hein, ma sœur ? Ma sœur Mame Cajule, elle marche avec la tête par en bas, si ça lui
03:05 fait plaisir, ça me regarde pas. Allez lui parler à elle, elle a la langue pour faire
03:09 la monnaie, va, allez, va. Ma sœur, les rougis, toutes fraîches, les rougis.
03:14 Qu'est-ce que tu veux madame ? Elles sont fraîches tes tchelbas ?
03:17 Aïe, regarde s'il est fraîche madame, il est tordu tellement il est fraîche.
03:21 C'est pas possible alors ça. Allez, dépêchez-vous un peu de choisir, on va pas rester ici
03:25 cent ans, non ? Qu'appelez-vous tchelbas ?
03:27 Ah, c'est le poisson que nous se trouvons en pagaille. Pour un mérot, il y a 200 tchelbas.
03:33 Le poisson gobeux si vous voulez. Ça pilule par ici à la plage des casseroles là-bas.
03:40 Ça pilule hein. Eh bien à vous je vous dis pas au revoir madame.
03:44 Eh bien moi non plus, je vous dis rien moi. Alors qu'est-ce que c'est ça ?
03:47 Ah, qu'est-ce que tu veux pépère ? Voilà du sardine qui est fraîche.
03:51 Regarde la sépia avec les yeux, regarde ses yeux. Il est fraîche, il a les yeux bleus.
03:56 Regarde-moi ça, ce poisson il est tout pourri.
03:59 Tout pourri ? Toi tu es pourri saloperie.
04:01 Si je mange ça je meurs et si je meurs ma mère elle me tue alors.
04:04 Avec ce poisson-là tu ne meurs pas, tu deviens gros, je te jure.
04:08 Ah, tu es fou ou quoi ? Même pas il est vidé ton poisson.
04:11 Mais regarde un peu, regarde il est minable, regarde les boyaux.
04:15 Qu'est-ce qu'il est boyaux ? Oh les boyaux, tu vois pas que c'est sans œufs ?
04:18 Écoute, si tu ne prends pas je ne te serre pas.
04:20 Ah, allez ça fait rien, va serre monsieur, il est pressé.
04:24 Je voudrais mon ami cette sorte de poisson variolé.
04:27 Que variolé ? Je connais de variolé.
04:30 Oui, comment dirais-je ? Voyons monsieur, voulez-vous m'aider à expliquer à cette autochtone ?
04:35 Qu'est-ce qu'il a dit celui-là, l'autocom ? L'autocom a ta mère dedans.
04:40 Mais non mon ami, ne le prenez pas en mal, ce n'est pas une insulte, voyons.
04:44 D'abord je te jure que je ne comprends rien de tout ce que vous racontez.
04:47 Non, celui-là il veut les poissons variolé, tu sais pas ça que c'est ?
04:50 C'est une sorte de con gros.
04:53 Tu vois qu'il a la mauvaise bouche celui-là.
04:55 Non, non, écoutez monsieur, ce poisson c'est pas joli.
04:59 Chez nous autres, le merlan, le rouget, la sépia, mais le...
05:04 le comme vous dites vous autres, non ça c'est pas bien.
05:07 Le congre ?
05:09 Oui celui-là chez nous, c'est pas qu'il n'y en a pas, mais on le dit pas, vous savez.
05:13 Bon, bon, je n'insiste pas.
05:15 Alors je ne sais pas moi, donnez-moi.
05:18 Comment avez-vous dit tout à l'heure, ni du merlan, ni du rouget, mais de la...
05:24 Je ne me rappelle plus le nom.
05:26 La sépia.
05:27 Oui, comment est-ce la sépia ?
05:29 La sépia c'est celui-là.
05:31 Ah, c'est drôle et visqueux, comme une petite pieuvre.
05:35 C'est un animal à tentacules.
05:37 À quoi qu'il a dit ?
05:40 À tentacules.
05:41 C'est Franck Gaouet là, il parle mal.
05:43 Il a rien de mal élevé dans la bouche celui-là.
05:46 Chez nous autres on se disait des choses comme ça.
05:49 Ah, quel est-il, monsieur ? Il y en a ceux avec des histoires là, des barioules, des tentacules, des congres.
05:56 Je n'ai pas vendu un poisson depuis que je l'ai la celui-là.
05:58 Allez, dégagez, va, dégagez, va.
06:00 Fruits ! Du rouget, du rouget, la sardine !
06:03 Fruits, madame, bien fruits !
06:06 Approchez !
06:07 Fruits, fruits, oh !
06:08 Tu sais pas, malheureux d'entendre une chose pareille.
06:10 Tout pourri, les vôtres poissons que vous m'avez vendus.
06:12 On dirait des espadriers, pas neufs encore.
06:15 Des espadriers ?
06:16 Ah ça y est, nous sommes foutus, voilà madame pénible alors.
06:18 Vous, vous la fermez en grande vitesse.
06:20 Alors, il est pas frais ce poisson-là ?
06:21 Vous discuterez après, je ne suis pas encore servi.
06:23 Oh, vous le congre, mieux ça vaut que vous allez chercher les barioules ailleurs.
06:26 Tu vas me rembourser.
06:28 Tiens, tu vas me servir.
06:30 Tiens toi aussi.
06:31 Oh !
06:32 Bon, ça y est, j'ai compris, moi j'ai ça qu'il me faut.
06:34 Allez, ciao, hein.
06:36 Les crevettes, les tchelbas, les merlons et la sépia.
06:40 Viens, madame, regarde ça, je te jure que tu ne le regretteras pas.
06:44 Le rougit, c'est pour rien.
06:46 1000 francs le kilo, c'est effrayant.
06:48 Laisse-les-moi, mon petit père, à 500 francs et je te les prends.
06:52 Ainsi, toute la matinée, après des combats acharnés,
06:59 les femmes viennent avec mal de tête du marché de Babel, ouais.
07:07 (Rires)
07:09 [SILENCE]