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Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00 L'île rouge Robin Campillo, le réalisateur de 120 battements par minute,
00:03 nous amène dans une base militaire française de Madagascar.
00:07 Philippe ?
00:08 - Alors ce qui est très intéressant, c'est que voilà, c'est en partie autobiographique.
00:12 C'est-à-dire que lui, il a été cet enfant, comme l'enfant, comme Thomas qui est dans le film,
00:16 avec ses parents dans cette base militaire, avec le côté, on est au début des années 70,
00:21 c'est la fin des colonies.
00:22 C'est-à-dire que les familles de militaires qui sont là ont fait d'autres pays,
00:26 ils ont été, comme la famille de Campillo, ils avaient été au Maroc, ils avaient été en Algérie.
00:31 Et donc il y a un côté, c'est la dernière fois, il y a ce côté fin de règne,
00:35 et vu par un enfant, et un enfant qui évidemment ne comprend pas tout.
00:39 Et le choix du film est d'être très sensoriel, c'est-à-dire, au-delà des choses qui sont expliquées,
00:46 il y a des odeurs, des sons, il mélange ses lectures.
00:50 Alors les gens de ma génération seront contents parce qu'il lit beaucoup Fantômette,
00:55 c'était l'héroïne de mon enfance, et c'est assez drôle de voir comment il la met en scène.
01:01 Il y a des sketchs avec Fantômette, etc.
01:03 Et ce qui est assez étonnant dans le film, c'est que, alors c'est pas du tout un film à sketch,
01:09 mais il y a des morceaux de cinéma très différents les uns des autres,
01:12 et le défi du film est de les amalgamer.
01:14 Alors vous apportez un moment de cinéma assez pur, on est dans une fête, dans un arbre de Noël.
01:20 - Il paraît qu'il est fou d'elle, il veut l'épouser et rester ici.
01:24 - Il paraît surtout qu'elle lui a jeté un sort.
01:26 - Non mais pas un sort, vous y croyez à ça ?
01:29 - Bah oui.
01:30 - Il légende, c'est tout.
01:32 Elle a dû lui faire des trucs au lit qu'il connaissait pas, alors il est tombé amoureux.
01:35 - Mais non, enfin elles font toutes ça ici, c'est connu.
01:38 - Oui, il y a plein de jeunes appelés qui se font avoir comme ça.
01:42 Regardez, il y a le père Bertin qui mène sa petite enquête.
01:46 - Qu'est-ce qu'il va faire, tu crois ?
01:47 - C'est lui qui pratique.
01:48 - Regardez comment les portes du hangar...
01:50 En fait, on voit une sorte d'écran de spectacle à l'intérieur du spectacle qui est commenté.
01:56 C'est comme si c'était un film muet parce qu'on les entend pas parler
01:59 et c'est ceux qui regardent qui commentent.
02:01 Et ce qui est très beau, c'est de voir comment, eh ben elle, cette jeune fille, comprend bien
02:06 que son soeur se joue, que ce garçon qui avait l'air rayonnant avec elle
02:11 va peut-être être récupéré par les Blancs.
02:13 Et ce jeu entre les Blancs et les Malagasy,
02:17 c'est finalement tout l'enjeu du film qui va se dessiner dans une dernière partie.
02:20 La construction est très folle, très ambitieuse, très passionnante.
02:24 Là, on est vraiment avec du cinéma. C'est tout, sauf pareil ce...
02:27 - Mais alors pourquoi ? Parce que 120 matements par minute, ça a été grand prix à Cannes,
02:30 ça a été un succès public, il a la même productrice que Justine Trier.
02:34 Pourquoi c'était pas à Cannes, Marie ?
02:35 - Eh ben c'est un grand mystère.
02:37 Après, moi, je trouve que toute la partie autobiographie du sensoriel me séduit infiniment.
02:44 D'abord parce que la photo était à tomber par terre de Joan Lapoiri.
02:46 Vraiment, l'image est très, très belle.
02:49 Et qu'il a réussi à capter, moi, c'est ce qui me passionne le plus dans le film,
02:53 sur lequel j'ai par ailleurs des réserves,
02:54 il a réussi à capter quelque chose des années 70.
02:57 C'est-à-dire la texture des années 70, les parents des années 70.
03:02 Je trouve que le couple parental est absolument fascinant, leurs amis sont fascinants.
03:06 Il y a, vu à travers des yeux d'enfant, une espèce de soirée de tous les dangers,
03:11 qui raconte très bien l'atmosphère un peu étrange, un peu sexe,
03:17 qui peut régner dans une fête des années 70, etc.
03:21 Et ça, c'est absolument réussi.
03:23 Je trouve que les parents, et notamment le père, qui est joué par Kim Gouthiérès,
03:27 est tout à fait passionnant.
03:30 - Mais il y a Marussia et Utrecht qui ont leur idée de pourquoi ce n'était pas à Cannes.
03:34 - Ah mais quoi, suivez, maintenant !
03:36 - Pour moi, le film est malheureusement raté.
03:38 J'attendais beaucoup après 120 battements par minute.
03:42 En fait, je trouve que le film bute sur des problèmes pratiques.
03:46 Par exemple, moi, ne serait-ce que Nadea Terejkovic,
03:49 qui est une très bonne actrice, mais qui a à peine 25 ans,
03:53 et qui est maman d'un enfant de 15 ans...
03:54 - Elle est trop jeune pour le rôle. - C'est très compliqué.
03:56 - C'est une erreur. - C'est une vraie erreur.
03:58 - Est-ce que ça ne peut pas être justement parce que c'est comme un souvenir de mère,
04:03 plus jeune que ce qu'elle a ?
04:04 - Oui, mais en attendant, ce n'est pas présenté comme un souvenir.
04:07 Et le film passe exclusivement, quasiment exclusivement,
04:12 par les yeux du petit garçon, Thomas,
04:15 qui est principalement caché dans une caisse.
04:17 Donc, entre deux lattes, on nous propose de regarder un peu par flash
04:21 tous les souvenirs d'enfance de Robin Campio.
04:25 En effet, il y a des choses sensuelles avec les graviers, avec...
04:28 Alors, il y a plein de pistes lancées, je ne savais plus où donner de la tête,
04:31 et tout se perd dans le coffre ou dans les yeux du gamin qui ne ressent rien.
04:36 - Comment il appose alors son regard d'adulte ?
04:38 - Il ne ressent rien, il n'a pas de regard d'adulte.
04:39 - Pour moi, le problème, c'est vraiment un problème de scénario.
04:43 C'est un film qui est sans cesse plombé par son scénario.
04:46 J'ai l'impression qu'il est là tout le temps présent.
04:49 C'est-à-dire que je ne vois pas le film sensuel dont vous parlez.
04:52 Il n'arrive jamais, parce qu'il a l'air toujours d'être lesté par des intentions,
04:57 par un angle, le regard.
04:59 Je veux dire, on voit vraiment comment c'est décliné dans le film.
05:03 Le film n'arrive jamais à se libérer de ses intentions, de son écriture.
05:07 Et malheureusement, on ne peut pas être pris dans ce truc sensuel.
05:11 Et puis, la caractérisation de l'enfant, ce n'est pas toujours possible.
05:14 Parfois, on lui fait dire trop de mots d'adulte.
05:16 On voit bien qu'il y a ce chemin d'adulte sur la colonisation qui est là et qui ne fonctionne pas.
05:21 - En fait, on est très...
05:22 Moi, je trouve qu'on devine tout le temps le coup d'après, au sens où on a vraiment...
05:26 C'est un truc un peu paradoxal de...
05:28 Moi, j'ai beaucoup pensé au "Fleuve" de Jean Renoir, qui est pour moi le plus grand film du monde.
05:32 Et je pense qu'il y a cette même envie de...
05:34 Est-ce que je raconte quelque chose ou est-ce que je raconte rien ?
05:36 Est-ce que je raconte un paradis ou est-ce que je raconte l'enfer des colonisés ?
05:40 Bref, partagé comme ça, entre des intentions.
05:42 Moi, ce qui me gêne, c'est le côté programmatique du côté carte blanche.
05:46 J'ai eu un succès, maintenant, je vais faire le film de ma vie.
05:50 - Je ne pensais pas que ça avait quand même une intention beaucoup plus profonde.
05:52 - Non, en fait, je sens que c'est très profond et tout, mais je sens l'excès de liberté.
05:57 Du coup, je vois arriver le côté proustien, je vois arriver le côté paradis qui en déclin.
06:03 Je vois arriver l'aveuglement colonial, ce qui arrive à la fin.
06:06 On voit arriver de très, très, très loin.
06:08 Donc, en fait, c'est un truc très bizarre entre...
06:10 Il fait ce qu'il veut, il est totalement libre,
06:12 et en même temps, cette liberté, on devine ce qu'elle va faire.
06:15 Donc voilà, c'est un peu...
06:17 Moi, je suis très à distance, alors que le film devrait me cueillir sur les sensations, sur plein de trucs.
06:23 Et je regarde ça comme un...
06:24 - Il y a aucun moment où je suis sidéré, où je trouve que vous êtes très contre le film.
06:28 Il n'y a aucun moment où vous vous récupérez, il n'y a pas des moments...
06:30 - Mais si, mais c'est trop sporadique, si tu veux.
06:32 C'est trop sporadique pour que ça...
06:33 - Même Fantômette, je me dis, ah, mais ça aussi, je le vois arriver.
06:36 Fantômette, tu es obligée de dire quelque chose.
06:38 - Ça commence par Fantômette, tu ne peux pas voir arriver Fantômette.
06:40 Moi, je tourne de bons siestes.
06:41 Le film commence, c'est Fantômette.
06:43 Je n'étais pas venu voir Fantômette, moi.
06:45 - Non, en cinq secondes, tu comprends, tu te dis...
06:47 Mais est-ce que ce n'est pas ça l'intérêt, le fait que ça soit empoisonné ?
06:49 C'est un paradis empoisonné, on sait ce qui vient, effectivement.
06:52 - Non, mais le problème, c'est que je suis d'accord avec eux sur...
06:55 Par exemple, je trouve que les dialogues des enfants dans la cabane,
06:58 qui est une caisse de déménagement, etc.,
06:59 je trouve que tout ça, je m'en serais passée,
07:01 je me serais passée de Fantômette, qui me sort du film à chaque fois.
07:03 Et que ce qui me passionne, c'est la beauté vénéneuse de ce couple parental,
07:08 et de cette époque, et des amis,
07:10 où tout à coup, on ne sait pas si la soirée ne va pas finir en partouze.
07:12 Et tout ça, c'est à travers...
07:14 Voilà, de derrière la porte, imaginé par un enfant de huit ans.
07:17 - Les passages Fantômette, ils sont comment ? Ils sont en animation ?
07:20 Ils sont comment ? Ils sont différents ?
07:21 - Non, ils sont joués.
07:23 - Il y a un mélange de jeu et d'animation.
07:24 Il y a un mélange de mal et de bien.
07:27 - Ça me sort du film à chaque fois.
07:29 - Je vais enfiler mon costume de Fantômette.
07:32 - C'est ça.
07:33 Merci à tous !

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