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NewsTranscription
00:00 Elle représente la Suisse en Côte d'Ivoire.
00:03 Discrète sur la scène publique, elle est très active en coulisses.
00:07 Derrière sa légendaire neutralité, son pays soutient la lutte contre le terrorisme,
00:11 le dialogue des cultures, le développement économique et scientifique.
00:16 Anne Lugon-Moulin est ambassadeur de Suisse en Côte d'Ivoire
00:20 et elle est l'invitée de Droit dans les yeux.
00:22 [Générique]
00:37 Excellence, bonjour.
00:38 Bonjour Monsieur.
00:39 Merci d'avoir accepté l'invitation de cette info.
00:41 Merci beaucoup.
00:42 On va commencer par vous demander quelque chose qu'on a du mal à comprendre,
00:45 qu'il est toujours difficile à comprendre quand on n'est pas suisse.
00:48 Qu'est-ce que c'est que la neutralité d'un pays et qu'est-ce que c'est que la neutralité à la Suisse ?
00:53 Alors la neutralité pour le droit suisse, d'après notre constitution, c'est une neutralité armée.
00:59 C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire partie d'une alliance,
01:02 on ne peut pas soutenir des belligérants que ce soit par la livraison d'armes ou la livraison de combattants
01:08 et on est responsable de notre propre sécurité.
01:11 Donc vous pouvez vous défendre si vous êtes agressif.
01:13 On a une assez grosse armée et on a des moyens dans notre armée.
01:18 C'est ça que ça veut dire, ça c'est défini dans le droit de la neutralité.
01:21 Tout le reste, c'est au fond une forme de marge de manœuvre qu'on a à l'intérieur de ce qu'on appelle
01:26 la politique de neutralité qui n'est pas définie.
01:29 Et là vous appréciez en fonction de la situation et des intérêts et des valeurs à défendre.
01:35 Être neutre ne veut pas dire être indifférent.
01:38 C'est ça.
01:39 Et c'est ça la subtilité qu'il faut comprendre, c'est que vous suivez la marge du monde,
01:43 vous prenez des positions dans la marge du monde,
01:46 donc vous n'êtes pas indifférents mais vous n'intervenez pas dans un conflit.
01:50 On n'intervient pas militairement mais on peut intervenir dans le cadre des bons offices.
01:54 Et des diplômations.
01:55 On l'a fait sur la scène africaine dans beaucoup de scènes, au Mozambique, au Nigeria, au Mali, avant l'accord d'Alger, etc.
02:01 Pourquoi dites-vous qu'en Occident, en général, on comprend assez mal cette notion de neutralité ?
02:06 Je pense qu'on la comprenait bien jusqu'à il y a relativement peu de temps,
02:10 puisque maintenant on a du mal à la comprendre.
02:13 À cause du conflit qui a surgi en Ukraine à partir de février 2022,
02:19 là il y a moins de compréhension vis-à-vis de la neutralité, c'est vrai, en Occident.
02:23 Avez-vous le sentiment que cette neutralité est mieux comprise sur le continent africain ?
02:29 Comment est-ce que la Suisse est perçue en Afrique et singulièrement au Côte d'Ivoire ?
02:33 Je crois que les gens ont justement cette image de la neutralité suisse,
02:37 et je pense que c'est associé au fait qu'on n'a pas de passé colonial.
02:42 Les gens voient ça un peu comme la face d'une même pièce, alors que ça n'a rien à voir.
02:48 Et ça nous donne, objectivement, sur le continent africain, une valeur ajoutée et une bonne image.
02:53 Mais les gens ne se rendent souvent pas toujours compte de ce que ça implique concrètement,
02:58 et c'est pour ça que parfois j'ai des questions, comment ça se fait que la Suisse est au Conseil de sécurité alors que vous êtes neutre ?
03:04 Mais il y a plein d'autres pays neutres qui ont été au Conseil de sécurité avant nous,
03:08 on n'est pas les seuls pays neutres, il y a parfois un peu un manque de perspective.
03:13 On y viendra parce que justement la Suisse non seulement est au Conseil de sécurité, mais le préside actuellement.
03:19 On va voir si cette neutralité est toujours aussi rigoureuse qu'autrefois.
03:24 Alors justement, dans le conflit ukrainien, on constate que la Suisse a voté les résolutions de l'ONU condamnant l'agression de la Russie contre l'Ukraine.
03:34 Et donc justement, la grande question, est-ce que voter ces résolutions, c'est compatible avec la neutralité ?
03:40 Oui bien sûr, parce que voter ces résolutions, c'est respecter la Charte des Nations Unies,
03:44 qui dit qu'un pays souverain n'a pas agressé un autre pays souverain.
03:48 Donc la Suisse qui a la Genève internationale, qui abrite je ne sais combien d'institutions onusiennes, le CICR etc.,
03:56 ne peut que défendre le droit international. On doit le défendre.
04:00 Donc en votant ces résolutions à l'Assemblée générale de l'ONU, on est du côté du droit international.
04:07 Ne pas le faire, ce serait nier nos propres valeurs.
04:10 Comme je l'ai dit, la neutralité, elle est armée et ce volet-là, pour le moment, on ne le touche pas.
04:17 Mais ça ne veut justement pas dire que sur tout le reste, en politique de neutralité, il y a des valeurs.
04:23 On est une démocratie, on sait très bien à quelles valeurs on se réfère.
04:28 Il est inacceptable qu'un pays agresse un autre.
04:31 Alors sur le conflit ukrainien, justement, en dehors du vote des résolutions de l'ONU, ça se traduit comment ?
04:38 Vous appliquez les sanctions ?
04:40 On reprend les sanctions, les paquets de sanctions les uns après les autres,
04:43 qui sont développés par l'Union européenne et les pays alliés.
04:47 Ça c'est clair.
04:48 Vous accueillez des réfugiés ukrainiens ?
04:50 Alors ça c'est clair. Bon, nous on est dans Schengen, comme vous savez.
04:53 On n'est pas dans l'Union européenne, mais on est dans Schengen.
04:55 Donc on joue le jeu des pays Schengen et on en a d'ailleurs par rapport...
04:58 Schengen, c'est la libre circulation des personnes.
05:01 Oui, et puis tout le système d'asile.
05:03 Et tout le système d'asile ?
05:04 Tout le système d'asile européen, la Suisse est dans ce système.
05:07 Il a signé Schengen et Dublin.
05:09 On applique toutes les mêmes procédures dans les pays de l'Union européenne.
05:13 Donc on accueille les Ukrainiens.
05:14 On a d'emblée, on leur a offert un statut de travailleurs.
05:18 On a été très généreux.
05:20 On a à peu près 90 000 Ukrainiens sur le territoire,
05:22 ce qui est plus que d'autres pays européens comparativement à notre population.
05:25 Donc là on a vraiment fait ça.
05:27 Population suisse, c'est combien de personnes ?
05:28 8,7, quelque chose comme ça aujourd'hui.
05:30 Ça augmente énormément chaque année parce qu'on a beaucoup d'immigrations.
05:34 De l'Union européenne, justement, 100 000 personnes par an qui arrivent.
05:38 Et la troisième chose, c'est l'aide humanitaire sur place.
05:42 On a une ambassade, on a de la coopération au développement économique.
05:46 Donc on fait beaucoup sur place en Ukraine.
05:48 Mais vous dites qu'il y a une ligne rouge, c'est que la Suisse ne livre pas d'armes.
05:53 Voilà.
05:54 Pas d'armes.
05:55 Pas d'armes.
05:56 Et pas de combattants et pas de munitions.
05:57 Mais vous précisez pour le moment.
05:59 Oui, je dis pour le moment parce qu'il y a des débats au Parlement
06:03 qui continuent depuis des mois sur cette question.
06:08 Il y a certaines forces politiques qui aimeraient assouplir cette question d'exportation des armes.
06:13 Donc il se peut que les choses bougent.
06:16 Moi je suis de l'exécutif, côté exécutif on dit c'est une ligne rouge.
06:19 Mais si le législatif veut changer la loi, on verra.
06:23 Mais ces débats qui ont lieu actuellement au Parlement suisse,
06:28 est-ce qu'ils portent sur la livraison directe d'armes de la Suisse à l'Ukraine
06:34 ou plutôt sur l'autorisation que pourrait donner la Suisse à ses clients de son industrie de l'armement à livrer des armes ?
06:43 Non, c'est indirect par les pays, même pas par l'industrie.
06:47 C'est des autorisations de ré-exportation d'armes.
06:50 C'est des autorisations de ré-exportation.
06:52 De ré-exportation par des pays auxquels on a livré des armes,
06:55 qui voudraient les exporter en Ukraine,
06:58 ils nous demandent des autorisations de ré-exportation.
07:01 Et ça on ne peut pas les donner pour le moment en fonction de nos droits.
07:05 On est très clair là-dessus.
07:06 Et c'est ce qui est discuté au Parlement en ce moment ?
07:09 Ça se discute, il y a plusieurs motions et postulats qui ont été déposées.
07:14 Pour le moment ça n'a jamais passé la rampe.
07:16 Mais il y a toujours...
07:18 On est une démocratie vivante, donc les partis arrivent avec des nouvelles idées,
07:21 essayent de refaire passer le truc, on verra ce que ça donne.
07:24 C'est ça.
07:25 Justement, le président Zelensky est annoncé au Parlement suisse.
07:30 En clair sur l'affaire ukrainienne, la Suisse a pris parti.
07:34 Votre pays est clairement dans le camp de l'Occident.
07:37 En ayant repris les sanctions, oui.
07:41 C'est vrai qu'on est perçus comme tel, en tout cas par les autres.
07:46 Mais l'Ukraine voudrait, si elle pouvait avoir des armes du côté de la Suisse,
07:52 l'Ukraine ne se dit pas quand même que la Suisse est comme les autres pays d'Occident.
07:58 Ils ne viennent pas vous demander directement.
08:00 Donc on verra ce que le président Zelensky va faire.
08:03 Notre président de la Confédération s'était déplacé à Kiev l'année passée.
08:07 Ah oui ?
08:08 Oui, directement.
08:10 C'était une grosse marque de soutien ça.
08:13 C'est quand même une marque de soutien, absolument.
08:15 Mais il avait aussi vu le ministre des Affaires étrangères russe,
08:18 je crois à New York, je ne me souviens plus très bien.
08:21 On voit bien que ce n'est pas évident, cette notion de neutralité dans le monde tel qu'il va.
08:30 Est-ce que c'est un concept qui est tenable, à votre avis,
08:32 dans un monde en pleine mutation comme ça ?
08:36 L'idée d'avoir peut-être un pays qui peut parler à tout le monde justement parce qu'il est neutre,
08:40 ça reste intéressant.
08:41 Ça reste intéressant et je pense que les Nations Unies ont besoin de ça.
08:44 Je pense que le système mondial a intérêt à avoir encore des zones un peu tampons
08:50 où les gens peuvent se parler.
08:52 Maintenant, je ne suis pas devin.
08:54 On verra bien ce qui va se passer dans les dix prochaines années.
08:57 Pour le moment, on essaie d'expliquer notre position à nos partenaires européens.
09:01 Elle est quand même grandement comprise,
09:05 mais c'est vrai que ça demande des explications parce que la situation est tendue
09:09 et donc il y a peut-être moins d'ouverture.
09:14 En tout cas, on voit que c'est une notion qui n'est pas facile à tenir.
09:22 On voit que dans un conflit comme l'Ukraine, quand vous avez des choses à dire, vous les dites.
09:27 Je crois qu'on les dit dans d'autres terrains aussi.
09:31 Je veux dire, c'est régulier quand il y a des problèmes d'exaction sur des civils,
09:36 sur d'autres terrains, on le dit.
09:39 Sur le Soudan, on s'est exprimé.
09:41 Donc c'est régulier.
09:42 Si vous allez sur le site du département ou les comptes Twitter aux fonctionnaires du département,
09:49 vous trouvez des prises de position sur énormément de sujets.
09:52 Donc l'Ukraine, ce n'est pas un cas particulier.
09:55 Nous, nous devons rappeler qu'il y a des valeurs auxquelles tenir.
09:59 Le droit international humanitaire, le droit international, le droit de la guerre, etc.
10:03 Donc ça, on le rappelle, oui, comme d'autres.
10:06 Bien sûr.
10:07 Parce qu'on n'est pas hors du cadre légal international.
10:11 C'est ça.
10:12 Et on le respecte.
10:13 On s'efforce avec notre historique de le respecter.
10:16 Alors justement, depuis le mois de mai, votre pays préside pour la première fois le Conseil de sécurité de l'ONU.
10:24 Comment est-ce que la Suisse envisage-t-elle cette mission alors ?
10:29 Déjà, c'est la première fois qu'on est au Conseil de sécurité de l'ONU.
10:34 Pour rappel, ça revient sur la neutralité, on a adhéré à l'ONU en 2002 seulement comme État membre.
10:41 Bien qu'on accueille, que la Genève internationale accueille plusieurs agences de l'ONU depuis des décennies,
10:46 on a intégré comme membre à plein et entier l'ONU en 2002.
10:52 Donc on a fêté nos 20 ans l'année passée.
10:55 Et donc quelque part, pour fêter ces 20 ans, on s'est dit que c'était le moment d'entrer au Conseil de sécurité.
11:00 Donc on a mené campagne pendant 10 ans et on a été extrêmement bien élus à 187 voix sur 190 pour entrer au Conseil de sécurité en 2023-2024.
11:09 Donc c'est vraiment une première pour la Suisse.
11:11 Et en plus, vous le présidez.
11:13 On le préside le mois de mai.
11:15 C'est six mois.
11:16 Non, non, non, c'est par mois.
11:18 On ne préside que pendant le mois de mai.
11:20 C'est sur une base alphabétique.
11:21 C'est l'ONU qui fait sa base alphabétique anglophone.
11:24 On nous a alloué le mois de mai.
11:26 Est-ce que, parce que là vous donnez une information qui est vraiment très peu connue,
11:30 parce qu'effectivement il y a Genève, toutes les institutions onusiennes à Genève sont là depuis tout le temps.
11:35 Donc on se demande, c'est bizarre d'avoir adhéré si tard.
11:39 C'est dû à quoi, vous savez ?
11:41 Je pense que la Suisse a quand même dans son ADN cette forme de...
11:48 Comment dire ?
11:49 On est justement un point neutre au milieu d'un grand continent.
11:54 C'est bien comme ça.
11:56 Allons-y doucement pour adhérer à des grands ensembles.
11:59 On n'a pas adhéré à l'Union Européenne.
12:02 On ne peut évidemment pas adhérer à l'OTAN puisqu'on est neutre militairement.
12:05 Ça, ça n'aurait aucun sens.
12:07 Il a fallu beaucoup de temps pour que les gens acceptent d'adhérer à l'ONU.
12:10 Il y a eu deux votations populaires.
12:12 Ça a d'abord échoué.
12:14 Le gouvernement est revenu à la charge et ça a fini par passer.
12:18 D'accord.
12:19 Alors si on peut dire quel est le programme d'action, entre guillemets,
12:23 si on peut parler ainsi pour la période où la Suisse est à la présidence du Conseil de sécurité ?
12:31 Alors disons, déjà les quatre priorités qu'on s'est données pour la présidence
12:36 parce qu'elles sont déclinées durant le mois de mai.
12:38 La première, c'est la protection des civils.
12:40 Alors hautement d'actualité avec ce qui se passe au Soudan, par exemple.
12:44 Bien sûr.
12:45 La deuxième, c'est les questions de paix durable.
12:48 La troisième, c'est le changement climatique avec ses incidences sur la sécurité.
12:52 Et la quatrième priorité, c'est les méthodes de travail de l'ONU pour plus d'efficacité.
12:57 On n'est pas les seuls.
12:58 Il y a un groupe qui s'appelle ACT.
13:00 Et donc, à l'intérieur de ces quatre priorités thématiques,
13:04 durant le mois de mai, on a organisé deux très gros débats.
13:09 Un sur la paix et la confiance dans la paix qui a été menée par notre ministre des Affaires étrangères.
13:16 Hier, un débat avec notre président de la Confédération,
13:20 la présidente du CICR et le secrétaire général de l'ONU sur la protection des civils.
13:24 Et la prochaine étape, c'est un débat sur les opérations en matière de la paix
13:30 avec notre ministre de la Défense qui va y aller.
13:33 Donc, c'est trois moments forts.
13:34 Et puis, par hasard, durant le mois de mai, il y a encore les dix ans du groupe ACT,
13:39 l'anniversaire de ce groupe qui s'est mis en place pour réformer les méthodes de travail de l'ONU.
13:43 Donc, je dirais, on décline, durant notre présidence,
13:46 on décline nos priorités avec une présence suisse à très haut niveau à New York.
13:50 Mais c'est court un mois pour imprimer une orientation.
13:53 Et puis, c'est une présidence qui n'a pas de poids particulier dans la prise de décision.
13:57 On est d'accord.
13:58 On gère, on a la capacité de proposer des sujets.
14:03 On gère des débats.
14:04 Et puis, voilà, on prend aussi ce qui vient dans l'actualité.
14:07 L'agenda, il est déjà fixé.
14:08 Ce n'est pas qu'on fixe tout l'agenda.
14:10 Mais on a pu insérer ces "open debates" et puis ces moments symboliques.
14:16 Tout à fait.
14:17 Madame, vous connaissez bien l'Afrique parce que vous avez été longtemps directeur Afrique
14:21 au ministère des Affaires étrangères de votre pays.
14:24 Et puis, vous êtes aujourd'hui ambassadeur en Côte d'Ivoire.
14:27 Venons-en un petit peu aux actions que vous menez dans ce pays.
14:30 Pour commencer, c'est une première.
14:32 La Suisse a décidé de participer avec d'autres, comme l'Espagne, le Canada, la Norvège ou l'Australie,
14:38 au financement de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme à Jacquesville.
14:43 Pourquoi cette décision et quelle sera la contribution de la Suisse dans ce cadre-là ?
14:48 Oui, merci beaucoup.
14:50 Alors oui, en effet, c'est nouveau.
14:52 Il y a eu d'ailleurs le premier conseil d'administration il y a deux semaines.
14:55 Pour nous, c'est une marque de solidarité envers la région et envers la Côte d'Ivoire
15:00 pour cette lutte contre un fléau qui ne cesse de s'étendre.
15:03 Et on voit que la Côte d'Ivoire arrive à contenir ce problème,
15:07 arrive même à travailler de manière régionale sur cette question.
15:11 Et donc, par solidarité et aussi bien sûr, d'une certaine manière,
15:16 c'est dans l'intérêt de tous qu'on arrive à progresser sur ce sujet,
15:19 on s'est dit on y va, on va donner un petit financement à l'Académie.
15:25 Mais c'est un financement, là encore, qui est en relation avec votre neutralité,
15:31 c'est-à-dire que vous donnez des financements pour la recherche,
15:34 pour les études, pour la formation, mais pas pour les exercices de lutte directe contre le terrorisme.
15:41 C'est ça.
15:42 Oui, c'est ça. Parce que c'est justement une Académie de lutte contre le terrorisme.
15:46 D'ailleurs, on a assisté à des exercices armés, j'ai été tout à fait impressionnée,
15:50 dans le village sahélien, des simulations.
15:52 On ne peut pas aider directement des combattants.
15:56 Donc, on a fléché notre financement sur l'axe 3.
16:00 Sur l'étude.
16:01 Sur les études, sur le comprendre l'extrémisme violent, situer le problème, etc.
16:06 Dans le nord du pays, vous intervenez sur des volets très importants
16:10 qui contribuent à la lutte contre le terrorisme.
16:13 Le premier, c'est ce qui s'appelle la coordination des acteurs au nord,
16:17 sous l'égide de la présidence de la République.
16:19 Vous pouvez expliquer en quoi ça consiste ?
16:21 Ce que fait la Suisse là ?
16:23 Alors, on a différents appuis au nord.
16:26 D'abord, on appuie institutionnellement la structure SICASO, BOBODIU, LASSO, COROGO,
16:34 en mettant à disposition du staff pour que ces trois villes arrivent à travailler ensemble
16:39 et essayent de pacifier cet espace régional.
16:42 Donc, on a une ville du Mali, une ville du Burkina et une ville de Côte d'Ivoire.
16:47 On aide à la gestion des frontières, mais pas seulement au nord.
16:50 Il y a des exercices ailleurs, BANDUKU à Boisseau, Mons, sur la fraude documentaire.
16:55 On a des projets communautaires.
16:57 C'est important ça.
16:58 Vous pouvez expliquer cette histoire de dédier sur la fraude documentaire.
17:02 On forme les agents, on déploie sur ce que sont des faux documents
17:05 et on équipe en machine pour détecter, etc. et surtout on les forme.
17:10 Dans différents endroits, ça c'est avec le ministère de l'Intérieur.
17:13 Et puis on a des projets communautaires sur les zones frontières,
17:17 qui sont justement des zones à risque, qui sont faites avec des ONG locales
17:21 ou internationales, mais très bien implantées, comme Interbis, comme IRC,
17:25 sur les zones avec le Burkina.
17:27 Et puis on a un projet sur l'employabilité des jeunes avec l'UNICEF,
17:31 qu'on a lancé dernièrement, que le ministre Touré a lancé au mois de juin.
17:36 L'employabilité des jeunes, c'est justement d'aider à financer des projets
17:40 d'activité de jeunes pour éviter qu'ils tombent entre les mains des extrémistes.
17:46 C'est ça ?
17:47 Oui, je crois qu'il y a deux volets.
17:49 Il y a d'abord un volet de développement pur.
17:52 La zone doit se développer comme n'importe quelle zone, disons, défavorisée.
17:58 Et puis, indirectement, tout ce qui se fait au Nord,
18:02 quelque part participe d'une prévention contre l'extrémisme violent.
18:06 Le volet de développement régional est très important ?
18:11 Pour contenir, oui, parce que si l'État est présent,
18:14 si les infrastructures sont bonnes, si les gens finissent par avoir des opportunités professionnelles,
18:18 s'il y a de l'activité, les gens ne sont pas livrés à eux-mêmes.
18:21 Ils vont moins entrer dans des filières réalistes.
18:26 Vous travaillez aussi sur l'établissement des pistes rurales interfrontalières.
18:29 Voilà, on a fait des études, des premières études,
18:33 et puis on devrait lancer les travaux prochainement.
18:35 Et le but, c'est quoi ?
18:37 C'est de relier justement des zones qui ont de la peine,
18:41 où les gens ont tendance justement à s'infiltrer autrement.
18:44 Si on a des vraies pistes et des vraies routes,
18:46 les gens vont traverser de manière transparente.
18:49 On va pouvoir aussi augmenter peut-être les contrôles, etc.
18:52 Et puis, ça va favoriser le commerce.
18:53 Les échanges.
18:54 Les échanges, les échanges commerciaux.
18:56 Et s'il y a plus d'échanges commerciaux, il devrait y avoir moins de violences à la fin.
19:02 Donc on voit que toutes ces activités sont multiformes,
19:08 et que la Suisse contribue à la sécurisation d'une certaine manière du pays,
19:14 avec ces activités-là.
19:16 Mais par ailleurs, la Suisse est un acteur important de l'économie ivoirienne.
19:20 Oui.
19:21 Juste une précision sur le Nord.
19:23 On n'est pas actif qu'au Nord.
19:24 On a un très gros programme de lutte contre le travail des enfants dans le Nawa.
19:28 On a des programmes à Abidjan sur le travail des sangs,
19:31 et sur l'absorption des communautés locales avec les migrants, les travailleurs, etc.
19:35 Donc on a un peu partout.
19:36 Mais c'est vrai que le Nord, comme beaucoup d'autres, on a mis un petit accent.
19:40 Sur votre question de l'économie, oui, l'économie ivoirienne est à bon statut.
19:47 Le pays applique des politiques libérales ouvertes à l'investissement étranger.
19:51 Donc on a plus de 35 sociétés suisses actives sur place, et des grosses,
19:55 avec aussi des capacités de production, donc Nestlé, Sika, tout ça,
20:00 ce sont des usines, ce sont des places de travail.
20:02 Qui ont plus du monde.
20:03 HPV à Bonnois, 400 places de travail créées dans le séchage de fruits.
20:07 Donc on est un assez gros, je crois qu'on est le cinquième en termes d'investissement étranger dans le pays.
20:12 C'est énorme.
20:13 On compte.
20:14 Mais ça reflète deux choses.
20:15 Ça reflète du dynamisme ivoirien et de sa place de hub dans la région.
20:20 Par exemple, nos industries pharmaceutiques, Novartis et Roche, ont leurs bureaux régionaux ici,
20:25 ils dessertent toute l'Afrique de l'Ouest.
20:27 Buller aussi, les machines alimentaires ici.
20:30 Puis c'est le reflet de la diversité de l'économie suisse en Suisse,
20:34 et de sa capacité à être très mobile et active à l'étranger.
20:37 Et agile.
20:38 Et agile, oui.
20:39 Il y a une chambre de commerce suisse en Côte d'Ivoire,
20:41 qui permet de permettre aux entreprises de mieux explorer les terrains, etc., pour l'implantation.
20:48 Absolument, et puis aussi de se connecter entre elles, c'est important.
20:51 Et cette chambre de commerce est membre de la Chambre européenne.
20:55 Actuellement, son directeur de la Suisse, James, c'est monsieur Politic,
21:00 qui est le directeur de MSC.
21:01 Donc MSC, l'entreprise de cargo maritime, qui est basée à Genève.
21:05 Et vous financez aussi des projets dans le développement, dans le cacao ?
21:09 Oui, plusieurs.
21:10 Parfois avec le secteur privé ou des fondations,
21:13 et puis d'autres avec les agences des Nations Unies sur des questions plus spécifiques,
21:18 comme les conditions de travail, etc.
21:20 Mais on a aussi deux ou trois projets qui aident des coopératives à avoir un cacao plus durable,
21:26 avec des conditions sociales plus décentes, etc.
21:29 Quant à la recherche scientifique dans ce pays, c'est un peu votre dada depuis 1960 ?
21:35 Absolument, je dirais même avant, parce que le Centre suisse de recherche scientifique a été créé en 1951.
21:41 Ah oui.
21:42 Donc on a fêté ses 70 ans il y a deux ans.
21:45 Et qu'est-ce qu'il fait ce Centre suisse de recherche scientifique ?
21:48 Alors, il est entièrement dirigé par des Ivoiriens aujourd'hui, depuis plusieurs années.
21:52 Bien sûr, il a un tas de collaborations avec des universités suisses,
21:56 mais pas seulement aujourd'hui, c'est un centre de compétences régionales.
21:59 En termes d'articles référencés, c'est le numéro un dans la région.
22:03 Et c'est de la recherche dans quel domaine ?
22:05 Biodiversité, santé animale, santé humaine, changement climatique.
22:10 Avec des financements qui viennent de la Suisse ?
22:13 Des financements qui viennent de la Suisse, qui viennent du gouvernement ivoirien.
22:16 Donc il est placé sur la double tutelle du gouvernement suisse et du gouvernement ivoirien, dans le conseil d'administration.
22:21 Et puis aussi, il se finance sur appel à projets.
22:24 Donc ils ont des financements de l'AFD, des Nations Unies, de différents meilleurs de fonds, et aussi des partenariats.
22:30 Donc c'est un pôle de recherche scientifique suisse, en Côte d'Ivoire, ce n'est pas si courant.
22:34 Ce n'est pas courant, oui.
22:36 Oui, mais ça nous donne un bon profil parce que ça attire pas mal de hautes écoles et d'universités suisses à se dire
22:42 "là on a des compétences, c'est des Ivoiriens, eux sont en lien avec toutes les universités de Côte d'Ivoire".
22:47 Donc ça démultiplie, c'est souvent le point d'entrée pour après travailler avec l'université au Fouette-Boigny,
22:52 travailler avec l'université Nanguil-en-Brogoua, etc.
22:55 Il y a énormément de partenariats entre les deux pays.
22:57 On voit des actions multiples, à la fois concrètes et discrètes, souvent.
23:02 Et là, finalement, où vous êtes la plus visible excellence, c'est peut-être dans le domaine des activités culturelles.
23:07 On a l'impression que le terrain des échanges culturels, c'est d'abord quelque chose qui vous intéresse aussi personnellement,
23:13 mais c'est aussi une priorité pour le pays, les échanges culturels.
23:16 C'est parce que vous, vous me voyez dans les événements culturels, mais j'étais dans Fratmate aujourd'hui avec le ministre Coffin-Guesande.
23:23 On n'en a pas encore parlé, la formation professionnelle.
23:25 Gros sujet. On finance là aussi des projets, il est allé en Suisse, il va y retourner.
23:30 Je ne sais pas, je suis visible sur différents terrains, mais le terrain culturel, je sais que ça t'intéresse de près.
23:35 Je crois que le gros effort qui a été fait les derniers temps, c'était sur le soutien au Montreux Comédie,
23:42 surtout durant la semaine de la francophonie, parce que ça permet de fédérer des humoristes.
23:46 Le Montreux Comédie qui est un festival d'humour en Suisse.
23:49 En Suisse, à Montreux.
23:51 Et qui s'étend ici.
23:53 Et qui s'étend ici avec sa scène 7 jours sur 7 du Dicoco à Cocody.
23:58 Et puis son festival d'humour francophone durant la semaine de la francophonie qui a toujours lieu à Abidjan
24:03 et qui fait venir des humoristes d'Afrique francophone.
24:05 Et là c'est vrai qu'il y a un soutien renouvelé chaque année institutionnel de la Suisse.
24:09 Mais c'est vrai qu'il y a une vraie tradition de cet humour-là, de soutenir l'humour et de travailler sur tel.
24:15 Oui, en tout cas ça fait 5 ans, donc ça commence à devenir une tradition. Je vous remercie de dire que c'est déjà une tradition.
24:20 Non, c'est-à-dire que cette tradition de la Suisse finalement n'est pas étonnante que même que depuis 5 ans,
24:26 ce soit dès le départ où vous êtes engagé dedans.
24:29 Oui, absolument.
24:31 Alors ça c'est un gros volet.
24:32 Puis sinon on a beaucoup d'échanges de va-et-vient.
24:36 Là il y a une slameuse suisse qui va venir au festival du slame à Abidjan.
24:40 Il y a Amé Slame qui va aller à Genève en décembre.
24:45 Il y a le réalisateur du film La nuit des rois qui a été primé en Suisse et qui a été membre du jury au festival de Lecarno en 2021, Philippe Racote.
24:56 Donc il y a des échanges entre troupes. Parfois il y a même la troupe du théâtre de bal qui va venir répéter à Yopougon.
25:04 Ou des individus qui sont des talents, qui sont repérés dans les deux pays.
25:09 Ça va dans les deux sens, c'est ça qui est beau.
25:11 Ce n'est vraiment pas que des Suisses qui viennent ici.
25:15 Nous on a une culture multiple, diverse. On a quatre langues nationales.
25:18 Donc on n'a pas une politique de pousser très activement forcément tous nos talents.
25:23 Mais on veut aussi faire émerger l'État de l'Ivoire. Il y en a beaucoup.
25:26 Absolument.
25:27 Vous-même madame, vous êtes une femme de culture. Vous dessinez, vous peignez, vous êtes pianiste.
25:34 On aura droit à un petit concert de l'ambassadeur de Suisse ?
25:38 Peut-être ?
25:40 En privé, ça m'arrive de jouer quelques notes avec certains collègues.
25:45 C'est vrai ? Je n'ai pas encore eu ce plaisir.
25:48 C'était mon ancienne vie. J'étais jusqu'en semi-professionnelle. Je joue toujours.
25:54 Vous avez également écrit une pièce de théâtre et vous avez écrit un livre.
25:59 Je voudrais qu'on s'attarde un petit peu sur cet ouvrage qui s'intitule "Mieux voir pour mieux vivre" paru aux éditions Favre.
26:07 Il est particulier ce livre parce qu'il raconte en quelque sorte l'histoire de vos yeux.
26:14 Et comment vous avez réussi toute seule à retrouver des facultés visuelles que vous aviez grandement perdues ?
26:22 Racontez d'abord comment votre vue s'est considérablement dégradée pour tomber jusqu'à 3 centièmes d'acuité visuelle.
26:30 J'avais une myopie évolutive qui a émergé à l'âge de 15 ans. Jusqu'à 15 ans, je voyais parfaitement.
26:38 Mais entre 15 et 45, elle n'a fait que baisser.
26:41 Puis chaque décennie, on me disait que ça allait s'arrêter. À 20 ans, on me disait qu'à 30, ça allait s'arrêter.
26:46 Ça ne va pas continuer de s'aggraver. À 35, on me disait que à 40, ça irait mieux.
26:51 J'arrive à l'âge de 47 ans et je m'aperçois que mes lunettes, qui étaient pour 7,75 de myopie, ne suffisaient déjà plus.
27:02 Après une année, je me dis que ça suffisait déjà plus.
27:10 Ça veut dire que chaque année, il faut changer les lunettes ?
27:12 Il faut changer les lunettes. En plus, ils avaient ajouté une presbytie, donc j'avais des verres progressifs.
27:16 Je me disais que j'étais au point de non-retour. J'avais 7,75 de myopie, ça fait une année, je dois déjà changer mes verres.
27:23 Ça va aller jusqu'où ? Parce qu'après, on sait qu'à partir de 6,5 de myopie, vous avez des gros risques de décollement de rétine.
27:28 Après, il y a des complications supplémentaires. En plus, j'avais une sécheresse oculaire terrible.
27:33 Je devais mettre des larmes à la femme d'une journée de travail. C'était affreux.
27:36 Mes yeux pleuraient, étaient très tendus et piquaient.
27:41 Donc, j'ai cherché sur Internet.
27:43 Je vous cite. "Avec une acuité visuelle de moins de 5 centièmes, on ne reconnaît pas un visage à 20 centimètres.
27:51 On n'a aucune profondeur de champ. Autrement dit, le monde qu'on voit est à deux dimensions et uniquement sous la forme de grandes tâches extrêmement floues."
28:01 C'est très impressionnant ce que vous décrivez et ce que vous viviez à ce moment-là.
28:07 C'est ce qui fait que vous mettez vos lunettes, vous vous réveillez, il y a le réveil, vous appuyez sur le réveil et vous mettez vos lunettes.
28:14 Parce que sortir du lit, ça ne veut pas dire une aventure, mais vous êtes déjà dans le flou.
28:19 Vous avez tout le temps vos lunettes sur le nez.
28:22 C'est ça. Et vous vous dites qu'il faut faire quelque chose.
28:27 Vous décrivez dans ce livre avec une certaine minutie parce qu'il se veut aussi un ouvrage pratique.
28:35 Vous ne racontez pas que votre histoire, vous expliquez comment vous vous en êtes sorti et comment vous avez beaucoup amélioré votre vue.
28:43 Donc vous décrivez avec minutie et de manière pratique, concrète, les exercices que vous-même vous avez pratiqués pour améliorer votre vue.
28:51 C'est une méthode d'amélioration naturelle de la vue que vous a inspirée le docteur Bates, c'est un Américain, un ophtalmologiste américain du début du XXe siècle.
29:04 Alors ça consiste en quoi ? En gros, on ne va pas décrire les exercices, mais qu'est-ce qu'il faut faire ?
29:09 Il y a trois volets principaux. Le premier, c'est qu'il faut retrouver la mobilité de l'œil.
29:15 C'est-à-dire que les lunettes, et a fortiori des lunettes très fortes comme j'avais, elles vous immobilisent l'œil et l'œil ne travaille plus.
29:22 Donc vous devez faire tout un tas d'exercices pour retrouver la mobilité oculaire.
29:27 Au début, c'est très compliqué parce que l'œil est vraiment très rigide et c'est compliqué d'arriver à le faire bouger.
29:33 Alors il y a tout un tas d'exercices que je décris, comme vous l'avez dit, merci, et avec des vidéos aussi, des QR codes qu'on voit sur des vidéos.
29:39 Ça c'est le premier volet. Une heure par jour, c'est le minimum au début.
29:43 Une heure par jour d'exercice.
29:44 Une heure par jour fractionnée, mais c'est le minimum.
29:46 Le deuxième volet, c'est la relaxation oculaire. Et là, il prône une méthode que j'ai appliquée telle qu'elle, c'est-à-dire de se mettre dans le noir, de fermer ses globes oculaires et de laisser le noir envahir les yeux.
30:00 Et ça, ça relaxe beaucoup le nerf oculaire.
30:02 Vous faites la différence entre regarder le noir et imaginer le noir. C'est subtil, hein ?
30:09 Je vais y venir.
30:10 C'est pas évident.
30:11 Vous voulez que j'explique ?
30:12 Oui, allez-y.
30:13 Je finis juste. Le troisième volet, c'est arrêter de porter les lunettes. Parce que faire des exercices tout en portant les lunettes, ça ne va pas.
30:20 Donc là, vous ne portez pas vos lunettes.
30:22 Donc là, je ne porte pas de lunettes, mais je vois flou quand même. Et j'accepte de voir flou.
30:25 Mais alors regarder le noir…
30:26 On ne porte pas ses lunettes parce que l'œil devient feignant.
30:29 Exactement.
30:30 Il ne travaille pas.
30:31 Donc vous obligez votre œil à travailler.
30:33 Donc j'oblige tout le temps mon œil à travailler en acceptant de voir flou. Sauf que là, je vous vois, je vous distingue, je distingue la bouche, le nez, les yeux, les lunettes, les cheveux, tout.
30:42 Mais quand j'ai commencé en décembre 2018, j'avais quelqu'un là. Je savais que c'était un humain, mais ça s'arrête là.
30:49 Alors c'est très intéressant.
30:50 Donc c'était compliqué.
30:51 Je vais vous citer encore. C'est très difficile au début d'évoluer sans vos lunettes.
30:56 Dans la rue, je ne reconnaissais personne. Les voitures se résumaient à de grosses tâches. Les enseignes lumineuses et les arbres étaient informes.
31:05 Inutile de préciser que je ne pouvais lire aucune affiche ou panneau indicateur. Sortir dans la rue devint une petite aventure. Je l'appris presque comme un jeu.
31:15 Mais il faut de la volonté.
31:17 Il faut de la volonté.
31:18 C'est-à-dire que vous dites qu'il faut non seulement de la volonté, mais une discipline de faire.
31:22 Oui, volonté, discipline et confiance. Parce qu'il y a aussi beaucoup de gens que vous croisez dans la rue.
31:27 Moi, j'habitais une petite ville à l'époque. C'est ma ville, Fribourg. Je connais des gens. Quand je suis dans la rue à Fribourg, je rencontre des gens.
31:33 Vous ratez des gens que vous connaissez. J'ai forcément peut-être rendu susceptible une ou l'autre personne. Il faut être confiant en soi.
31:41 Et puis, vous dites quelque chose d'intéressant aussi, c'est que les émotions positives, comme celles que vous procure la musique, à vous, ou un fou rire, vous a permis quelquefois de voir mieux. Étonnant.
31:53 Je crois que c'est lié à la détente. Ça détend les muscles du visage rire, on le dit. Ça détend tous les muscles et quelque part, par rétroaction, ça détend derrière.
32:03 Tout ça a des effets indirects, mais in fine, ça a un effet sur l'œil.
32:11 Alors, comment on fait quand on fait une séance de relaxation des yeux pour imaginer le noir, mais ne pas le regarder ?
32:19 C'est très important. Au début, je n'y arrivais pas. Donc, l'œil était d'autant plus crispé.
32:25 Parce qu'on a tendance à regarder devant, les yeux regardent devant. Donc, si vous regardez devant vous, même en les fermant, vous risquez de vous crisper.
32:34 Tandis que si vous imaginez une surface noire, vous l'imaginez à l'arrière de votre tête, par exemple, vous imaginez un tableau de Pierre Soulages, ces grands tableaux noirs,
32:46 vous l'imaginez posté à l'arrière de votre tête, à la fin, c'est cette partie du cerveau là qui va voir le noir. C'est là où est logée la mémoire visuelle.
32:56 Et du coup, vous détendez tout ici parce que ce n'est plus eux qui regardent, c'est l'imaginaire qui prend le relais.
33:03 Alors, cette méthode n'est pas officiellement reconnue, elle est même un peu combattue par les médecins, les ophtalmologistes, les ophtalmologues, vous vous dites, je pense qu'on peut dire les deux.
33:12 Mais pour vous, le résultat est spectaculaire, vous êtes passée de 3 centièmes à 50 centièmes d'acuité visuelle. Vous parlez d'émerveillement. C'est un émerveillement.
33:23 Vous retrouvez des sensations que vous n'aviez plus.
33:26 C'est un émerveillement absolument. Je continue de voir flou parce que je n'ai pas tout récupéré. Je n'ai jamais tout récupéré.
33:32 Vous êtes encore mi-hop.
33:33 Je suis encore pas mal mi-hop, je n'ai plus de presbytie.
33:36 Vous avez totalement éradiqué la presbytie.
33:38 J'ai éradiqué la presbytie, mais je n'en avais pas non plus énormément. Je crois que j'en avais un et demi, mais quand même.
33:42 Donc, il faut quand même accepter de voir flou. C'est pour ça qu'elle est contestée par les médecins.
33:48 C'est quand même intéressant de savoir que le docteur Bates était médecin. Ce n'était pas un charlatan qui a tout à coup dit je vais faire un truc avec mes yeux.
33:56 Donc, il a traité des milliers de patients.
33:59 Mais c'est clair que les ophtalmologues disent ok, dans des petits cas, des cas faibles, ça peut marcher, mais il n'y aura jamais la précision qu'on obtiendrait avec une opération.
34:10 Par exemple, moi, je ne pouvais pas me faire opérer les yeux.
34:12 Parce que c'est une mi-hopie évolutive.
34:14 Exactement.
34:15 À qui s'adresse cette méthode en réalité ? Quelles sont les personnes concernées ?
34:19 Alors, moi, j'ai quelques personnes autour de moi qui veulent stopper leur presbytie.
34:23 Donc, il y a quelques petits exercices qu'on peut faire qui aident à stopper la progression de la presbytie.
34:29 Ça, je dirais, c'est facile, ça ne demande pas trop d'engagement.
34:32 Pour le reste, le parcours que moi j'ai fait, il faut vraiment être motivé, il faut quelque part être acculé, ne plus avoir d'autre solution.
34:40 Évidemment que la solution la plus simple pour quelqu'un qui a mi-hopie stable, qui a des yeux sains, c'est d'aller se faire opérer.
34:46 Mais celui qui n'a pas cette possibilité, il a cette méthode.
34:50 Mais il faut investir beaucoup de temps.
34:52 Ça fait 4 ans, moi je fais moins d'exercices aujourd'hui qu'à l'époque.
34:55 J'en fais beaucoup, beaucoup moins parce qu'on finit par se fatiguer.
34:58 La relaxation des yeux, je le fais toujours.
35:00 Mais la discipline de la mobilité de l'œil, je le fais moins qu'avant.
35:04 Bien sûr.
35:05 On va terminer doucement cette émission.
35:08 On constate dans votre ouvrage, c'est un peu plus personnel, que tout ce chemin parcouru, avec et autour de vos yeux, est aussi semble-t-il comme un chemin intérieur.
35:19 Oui.
35:22 Comme un chemin initiatique intérieur.
35:24 Oui, ça a été un chemin vers beaucoup plus de détente en général, je dirais.
35:29 Et en fait, j'ai fait ce chemin durant la transition suisse Côte d'Ivoire.
35:34 Donc c'est intéressant, ça m'a accompagnée il y a 4 ans de la Suisse en Côte d'Ivoire.
35:40 Et évidemment, ça marque parce que vous vous faites confiance à quelque chose qui n'est pas tellement pratiqué.
35:48 Cela dit, j'ai eu un coach aux États-Unis, qui m'a coaché aussi là-dessus, qui pratique cette méthode, qui lui était carrément aveugle.
35:56 Vous dites qu'en vous observant avec ce qu'on pourrait appeler un regard intérieur, vous avez eu accès à des pans entiers de votre inconscient, et même que vous avez fait des découvertes sur vous-même.
36:06 C'est étonnant.
36:07 Oui, alors ça c'est dans les séances de relaxation.
36:09 C'est-à-dire, à un certain moment, quand vous plongez vraiment dans le noir, après il y a d'autres choses qui viennent.
36:14 C'est-à-dire ?
36:15 D'autres souvenirs, visions, etc.
36:19 Puis si vous êtes assez ouvert d'esprit, vous pouvez les laisser monter.
36:22 C'est assez intéressant.
36:24 Et globalement, tout ça améliore la confiance ? Vous avez amélioré votre confiance en vous-même ?
36:29 Non, je ne sais pas si ça améliore. Je crois qu'il faut un bon niveau de départ.
36:32 Oui.
36:33 Il faut un bon niveau de départ.
36:35 Et ça a été compliqué en arrivant ici, parce qu'en Suisse, j'étais chez moi depuis 15 ans, je connaissais tout le monde.
36:43 Si je croise 2-3 personnes, ce n'est pas grave. J'y vais, je m'en fous.
36:46 C'est ça.
36:47 Ici, j'arrivais dans un nouveau milieu, nouvelle fonction, représenter la Suisse.
36:51 Bon, vous arrivez à un cocktail le soir, vous vous dites "je fais quoi ? J'y vais au risque de ne connaître personne, la personne."
36:57 Puis, où je mets mes lunettes ? Et donc là, j'ai quand même dû arbitrer à habituellement.
37:01 Et remettre un peu plus mes lunettes, en tout cas dans des situations où il n'y avait pas la lumière du jour.
37:06 Ça, c'est clair.
37:07 Oui, c'est ça. En tout cas, vous avez pris plus de distance avec les choses et les gens et les vexations possibles,
37:13 parce que vous vous dites que finalement, en mettant la priorité sur vos yeux, vous avez diminué le stress sur d'autres sujets.
37:20 Oui, je crois qu'il y a un peu de ça. Rétrospectivement, c'est un peu l'analyse que j'ai faite.
37:25 C'est ça. En tout cas, je vous remercie, Anne Lugon Moulin.
37:29 Merci, Madame l'ambassadeur, d'avoir partagé avec nos téléspectateurs ces considérations.
37:34 C'est un peu court, mais c'est quand même fort intéressant.
37:37 Et je les engage à lire votre ouvrage, qui est un joli témoignage.
37:43 Je rappelle son titre « Mieux voir pour mieux vivre » aux éditions Favre.
37:47 Je rappelle que vous êtes ambassadeur de la Suisse en Côte d'Ivoire.
37:50 Je vous dis à bientôt. Merci de votre attention. À la prochaine fois.
37:54 (Générique)
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