Festival de Cannes: les pronostics de nos envoyés spéciaux
La cérémonie de clôture du festival de Cannes 2023 a lieu ce samedi 27 mai.
Transcript
00:00 - Ça a déjà commencé, vous avez raison, parce que tout ce qui se passe autour du jury est très confidentiel.
00:06 On frise même la paranoïa.
00:08 Les membres du jury sont partis ce matin très tôt en voiture de leur hôtel.
00:12 Ils sont emmenés dans une villa dans les hauteurs de Cannes.
00:14 Cette villa change tous les ans, on ne sait pas où elle se trouve.
00:17 Il y a vraiment une confidentialité immense.
00:19 Ils doivent donner leur téléphone portable à l'arrivée.
00:22 Ils ont déjà pris leur tenue de soirée et leur trousse de toilette pour se changer,
00:25 pour venir monter les marches ce soir à la cérémonie de clôture.
00:28 Toute la journée, ils vont délibérer, ils vont choisir le palmarès de ce soir.
00:35 Ça se passe en plusieurs temps.
00:37 Il y a d'abord deux votes à la majorité absolue.
00:40 Si ces deux votes ne donnent rien, ils vont continuer toute la journée.
00:44 Ça doit aller très vite, parce qu'il faut rappeler les équipes de films qui vont avoir un prix.
00:48 Parfois, certains d'entre eux sont repartis dans leur pays et sont déjà très loin.
00:52 Il faut qu'ils prennent un avion très vite pour revenir monter les marches ce soir.
00:55 Ça va prendre toute la journée, avec parfois des discussions très houleuses.
00:59 Il y a des téléphones qui vont rester branchés chez les réalisateurs et les comédiens.
01:02 Est-ce qu'il y a des films qui font l'unanimité et qui sont d'ores et déjà bien partis pour remporter un prix ?
01:07 Cette année sur la croisette, on ne va pas vous mentir, c'est un peu le flou le plus total avec les confrères.
01:14 On discute, quel est ton favori ?
01:16 Ce sont toujours des noms différents qui ressortent.
01:19 Quand même au jeu des pronostics, il y a deux films qui ont l'air d'avoir une toute petite longueur d'avance.
01:25 Il y a le Jonathan Glaser, "The Zone of Interest".
01:28 Jonathan Glaser filme l'horreur de la Shoah sans jamais la montrer.
01:32 C'est-à-dire qu'on est dans le quotidien du commandant du camp d'Auschwitz.
01:36 On est chez lui, on assiste aux discussions pour créer les fours de crémation.
01:42 On assiste aux essayages des vêtements qui ont été volés ou déportés.
01:46 L'horreur est toujours hors champ.
01:49 C'est un film qui a fait forte impression ici parce que justement, c'est glaçant sans jamais rien montrer réellement.
01:55 Un autre nom circule aussi beaucoup, c'est celui d'une Française, Justine Trier et son "Anatomie d'une chute".
02:02 C'est un polar glaçant sur fond de crise conjugale.
02:05 C'est vraiment un film ultra maîtrisé, ça a fait forte impression ici.
02:09 Voilà, alors ça ce sont les avis des festivaliers.
02:14 Mais bien souvent, le jury nous surprend.
02:17 Le jury, comme Edouard l'a expliqué, il est souverain, il est à l'écart.
02:21 Par exemple, il y a deux ans, qui aurait parié pour "Titan", "Palme d'or" ?
02:25 Honnêtement, personne. Donc on n'est pas à l'abri de très très grosses surprises ce soir.
02:30 Et vous, qu'en pense le jury de BFM TV ? Vos coups de cœur à vous, votre palparesse personnelle ?
02:38 Alors écoutez, on a beaucoup discuté avec Claire.
02:41 Moi, je voulais d'abord vous parler de mon prix d'interprétation féminine, qui est selon moi, pour "Les filles d'Olfa".
02:47 En fait, "Les filles d'Olfa", c'est un film documentaire qui revient sur un terrible fait divers qui avait secoué la Tunisie il y a quelques années.
02:53 Une jeune femme, Olfa, avait perdu deux filles qui étaient parties pour l'Etat islamique en Libye et qui ont été emprisonnées ensuite en Libye.
03:01 En fait, ce film mélange vraiment Olfa, la véritable Olfa et ses deux filles qui lui restent.
03:07 Et puis, une comédienne avec deux autres comédiennes pour jouer ces deux filles disparues.
03:12 Ces six comédiennes, enfin ces six semi-comédiennes, du coup, je ne sais pas tellement comment on peut dire ça,
03:17 mais en tout cas, sont incroyables pour décrire la condition féminine en Tunisie.
03:23 Tout ce qui se passe pour ces femmes, elles sont absolument bouleversantes.
03:26 Pour moi, c'est vraiment mon prix d'interprétation féminine.
03:28 Et moi, alors, côté homme, je mise un petit peu sur Judd Law parce que Judd Law, vraiment, il est surprenant.
03:34 Il est dans le film "Le jeu de la reine". Il incarne Henri VIII.
03:37 Alors, Henri VIII, on ne le connaît plus sous le nom de Barbe Bleue.
03:40 Ce n'est pas franchement le souverain britannique le plus sympathique qu'on ait eu.
03:43 Il a notamment décapité deux de ses femmes. Judd Law l'incarne.
03:46 L'incarne en plus à la fin de sa vie.
03:48 Donc, c'est vraiment un vieillard avec toutes les maladies les plus ragoûtantes qu'on peut imaginer.
03:52 Judd Law est totalement méconnaissable.
03:54 Et à chaque fois qu'il apparaît à l'écran, il est glaçant, il fait peur.
03:58 On est loin du Judd Law solaire, du Judd Law souriant.
04:02 Moi, vraiment, avec ce film, j'ai redécouvert cet acteur qu'on connaît pourtant très très bien.
04:06 Et puis, on voulait vous parler juste de nos deux pronostics de Palme d'Or.
04:09 On n'est pas du tout d'accord avec Claire.
04:11 Moi, je penche plutôt pour un film italien de Marco Bellocchio,
04:14 qui est un réalisateur italien qui a 83 ans et qui parle de l'enlèvement d'un enfant juif.
04:19 Un enlèvement ordonné par le pape lui-même à la fin du 19e siècle.
04:23 Alors, dit comme ça, ce n'est pas forcément excitant,
04:25 mais c'est un film qui a un souffle incroyable et qui parle vraiment de faits, de société,
04:29 de la religion, de la famille. C'est vraiment hyper intéressant.
04:32 Et toi, Claire, tu voulais parler d'un film allemand, c'est ça ?
04:35 Oui, alors moi, je mise sur un autre jeunot, Wim Wenders, 77 ans,
04:38 qui avait eu la Palme d'Or en 1984 pour Paris-Texas.
04:42 Il revient et honnêtement, moi, il m'a énormément surpris.
04:46 Alors, il revient, il nous emmène au Japon, suivre le quotidien d'un homme
04:50 qui nettoie les toilettes publiques à Tokyo.
04:52 Dit comme ça, ce n'est pas forcément une promesse d'évasion.
04:55 Pourtant, c'est un film qui est bourré de poésie,
04:59 c'est un film qui est bourré de clins d'œil.
05:01 C'est vraiment magnifique et c'est une invitation à regarder
05:04 tous les invisibles de la société.
05:06 C'est une promenade dans Tokyo assez insolite et vraiment inoubliable.
05:10 Moi, ça m'intéresse.
05:11 Je crois qu'on a bien fait le tour.
05:12 Merci à tous les deux. On verra demain si vous avez vu juste.
05:14 Merci à tous les deux. Merci à Bruno Ferro qui est avec vous.