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On entend beaucoup parler d'intelligence artificielle depuis l'apparition de ChatGPT et Midjourney. La technologie soulève des inquiétudes chez plusieurs, mais elle est porteuse d'espoir pour d'autres. Doit-on appréhender l'intelligence artificielle et son impact futur sur nos vies?

Métro a réunit un panel d'expert pour en discuter:
Sarah Gagnon-Turcotte, Directrice au Conseil de l'innovation du Québec;
Jonathan Durand-Folco, professeur à l'École d'innovation sociale de l'Université Saint-Paul;
et Julien Billot, président directeur général de SCALE AI.

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Transcription
00:00 Bonjour tout le monde, ici Jason Paré pour le journal Métro.
00:04 Depuis que les outils comme CHAP-GPT et Mid-Journey ont été rendus disponibles au grand public,
00:09 on entend beaucoup parler de l'intelligence artificielle.
00:12 Tandis que le Canada travaille sur une loi pour réguler cette industrie,
00:16 plusieurs experts du milieu sont sortis pour exprimer leurs craintes sur le développement accéléré de l'IA.
00:21 Afin de parler des impacts positifs ou pas de cette technologie sur nos vies et sur le travail,
00:27 nous avons réuni trois acteurs et actrices de ce domaine.
00:31 Alors bonjour tout le monde, je vous présente M. Julien Biot, président directeur général de Scale AI,
00:38 une société d'investissement vouée à bâtir la prochaine génération de chaînes d'approvisionnement
00:43 en capitalisant sur les avancées de l'intelligence artificielle.
00:48 Jonathan Durand-Folcourt, docteur en philosophie et professeur à l'École d'innovation sociale de l'Université Saint-Paul à Ottawa.
00:56 Bonjour.
00:57 Et enfin, Sarah Gagnon-Turcotte, directrice de l'adoption de l'IA au Conseil de l'innovation du Québec,
01:04 un organisme mis en place par le gouvernement du Québec ayant pour mission de dynamiser l'innovation
01:10 au sein des entreprises et de la société québécoise.
01:13 Bonjour.
01:13 Bonjour. Alors, pour commencer, on parle beaucoup de l'IA en ce moment,
01:19 mais elles n'ont pas toutes les mêmes fonctions.
01:21 Ce n'est pas tous des chapes JPT ou des mid-journeys.
01:24 Concrètement, on va commencer avec vous, M. Durand-Folcourt.
01:28 Concrètement, qu'est-ce que c'est une intelligence artificielle?
01:31 En fait, c'est un terme extrêmement lâche qui peut vouloir dire plusieurs choses.
01:34 Sous ce terme, souvent, en fait, il y a même des gens qui disent qu'il ne faudrait peut-être pas utiliser ce terme précisément,
01:38 mais vu que c'est dans le langage courant, ça réfère à un ensemble de processus informatique, numérique pour la plupart,
01:44 qui permet de résoudre des problèmes, d'effectuer des tâches de façon plus ou moins automatisée.
01:48 Donc, sous cette infrastructure, il y a évidemment différents types d'algorithmes.
01:54 Il y a aussi des systèmes de neurones artificiels.
01:57 Il y a plein de techniques de traitement de données qui permettent d'analyser ces différentes données
02:03 et de prédire des résultats par la suite.
02:05 Et ensuite, ça peut prendre des formes extrêmement diverses,
02:07 comme différents types d'algorithmes de recommandations.
02:10 Ça peut être des systèmes décisionnels automatisés.
02:12 Ça peut prendre la forme de chapes JPT, des générateurs d'images, de sons, de vidéos.
02:17 Donc, ça prend vraiment des formes diverses.
02:19 Et là, bien justement, toujours en faisant abstraction de chapes JPT et de midi-journées,
02:23 qu'on a entendu beaucoup parler, sont déjà dans nos vies les intelligences artificielles, Mme Turcotte-Gagnon.
02:31 Tout à fait. En fait, on ne les voit pas nécessairement, mais ils propulsent plusieurs systèmes autour de nous.
02:40 Je pense que le premier contact d'un citoyen moyen, c'est à travers son utilisation d'Internet.
02:46 On entend souvent parler des systèmes de recommandations à travers les Netflix de ce monde,
02:51 nos files d'actualité sur les médias sociaux, etc.
02:55 Peut-être quelque chose aussi de concret, lorsqu'on fait de la traduction.
03:00 On a tous entendu parler des systèmes de traduction qui nous aident au jour le jour à naviguer le monde.
03:06 Bien, de plus en plus, ils sont accélérés, puis ils utilisent l'intelligence artificielle.
03:13 Mais lorsqu'on rentre également dans le secteur plus industriel, là, il y a une panoplie d'utilisations.
03:18 On automatise des systèmes de production. On va optimiser des chaînes logistiques, dont mon collègue va sûrement parler.
03:27 On va l'utiliser dans le secteur bancaire pour faire des transactions sur les marchés boursiers.
03:32 Il y a vraiment une panoplie de cas d'utilisation à travers tous les secteurs industriels au Québec et dans le monde.
03:40 Oui, justement, M. Billaud, dans le domaine des chaînes d'approvisionnement,
03:44 qu'est-ce qui est utilisé comme intelligence artificielle actuellement ?
03:48 En fait, c'est extrêmement vaste. Je crois que c'est ça qu'il faut dire.
03:50 Il y a plusieurs intelligences artificielles, plusieurs outils.
03:52 Et dans les chaînes d'approvisionnement, dans la vie des entreprises au sens large,
03:55 il y a beaucoup d'opportunités d'utiliser l'intelligence artificielle pour améliorer la productivité essentiellement.
04:01 Alors, si vous pensez aux chaînes d'approvisionnement, le premier sujet, c'est de mieux prévoir votre demande.
04:05 Quand vous êtes une entreprise, quand vous êtes une industrie,
04:07 vous voulez mieux prévoir ce que les consommateurs industriels ou particuliers vont vous acheter.
04:11 Donc c'est le premier niveau sur lequel l'intelligence artificielle peut s'appliquer.
04:15 Vous aider à prévoir votre demande, optimiser votre prix, optimiser vos promotions.
04:19 Ça, c'est le premier niveau. Et puis, plus on descend dans la chaîne,
04:21 évidemment, l'intelligence artificielle pour mieux prévoir les stocks, pour mieux gérer vos entrepôts,
04:26 pour mieux tracer votre chaîne d'approvisionnement, de la production à la livraison,
04:31 pour garantir la sécurité de cette chaîne d'approvisionnement.
04:33 Donc tout ça fait partie d'une chaîne de bout en bout,
04:36 et l'intelligence artificielle permet à tous ces niveaux-là d'optimiser la productivité
04:40 parce que les chaînes d'approvisionnement produisent beaucoup de données,
04:43 et comme elles produisent beaucoup de données, on peut y appliquer des algorithmes,
04:45 et puis mieux prédire ou prescrire les bonnes actions sur la gestion de ces chaînes d'approvisionnement.
04:50 Parfait. Au début de mai, l'un des pionniers de l'intelligence artificielle et récipiendaire du Prix Turing,
04:57 c'est un peu un prix du Nobel dans le domaine de l'informatique et de la technologie,
05:01 et Jeffrey Hinton a ajouté sa voix aux milliers d'experts qui ont exprimé,
05:05 dans une lettre ouverte, des craintes sur les risques entourant le développement accéléré de cette technologie.
05:11 Monsieur Durand-Folko, est-ce que ces lanceurs d'alerte ont raison, en fait, d'alerter les gens sur le sujet?
05:19 En fait, moi, de mon côté, je trouve que c'est une bonne nouvelle, mais en même temps, c'est inquiétant.
05:23 Donc, il y a les deux à la fois parce que je pense que l'intelligence artificielle pose plusieurs enjeux,
05:28 défis, risques au niveau des milieux de travail, au niveau de la désinformation qu'on peut trouver en ligne.
05:33 Il peut offrir différentes opportunités en termes d'optimisation de chaînes d'approvisionnement.
05:37 Il peut avoir des bénéfices importants, mais il y a aussi des usages qui peuvent en être faits
05:42 et qui sont déjà faits depuis au moins 10, 15 ans dans différents milieux de la société.
05:46 Et puis, des gens, par exemple, de son côté, Hinton a décidé de quitter Google pour avoir plus une voix libre, disons,
05:54 puis de prendre position par rapport à différents types d'enjeux parce qu'en travaillant pour Google,
05:58 évidemment, il ne voulait pas se mettre à porte à fous avec son propre employeur.
06:02 Et maintenant, il veut essayer d'attirer l'attention du public, comme Joshua Benjo et plein d'acteurs de l'industrie
06:08 qui disent « c'est bien, peut-être, l'intelligence artificielle, mais il faut avoir de la réglementation,
06:13 il faut avoir un débat de société, il faut avoir une forme d'encadrement parce qu'actuellement,
06:17 le développement se fait tellement vite qu'on perd en quelque sorte le contrôle, les orientations sur ce développement.
06:23 Ou si on ne l'a pas complètement perdu encore, ce n'est pas encore le cas, ça risque de survenir par la suite.
06:28 Donc, il faut vraiment prendre un pas de recul, se poser des questions, intervenir.
06:32 Donc, le fait que ce ne soit pas uniquement des chercheurs indépendants comme moi ou d'autres
06:36 qui tireront sur la fenêtre d'alarme, mais des gens de l'intérieur de l'industrie elle-même qui disent « il faut de l'encadrement »,
06:42 je trouve que c'est un signe qui va dans la bonne direction.
06:44 Donc, oui, c'est ça. Ce n'est pas une sortie pour dire qu'on est contre l'intelligence artificielle,
06:49 mais plutôt pour ralentir un peu le mouvement, vu qu'il y a beaucoup de pays qui n'ont pas encore réglementé ces questions.
06:54 Le Canada est dans les précurseurs. Je sais que ça se discute aussi dans l'Union européenne.
06:59 Donc, oui, Mme Gagnon-Turcotte, est-ce que, justement, une pause de six mois,
07:04 ça serait vraiment utile pour permettre aux différentes législations de se positionner là-dessus?
07:12 Je pense que ce qui est très important, c'est de distinguer la recherche, le développement et aussi l'utilisation,
07:18 le déploiement, donc l'accès qu'on a dans le marché.
07:20 On ne veut pas empêcher la recherche de poursuivre ses explorations.
07:24 Pour ce qui est du développement, peut-être mettre un cadre de gouvernance plus clair
07:30 pour s'assurer qu'on développe des systèmes d'IA qui sont responsables,
07:33 puis également s'assurer qu'on a des balises claires lorsque vient le temps de déployer ces systèmes-là
07:39 et de leur donner accès à un très grand nombre.
07:42 Je pense que ce qui a beaucoup choqué avec Chad GPT, c'était que c'était un accès universel à travers tous les âges,
07:51 tous les pays, sans vraiment de contraintes ni d'avis indiquant que peut-être le système pouvait halluciner,
07:58 comme on dit, ou donner des mauvaises réponses.
08:00 Donc, l'absence d'encadrement et l'accès très rapide et soudain d'un système aussi puissant, c'est ce qui pose des questions.
08:07 C'est ce qui a amené les craintes au niveau de la désinformation qu'on mentionnait à l'instant.
08:11 Exactement. Puis, ce six mois-là, en fait, il faut le prendre pour réfléchir collectivement.
08:16 Ce qui est intéressant, c'est que le gouvernement du Québec a mandaté le Conseil de l'innovation
08:21 pour lancer vraiment une réflexion collective, pour cerner davantage plus clairement les enjeux,
08:27 les balises, les options qu'on devrait explorer en profondeur.
08:30 Parfois, ce n'est pas toujours de créer une nouvelle loi d'une page blanche.
08:35 Parfois, c'est simplement de réaffirmer que le cadre légal existant s'applique également à ces systèmes-là,
08:41 comme par exemple la protection du consommateur. On n'est pas obligé de réinventer la roue.
08:46 Donc, il faut identifier clairement les risques. Il faut aussi se laisser la place aux opportunités.
08:51 Puis, il faut se donner le pouvoir collectivement de dire, bien, voici comment on souhaite que cette nouvelle technologie soit utilisée dans notre société.
08:59 Mais là, si elles ont été lancées de manière universelle, justement, au grand public,
09:02 est-ce que c'est un peu parce qu'il y a une compétition entre différentes entreprises, M. Biaud,
09:06 et là, on se dépêche à sortir notre machine pour montrer qu'on est les meilleurs dans le domaine?
09:11 Oui, puis le fait qu'Elon Musk signe la lettre alors qu'il avait sa propre entreprise à côté n'a pas forcément crédibilisé la démarche.
09:16 Mais l'IA, c'est un sujet varié et global. C'est-à-dire qu'il y a plusieurs intelligences artificielles.
09:24 Puis, l'intelligence artificielle qui est révisée, moi-même, j'ai signé les différentes lettres au nom de ScalEI.
09:29 C'est que le Gérative AI, comme on l'appelle, pose beaucoup de questions de droits d'auteur, de copie, de désinformation ou autre.
09:36 Évidemment, l'IA industriel qu'on utilise pour trier des pommes de terre, on s'entend bien que ce n'est pas tout à fait les mêmes enjeux sociétaux
09:41 et les mêmes enjeux de vie privée. Donc, ce qui est important là-dedans, c'est que, bien, avoir une réglementation.
09:46 D'abord, vu d'une entreprise, la réglementation, c'est toujours une bonne nouvelle parce que ça donne un cadre légal
09:51 et ça permet d'opérer dans une plus grande sécurité juridique.
09:54 Puis, quand vous êtes une entreprise, vous investissez des millions de dollars dans des solutions,
09:57 vous ne voulez pas avoir d'incertitude parce que si, du jour au lendemain, la régulation change
10:01 et que votre solution devient totalement inopérante, évidemment, vous avez tout perdu.
10:05 Donc, créer un cadre, ça crée de la sécurité, c'est toujours bon pour l'investissement.
10:09 Mais au-delà de ça, ce qui est très important dans ce cadre, c'est évidemment de bien segmenter ce qu'on veut identifier.
10:14 Alors, oui, les entreprises se font la course, mais le domaine vraiment qui est très visé, qui était très spécifique dans ces lettres,
10:20 c'est beaucoup tout ce qui est autour de cette IA Générative parce qu'elle crée des contenus
10:24 qui sont évidemment diffusés en tant que tels beaucoup plus rapidement via les réseaux sociaux et qui posent tout un tas d'enjeux.
10:29 Une remarque juste là-dessus, c'est que ce n'est pas l'outil qui est en cause, c'est l'utilisation de l'outil.
10:33 C'est ça qui est important. Enfin, vous prenez un marteau, vous avez le droit de taper dessus,
10:36 de taper sur un clou avec un marteau, vous n'avez pas le droit de taper sur quelqu'un.
10:39 Donc, l'outil est important, mais effectivement, il faut réguler l'usage de l'outil de la bonne façon.
10:44 Oui. Bien, au-delà de l'usage, il reste que, bon, il y a eu des critiques par rapport à Mid-Journey
10:48 pour ce qui est des droits d'auteur parce que, bon, l'outil, une banque de données,
10:52 elle se sert de matière première de la création d'autres artistes pour créer des œuvres.
10:57 En quoi ça, c'est différent d'un artiste qui s'inspire, en fait, des œuvres de ses pairs?
11:03 Oui, en fait, c'est une très bonne question. Pour ce qui est de la question des artistes,
11:07 là, il y a des débats, on pourrait dire philosophique, ontologique, est-ce que c'est de l'art ou non.
11:11 Pour moi, je pourrais rentrer dans la catégorie large de l'art, comme je pourrais dire,
11:14 je place une tasse ici dans un cadre inattendu, je peux dire ceci est une œuvre d'art.
11:19 Donc, le débat sur les frontières de l'art, c'est large.
11:22 Mais il y a quand même aussi, pour ce qui est des graphistes,
11:24 qui peuvent être engagés pour faire des posters de festivals.
11:27 Mais pour moi, l'enjeu que je vois, c'est au niveau de la précarité des conditions d'existence
11:31 pour les différents types d'artistes, pour les différents types d'emplois qui vont être automatisés.
11:35 J'ai déjà plusieurs personnes autour de moi, en fait, qui sont en train de se dire,
11:38 je vais me réorienter au niveau professionnel, je ne vois pas d'avenir dans mon métier
11:42 ou je veux faire ça comme un hobby, mais je ne pourrais plus gagner ma vie avec ça.
11:45 Et c'est plutôt au niveau des systèmes de sécurité sociale
11:49 et des systèmes de redistribution de la richesse.
11:51 Donc, il y a des gens qui disent qu'il faudrait peut-être qu'on taxe les robots
11:53 ou les entreprises qui produisent ce genre d'outils algorithmiques
11:56 qui sont en train de faire des choses incroyables,
11:58 mais qui en même temps enlèvent le gagne-pain de certains types de personnes.
12:01 Après, est-ce que c'est par les droits d'auteur, et affirmer ça par des poursuites juridiques
12:05 au niveau des vols et ainsi de suite?
12:07 Moi, je ne suis pas expert de cet enjeu, mais je pense que non seulement
12:10 pour les différents artistes, professeurs d'université, dans le milieu du droit,
12:14 des avocats, des professions libérales, du travail d'école blanche générale,
12:18 tout ce qui est traitement de l'information, ces outils extrêmement puissants,
12:21 en fait, permettent de faire plein de choses.
12:23 Et après, c'est comment les employeurs vont les déployer dans leur entreprise,
12:26 pour le meilleur et pour le pire, et quel type de personnes vont être affectées par ça,
12:30 et qui va, en quelque sorte, subir les plus durs contre-coups
12:34 et qui va tirer les bénéfices de cette révolution industrielle, technologique qu'on vit actuellement.
12:39 Donc, c'est plus au niveau, je pense, même pour ce qui est des artistes,
12:42 de dire est-ce qu'il faut avoir un revenu de base pour les artistes,
12:45 ou un régime désintermittent, comme en France ou ailleurs,
12:48 pour que les artistes puissent créer librement, sans avoir nécessairement à vendre leur œuvre d'art,
12:52 ou en perdant leur contrat. Donc, comment on fait ça?
12:55 Donc, ça, c'est une question ouverte, qui touche non seulement les outils algorithmiques,
12:58 mais le type de société dans lequel on veut exister aussi.
13:01 Oui, bien, justement, Mme Gagnon-Turcotte, est-ce qu'on risque d'assister à une ubérisation
13:06 accélérée du travail, on parle de col blanc, un peu comme ce qui s'est passé
13:10 avec l'industrie du taxi ou de la livraison? Donc, soit une disparition du salariat,
13:14 au niveau de la livraison des payés au service, ou une déréglementation,
13:19 justement, un peu comme ce qui s'est passé dans l'industrie du taxi?
13:23 C'est une très bonne question, à laquelle je n'ai pas longuement réfléchi à ce jour.
13:27 Je pense que l'analogie, elle est bonne par rapport à Uber,
13:30 parce que ce qu'elle implique, cette analogie-là, c'est l'utilisation
13:34 ou la centralisation à travers une plateforme qui est détenue par une entreprise privée.
13:40 Je ne rentrerai pas nécessairement dans ce volet-là, mais ce qui est intéressant,
13:45 puis je pense que là où on a beaucoup d'incertitudes devant nous,
13:49 puis c'est bien de se poser les questions que M. Durand-Folko soulignait,
13:54 mais en même temps, on ne sait pas encore comment ces outils vont être utilisés.
13:58 Donc, c'est possible également que, plutôt que de remplacer l'humain,
14:02 ces technologies-là permettent d'augmenter les capacités humaines.
14:06 Il y a quand même la question de la précarité.
14:09 Donc, si avant on était capable de produire une affiche de festival par jour,
14:13 et maintenant qu'on peut en produire 150, bien, nécessairement, c'est peut-être 150 personnes,
14:18 ou en tout cas, 149, qui pourraient perdre leur travail.
14:21 Est-ce que ça va susciter un peu la demande?
14:24 À l'inverse, bon, peut-être qu'on va, au contraire, voir une explosion d'œuvres d'art
14:28 dans notre entourage, puis l'utilisation et même une exploration de la créativité
14:33 encore plus grande chez les jeunes. On ne le sait pas.
14:36 Puis c'est des transformations sociales fondamentales.
14:39 Je pense qu'il faut autant garder notre imagination fixée sur le positif
14:44 pour se permettre de créer ce futur-là qui pourrait être bienveillant,
14:49 et non pas uniquement regarder les aspects très dystopiques de cette technologie,
14:55 mais il faut être à l'affût des deux, et il faut constamment se poser ces questions-là.
15:00 Puis je pense qu'il faut le faire avec les gens qui sont impliqués également,
15:04 donc penser de réfléchir avec les artistes, avec les associations, avec les groupes,
15:09 avec l'UDA, etc. On en parlait beaucoup de ceux qui faisaient du doublage, par exemple.
15:16 Bon, bien, est-ce qu'à l'inverse, un collègue me disait récemment,
15:19 bien, peut-être que ça va donner accès davantage à la culture québécoise à travers le monde,
15:23 parce qu'il y a eu d'un simple clic, on va pouvoir traduire un film qui,
15:26 peut-être, a été trop niché pour avoir un public, donc pour investir dans un doubleur,
15:32 mais là, avec un AI, peut-être que c'est possible.
15:35 Donc, sans rejeter ou réduire l'importance des questions,
15:39 puis des impacts très négatifs sur des pantiers de notre société,
15:43 il faut aussi qu'on reste motivé par les impacts positifs.
15:48 Oui, parce que là, certaines personnes s'inquiètent peut-être de perdre leurs emplois,
15:52 mais en même temps, on parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre en ce moment,
15:56 donc est-ce que l'intelligence artificielle, d'une certaine façon,
15:58 peut aussi combler cette pénurie de main-d'oeuvre, vu que, bon, l'immigration peut en combler une petite partie,
16:03 mais on sait que même si on doublerait, l'immigration au Québec,
16:05 c'est pas ça qui viendrait régler tous ces problèmes,
16:07 donc est-ce que c'est une des solutions à la pénurie de main-d'oeuvre qu'on vit actuellement?
16:10 Bien, écoutez, oui, en partie. En fait, vous savez, l'évolution des métiers,
16:14 elle est toujours très compliquée à prédire, effectivement.
16:16 Il faut ni être naïf d'un côté, ni être naïf de l'autre.
16:18 Enfin, je veux dire que moi, j'ai longtemps travaillé dans les télécommunications,
16:21 au début du siècle, du 19e, du 20e siècle, pardon,
16:24 il y avait les demoiselles du téléphone qui, avec des fiches, connectaient les gens,
16:27 puis un jour, il n'y a plus les demoiselles du téléphone,
16:29 c'est pas pour autant qu'on n'a pas recréé d'autres types d'emplois.
16:31 C'est-à-dire qu'Axel est arrivé, tout un tas de comptables ont perdu leur métier,
16:35 mais ont évolué vers d'autres types de métiers.
16:37 Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il y aura de nouveaux métiers
16:39 qui vont arriver aussi liés à l'intelligence artificielle,
16:41 comme de nouveaux métiers sont arrivés, community manager, SEO manager et autres,
16:45 dans le digital, qu'on n'imaginait pas et qui vont créer de nouvelles opportunités.
16:49 Alors, l'intelligence artificielle, au sens large,
16:51 qu'est-ce qu'elle permet de faire dans le milieu industriel ?
16:53 Elle permet de mieux prédire ce qui peut se passer, de mieux prescrire des actions.
16:57 Donc, à ce niveau-là, elle permet effectivement, très largement, d'optimiser les ressources.
17:00 Alors, c'est vrai sur la pénurie de manœuvre, c'est aussi vrai sur l'utilisation
17:04 de différents outils de production ou l'utilisation, d'ailleurs, de matières rares,
17:07 comme l'essence ou autre, ça permet d'optimiser les trajets,
17:10 ça permet d'optimiser l'allocation des ressources, y compris des ressources humaines.
17:14 Oui, c'est une des solutions, mais ce n'est pas une solution miracle.
17:17 C'est une solution verticale par verticale, processus par processus.
17:20 Par exemple, pendant la pandémie, nous, Scaléa, on a financé des projets
17:23 qui ont aidé des compagnies comme AlayaCare, comme Dialogue,
17:26 à avoir plus de personnes, d'une meilleure allocation des ressources médicales,
17:30 là où il y en avait besoin.
17:32 Donc, vous voyez, c'est une organisation concrète où il y avait un manque criant
17:34 de ressources médicales. Grâce à des algorithmes, on prévoit mieux la demande
17:39 et donc, on est capable de mieux allouer les ressources face aux gens qui en ont besoin.
17:42 Donc, c'était une bonne illustration. Évidemment, ça n'a pas compensé
17:45 la totalité de l'absence de main-d'oeuvre médicale au Québec,
17:48 mais ça a contribué à régler un certain nombre de problèmes.
17:51 Meilleure gestion des ressources, mais est-ce qu'il y a aussi une meilleure efficacité médicale?
17:55 Parce que, pour pouvoir détecter des tumeurs, pour pouvoir développer des vaccins ou des médicaments?
18:00 Oui, ce qu'on dit souvent, c'est que... Alors, il y a beaucoup d'espoir,
18:03 il y a encore beaucoup d'incertitude là-dessus, notamment sur la découverte de médicaments.
18:06 Ce qu'on dit souvent, c'est que l'intelligence artificielle là-dessus,
18:09 elle permet d'amener la connaissance d'un meilleur médecin à tout le monde.
18:12 C'est-à-dire qu'elle n'est pas forcément meilleure que le meilleur des spécialistes,
18:15 mais elle permet par contre de rendre le meilleur des spécialistes accessible
18:18 à n'importe quel médecin partout. Et au Canada, c'est absolument critique.
18:21 Vous pensez au nord du Québec, vous pensez aux communautés des Premières Nations,
18:24 aux communautés inuites par exemple. C'est une avancée considérable,
18:27 le pouvoir amener via la technologie des compétences médicales
18:30 qui n'ont aucune capacité à être présentes physiquement sur place.
18:33 Donc oui, ça permet incontestablement ce genre de choses.
18:36 On parlait de l'emploi, de l'impact que ça pourrait avoir sur l'emploi,
18:39 sur l'information ou la désinformation.
18:42 Mais est-ce qu'un des plus gros impacts risque pas d'être d'un point de vue environnemental,
18:46 vu qu'on sait que les serveurs au niveau des JES,
18:50 ça a dépassé l'industrie de l'aviation civile?
18:54 Donc l'intelligence artificielle demande aussi beaucoup d'énergie,
18:57 de consommation d'eau, tout ça. Donc est-ce qu'elle est là,
19:00 un des impacts qu'on devrait noter par rapport à ça?
19:03 En fait, je pense que de ce côté, c'est vraiment, je dirais pas un grand angle mort,
19:06 parce qu'il y a de plus en plus de gens de l'intérieur ou de l'extérieur de l'industrie
19:09 qui travaillent sur ça. Moi, l'inquiétude ou cette analyse que je fais
19:14 du point de vue de l'intelligence artificielle, c'est que même s'il y a des gains
19:17 en termes d'efficacité, d'écoefficience, qu'on est capable de produire
19:20 avec moins de données, disons de données massives,
19:24 ou avoir par exemple alimenté différents data centers,
19:28 différents algorithmes avec des énergies renouvelables,
19:32 l'infrastructure industrielle planétaire qu'il faut pour faire tourner
19:36 tous les différents types d'algorithmes qu'on a actuellement,
19:39 puis l'infrastructure numérique telle qu'elle se déploie à l'heure actuelle,
19:42 ne fait que croître et croître de façon extrêmement rapide,
19:46 de telle sorte en fait qu'il y a tout en fait de plus en plus aussi d'Internet d'objet.
19:50 Donc on met des capteurs, on prend des données à différents endroits,
19:54 et ça consomme beaucoup de ressources, et ça va qu'en augmentant.
19:57 Donc même si on a un gain d'efficacité à court terme,
20:00 on a aussi cet effet économique qui s'appelle l'effet rebond,
20:03 qui fait que les gains d'efficacité sont compensés par une consommation encore plus grande.
20:07 Ici, d'après moi, c'est un choix de société.
20:09 Pour moi, je pense qu'on va avoir besoin d'algorithmes dans le futur,
20:12 on va avoir besoin de technologies numériques.
20:14 Je ne dirais pas d'un monde qui n'a plus d'Internet, ça serait un peu triste peut-être.
20:17 Mais est-ce qu'on est obligé d'aller vers la 5G, la 6G, la 7G,
20:20 toujours plus vite, toujours plus, et dire qu'un étage artificiel va résoudre le problème,
20:24 la crise écologique environnementale?
20:26 Je pense qu'on va devoir en quelque sorte faire plafonner peut-être,
20:29 voir quels sont les types d'usages efficaces, utiles qu'on veut pour cet étage artificiel.
20:34 Trier des pommes de terre ou avoir une chaîne d'approvisionnement de médicaments,
20:38 donc ça c'est utile.
20:39 Est-ce qu'on a besoin d'autant d'algorithmes pour par exemple avoir,
20:42 on va dire on va donner accès à des services de psychothérapie à travers des chat-bots?
20:46 Est-ce qu'on a besoin plus d'humains dans certains cas,
20:48 et un peu moins d'outils algorithmiques, de machines?
20:51 Plus de low-tech avec un peu de high-tech ici et là?
20:54 C'est un peu des réflexions que moi j'amène,
20:56 mais je pense qu'il faut qu'on soit pas juste dans le tout numérique.
20:59 Il va y avoir des solutions concrètes à avoir,
21:01 mais on ne peut pas faire que croître à l'infini sur une planète
21:04 avec des ressources qui ne sont pas infinies.
21:06 Non, c'est ça. Au-delà de l'intelligence artificielle,
21:08 il faut gérer la croissance si on veut répondre aux enjeux des…
21:12 Mais d'ailleurs, est-ce que l'intelligence artificielle,
21:15 Mme Gagnon-Turcotte, peut aider à développer,
21:18 à trouver des solutions au changement climatique
21:20 ou encore pour protéger la biodiversité?
21:23 Il y a certaines personnes qui défendent l'intelligence artificielle
21:26 et disent « ça peut être utile pour ça ».
21:28 C'est un très bon point.
21:30 Je pense qu'il faut voir l'intelligence artificielle
21:32 comme un levier d'innovation et comme une technologie
21:35 qui permet d'atteindre certains objectifs.
21:38 Donc, c'est ça. Il faut choisir de manière stratégique
21:40 quels sont les objectifs dans lesquels on investit nos efforts.
21:43 Et puis, c'est quand même une technologie qui est,
21:45 somme toute, jeune, dont M. Biot, tout à l'heure,
21:48 parlait qu'elle s'applique verticale par verticale.
21:52 Donc, industrie par industrie, processus par processus.
21:55 On est encore beaucoup dans la découverte
21:57 de comment utiliser cet outil-là pour optimiser,
22:00 peu importe le problème qu'on cherche à résoudre.
22:03 Donc, il faut, et c'est comme ça que le Conseil de l'innovation l'aborde,
22:09 il faut mettre cette technologie-là au service
22:11 des objectifs sociaux du Québec.
22:15 Donc, environnementaux, culturels, de l'économie sociale.
22:19 Il faut autant que les organismes communautaires puissent en profiter,
22:23 s'il y a lieu, c'est-à-dire lorsque l'outil, il est pertinent pour eux.
22:28 - S'ils ont les ressources pour se procurer ce genre de technologie-là aussi.
22:31 - Et puis, la crise climatique, c'est la principale crise
22:34 auxquelles on est confrontés globalement.
22:37 Donc, oui, il faut absolument qu'on mette l'IA au service
22:41 de la résolution de ce problème-là, et aussi les aspects de santé.
22:45 D'ailleurs, moi, quand je me promène dans l'écosystème,
22:48 à travers les régions, avec M. Luc Siroy, l'innovateur en chef,
22:52 on n'entend que parler de ça, donc de santé, de climat,
22:56 et puis pas juste de pénurie de main-d'œuvre,
22:59 parce que la pénurie de main-d'œuvre, au final,
23:01 affecte les conditions de travail et la qualité de vie des travailleurs.
23:04 Donc, c'est vraiment les préoccupations des Québécois.
23:07 - Ma prochaine question s'adresse à tout le monde.
23:09 On commencera avec vous, M. Biot, mais je pense que tout le monde peut y répondre.
23:12 Justement, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données
23:15 élaborées dans le cadre du projet de loi C-27 par le gouvernement fédéral,
23:20 est-ce que c'est un pas dans la bonne direction?
23:23 Est-ce qu'il manque quelque chose dans cette loi?
23:26 - Alors, moi, je ne suis pas juriste, mais clairement, j'ai signé la lettre de support
23:29 pour l'accélération du débat sur la loi C-27.
23:32 Comme je le disais, une des raisons principales, c'est déjà qu'il faut…
23:35 le feu couvre, d'une certaine façon, et donc ce n'est pas en l'ignorant
23:38 qu'on va régler le problème. Donc, une loi est une bonne chose
23:41 parce qu'elle va donner un cadre légal, juridique, et au final, aussi,
23:44 d'un point de vue strictement entreprise, sécuriser les investissements.
23:47 Ce qui est très intéressant dans l'approche autour de cette loi,
23:50 c'est qu'elle me paraît assez pragmatique. C'est-à-dire, elle ne définit pas
23:53 a priori, parce que la réalité, c'est qu'on ne sait pas encore
23:56 quels vont être les… on anticipe certains des problèmes, mais on n'a pas
23:59 la certitude de tous les sujets qui peuvent poser problème.
24:02 Donc, elle permet, en fait, d'avoir une sorte d'expérimentation,
24:05 de regarder projet par projet, des projets qui posent un risque systémique,
24:08 alors je ne sais plus le qualificatif exact, mais je crois que ça tourne autour de ça,
24:11 et dans ce cas-là, de réguler les projets qui tournent autour de ce risque systémique.
24:14 Et je trouve que c'est la bonne approche, parce qu'elle permet à la fois,
24:17 d'abord, au gouvernement, d'agir par décret derrière, donc d'aller plus vite
24:20 qu'en passant dans un processus législatif pour chacun des sujets,
24:23 et donc, elle permet une approche relativement pragmatique.
24:26 Moi, en tout cas, c'est ce qui m'a bien plu dans l'approche de cette loi.
24:29 Après, est-ce qu'elle règle tous les problèmes ? Non.
24:32 Évidemment, elle est aussi très complémentaire d'autres lois, comme Sarah l'a citée,
24:35 par exemple, les lois sur la protection des données personnelles,
24:38 la consommation, enfin, elles s'ajoutent à un certain nombre de lois
24:41 qui, de toute façon, doivent s'appliquer indépendamment du sujet
24:44 d'intelligence artificielle ou non.
24:46 Vous avez été assez critique, si je ne me trompe pas, M. Durand-Folko,
24:49 de cette loi dans une récente lettre ouverte.
24:51 Oui, en fait, j'ai écrit une lettre ouverte avec un de mes collègues,
24:54 Jonathan Martineau, professeur à l'Université de Concordia,
24:57 avec lequel je suis en train d'écrire un livre sur le capitalisme algorithmique.
25:02 Donc, ce système économique, justement, dans lequel on vit,
25:04 mais qui se reconfigure grâce et avec l'intelligence artificielle.
25:08 Et pour nous, en fait, la loi, je pense que ce n'est pas dans la bonne direction,
25:11 au sens où il faut une loi plutôt qu'aucune loi.
25:14 Mais cette loi, elle est trop adaptative et souple, à mon avis.
25:18 Donc, ça peut être un avantage, mais en même temps,
25:20 elle ne permet pas, d'après moi, d'empêcher des effets perturbateurs,
25:24 nocifs, tels qui sont déployés à l'heure actuelle.
25:27 Et tel qu'elle est conçue, par exemple, sur les questions de transparence,
25:31 on dit qu'on va rendre transparent l'usage ou les impacts possibles,
25:34 mais on ne rend pas transparent le modèle ou l'architecture algorithmique
25:39 ni l'entraînement de René, qui ont servi à l'entraînement de l'intelligence artificielle.
25:44 Et plusieurs chercheurs dans le milieu disent que pour comprendre les impacts,
25:47 il faut comprendre d'où vient cette intelligence artificielle,
25:50 comment elle a été créée, façonnée.
25:52 Et vu que c'est un secret industriel, c'est une forme de boîte noire,
25:55 les effets qui peuvent être causés par ça vont être difficiles à prévoir par la suite.
25:59 Et je pense, en fait, qu'il faut avoir une loi pour encadrer.
26:02 Je pense que la loi de l'Union européenne est plus avancée, plus précise, d'après moi.
26:07 Elle permet de non seulement réguler les IA à incidence élevée
26:11 ou avec effets indésirables qu'on veut empêcher complètement,
26:15 réguler celles qui sont à effet intermédiaire,
26:17 mais je pense, en fait, qu'il faut fondamentalement se poser la question.
26:21 Il faut une loi pour réguler, encadrer, pour donner un cadre plus sécuritaire
26:24 pour les entreprises qui innovent et ainsi de suite,
26:26 mais on doit privilégier les droits humains, la protection des consommateurs.
26:29 Et tel qu'elle est conçue dans le préambule du projet de loi,
26:32 on dit qu'on met sur un pied d'égalité la protection des citoyens et citoyennes canadiens
26:36 et la promotion de l'industrie.
26:38 C'est comme si on disait, par exemple, on veut réguler l'industrie pétrolière,
26:41 on veut mettre sur un pied d'égalité les intérêts de l'industrie pétrolière
26:43 et les intérêts de l'environnement.
26:45 Donc, pour moi, il y a une priorité qui doit être faite sur la protection de l'environnement,
26:48 des données, en fait, des données personnelles, des droits humains avant tout.
26:52 Et il faut se poser la question, il faut avoir une loi pour ça,
26:55 mais pas uniquement gérer les effets, les conséquences qui sont créées par cette industrie,
26:59 mais se poser la question, est-ce qu'on a besoin de plus de robots,
27:02 de plus d'algorithmes, et ainsi de suite.
27:03 Donc, il faut avoir des questionnements éthiques encore plus larges,
27:05 mais j'accueille bien le débat qu'on est en train d'avoir à l'heure actuelle
27:08 grâce aux différents acteurs de l'industrie, Joshua Benjio,
27:11 les gens qui se disent, il nous faut une loi autour de ça, il faut qu'on ouvre le débat.
27:15 Mais pour moi, la loi telle que se décline,
27:17 elle ne fera pas grand-grand-chose pour améliorer la situation d'après moi.
27:20 Mais peut-être que je me trompe aussi.
27:21 Puis, au-delà de l'efficacité de la loi sur le territoire canadien,
27:25 bon, on parlait de l'Union européenne,
27:27 bon, si on légitimise de notre côté, mais que ce n'est pas fait dans d'autres pays,
27:31 est-ce qu'il y a un risque que finalement que l'intelligence artificielle soit développée
27:34 dans une voie qu'on ne souhaite pas?
27:37 Parce qu'est-ce qu'il faudrait avoir une législation qui serait planétaire,
27:42 si je peux m'exprimer ainsi, Mme Gagnon-Turcotte?
27:45 Est-ce qu'on se dirigera vers ça? C'est très possible.
27:48 Je crois qu'on doit avoir ces réflexions-là et ces débats-là
27:52 en ayant en tête ce qui se passe aux États-Unis et dans l'Union européenne nécessairement.
27:58 Puis je crois que le Québec est extrêmement bien placé
28:01 pour participer à ces différentes conversations-là.
28:05 Dès le départ, l'écosystème a réfléchi à l'IA responsable.
28:09 Donc, on peut parler de la déclaration de Montréal sur l'intelligence artificielle responsable,
28:14 qui date de 2018, qui était une vaste consultation citoyenne
28:17 qui a mené à l'élaboration de plusieurs principes
28:20 qui visent à guider le développement et l'utilisation de l'IA.
28:23 On a également l'Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique,
28:29 qui est un regroupement de plus de 250 chercheurs
28:32 qui réfléchissent directement à quels sont les impacts.
28:35 On a, dans le fond, plusieurs groupes, chercheurs, des gens de l'industrie également,
28:41 qui réfléchissent en ayant vraiment cette lunette-là d'approche,
28:44 de comment est-ce qu'on fait en sorte que cette technologie-là a des impacts positifs dans la société.
28:50 Puis un des groupes que je tiens aussi à mentionner, c'est le Partenariat mondial pour l'IA,
28:56 qui est une initiative entre la France et le Canada,
29:00 et qui, dont un des bureaux, est situé ici à Montréal, ce qui s'appelle le CEMIA,
29:05 donc plusieurs acronymes, le Centre d'expertise internationale de Montréal en IA.
29:09 Et eux, ils ont vraiment une réflexion en IA.
29:12 On a une des co-responsables du pilier IA responsable qui est là.
29:16 Bref, on a une multitude d'acteurs qui réfléchissent.
29:19 Et on a déjà ces liens-là à l'international.
29:21 C'est des initiatives qui regroupent beaucoup de gens,
29:25 des gens du Brésil, du Mexique, du Portugal, qui sont à la table et qui réfléchissent à, par exemple,
29:30 comment est-ce qu'on pourrait utiliser l'IA dans le secteur agricole pour améliorer la productivité,
29:36 puis s'assurer qu'on répond aux changements climatiques.
29:38 Donc, ça a un aspect industrie, mais ça a aussi un aspect sociétal extrêmement important.
29:43 Donc, le Québec, on doit vraiment lever la main, puis dire oui, on est là, on est présent,
29:49 on veut participer à cette conversation-là, puis on a toute l'intelligence qu'il faut pour le faire.
29:54 Dernière question.
29:55 Bon, responsabiliser l'IA, responsabiliser l'industrie qui l'utilise ou qui la développe,
30:01 mais pour ce qui est de la population, de sa responsabilité par rapport à des outils à lesquels ils ont accès.
30:07 On le voit avec les réseaux sociaux.
30:09 Les réseaux sociaux sont arrivés.
30:10 C'est un peu chaotique.
30:12 On a appris à s'en servir en s'en servant, finalement.
30:15 Donc, est-ce qu'il y a une forme de sensibilisation, d'éducation que nos gouvernements devraient faire
30:20 pour éviter les dérapages, pour éviter les utilisations malveillantes,
30:24 ou même pour protéger ses propres données, donc comme ça revient un petit peu sur les réseaux sociaux.
30:29 Je ne sais pas si quelqu'un veut se lancer sur cette dernière question. Oui.
30:32 Il y a le terme peut-être qui est ressorti le plus lors d'un événement récent qui portait sur l'éducation et l'IA,
30:39 c'est la notion d'esprit critique.
30:41 On doit vraiment développer l'esprit critique de nos jeunes et moins jeunes également.
30:45 On doit tous se mettre un peu à jour sur comment on accepte ou on refuse l'information
30:52 qui nous est transmise, notamment sur les médias sociaux.
30:55 Donc, ça, c'est un chantier fondamental, comment est-ce qu'on va s'adapter à ces nouveaux outils,
31:00 à ces nouvelles pratiques.
31:02 Et il y a le 15 mai prochain, une journée sur l'éducation, je crois que c'est en enseignement supérieur et l'IA.
31:09 Il faut se poser ces questions-là.
31:11 La grande réflexion collective qu'on s'apprête à lancer sur l'encadrement de l'IA sera une autre opportunité
31:16 de réfléchir à la manière dont on s'adapte à tout ça, c'est quoi le rôle de l'État aussi pour aider
31:21 à avancer ces réflexions-là, puis encadrer plutôt que purement législatif.
31:25 On a une vision large de l'encadrement.
31:27 Parfois, c'est un code de déontologie, parfois c'est un code, un guide pratique,
31:31 comment utiliser ChatGPT, connaître les risques lorsqu'on l'utilise, qu'est-ce qu'on peut faire avec ou pas.
31:37 Quels outils est-ce qu'on se dote collectivement pour faire face à cette transformation sociale importante,
31:43 sociotechnologique importante?
31:45 Très bien, bon, bien, ce sera le mot de la fin.
31:47 Oui, vous voulez ajouter quelque chose?
31:49 Oui, mais pour ajouter, je pensais ça, donc la question de l'esprit critique.
31:52 Donc, moi, je suis dans le milieu universitaire, l'enseignement, professeur.
31:55 On a déjà des étudiants qui commencent à utiliser l'IA pour faire des travaux universitaires,
31:59 donc on se pose la question de l'intégrité économique, puis la vie à compagnie.
32:02 Mais au-delà de ça, je pense qu'il faut généralement qu'on se pose la question,
32:05 quels sont ces outils, qu'est-ce qui produisent comme effet, comment est-ce qu'on s'en sert,
32:08 et comment est-ce qu'on pense, pour moi, j'ai cette triade en fait,
32:10 penser avec l'IA, contre l'IA et au-delà de l'IA aussi.
32:14 C'est-à-dire, quels sont les types de choses qu'on veut faire pour mieux l'utiliser dans certains contextes.
32:18 Parfois, certains usages qui pourraient être nuisibles, comme on fait pour les contrées,
32:23 et aussi penser à un monde où ça va faire partie de nos vies, probablement en fait de plus en plus,
32:28 mais penser que c'est pas juste en utilisant plus d'IA constamment.
32:31 On doit, de plus en plus, des gens, ils parlent en fait qu'on est beaucoup devant nos différents types d'écrans.
32:35 Il faut faire la désintoxication digitale, numérique, avoir des espaces où on peut peut-être avoir
32:39 pas d'intelligence artificielle autour de nous pour vivre bien sans être connecté en permanence.
32:44 Et dans d'autres contextes, on veut utiliser des outils numériques, on veut aller plus vite,
32:47 on veut être productif. Donc, penser en fait à cette coexistence de formes de vie,
32:52 en fait, je pense que ça, on va devoir l'apprendre, non seulement au niveau des jeunes,
32:55 mais au niveau des adultes, personnes âgées, personnes aînées,
32:58 tous les groupes de la population.
33:00 Il ne faut pas oublier non plus qu'on est dans une approche mondiale,
33:03 que tout ce qu'on fait nous, je ne suis pas sûr que ni les Chinois, ni les Russes
33:05 vont faire exactement la même chose.
33:07 Donc, effectivement, tout l'enjeu, c'est de balancer ce que nous, on pense qu'on modèle de société
33:10 au Québec, au Canada, ou dans nos sociétés démocratiques,
33:13 par rapport à la compétition qui existe avec des sociétés qui le sont moins.
33:17 Donc, tout l'enjeu va être de trouver la bonne régulation mondiale ou pas, je ne sais pas,
33:20 mais en tout cas, de retrouver le bon équilibre entre ce qu'on est prêt à accepter nous,
33:24 tout en ne perdant pas trop en termes de compétitivité, parce que, à la fin de la journée,
33:28 pour payer des services publics, pour payer des infirmières, pour payer, il faut créer de la richesse.
33:32 Et on ne peut pas créer de la richesse en se mettant trop de boulets au pied,
33:35 si d'autres, en tout cas, n'ont pas les mêmes boulets.
33:37 Donc, ça, c'est cette balance qu'il va falloir aussi trouver, d'une certaine façon.
33:40 Parfait. Bon, c'est ce qui met fin à notre discussion, mais je ne pense pas qu'on va arrêter
33:44 d'en parler de l'intelligence artificielle dans les prochains mois, prochaines années.
33:47 Alors, merci à vous trois.
33:49 Merci beaucoup.
33:50 Merci à toi.
33:52 [SILENCE]

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