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"Je n'étais pas préparée à être la mère d'un enfant handicapé".
Thomas, 24 ans, a la maladie des os de verre. C’est aussi un génie des mathématiques ! Pour Lou, Isabelle Mordant nous raconte l’histoire incroyable de son fils. Un témoignage plein d’espoir et de dévouement maternel !

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Transcription
00:00 Quand j'ai appris la maladie de Thomas, qui est quand même une maladie terrible,
00:02 pour moi ça a été un cataclysme.
00:04 J'ai cru que notre vie était gâchée,
00:05 j'ai cru que la vie de Thomas était gâchée
00:07 et que toute notre vie familiale était irrémédiablement abîmée.
00:10 Je me suis rendu compte que je m'étais trompée.
00:12 Bonjour, je m'appelle Isabelle Mordin,
00:14 je suis la mère de Thomas, qui a 24 ans,
00:16 qui est atteint d'un lourd handicap moteur
00:18 et qui a soutenu il y a quelques jours sa thèse en mathématiques.
00:21 Donc en fait, Kato s'est rendu compte que la numérologie particulière
00:25 qu'attachait à la définition de sa droite...
00:27 Thomas est né il y a 24 ans,
00:28 c'était étonnamment un bébé qui pleurait beaucoup.
00:31 Les médecins ne m'ont pas toujours écoutée
00:33 quand je leur disais qu'il me semblait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
00:35 Et puis au bout de quelques mois, on s'est rendu compte que Thomas
00:38 avait plusieurs fractures de dates différentes.
00:40 Il a fallu plusieurs mois pour qu'on fasse un diagnostic
00:43 et finalement, il s'est avéré que Thomas était atteint de la maladie des os de verre,
00:47 c'est-à-dire une fragilité osseuse
00:48 qui est très, très sévère dans le cas de Thomas
00:51 et qui du coup provoque des fractures
00:53 pour le moindre geste, pour un éclat de rire,
00:56 pour un hoquet, pour une toux.
00:58 J'ai découvert tout à fait par hasard
01:00 qu'il avait des capacités intellectuelles hors du commun.
01:03 Par exemple, d'un moment où Thomas était dans son bain,
01:05 il était en CM1, il avait 9 ans
01:08 et il m'a dit avec un sourire jusqu'aux oreilles,
01:10 "Maman, j'adore les nombres irrationnels."
01:12 Et il m'a dit, "C'est les nombres qu'on ne peut pas mettre sous la forme d'une fraction,
01:15 par exemple le nombre pi ou bien le nombre e."
01:17 Je lui ai dit, "Mais qu'est-ce que c'est ?"
01:19 Et il m'a dit, "C'est la surface qui est sous la courbe 1/x."
01:22 Il s'était approprié par lui-même des notions
01:24 qu'on étudie au niveau du lycée ou même souvent après.
01:28 Thomas était donc un petit garçon tout à fait intelligent
01:30 et comme maman, il me paraissait tout à fait naturel qu'il puisse aller à l'école.
01:34 Mais il a quand même un handicap très lourd
01:36 et qui s'est aggravé au fil du temps.
01:38 Il n'a jamais pu marcher.
01:39 Il était en fauteuil roulant manuel à l'école primaire
01:41 et ensuite il est passé en fauteuil roulant électrique.
01:43 Thomas s'est retrouvé à 14 ans et demi en terminale
01:47 et il a passé son bac S.
01:48 Il l'a obtenu avec 19 de moyenne générale,
01:51 alors même qu'il ne pouvait plus écrire du tout,
01:54 qu'il dictait tout son travail à des personnes extérieures.
01:57 Nous avons fait le pari, le pari familial,
02:00 de le faire entrer en classe préparatoire
02:02 et il est rentré à Normale Sup, Ulm.
02:05 C'est quand même le concours en France le plus difficile en mathématiques,
02:09 c'est plus difficile que l'école polytechnique.
02:11 Le fait de ne pas pouvoir écrire,
02:12 c'est quand même extrêmement pénalisant dans une scolarité.
02:14 C'est moi en fait qui l'ai accompagné à l'école Normale Supérieure
02:17 et qui ai passé ces années de scolarité assise à côté de lui
02:20 pour prendre les notes de cours.
02:22 Thomas a soutenu il y a quelques jours sa thèse
02:24 sur les hauteurs de Griffith-Cato, des pinceaux de variété projective.
02:29 Et donc en fait, Cato s'est rendu compte que la numérologie particulière
02:32 qu'attribuait la définition de sa droite,
02:34 où les désalignements des fréquences mesurés à la puissance R,
02:38 permettait d'obtenir une propriété, une apparence par l'isogénie.
02:42 C'est de la géométrie algébrique,
02:44 ça fait partie des domaines les plus abstraits des mathématiques fondamentales.
02:48 Et il y a assez peu de personnes au monde
02:51 qui sont capables de comprendre de quoi il s'agit.
02:54 Le handicap de Thomas est devenu tellement lourd aujourd'hui
02:57 qu'il ne peut faire seul aucun geste de la vie quotidienne.
02:59 Donc il faut s'occuper de lui pour tout,
03:01 il faut le porter pour le sortir de son lit,
03:04 il faut le laver, il faut l'habiller, il faut le faire manger.
03:07 C'est essentiellement moi aujourd'hui qui assure tous ces gestes et tous ces soins.
03:13 La vérité, c'est que je n'étais pas préparée à être la mère d'un enfant handicapé.
03:16 Je pense que personne ne l'est.
03:18 J'avais fait des belles études, je suis polytechnicienne,
03:20 j'avais rencontré mon mari à l'école polytechnique.
03:22 Et quand on a fondé notre famille,
03:24 on ne s'attendait pas du tout à mener ce genre de vie.
03:26 Ça exclut du monde du travail, évidemment,
03:28 ça exclut d'une certaine vie sociale, on perd des relations,
03:32 on perd un certain nombre de gratifications
03:35 qu'on peut avoir quand on a une vie professionnelle.
03:37 C'est un choix que j'ai fait vraiment de manière évidente
03:40 et que je ne regrette absolument pas.
03:42 Et ce que je voudrais dire,
03:43 si jamais il y a des mamans qui sont confrontées à ce genre de choix,
03:46 c'est que j'ai trouvé en fait, dans ce mode de vie,
03:50 des satisfactions et des bonheurs que je n'aurais jamais osé imaginer.
03:53 La réussite de Thomas, mais pas seulement sa réussite,
03:56 sa joie de vivre, son amour de la vie,
03:59 le fait que Thomas soit toujours occupé, qu'il ait toujours des projets,
04:02 pour moi, c'est une récompense qui vaut tous les sacrifices que j'ai pu faire.
04:05 Et j'ajoute aussi que si j'ai pu faire ces sacrifices,
04:09 c'est parce que mon mari était là,
04:10 que mon couple a résisté à cette épreuve.
04:13 Quand j'ai appris la maladie de Thomas, qui est quand même une maladie terrible,
04:16 pour moi, ça a été un cataclysme.
04:17 J'ai cru que la vie de Thomas était gâchée
04:19 et que toute notre vie familiale était irrémédiablement abîmée.
04:22 Je me suis rendue compte que je m'étais trompée.
04:25 Ça a été une aventure, une aventure qui a été jalonnée d'épreuves,
04:27 jalonnée de difficultés,
04:29 mais aussi jalonnée de plein de bons moments
04:31 qui nous mènent aujourd'hui à une vie familiale
04:34 qui est équilibrée, qui est heureuse
04:36 et où on a l'impression d'avoir réussi l'essentiel.
04:38 Le fait que nos deux enfants soient aujourd'hui des jeunes gens
04:41 très épanouis, très équilibrés, très heureux de vivre,
04:44 ça me paraît beaucoup plus important que tout ce qu'on a pu sacrifier.
04:49 Si certains d'entre vous ont envie d'en savoir plus sur l'histoire de Thomas,
04:52 j'ai écrit un livre qui a été publié il y a quatre ans aux éditions du CERF
04:55 qui s'appelle « Mystères de la fragilité ».
04:57 Merci.
04:58 [SILENCE]

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