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  • 22/05/2023

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00:00 Et dans l'actualité évidemment, ce matin on va parler de la situation des aires d'accueil des gens du voyage chez nous en Indre-et-Loire.
00:07 Bonjour Olivier Legros. Bonjour Virginie.
00:10 Vous êtes président de l'association Zigan Habitat et professeur de géographie à l'université de Tours.
00:15 France Bleu révèle ce matin cette étude qui montre l'insalubrité de l'aire d'accueil de Saint-Pierre-des-Cors.
00:22 Est-ce que ça en dit long sur la considération qu'ont les pouvoirs publics pour les gens du voyage ?
00:27 La considération, je ne sais pas, je crois qu'il ne faut pas caricaturer non plus quand on parle des pouvoirs publics.
00:32 Je dirais qu'on est dans une situation très tendue de rapport de force, aussi d'hostilité générale à l'égard des gens du voyage
00:41 qui fait que les pouvoirs publics n'ont pas d'autre choix, parfois, que de localiser ces aires dans des endroits difficiles, à l'écart, sur d'anciennes décharges comme c'est le cas à Saint-Pierre-des-Cors.
00:54 - Et 80% des aires sont dans des situations problématiques. - C'est très clair.
00:59 - Et ça, ça excuse ? - Non, ça n'excuse pas bien sûr.
01:04 Mais ce que je veux dire c'est que les pouvoirs publics ne sont pas forcément mal intentionnés.
01:08 Je crois que c'est aussi important de le souligner.
01:10 - Et en quoi ça participe cette problématique à Saint-Pierre-des-Cors, à la problématique d'accueil des gens du voyage ?
01:15 - D'abord, il y a des problèmes de santé sur place, possiblement.
01:20 Moi, j'ai lu un diagnostic géotechnique, comme on dit, sur l'aire de Saint-Pierre-des-Cors, qui...
01:28 Enfin voilà, je ne vais pas rentrer dans le détail, mais je ne conseille à personne d'aller à la Salliavite.
01:32 - Mais il révèle quoi par exemple ? Un exemple ?
01:34 - Eh bien, la pollution, la pollution des terres, ce qu'on savait déjà.
01:41 C'est-à-dire que ça a été construit sur des couches de déchets, des déchets industriels, des déchets domestiques.
01:48 Ce qui rend évidemment très difficile l'installation de lieux de vie sur cet endroit-là.
01:54 - Comment on explique que ce soit ces lieux de vie-là qui ont été choisis ?
01:59 - Eh bien, je pense que la première chose, c'est qu'il y a très peu de sédentaires, comme on dit, qui veulent des voyageurs à côté de chez eux.
02:06 Il suffit de regarder, quand on propose un terrain pour les gens du voyage,
02:13 il y a des levées de boucliers, des pétitions qui font qu'on est conduit vers les terrains les plus difficiles.
02:22 Vous voyez, les moins propices à l'habitat.
02:25 - Est-ce qu'il y a aussi des manques de place aussi, tout simplement ?
02:28 - Manque de place ? Manque de foncier ?
02:30 - Oui, de foncier.
02:31 - Oui, le foncier est de plus en plus cher, notamment autour des grandes agglomérations comme Tours,
02:34 où vous avez une montée du prix du terrain, qui fait que c'est de plus en plus difficile d'y construire des opérations immobilières publiques.
02:42 Je pense au logement social et je pense évidemment aux aires d'accueil.
02:45 - Ces aires d'accueil, justement, est-ce que c'est à l'heure actuelle les meilleures solutions apportées aux gens du voyage ?
02:51 Là, on voit les installations sauvages encore à l'île d'Or pendant dix jours.
02:56 C'est quoi la meilleure solution selon vous ?
02:58 - C'est d'ouvrir le dialogue, c'est d'aller voir les gens, de discuter avec eux, de savoir quelles sont leurs pratiques, leurs besoins,
03:06 et d'arriver et de les reconnaître, de leur reconnaître un droit à être là.
03:10 Parce que dans la très grande majorité des cas, là c'est un peu particulier avec les grands passages,
03:15 mais ce sont des voyageurs de la région, ce sont des habitants de notre région, de notre département.
03:21 - Mais c'est quoi leur besoin concrètement ?
03:23 - Le mieux, ça serait d'aller leur demander, parce qu'ils dépendent des familles, des personnes.
03:27 Mais je crois qu'il y a effectivement un manque de place.
03:30 J'ai pas mal discuté avec des voyageurs sur ces questions-là, il y a d'abord un manque de considération.
03:36 Ce qui m'a surpris, j'attendais des réponses en termes techniques d'habitats,
03:40 ce que j'ai entendu, c'est ce besoin de reconnaissance.
03:46 Ce besoin de reconnaissance qui permettrait d'ouvrir le dialogue,
03:50 et puis de voir reconnaître à ces personnes-là des droits en échange de devoirs.
03:57 Je crois que la réponse elle est là. Elle est pas du côté de la technique, elle est du côté humain.
04:02 - Et se sentent comme des citoyens de seconde zone ?
04:05 - Il y en a beaucoup qui se sentent comme des citoyens de seconde zone.
04:10 Imaginez, votre droit c'est d'aller habiter près de la déchetterie.
04:14 Vous le prenez comment ?
04:16 Et je crois que là il y a quelque chose qui...
04:18 Voilà un des nœuds du problème, c'est que cette relégation
04:23 fait que les gens ont des ressentiments, peuvent avoir des comportements
04:30 qui peuvent choquer la société.
04:33 Mais comme les gens me disent "mais comment voulez-vous qu'on prenne le fait d'être relégué comme ça dans les marches ?
04:40 Comment on vit ça ?"
04:41 Eh bien des fois, ça nous donne envie de mettre le bazar.
04:43 Voilà ce que j'entends.
04:44 Vous voyez comme cette relégation, qui est une forme de violence finalement des institutions,
04:49 c'est vrai mais pas que, va conduire les gens à des comportements qui sont dénoncés par ailleurs.
04:56 Voilà le cercle infernal de cette violence, d'une certaine manière,
05:01 qu'il s'agit de casser d'une certaine manière en ouvrant le dialogue et en reconnaissant les gens.
05:06 - Mais vous sentez cette colère aussi s'amplifier ces dernières années
05:09 quand on parle justement aux gens du voyage sur la situation qu'ils vivent ?
05:14 - Alors la colère, je la vois, vous voyez dans des gestes, des manifestements,
05:19 mais je vois aussi beaucoup de personnes qui sont plutôt prêtes à échanger, à discuter
05:24 et qui déplorent le fait que les élus ne les reçoivent pas,
05:28 qui déplorent l'absence de dialogue.
05:30 C'est ça qui m'a frappé.
05:31 - Parce que c'est les élus locaux qui ne font pas assez le nécessaire quand même ?
05:35 Ils n'ont pas de volonté ou pas ?
05:37 - Ça dépend d'abord.
05:38 Moi je vois des élus, encore une fois, il ne faut pas caricaturer.
05:41 Pas plus les élus que les voyageurs.
05:43 Et moi je vois des élus qui font tout un travail très intéressant avec des voyageurs,
05:47 qui dès qu'il y a des personnes qui arrivent sur leur territoire,
05:51 vont à leurs rencontres, vont les voir quotidiennement,
05:54 passent un accord, font de devoirs et de droits.
05:59 On est sur ce couple droit-devoir.
06:01 Et il se passe des choses intéressantes et bonnes pour tout le monde.
06:04 Et puis il y a des élus qui effectivement, soit font la politique de l'autruche,
06:10 soit refusent de voir les voyageurs sur leur territoire.
06:13 Et c'est très dommageable parce qu'encore une fois, il s'agit de voyageurs de leur territoire.
06:18 C'est des gens du coin.
06:20 - On a compris pour vous la solution finalement, c'est le dialogue entre les élus et les gens du voyage
06:24 qui s'installe pour ce temps sauvage.
06:26 - Après on réglera les problèmes techniques.
06:27 - Très bien. Merci beaucoup Olivier Legros.
06:29 Je rappelle que vous êtes président de l'association Zigan Habita et professeur de géographie à l'Université de Tours.
06:34 Merci d'être venu sur France Bleu Touraine ce matin.
06:36 - Un grand merci à vous.