Rebecca Manzoni présente la série "Music Queens, une histoire du girl power et de la pop... en chansons", à la fois bande dessinée pare cette semaine, mais aussi prochainement série animée sur Arte et rendez-vous d'été sur France Inter. Un projet signé Amandine Fredon, Emilie Valentin et Rebecca Manzoni, dont on doit le graphisme à Leslie Pelée. Lumière sur ces artistes féminines qui ont compté dans nos vies et nos parcours.
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00:00 * Extrait de « France Inter » de Bruno Duvy *
00:07 Dans cette émission, nous prenons la chanson au sérieux.
00:09 Trois minutes de musique en disent parfois plus sur une personnalité que de grands discours.
00:14 Frédéric Pommier le montre tous les jours avec ses invités qui se racontent en parlant
00:18 d'un titre qui leur est cher.
00:20 Et trois minutes de musique peuvent même changer le monde.
00:23 Par exemple ceci.
00:24 * Extrait de « France Inter » de Bruno Duvy *
00:44 * Extrait de « France Inter » de Bruno Duvy *
01:11 Gossip, heavy cross, Nina Simone, Ain't got no, I got life, Angèle Balanceton-Croix
01:17 et Cyndi Lauper, Girls want to have fun.
01:20 Cet hype figure au générique de Music Queens.
01:23 Une histoire du girl power et de la pop en chanson.
01:27 A la fois une bande dessinée parue cette semaine, bientôt une série toute en animation
01:31 sur Arte, puis un rendez-vous cet été le week-end sur France Inter.
01:35 Une série de chansons et autant d'artistes, compositrices, interprètes, des Ronettes
01:40 à François Zardy, d'Anne Sylvestre à Patti Smith, de Janice Joplin à Barbara en passant
01:44 par Beyoncé, Music Queens pour le graphisme Leslie Pelé, réalisation et écriture Amandine
01:50 Fredon, Émilie Valentin et Rebecca Manzoni qui est avec nous jusqu'à 13h45.
01:55 Bonjour Rebecca.
01:56 Bonjour Bruno.
01:57 Question à vous auditeurs de France Inter.
01:58 Une artiste, une chanson qui a compté dans votre vie, d'adolescentes, de filles, je
02:03 parle aux féminins mais les garçons sont les bienvenus aussi.
02:05 Appelez-nous 01 45 24 7000, elle applique France Inter.
02:09 Je vous voyais noter les titres qu'on a retenus pour le petit mix, ça vous va les
02:12 titres qu'on a pris ?
02:13 C'est parfait.
02:14 Un artiste, une artiste qui a compté pour vous Rebecca ?
02:17 Je dirais Debbie Harry du groupe Blondie, la chanteuse du groupe Blondie qui compte
02:21 à son répertoire des tubes comme Call Me ou Heart of Glass.
02:24 Debbie Harry pour la pochette de son album Parallel Lines où elle pose avec une robe
02:30 à bretelles, ses mules et les mains sur les hanches avec ses gars derrière.
02:34 Et aussi parce que c'est elle qui est d'une certaine façon l'inspiratrice de cette
02:39 série Music Queens.
02:41 Dans la mesure où le premier épisode que j'ai écrit, le premier pilote c'est sur
02:47 Heart of Glass avec elle.
02:48 Et Debbie Harry a eu cette phrase qui pourrait être le sous-titre de Music Queens, c'est
02:54 "Les femmes vont être les nouveaux Elvis, c'est la seule issue pour le rock'n'roll".
02:59 Sheila dans les Music Queens, ça m'a beaucoup amusé, intrigué.
03:03 Sheila, la petite fille en couette de l'école effigée ?
03:06 Justement, c'est Sheila avec Spacer.
03:08 Ce tube que vous avez peut-être vu où elle dansait avec des rayons laser, tout ça c'était
03:14 hérité de Star Wars, on était en plein futurisme.
03:16 Sheila Disco.
03:17 Oui Sheila Disco qui est le moment où elle s'émancipe de cette jeune fille, de cette
03:22 petite fille à couette ou petite fille de français moyen.
03:25 Et Sheila, racontez-vous qui a été une des premières qui soit produite à la télévision
03:28 française avec des danseurs noirs ?
03:30 Oui, ce qu'on s'est bien chargé de lui faire remarquer, de façon assez désagréable d'ailleurs.
03:35 Alors, il y a Cyndi Lauper, c'est le féminisme qui tire la langue.
03:38 Il y a Marianne Faithfull, la femme qui assume ses erreurs.
03:41 Patti Smith qui dit "je suis sûre d'un truc, je ne veux pas porter de rouge à lèvres".
03:45 Au fond, chacune apporte sa petite pierre à l'édifice.
03:48 Je ne dirais pas que ce sont des petites pierres, je dirais que à ce niveau-là c'est des parpaings.
03:52 Vu les références que vous avez citées.
03:55 Oui, bien sûr, que ce soit à travers leur attitude, à travers leur voix, leur texte,
04:02 la façon dont elles font aussi évoluer l'histoire de la musique.
04:05 Dans le cas de Patti Smith, c'est quand même elle qui a largement contribué à faire entrer
04:08 la poésie dans le rock, qui a posé aussi les fondamentaux du punk rock.
04:13 Et puis, par leur façon d'être sur scène.
04:17 Dans le cas de Marianne Faithfull, c'est une histoire vraiment passionnante parce que
04:20 c'est quand même quelqu'un qui a été repéré par le manager des Stones pour son
04:22 visage d'ange et je cite "ses gros seins" et qui réapparaît à l'âge de 37 ans avec
04:29 cette voix qu'on lui connaît aujourd'hui.
04:30 Voix de velours froissée, écrivez-vous.
04:33 Oui, c'est une voix patinée par la clope, plus ni moins.
04:36 Et qui raconte que justement, une femme dans le rock'n'roll, ça n'est pas qu'une poupée
04:42 qu'on façonne.
04:43 Je voulais terminer par là, mais ce n'est pas grave puisque vous y allez direct.
04:46 Philippe Fabrice, est-ce qu'on peut mettre un extrait de la balade de Lucy Jordan s'il vous plaît ?
04:50 At the age of 37, she realized she'd never ride through Paris
05:00 In a sports car with the warm wind in her hair
05:06 J'adore cette phrase.
05:07 À l'âge de 37 ans, elle réalisa qu'elle n'avait jamais parcouru Paris en voiture
05:10 de sport, le vent tiède dans ses cheveux.
05:13 Cette chanson-là, c'est l'histoire d'une "desperate housewife" qui quoi ? Qui se dit
05:19 "j'ai perdu mon temps" ?
05:21 "J'ai perdu mon temps" ou plutôt "je suis enfermée dans une sorte de cage" en fait.
05:28 C'est l'histoire d'une folie.
05:29 C'est l'histoire d'une folie absolument.
05:30 C'est l'histoire d'une femme qui perd la raison.
05:32 Et c'est aussi pour moi quelque chose d'assez autobiographique.
05:37 Non pas que Marianne Faischou soit une "desperate housewife", mais il y a cette idée que dans
05:42 le cadre de la pop, on enferme toujours les femmes dans l'image qu'on attend d'elles.
05:48 J'ai l'esprit d'escalier, mais là j'ai eu la chance d'interviewer Marianne Faischou.
05:52 Et quand je l'ai interviewée, je lui avais fait écouter une session d'enregistrement
05:55 de Billie Holiday.
05:56 Et Billie Holiday, à ce moment-là, était en train de se marrer.
05:59 Marianne Faischou me regarde et me dit "mais c'est génial, on a toujours cantonné Billie
06:04 Holiday à la victime droguée".
06:06 On parle évidemment de sa voix, mais là, qu'on la fasse exister avec un rire, Billie
06:12 Holiday, c'était aussi ça.
06:13 Et qu'il s'agisse de Marianne Faischou ou d'autres que vous avez citées et qui sont
06:17 présentes dans Music Queens, elles racontent quoi ? Elles racontent que la féminité,
06:20 elle peut être multiple.
06:21 Alors j'adore quand je prévois un conducteur et que tous autres, je voulais parler d'Anne
06:25 Sylvestre plus tard, mais les auditrices veulent parler d'Anne Sylvestre.
06:28 Et notamment, Danielle.
06:29 Bonjour Danielle.
06:30 Bonjour.
06:31 Nous vous écoutons à propos d'Anne Sylvestre, grande chanteuse, ai-je décrit sur ma fiche.
06:37 Oui, c'est-à-dire qu'évidemment, elle n'est pas pop, elle n'est pas rock, elle est chanson
06:41 française.
06:42 Pour moi, c'est le Brassens féminin, et peut-être même plus.
06:45 Et je trouve que justement, elle n'a pas du tout eu une carrière, la carrière qu'elle
06:54 méritait vu son talent.
06:55 Peut-être parce qu'elle était une femme.
06:58 Est-ce qu'il y a une chanson en particulier qui vous a accompagnée et qui vous accompagne
07:03 encore ? Je vois sur la petite fiche que vous êtes retraitée.
07:05 Est-ce qu'elle vous a accompagnée toute votre vie ?
07:07 Elle aurait pu être ma mère en fait, je pense, à cet âge.
07:12 Mais oui, elle m'a accompagnée toute ma vie, ma vie de prof, parce que j'ai souvent donné
07:16 des textes à mes élèves.
07:19 Et puis pour son combat féministe.
07:21 Je disais qu'actuellement, peut-être la chanson qui me plaît le plus, parce qu'elle
07:28 est humoristique et peut-être pas très connue, c'est Clémence.
07:32 C'est Clémence qui est une vieille dame et qui en a marre d'avoir été toute celle
07:37 au service des autres et qui ne fait plus rien.
07:39 Et tout le monde se demande pourquoi Clémence ne fait plus rien.
07:41 Elle en a marre.
07:42 Elle a assez cousu, dit-elle.
07:44 Elle a assez cousu.
07:46 Dans Music Queens, Daniel, la chanson d'Anne Sylvestre, c'est celle-ci.
07:48 Non, non, tu n'as pas de nom.
07:53 Non, tu n'as pas d'existence.
07:56 Tu n'es que ce qu'on en pense.
07:58 Non, non, tu n'as pas de nom.
08:03 Oh non, tu n'es pas un être.
08:05 Tu le deviendrais peut-être si je te devais.
08:08 C'est quoi l'histoire de cette chanson, Rebecca ?
08:10 Je me demande si ce n'est pas la plus subversive de toute la série.
08:12 Oui, je ne sais pas si c'est la plus subversive.
08:17 En tout cas, c'est une chanson qui résonne énormément aujourd'hui compte tenu du fait
08:21 que c'est une chanson dédiée à la liberté de choix, d'avoir un enfant ou non.
08:27 C'était avant même le vote de la loi Veil.
08:29 Mais il commençait à y avoir des commentaires sur la préparation de cette loi et surtout
08:34 les femmes qui avortaient étaient emprisonnées.
08:36 Donc, Anne Sylvestre décide de prendre la parole.
08:40 Il y a extrêmement peu de chansons, c'est l'une des rares chansons qui aborde cette
08:44 question de l'avortement.
08:45 Et ce qui est fantastique, c'est qu'elle le fait avec poésie, avec fermeté, voire
08:53 par moments avec rage, de cette colère que ce soit des hommes qui décident de ce que
08:58 les femmes doivent faire de leur corps selon eux.
09:00 J'ai été énervé par tous ces messieurs qui prétendent savoir ce qui se passe dans
09:03 notre ventre.
09:04 Et en plus, elle le fait, c'est une chanson assez douce.
09:09 Donc, voilà, de la poésie pour un texte très puissant, une musique très belle qui
09:16 résonne comme une berceuse.
09:18 Donc, c'est vraiment...
09:19 Elle est historique cette chanson, oui, aujourd'hui encore.
09:21 Je voudrais vous citer les mots de Louise, toujours sur Anne Sylvestre.
09:24 "Grâce à ces textes, je me suis senti à la fois un peu moins seul, à la fois fier
09:29 d'être une femme après avoir été fier d'être une jeune fille."
09:32 Il n'y a pas d'autre texte, pas d'autre chanson qui m'ait fait ressentir ça.
09:35 C'est ça les Music Queens aussi ?
09:37 Absolument.
09:38 Ça permet de se sentir moins seul.
09:40 Ça permet de peut-être vivre par procuration parfois des vies qu'on n'aura pas eu l'audace
09:45 de mener.
09:46 Mais toutes ces femmes disent en fait que c'est possible.
09:49 Il y a quelque chose qui m'a frappé.
09:51 Au fond, ça rejoint ce que vous écrivez en introduction du livre.
09:55 Les chansons, moi je trouve, une fois qu'on a écouté toute la collection, elles infusent
10:00 en douceur.
10:01 Et ça fait comme des petites capsules qu'on a là à disposition pour revivre des émotions,
10:05 des choses et des moments d'histoire.
10:07 Oui, c'est des moments qui peuvent être liés à des moments d'histoire collective
10:12 mais aussi très intimes.
10:13 Une chanson, c'est la bande-son d'une vie.
10:14 Et parfois, on en découvre le sens que bien des années plus tard, on a toutes fredonnées
10:21 "Like a Virgin" sans forcément avoir conscience de la portée de cette chanson.
10:27 Mais il y a quelque chose qui passe dans la subversion.
10:30 Ce n'est pas forcément un point levé mais c'est peut-être plus efficace en fait.
10:35 Merci pour la transition.
10:36 1984, cérémonie des MTV Video Music Awards, surgit Madonna.
10:57 Elle est au sommet d'un gâteau géant.
10:59 Elle chante comme une vierge donc, en robe de mariée et porte jarretelle apparence qui
11:03 fait son petit effet.
11:04 Qu'est-ce qu'elle incarne, Madonna ?
11:06 Ce moment est historique.
11:07 C'est-à-dire qu'elle est en haut d'une pièce montée.
11:09 En haut, il y a un mannequin, une poupée.
11:12 Ce n'est pas la mariée, c'est le marié.
11:14 Et Madonna va se mettre à descendre les étages de la pièce montée comme si elle
11:18 faisait une revue de music-hall.
11:20 Elle arrive en bas, elle est en robe de mariée, elle arrive en bas, elle va mimer un coït,
11:26 elle va dévoiler ses jarretelles.
11:28 Je rappelle la date 1984, donc Reagan, une Amérique pas très détendue.
11:35 Sur des questions de mœurs.
11:37 Et c'est un moment historique parce qu'en 1958, Elvis était apparu au Ed Sullivan
11:44 Show et on l'avait censuré, on l'avait filmé juste au-dessus de son bassin.
11:48 Parce qu'il avait des mouvements un peu vifs et soudains qui étaient eux aussi subversifs.
11:53 Et en 1984, Madonna ne se contente pas de danser encore une fois.
11:57 Elle mime une scène d'amour.
11:59 Et c'est une femme qui le fait.
12:01 Et elle chante une chanson avec une voix de nymphette et elle joue avec tous les clichés
12:06 qu'on a imposés aux jeunes filles de la pop dans les années 60.
12:09 C'est-à-dire l'innocence.
12:10 Alors qu'évidemment, elle ne l'est pas.
12:12 Est-ce qu'elle est la boss ? Est-ce que ce moment de 1984 est historique aussi parce
12:18 que beaucoup de chanteuses sont venues après Madonna ?
12:22 Oui, c'est-à-dire que depuis Elvis et Michael Jackson, c'est la première femme à avoir
12:27 autant de succès que Michael ou qu'Elvis.
12:29 Donc c'est un moment très important.
12:31 Pour les Etats-Unis, c'est aussi une businesswoman, ce dont s'inspirera largement Beyoncé.
12:36 Et puis sans Madonna, pas de Britney Spears par exemple.
12:39 Mais Madonna est elle-même héritière de Debbie Harry et de Blondie par exemple.
12:43 C'est-à-dire que ce qui est intéressant avec cette série de music queens, c'est
12:46 précisément de remonter la généalogie de l'histoire du féminisme et de la pop.
12:51 Et donc on arrive à Beyoncé.
12:53 *Musique*
13:03 Alors c'est l'occasion de dire que Music Queens, c'est aussi des corps, le corps de
13:06 Beyoncé et je voulais vous interroger sur ses propos.
13:10 Je trouve qu'il y a quelque chose de show-off, d'agressif dans le féminisme de Beyoncé.
13:15 Et vous écrivez avec cette chanson « Queen B déclare que féminin, ça veut dire puissant
13:20 et même pourquoi pas carrément intimidant ».
13:22 C'est intimidant le féminin ?
13:24 Non, le féminin n'est pas intimidant mais après tout, c'est ça mais pourquoi pas ?
13:30 Pourquoi on s'en amuserait pas comme ça ?
13:32 Parce qu'en plus, même le court extrait qu'on a écouté, ça a des airs de marche militaire.
13:37 C'est une armée en marche.
13:39 Donc c'est un jeu aussi.
13:41 La pop, c'est un jeu.
13:42 Les rappeurs pourraient vous en parler.
13:44 Donc il y a un jeu avec cette féminité qui est choisie, qui est assumée, qui peut être
13:48 provocatrice et pourquoi pas intimidante après tout.
13:50 Est-ce qu'il y a des hommes qui ont compté dans cette histoire du girl power et de la
13:56 pop en chanson ?
13:57 Oui, David Bowie.
13:58 C'est-à-dire que David Bowie a changé notre regard sur les hommes et sur les femmes.
14:04 Tout ça étant évidemment très lié.
14:06 Mais c'est le premier, l'un des premiers, parce qu'il y a toujours des héritages.
14:11 C'est l'un de ceux qui a créé un choc au tout début des années 70 en s'adressant
14:17 aux jeunes téléspectateurs de la BBC et téléspectatrices en leur pointant la caméra du doigt, en regardant
14:24 la caméra et en leur disant "tu as le droit de choisir qui tu veux être".
14:29 Un garçon, une fille, peut-être les deux.
14:31 Et lors d'une cérémonie de remise de prix, David Bowie est arrivé en disant "bonsoir
14:37 mesdemoiselles, bonsoir messieurs et bonsoir à tous les autres".
14:40 C'est-à-dire qu'en trois formules, tout était dit.
14:44 Vous avez le droit d'être qui vous voulez et comme vous le voulez.
14:47 *Music Queens, c'est donc cette bande dessinée sortie cette semaine chez Bayard et le cœur
14:52 du projet est une série d'animation qui sortira sur Arte le 5 juin.
14:56 Et puis le rendez-vous de cet été sur France Inter ce sera le samedi et le dimanche juste
15:00 avant 9h.
15:01 Merci Rebecca d'être passée.
15:02 *Merci pour votre invitation.