• l’année dernière
Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme à purger sous bracelet électronique, dans une décision confirmée en appel, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des écoutes. Une première pour un ancien président de la République. Son avocate, Jacqueline Laffont a annoncé que l’ancien chef de l’État allait se pourvoir en cassation.

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Transcription
00:00 Maître Laffont, bonsoir.
00:02 Qu'est-ce qui motive ce pourvoi en cassation ?
00:04 Ce qui motive ce pourvoi en cassation, c'est que nous considérons que des problèmes de droit sérieux se posent depuis le premier jour.
00:12 Certes, nous n'avons pas été entendus jusqu'à présent, mais la Cour de cassation est là pour ça.
00:18 La Cour européenne des droits de l'homme est là, le cas échéant, pour ça.
00:21 La Cour de justice de l'Union européenne est là pour ça.
00:24 Vous y êtes jusqu'au bout ?
00:26 Ça veut dire que nous irons jusqu'au bout dans ce dossier, parce que nous considérons que Nicolas Sarkozy ne peut se voir condamné,
00:34 comme il l'a été, avec une absence totale de preuves pour des faits de corruption et de trafic d'influence.
00:40 Je dois quand même dire qu'il faut le rappeler, c'est jamais vu, on a une affaire de corruption sans contrepartie, sans argent, sans avantages et sans intervention.
00:50 Nous avons une affaire de corruption, non pas pour avoir fait quelque chose...
00:54 Un pacte de corruption, dit d'ailleurs la Cour d'appel.
00:58 Un pacte de corruption avec quelqu'un, donc un magistrat, en l'occurrence Gilbert Aziber, avec lequel il est acquis, que Nicolas Sarkozy n'a jamais parlé.
01:05 Une affaire de corruption, non pas pour avoir fait quelque chose, mais pour avoir envisagé le cas échéant d'avoir fait quelque chose.
01:13 Donc franchement, on est dans une affaire hors normes, on est dans une affaire hors nom depuis le premier jour.
01:18 - Comment vous l'expliquez ? Vous avez dit quand même, les mots sont forts, ceux que vous avez utilisés tout à l'heure, une décision stupéfiante, d'accord, mais inique et injuste.
01:27 Comment vous expliquez que c'est de l'acharnement contre l'ancien président ?
01:31 - Écoutez, je pense qu'il y a dans ce dossier une problématique qui n'est pas spécifique à cette affaire, une problématique qui est celle selon laquelle la justice n'aime pas se déjuger.
01:44 La justice peut se tromper.
01:46 - Elle a du mal à reconnaître ses erreurs.
01:47 - Elle a toujours du mal à reconnaître ses erreurs.
01:49 On voit par exemple le taux d'affaires qui peuvent faire l'objet de révision, c'est absolument ridicule et infime.
01:56 Eh bien, la justice n'aime pas s'être trompée.
01:59 Elle aime encore moins dans un dossier qui est à ce point médiatisé, dans un dossier qui concerne un homme politique que tout le monde connaît, puisqu'il s'agit d'un ancien président de la République,
02:08 dans un dossier que je considère comme hors normes, mais dans lequel des moyens hors normes ont été engagés.
02:13 Franchement, on a une instruction de neuf années, on a une enquête préliminaire de six ans, on a zéro preuve, on a des bouts de conversation téléphonique entre un avocat et son client,
02:25 des conversations tronquées qui ont été collées et qui, à notre avis, contreviennent à des principes fondamentaux que sont notamment la protection du secours.
02:34 - Ça a été validé, les écoutes téléphoniques, elles ont été validées par la justice ?
02:39 - Vous savez, elles ont été validées et pour répondre finalement à la question que vous me posiez tout à l'heure, on est dans un dossier où franchement, on a un peu eu le sentiment d'avoir eu un petit arrêt sur mesure.
02:49 Je ne suis pas la seule à l'avoir dit. On a un arrêt, pardonnez-moi de vous dire, qui est un arrêt Sarkozy.
02:54 On a des commentateurs qui l'ont dit et pas des moindres, des professeurs de droit, pas des militants politiques ni des partisans de Nicolas Sarkozy.
03:02 On a un arrêt sur mesure, il est tellement sur mesure cet arrêt que trois mois plus tard, il y a deux décisions capitales qui ont été rendues.
03:09 L'une par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en juin 2016 alors que notre arrêt, nous, était de mars 2016, qui venait finalement désavouer cette première décision.
03:18 Et l'une par la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt versinique en Vinguy qui vient dire qu'il est absolument impossible de pouvoir condamner un client sur le fondement de conversations écoutées avec son avocat.
03:29 Donc effectivement, on a été désavoué, vous avez raison de le dire, mais franchement, dans une juridiction...
03:35 Est-ce que finalement la justice veut se payer Nicolas Sarkozy ?
03:39 Écoutez, je pense que ce qui est encore plus dangereux que cela, c'est que la justice est probablement sincère, finie par être sincère, finie par se convaincre qu'elle a en face d'elle le pire des individus capables de tous les maux.
03:53 C'est ça qui est extrêmement dangereux et finie par être aveuglé. D'ailleurs, je l'ai plaidé, ça a été la conclusion de ma plaidoirie.
03:59 Je suis demandé à la Cour de se méfier des vents contraires intérieurs qui peuvent peut-être parfois vous amener à avoir des décisions qui ne sont pas tout à fait conformes aux droits, dans lesquelles il y a un peu d'animosité.
04:11 Et d'ailleurs, vous avez, vous, cet après-midi, tweeté un article du Monde que nous n'avions pas vu.
04:19 Ah bah vous voyez, pardon, je ne pensais pas… Vous auriez dû me l'envoyer avant, c'est dommage.
04:23 Non, parce que je suis journaliste, je ne suis pas vocal de Nicolas Sarkozy, mais j'ai retrouvé, en essayant de voir qui était la présidente du tribunal, Sophie Clément, et son parcours,
04:31 et je suis tombé un peu par hasard sur une interview qu'elle a donnée à nos confrères du Monde où elle se montrait très critique de la politique pénale de Nicolas Sarkozy,
04:41 allant juste à dire d'ailleurs que si Nicolas Sarkozy allait au bout de cette politique pénale, il s'agissait de supprimer les juges d'instruction, ce qu'il n'a pas fait d'ailleurs.
04:48 Elle, elle quitterait le métier, elle ne serait plus magistrate.
04:50 C'est vrai que moi-même, je m'interrogeais comment, finalement, une juge qui, politiquement, s'était opposée au président de la République, peut être celle qui va ensuite juger le prévenu Nicolas Sarkozy.
05:02 C'est une excellente question. C'est ce qu'on appelle devant la Cour européenne des droits de l'homme, si vous voulez, le défaut d'impartialité objective.
05:12 Ça veut dire qu'il y a là une prise de position par un magistrat qui faisait partie de la composition de jugement.
05:19 On avait déjà été confronté à la même chose d'ailleurs au cours de l'instruction, qui est venu s'affronter, je l'ai découvert là et grâce à vous, au président de la République, Nicolas Sarkozy.
05:32 Non, non, mais je suis d'accord, sauf que non, j'ai fait le test, c'est pas si simple que cela, mais en tout cas, cet article existe.
05:41 Effectivement, je me dis, quand on a des magistrats qui sont à ce point sensibles et ils ont raison de l'être sur des questions de conflits d'intérêts,
05:48 est-ce que la question ne se pose pas de savoir s'il n'aurait pas fallu s'interroger sur la possibilité de juger Nicolas Sarkozy quand on l'a combattu violemment à ce point ?
06:00 Alain Duhamel.
06:01 Écoutez, d'abord Nicolas Sarkozy est certainement de tous les présidents de la Ve République celui qui a eu des rapports les plus conflictuels avec le monde judiciaire et avec les magistrats.
06:13 On en a eu 10 exemples, mais on a le sentiment qu'il y a...
06:19 Un contentieux.
06:20 Oui, mais même pas seulement du contentieux, qu'il y a un climat par nature effervescent jusqu'à l'incendiaire dès que c'est lui qui est en cause.
06:30 Bon, c'est la première chose.
06:31 La deuxième chose c'est que moi je n'ai cessé d'être stupéfait, je ne suis pas magistrat et je ne suis pas juriste, mais j'ai suivi comme beaucoup de journalistes d'assez près tout ce qui s'est passé.
06:41 J'ai toujours été stupéfait de la façon dont les écoutes ont eu lieu.
06:45 J'ai toujours été étonné qu'on puisse par exemple enregistrer des conversations entre un avocat et son client, à ma connaissance théoriquement on doit faire ça.
06:54 Quand on enregistrait dans des conditions qui étaient aberrantes à propos évidemment d'une autre affaire, ce qui est contestable en tout cas.
07:05 C'est contestable à fort, mais le fond, je vais dire quand même ce que dit le tribunal, Nicolas Sarkozy s'est servi de son statut d'ancien président pour servir son intérêt personnel.
07:16 Et c'est un dévoiement qui porte lourdement atteinte à l'état de droit et qui exige donc une réponse ferme.
07:22 Écoutez, moi je ne sais pas moi qui suis le défenseur, mais en ce qui concerne son intérêt, il faut aussi se rendre compte de quoi il s'agit.
07:29 En réalité, il a cherché à obtenir par indiscrétion des informations sur ce qui allait lui arriver.
07:35 Ça ne changeait rien à la décision. C'était une information de l'ancien président de la République qui prend un pseudonyme pour obtenir des renseignements avec un téléphone sous un pseudo.
07:45 C'est vrai que c'est...
07:47 Mais ce n'est pas illégal.
07:49 Attendez, attendez, attendez, mettre la fond, mettre la fond.
07:51 Pardon, mais il n'a pas pris de pseudo, je crois qu'il faut quand même remettre les choses à leur place.
07:54 Il y a eu l'utilisation à une époque où les messageries cryptées...
07:57 C'est Metteur Dog qui avait pris un pseudonyme.
07:59 Oui, mais enfin, il faut quand même remettre les choses à leur juste place.
08:02 Il y a eu une volonté de protéger, effectivement, des discussions entre un avocat et son client.
08:09 La volonté de protéger les discussions avec son client, tout le monde l'a aujourd'hui.
08:13 Les avocats fonctionnent avec des messageries cryptées, vous le faites, nous le faisons, pour protéger vos sources, nous pour protéger notre secret.
08:20 On va dire que c'était l'ancêtre, le bismuth en question, effectivement.
08:25 Moi, je le fais sous mon propre nom, je ne le fais pas sous un alias.
08:28 Non, mais on est d'accord.
08:30 Mais ce que je veux dire, c'est que d'abord, ça n'était pas un nom utilisé par le président Nicolas Sarkozy, premièrement.
08:34 Et deuxièmement, encore une fois, les messageries...
08:36 Est-ce que c'est digne d'un ancien président et d'un avocat renommé de prendre un alias pour discuter ?
08:41 Vous savez, ce qui est digne, je vais vous dire, c'est de vouloir protéger le secret des conversations entre un client et un avocat.
08:50 Ça, non seulement c'est digne, mais c'est conforme aux principes fondamentaux de notre droit.
08:55 Dans ce dossier-là, j'estime que ces principes fondamentaux sont bafoués.
08:59 Et je le dis pour Nicolas Sarkozy, mais je le dis pour l'ensemble des justiciables.
09:03 Aujourd'hui, c'est lui dont tout le monde semble s'en accommoder facilement.
09:06 Pas tant que ça, d'ailleurs, parce que je comprends qu'il y a quand même des réactions.
09:10 Mais le sujet, il est celui-là.
09:12 – Alexandra, est-ce que vous voulez jeter un coup d'œil ?
09:14 – Oui, je voulais vous poser la question.
09:16 Vous dites qu'il y a des problèmes de droit dans cet arrêt.
09:19 Est-ce que c'est uniquement la légalité de ces écoutes que vous allez contester ?
09:22 Et par ailleurs, autre question, une fois qu'on en a passé cette question des écoutes,
09:27 est-ce que vous admettez, comme l'a dit la justice, que dans ces écoutes,
09:32 il y a la mention d'une infraction, à savoir vouloir corrompre un magistrat
09:37 pour obtenir des informations confidentielles ?
09:39 Qu'est-ce que vous répondez là-dessus ?
09:41 – Alors, je réponds d'abord que le fond et la forme sont liés
09:44 et que la procédure, c'est vraiment la garantie fondamentale du fond.
09:47 Voilà, ça c'est la première chose.
09:49 La deuxième chose, c'est qu'on s'est largement expliqué sur ces écoutes
09:51 qui sont tronquées, qui sont découpées, qui sont interprétées, qui sont mises bout à bout.
09:56 Nicolas Sarkozy a été écouté pendant des mois et des mois et des mois,
10:00 ce qui est quand même déjà en soi absolument stupéfiant,
10:03 sur une ligne dont les enquêteurs savaient qu'elle était dédiée
10:09 aux seules conversations avec son avocat.
10:12 Et ce que je viens de dire, c'est que ce que nous comprenons
10:15 à travers les échanges qui sont faits, c'est qu'on ne reproche pas des faits
10:19 à Nicolas Sarkozy, les juridictions l'ont reconnu,
10:22 mais l'idée, une idée qu'il aurait eue.
10:24 Là, nous sommes encore une fois dans un procès hors normes,
10:28 dans des moyens hors normes, dans des atteintes hors normes,
10:31 dans une condamnation qui n'est pas justifiée.
10:33 Alain Duhamel.
10:34 Oui, je veux dire que j'ai une vraie curiosité,
10:38 alors peut-être que ça ne va pas du tout vous plaire,
10:41 mais c'est que ça finisse par aller vraiment devant la Cour européenne des droits de l'homme
10:45 et j'imagine ce que serait une décision de la Cour européenne des droits de l'homme
10:49 si un ancien président français était traité autrement
10:53 par la Cour européenne des droits de l'homme
10:55 que par la Cour de cassation française.
10:57 Je pense que l'image que ça donnerait pour la justice française
11:01 serait une humiliation sans précédent.
11:05 Quel est votre espoir avec ce pourvoi ?
11:09 Parce que en première instance, il a été condamné,
11:13 l'appel, il est condamné, et ça va même au-delà des réquisitions du Parc général,
11:17 et ça confirme finalement la première instance.
11:20 Pourquoi tout d'un coup, tout ça serait cassé ?
11:22 Écoutez, si la Cour de cassation existe,
11:25 c'est bien que de temps en temps, il lui arrive de casser des décisions.
11:28 Si cette Cour suprême existe, c'est bien qu'elle a un sens et qu'elle a une utilité.
11:32 Donc évidemment, nous avons l'espoir que enfin...
11:34 Mais comme vous dites que la justice a du mal à reconnaître ses erreurs...
11:36 Oui, mais je pense que nous nous rapprochons d'une institution
11:39 qui est la Cour suprême, la Cour de cassation, où on fait du droit,
11:43 où on a des magistrats qui ont peut-être un peu plus de recul,
11:45 qui sont peut-être un peu moins débordés par leur idéologie personnelle.
11:49 Ce que je voudrais quand même que vous sachiez,
11:51 c'est que tout ce qui s'est passé dans cette affaire,
11:53 les fadettes et les écoutes téléphoniques,
11:55 ce que je peux dire de façon absolument certaine,
11:57 c'est qu'aujourd'hui, la loi change, la jurisprudence change,
12:00 et avec la loi sur la confiance de décembre 2021,
12:03 aucune de ces fadettes et aucune de ces écoutes n'aurait pu être faite
12:06 telle qu'elles ont été faites.
12:07 Donc il n'y aurait pas de procès ?
12:08 Il n'y aurait pas eu de procès.
12:09 Donc la loi a évolué dans le bon sens,
12:11 et c'est ce que nous allons essayer d'obtenir devant la chambre criminelle
12:13 de la Cour de cassation.
12:14 Merci Maître Jacqueline Linfont, avocate de Nicolas Sarkozy.
12:17 Merci d'être venu sur le plateau de BFM Story.

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