Après 38 ans dans une abbaye bénédictine, Catherine Draveil a décidé de quitter son couvent où elle était sous l'emprise de sa supérieure.
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00:00 Je ne pouvais pas aller dans un magasin. J'ai mis 5 ans avant de pouvoir aller dans un magasin toute seule.
00:04 Parce que je suis sortie très infantilisée.
00:06 Donc c'était comme un enfant de 4 ans. Mais un enfant de 4 ans ne va pas tout seul dans un magasin faire ses courses.
00:10 On a parlé de nombreuses personnes qui vous ont aidé à sortir.
00:15 Notamment cette sœur, il y a eu deux jésuites également. Il y a eu un prêtre également ?
00:19 Un prêtre, oui. Celui avec qui j'envoyais mes mails tous les jours.
00:22 Et puis finalement, au bout d'un an, je suis allée passer un mois dans sa communauté, à l'hôtellerie.
00:26 Puis on se voyait régulièrement. Et un jour, il me pose la question.
00:30 Il me dit "Catherine, j'entends que tu me parles tout le temps de retourner dans ton monastère.
00:35 Qu'est-ce que tu ressens à cette perspective ?"
00:38 Mais je n'avais jamais été autorisée à écouter mes ressentis.
00:41 Puisque même au monastère, quand j'étais allée voir la baisse et que je lui disais "je suis mal, je ne sais même plus pourquoi je suis là, je suis trop malheureuse",
00:47 elle me répondait "vous en êtes encore à vous écouter, le Christ ne s'est pas écouté, sortez de mon bureau".
00:52 Et là, il me dit ça, et je m'entends répondre quelque chose que je n'avais jamais pensé, jamais conceptualisé, jamais.
00:59 Une immense angoisse, comme si je retournais en prison.
01:03 Alors il me dit "mais si pour toi l'avis religieux c'est une prison, Dieu veut que tu sois heureux, ce n'est peut-être plus ton chemin".
01:10 Et là, je me mets à exploser en larmes.
01:13 Et je lui dis "mais si ce n'est plus mon chemin, si je ne suis plus religieuse, je suis en mille morceaux par terre.
01:19 Qui suis-je ? Qu'est-ce que je deviens ?".
01:22 Donc c'est la vraie expérience existentielle.
01:24 Et c'est des moments qu'on n'oublie pas.
01:26 Je suis émue en vous le racontant, parce qu'il pose sa main sur mon épaule, très délicatement, et il me dit
01:31 "Catherine, celle qui est par terre en miettes, ce n'est pas toi, c'est quelqu'un qui était formaté, conditionné.
01:37 Tu n'es pas la première, on va t'aider, tu vas te reconstruire, tu vas devenir toi-même.
01:42 Mais si tu ne peux pas rentrer dans une communauté, je te dis dès aujourd'hui que c'est normal.
01:47 Et que tu es trop trompée dans la confiance et l'obéissance".
01:50 Et ça, ça a été vraiment... Je n'ai pas pu l'intégrer tout de suite,
01:55 mais ça a été vraiment une étape essentielle sur mon chemin, cette prise de conscience.
02:01 Et en septembre, je vais dans une autre communauté, puisque j'ai décidé de passer encore une année à Paris.
02:07 Et la supérieure, qui m'a paraissait assez ouverte, me reçoit, puis elle me dit
02:11 "Bon, tu remets ton habit, parce qu'en vacances j'avais quand même enlevé l'habit.
02:15 Tu remets ton habit, tu as prévu trop de courses entre sèves,
02:18 et puis je ne veux plus que tu ne vois personne, parce que c'est moi maintenant qui te dirige et tout".
02:21 "Oh là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là là".
02:24 Donc j'envoie tout ça au prêtre pour lui dire "Qu'est-ce que tu en penses ?"
02:28 Il me répond "Elle y va fort la mère Marthe".
02:30 Donc je vais la voir, et je lui dis "Eh bien c'est non, j'ai repris le gouvernail de ma vie,
02:34 je ne permettrai plus à personne de mettre la main dessus.
02:37 Donc soit vous acceptez mes conditions et je reste à l'hôtellerie comme prévu,
02:41 vous refusez, je vais chercher ma valise, je ne reste pas une minute de plus,
02:44 quitte à coucher ce soir sous les ponts.
02:47 Ma liberté n'est pas à vendre.
02:49 Et c'est plus tard, j'ai compris que c'est ce jour-là, dans mon inconscient,
02:53 que la petite lampe s'est allumée et qui m'a dit "Tu fais confiance dans la vie,
02:56 tant pis si tu couches sous les ponts, mais tu ne permets plus à personne de mettre la main sur ta vie,
03:01 donc tu ne rentres plus nulle part".
03:03 Mais ça j'ai mis encore un an et demi avant de le mettre en oeuvre.