Geneviève Duché, ancien présidente de l'Amicale du Nid, et auteure de plusieurs livres sur la prostitution

  • l’année dernière
Cela fait maintenant 7 ans qu'a été adoptée la dernière loi prostitution en France.
Plusieurs associations, l'Amicale du Nid, Osez le Féminisme ou encore l'association Zéro Macho, ont constaté un certain nombre d'avancées.
Depuis 2016 en effet, aucune prostituée n'a été condamnée par la justice, alors qu'avant la loi, environ 2000 d'entre elles l'étaient chaque année.
Parallèlement à cela le nombre d'enquêtes criminelles sur le proxénétisme a quant à lui augmenté de plus de 50% et plus de 2 millions d'euros ont été confisqués par la justice aux proxénètes ou aux réseaux de prostitution.
Mais ces associations estiment pourtant qu'on ne va pas assez loin et continuent de réclamer l'abolition pure et simple de la prostitution.

On en parle ce matin avec l'invitée du 6/9, Geneviève Duché, féministe, universitaire, sociologue et psychologue. Elle est aussi montpelliéraine et administratrice de l'Amicale du Nid.

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Transcript
00:00 Ce jeudi matin c'est Geneviève Duchêt, ancienne présidente de la Micaldunie et auteur de plusieurs livres sur la prostitution.
00:05 Guillaume Roland.
00:06 Bonjour Geneviève Duchêt.
00:07 Bonjour.
00:08 Merci d'être venue nous rejoindre.
00:09 Vous êtes alors féministe, universitaire, sociologue, psychologue, faut cumuler, auteur également.
00:16 Et puisque on va parler de prostitution ce matin, je montre à l'image pour ceux qui nous regardent sur France 3 Occitanie,
00:22 un livre que vous avez publié en 2016 et qui s'intitule "Nom au système prostitutionnel".
00:27 2016 c'est précisément la date de la dernière loi anti-prostitution.
00:32 Donc ça fait 7 ans maintenant que cette loi a été adoptée et mise en place.
00:36 Mais vous n'êtes pas complètement, à la Micaldunie que vous avez précisé au niveau national pendant plusieurs années,
00:42 vous n'êtes pas complètement satisfait non plus des effets de cette loi.
00:46 Alors d'abord effectivement mon livre a été mis à jour en 2019 pour dire ce qu'était cette loi qui a été votée en 2016, le 13 avril 2016.
00:56 Et qui est une loi effectivement visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
01:04 Alors c'est une loi que nous attendions, que nous avons voulu.
01:08 La France est abolitionniste depuis 1960, moment où on a supprimé les bordels de campagne pour les militaires.
01:14 Donc on est devenu un pays abolitionniste considérant que les personnes en situation de prostitution étaient des victimes.
01:21 Et qu'il fallait effectivement poursuivre à l'époque les proxénètes et les trafiquants.
01:26 - Je me permets de vous interrompre je ne vais pas réfléchir, parce qu'il y a quand même des choses qu'on a du mal à comprendre.
01:30 Vous dites la France est un pays abolitionniste mais la prostitution n'est pas interdite dans ce pays.
01:34 Elle n'est pas prohibée.
01:36 J'ai l'impression qu'il y a une certaine hypocrisie autour de ça.
01:40 - Essayez de faire le parallèle avec l'esclavage et l'abolition de l'esclavage.
01:44 Est-ce qu'on poursuivait les esclaves ? On poursuivait ceux qui les mettaient en esclavage.
01:49 Et donc les esclaves évidemment n'étaient pas pénalisés.
01:52 - Non mais il faut préciser parce que nos auditeurs et nos téléspectateurs peuvent avoir du mal à comprendre.
01:57 - Mais je crois que quand on fait le parallèle avec l'esclavage on comprend assez vite.
02:00 Puisque ça on connaît bien, c'est du passé, on ne voudrait pas voir revenir l'esclavage.
02:04 Même s'il existe encore effectivement sur certaines formes.
02:07 Et il existe toujours sous la forme de la prostitution.
02:10 - Donc quand vous dites que la France est un pays abolitionniste, ça veut dire qu'on pénalise d'abord les clients,
02:15 ceux qui ont recours à la prostitution et ceux qui en vivent.
02:18 - Depuis 2016 on a ajouté les clients. C'est-à-dire les acheteurs d'actes sexuels.
02:22 Parce qu'on avait un système dit abolitionniste qui faisait l'impasse totale sur ceux qui produisent la prostitution.
02:28 C'est bien la demande. C'est bien ceux qui vont acheter ou qui veulent acheter des actes sexuels qui produisent la prostitution.
02:34 Et eux les proxénètes et les trafiquants ne font, enfin ne font, c'est épouvantable, mais organisent le marché pour ces clients.
02:41 Donc voilà, la loi de 2016 complète, si vous voulez, toute, enfin la position abolitionniste de la France
02:48 en ajoutant cet interdit de l'acte sexuel, de l'achat d'actes sexuels.
02:52 - Alors une de vos grandes satisfactions c'est que depuis 2016, justement depuis cette loi,
02:56 plus aucune prostituée n'a été condamnée en France, alors qu'avant c'était en moyenne 2000 prostituées qu'il y était chaque année dans le pays.
03:02 - Oui, vous êtes bien renseigné. Effectivement le racolage actif et passif depuis la loi Sarkozy de 2003 était interdit.
03:10 Donc ça donnait à la police, aux effectifs de police, les possibilités de les arrêter, bon elles étaient souvent malmenées.
03:18 - Or cette notion de racolage aujourd'hui n'est plus prohibée, vous êtes d'accord avec moi ?
03:22 C'est pour ça aussi qu'on a du mal à comprendre en quoi la France peut s'affirmer comme un pays abolitionniste alors que le racolage n'est plus sanctionné.
03:29 - On a inversé, la charge pénale. On a inversé sur effectivement les trafiquants et les proxénètes et les acheteurs d'actes sexuels
03:38 puisqu'on considère les personnes prostituées comme des victimes. On ne peut pas les pénaliser d'être des victimes.
03:43 On n'a pas l'idée de pénaliser des victimes de violences conjugales.
03:47 - La notion de victime, je la garde pour la fin parce qu'on a aussi notre question du jour à qui on demande l'avis à nos auditeurs et téléspectateurs ce matin.
03:53 Mais avant cela, deux chiffres. Vous dites que cette loi a aussi permis d'augmenter de 50% le nombre d'enquêtes criminelles sur les réseaux de proxénétisme
04:03 et a permis de priver de plus de 2 millions d'euros, de confisquer plus de 2 millions d'euros à ces réseaux de prostitution.
04:10 Donc elle a quand même permis un certain nombre de choses cette loi.
04:13 - Alors il y a eu des avancées, celle-ci. Il y a eu l'accélération de la lutte contre le proxénétisme et les trafiquants.
04:21 Surtout contre le proxénétisme, la TEH, la traite des êtres humains, c'est compliqué au niveau international aussi souvent que ça se joue.
04:29 - En fait il faut voir que nous n'avons que 18 officiers de police en France pour lutter contre la traite, pour lutter contre ces crimes.
04:40 Et on a à peu près 1 cas de lutte contre le proxénétisme pour 1 000 cas de lutte contre le trafic des stupéfiants.
04:48 Donc vous voyez on n'a pas encore suffisamment de moyens et suffisamment de volonté pour lutter contre ces faits.
04:55 - Et pour vous l'objectif c'est l'abolition définitive, l'interdiction définitive de la prostitution ?
04:59 - Oui bien sûr, on sait qu'on ne peut pas le faire.
05:01 - Donc la pénalisation des prostituées d'une certaine manière ?
05:03 - Non pas du tout.
05:04 - Alors comment on peut obtenir l'abolition définitive ?
05:06 - On n'a pas pénalisé les esclaves. Quelquefois effectivement des esclaves ont trouvé difficile de sortir de l'esclavage
05:13 parce qu'ils disaient avoir de bons patrons et parce que surtout l'avenir pour eux était incertain et ils ne savaient pas où aller.
05:18 Donc nous mettons en place justement un accompagnement des personnes en situation de prostituées qui, quand elles le veulent,
05:25 en force personne, sont accompagnées à la sortie de la prostitution.
05:29 Et ça c'est une... on le fait depuis longtemps, à l'Amicale du Nid on le fait depuis 1946.
05:34 Mais là on l'organise par département avec des commissions particulières.
05:39 - Et pour terminer Geneviève Duchê, pardon le temps passe vite, quand vous voyez que 75% de nos auditeurs répondent que non,
05:44 les prostituées ne sont pas toutes des victimes, du coup vous dites que vous avez encore beaucoup de travail.
05:48 - Énormément et c'est ce qu'on demande d'ailleurs à l'État, c'est d'organiser une explication, d'organiser des campagnes
05:55 comme on l'a fait pour les violences conjugales ou dans le couple par exemple,
05:59 pour essayer d'expliquer effectivement que les personnes prostituées ont vécu des continuum de violences depuis l'enfance
06:06 et vivent des cumuls de violences pendant qu'elles sont en situation de prostitution.
06:10 - Je vais vous montrer une dernière fois votre livre, votre dernier livre consacré à cette question,
06:14 "Nom au système prostitutionnel". Donc c'est écrit et signé de Geneviève Duchê aux éditions Percé.
06:19 Merci d'être venue dans ce studio ce matin.
06:21 - Il est en lecture libre sur le site de l'Amicale du Nid mon livre.
06:24 - Très bien, merci à vous, bonne journée. - Merci à vous.
06:27 - Au revoir.
06:28 - Vous pouvez réécouter cette interview de Geneviève Duchê en allant sur francebleu.fr.
06:31 Je vous rappelle donc effectivement la question du jour.
06:34 Selon vous, les prostituées sont-elles toutes des victimes ?
06:37 Nous allons en débattre tout à l'heure avec des jouteuses de l'info,
06:40 mais vous allez pouvoir participer vous aussi au 04 67 58 6000.
06:44 C'est à 8h15. Pour l'instant voici Zazie avec 1.C'est toi.
06:48 Et juste après, les infos de 8h de ce lundi 15 mai sur France Bleu Euro et France Roi Occitanie.

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