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Dans ce deuxième épisode consacré à Alice Guy, première réalisatrice de cinéma, Virginie Girod revient sur son ascension fulgurante, jusqu'à sa chute. Alice Guy rencontre et se marie avec Herbert Blaché, opérateur pour la Gaumont. Lorsqu'il est envoyé aux États-Unis pour travailler, elle le suit. Là-bas, elle ouvre des studios de cinéma et fonde La Solax, en 1910. Si elle rencontre le succès avec ses films, cela ne va pas durer. Herbert Blaché fait couler La Solax et quitte Alice Guy pour une actrice. De retour en France, la réalisatrice comprend que le monde du cinéma français a continué de tourner sans elle. Dans l’entreprise Gaumont, les hommes qui lui ont succédé ont rayé son nom de ses réalisations. Spoliée de son œuvre, Alice Guy devra attendre les années 1960 pour commencer à être reconnue à sa juste valeur. Encore aujourd’hui, son catalogue de films reste incomplet.
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Transcription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:04 Dans le premier épisode de ce récit consacré à la première réalisatrice de l'histoire du cinéma Alice Guy,
00:10 la jeune Steno D'Actilo s'est fait embaucher dans la société de Léon Gaumont.
00:14 Petit à petit, la secrétaire commence à réaliser des films.
00:18 Leur succès pousse Gaumont à développer son activité de production.
00:22 De nombreux distributeurs lui achètent désormais ses films qui alimentent, entre autres, les attractions des forains.
00:28 Épisode 2 - Du climax à la chute
00:34 Alice Guy a à peine 25 ans. Ses petits films pour Gaumont sont des succès.
00:43 Elle le sait, mais elle veut le voir de ses yeux.
00:46 Un jour, elle prend un ticket pour un de ses propres films chez un forain.
00:50 Du fond de la salle, elle observe le public qui regarde ses gags en images.
00:55 Les spectateurs rient aux éclats.
00:58 Une femme se tient les côtes en jurant qu'elle rigole tant qu'elle a souillé ses dessous.
01:02 Alice Guy est aux anges. Les gens adorent ses films.
01:06 Alors elle veut aller plus loin. Elle veut faire bien plus que des simples gags.
01:11 Elle imagine le premier Péplum, une vie du Christ, un film grandiose avec une vingtaine de décors, 300 figurants
01:19 et les premiers conseillers historiques de l'histoire du cinéma.
01:22 Son Péplum est encore un succès.
01:25 Les ambitions d'Alice Guy grandissent, et celles de Léon Gaumont aussi.
01:29 En 1905, il fait rénover ses studios de Belleville.
01:33 Le plancher ultra solide permet de soutenir du matériel et des décors très lourds.
01:37 Il y a désormais un éclairage électrique, un atelier de décoration et un atelier de costumes.
01:43 Et qui est à la tête de ce petit Hollywood avant la lettre ?
01:47 Et bien c'est Alice Guy, bien sûr !
01:49 Pas facile d'être une femme dans un monde exclusivement masculin.
01:53 Les frictions sont nombreuses et les coups bas font partie du quotidien.
01:56 C'est l'époque où les réalisateurs se piquent leurs idées avec la complicité de leurs amis acteurs
02:01 qui passent d'une maison de production à une autre.
02:04 Dans leur documentaire sur Alice Guy, l'inconnu du 7e art,
02:11 les réalisatrices Valérie Huyrea et Nathalie Masduro ont comparé des films d'Alice Guy
02:16 à d'autres films de ses concurrents comme ceux de Georges Méliès, l'un des rois du cinéma muet.
02:22 Il apparaît de manière évidente que des gags inventés par Alice ont été copiés par d'autres réalisateurs,
02:28 comme Méliès donc.
02:30 Ce n'est évidemment pas fair play, mais elle est copiée parce qu'elle est brillante.
02:34 Dans les années 1900, Alice Guy commence à se lasser des gags
02:38 ou alors elle veut leur donner une vision plus féminine et donc plus subversive.
02:43 En 1906, elle réalise Les résultats du féminisme.
02:48 Je dois vous faire une confession, j'adore ce film.
02:51 Il faut que je vous le raconte.
02:53 Mais pour bien comprendre, il faut que je vous parle du féminisme au début du 20e siècle.
02:57 Depuis 1903, les suffragettes militent en Angleterre pour le droit de vote.
03:02 D'ailleurs, les suffragettes, c'est un mot péjoratif.
03:04 C'est comme ça que les qualifient leurs ennemis.
03:06 En vrai, elles s'appellent les suffragistes.
03:09 En France, ce mouvement est ultra faible,
03:12 mais les femmes commencent à gagner les bancs des universités et à faire des études supérieures.
03:16 Marie Curie est déjà titulaire d'un prix Nobel depuis trois ans, par exemple.
03:20 Certains hommes, #notallmen, craignent que les femmes ne les remplacent dans la société.
03:26 Alors Alice Guy imagine un film où les rôles de genre sont inversés.
03:31 Les femmes se conduisent en hommes et inversement.
03:35 On voit donc des scènes de drague où les femmes violent presque des hommes qui jouent les vierges et farouchés.
03:41 On voit aussi des hommes avec leurs poussettes qui vont chercher leurs femmes au bistrot.
03:45 Et d'autres encore font de la couture pendant que leur épouse lit le journal.
03:50 En renversant l'ordre des choses, Alice Guy montre l'absurdité d'une société
03:54 qui définit votre vie en fonction de votre sexe.
03:58 L'année suivante, en 1907, elle réalise un autre film scandaleux,
04:03 "Madame a des envies".
04:05 On y voit une femme enceinte sans gêne qui vole la pipe d'un homme,
04:08 le déjeuner d'un sans-abri, le sucre d'orge d'une petite fille,
04:12 et se délecte de ses larcins en plan serré face caméra.
04:16 C'est facile à imaginer.
04:18 Une femme qui engloutit un long sucre d'orge avec une mine extatique,
04:22 pas la peine de vous faire un dessin, vous avez compris.
04:26 Alice a beau gérer parfaitement les studios et faire gagner de l'argent à la Gaumont
04:30 grâce à son univers féerique et subversif, son patron scrute les livres de contes.
04:35 Mais Gaumont est malin.
04:37 Toujours à l'affût de la nouveauté, il lui propose de développer le chronophone.
04:41 C'est l'ancêtre du son au cinéma.
04:43 On capte le son d'une scène sur un phonographe
04:46 et on synchronise le son avec la projection d'un film.
04:49 Ça marche bien pour la captation de music-hall, mais l'intérêt reste limité.
04:54 C'est aussi à la fin des années 1900 qu'Alice Guy a l'idée de filmer ses séances de travail.
04:59 Il semblerait donc qu'elle ait inventé le making-of.
05:03 Avec tout ça, le temps passe.
05:09 Alice a déjà un peu plus de 30 ans, c'est là qu'elle rencontre Herbert Blacher.
05:14 Le beau moustachu vient d'Angleterre et travaille lui aussi pour la Gaumont comme opérateur.
05:19 Alice et Herbert partent en tournage en Camargue.
05:22 Au début, elle est froide comme une porte de prison.
05:25 L'être vieille fille, comme on dit à l'époque, lui garantit sa liberté.
05:29 Mais elle a envie d'avoir des enfants.
05:31 Herbert comprend son monde et ne l'empêchera pas de travailler.
05:34 Les deux jeunes gens tombent amoureux et se marient bientôt.
05:38 Et c'est là que Léon Gaumont va encore donner un tour inattendu à la vie d'Alice.
05:43 Quelques jours seulement après leur mariage en 1907,
05:48 Gaumont envoie Herbert Blacher aux Etats-Unis pour aider ses clients américains à utiliser le chronophone.
05:53 Alice suit son mari, la mort dans l'âme.
05:56 Pendant toute la traversée transatlantique, elle laisse couler ses larmes dans l'océan.
06:00 Une fois installée à New York pendant que son mari travaille,
06:06 Alice, qui attend son premier enfant, visite la ville.
06:09 Elle découvre les quartiers pauvres et les nickelodeons,
06:11 des petites salles de cinéma où on entre pour une modeste pièce en nickel,
06:15 d'où le nickel pour la monnaie et odeon pour théâtre.
06:21 En 1909, Gaumont décide de développer son activité outre-Atlantique
06:25 et achète des studios dans le quartier de Flushing, dans le Queens.
06:28 Et oui, en 1909, Hollywood n'existe pas encore
06:31 et le cinéma se développe sur la côte est, autour de New York.
06:35 Pendant que Herbert fait prospérer la Gaumont,
06:38 Alice Guy décide d'ouvrir ses propres studios de cinéma,
06:41 alors même qu'elle attend son deuxième enfant.
06:43 Elle devient donc, en 1910, la première femme productrice à la tête de la Solax.
06:49 Elle se met à réaliser plein de petits films comme elle le faisait en France.
06:53 Désormais, elle veut en finir avec le jeu outré et théâtral des acteurs du cinéma muet.
06:58 Elle pousse ses acteurs à être sincères, à vivre l'émotion.
07:03 Et oui, elle est à deux doigts d'inventer l'actor studio, mais je vous rassure,
07:07 cette technique de formation de l'acteur sera bien montée à New York, 35 ans plus tard.
07:15 Ses innovations payent et Alice connaît le même succès qu'en France.
07:19 Deux ans après la fondation de la Solax,
07:21 elle achète de nouveaux studios plus grands dans le New Jersey.
07:24 Elle collabore avec Metro Pictures Corporation, qui distribue les films de la Solax.
07:29 Elle loue même ses studios à d'autres producteurs, comme Goldwyn Pictures, Metro, Goldwyn.
07:35 Et oui, ils deviendront en 1924 la Metro Goldwyn Mayer,
07:39 la fameuse MGM qui fera bientôt les plus belles heures de Hollywood.
07:43 Mais pour le moment, en 1912, il n'y a qu'un seul studio là-bas, sur la côte ouest,
07:48 et il vient à peine d'ouvrir.
07:50 Personne ne sait encore qu'en moins de 10 ans,
07:52 cette petite ville deviendra la capitale mondiale du cinéma.
07:55 Pendant ces années d'effervescence, Alice Guy imagine des films de cow-boys
07:59 et des histoires de gangsters avec des courses-poursuites et des cascadeurs.
08:03 D'ailleurs, ces derniers ne s'appellent pas encore comme ça.
08:06 On les appelle simplement des casse-coups,
08:08 et les conditions de sécurité de leur travail sont loin d'être optimales.
08:11 Alice Guy imagine aussi des scénarios avec des femmes fortes
08:15 qui ne s'en laissent pas compter par les hommes.
08:17 Ces héroïnes sont résolument modernes.
08:20 En 1912, elle fait même un film avec un casting exclusivement noir
08:24 parce que ses acteurs blancs ne voulaient pas travailler avec des acteurs noirs.
08:28 Alors, elle a renvoyé les blancs.
08:30 Ces films sont si appréciés qu'Alice Guy devient la coqueluche de la presse.
08:34 Elle est régulièrement interviewée et devient l'une des femmes les plus riches du pays.
08:40 Au bout de quelques années,
08:42 Herbert décide de quitter la Gaumont et de prendre en main la Solax.
08:46 C'est là que tout bascule.
08:48 Il écarte progressivement Alice du comité de direction.
08:51 Vous comprenez, une femme, ça dérange les hommes quand ça parle business et que ça fume le cigare.
08:56 Sauf qu'Herbert n'a pas le talent de sa femme.
08:58 Il brade ses films et les finances de la Solax s'effondrent.
09:02 Et ce n'est pas tout.
09:03 Herbert a mal placé l'argent de l'entreprise en bourse
09:06 et dilapide les économies du foyer au jeu.
09:09 La Solax doit finalement être vendue
09:11 et Herbert quitte Alice pour Hollywood au bras d'une petite actrice.
09:15 Nous sommes en 1919, Alice Guy a 46 ans et elle n'a plus rien.
09:20 La première étoile du cinéma a perdu tout son éclat.
09:23 Elle remonte donc sur un paquebot et fait le voyage de retour vers la France.
09:28 Elle espère relancer sa carrière là où elle a commencé.
09:31 Mais le petit monde du cinéma français a continué à tourner sa vie.
09:35 Et le cinéma français a continué à tourner sans elle.
09:38 Une nouvelle génération pleine de talents prend sa place.
09:41 Parmi les nouveaux réalisateurs à la mode, il y a Sacha Guitry.
09:44 De l'autre côté de l'Atlantique, à Hollywood,
09:46 Charlie Chaplin s'impose comme une star mondiale du muet.
09:49 Les films sont plus soignés, les scénarios plus complexes.
09:53 Il n'y a plus de place pour les pionniers.
09:55 La carrière d'Alice est terminée.
09:57 Mais ses déconvenues ne s'arrêtent pas là.
09:59 Alice découvre que son nom a été rayé du catalogue de la Gaumont.
10:03 Les hommes avec qui elle a autrefois travaillé
10:06 ont mis leur nom à la place du sien à la réalisation.
10:09 "Ce n'est pas si grave", lui répond-on à la Gaumont.
10:12 Alice Guy est spoliée de son œuvre.
10:14 Elle n'est plus personne.
10:16 Même aux États-Unis, on l'a déjà oubliée.
10:21 Selon elle, les Américains ne voulaient pas d'une française
10:24 comme première réalisatrice dans leur pays.
10:27 La retraite d'Alice ressemble à une traversée du désert
10:30 qui va durer plus de 30 ans.
10:32 Elle a une mémoire pour revendiquer son œuvre et son apport au cinéma.
10:35 Mais personne ne veut la publier.
10:37 Tout au mieux, elle donne quelques conférences.
10:40 Parfois, dans les années 1950-1960,
10:43 elle parvient à attirer l'attention d'un journaliste
10:46 qui retrace son histoire face caméra.
10:48 Ses yeux bleus brillent toujours.
10:50 Elle raconte la violence du monde du cinéma,
10:53 la rivalité, les coups bas,
10:55 mais aussi le bonheur de créer,
10:57 l'ivresse de plaire au public.
10:59 Bref, depuis, rien n'a changé.
11:02 La réparation des préjudices subis viendront plus tard.
11:05 En 1957, elle a 84 ans
11:08 quand Louis Gaumont, le fils de Léon Gaumont,
11:11 parvient à organiser un événement en son honneur à la Cinémathèque française.
11:14 Six ans plus tard, alors qu'elle a 90 ans,
11:17 un journaliste publie sa biographie
11:19 et l'aide à recomposer son catalogue de films
11:21 qui est toujours incomplet aujourd'hui.
11:23 Elle meurt à 94 ans aux Etats-Unis,
11:26 connue uniquement des cinéphiles les plus pointus.
11:29 Depuis quelques années,
11:31 les nombreuses recherches historiques sur les femmes en histoire
11:34 l'ont sorti de l'ombre qu'il avait avalée.
11:36 On lui rend progressivement ses œuvres
11:38 et on reconnaît son apport colossal au début du cinéma.
11:41 Elle est au sens propre,
11:43 la première dame du cinéma.
11:45 C'est la fin de ce récit consacré à Alice Guy.
11:56 Merci de l'avoir écouté.
11:58 Si vous voulez en savoir plus sur elle,
12:00 je vous donne rendez-vous ce week-end
12:02 dans les pages de notre partenaire Madame Figaro.
12:04 Au cœur de l'Histoire est un podcast original Europe 1 Studio.
12:07 A la production Camille Bischler.
12:10 A la réalisation Clément Ibrahim.
12:13 A la direction artistique Julien Tharaud et Adèle Imbert.
12:16 A la composition des musiques originales,
12:19 Julien Tharaud et Sébastien Guidis.
12:22 A la communication et à la diffusion,
12:24 Kelly Decroix et Héloïse Bertil.
12:27 Et moi, la plume et la voie d'Au cœur de l'Histoire,
12:30 je vous dis à très bientôt sur votre plateforme d'écoute favorite.
12:33 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]
12:37 [Musique s'arrête]
12:40 [SILENCE]

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