En 2022, Lénaïg Corson, ancienne internationale, signe chez les Harlequins à Londres pour se lancer un ultime défi en Angleterre. Elle y découvre un autre rugby et de nouvelles mentalités, sur et en dehors du terrain...
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00:16 Je suis Lénaïque Corson, je suis joueuse de rugby, j'ai joué pendant 10 ans en équipe de France.
00:21 J'ai mis fin à ma carrière internationale au mois de juin,
00:24 et pour vivre un nouveau défi que de jouer en Angleterre.
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00:43 J'ai eu l'opportunité de venir jouer en Angleterre.
00:46 L'Angleterre, c'est un championnat qui est sûrement peut-être le meilleur au monde,
00:50 avec des joueuses de très haut niveau, très compétitrices.
00:54 Je me dis, vas-y, en fait, s'il y a une dernière année à vivre et que tu dois kiffer le rugby, vas-y.
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01:05 Oui, on en a pour une heure de route, au minimum.
01:09 Quand il y a les bouchons, ça peut aller jusqu'à deux heures.
01:12 Ce choix-là, je l'ai fait parce que j'en avais envie, parce que c'est ma passion.
01:19 J'ai envie encore de croquer un peu dedans, je n'ai pas envie de m'arrêter là.
01:23 C'est aussi un challenge supplémentaire, c'est aussi me prouver que je peux y arriver et que je ne vais pas lâcher.
01:29 C'est ce qu'on disait toujours de moi en France, que je suis une accrocheuse ou que je suis quelqu'un qui ne lâche jamais rien.
01:34 Même si aujourd'hui, ce n'est pas évident, parce que quand on ne paye juste ton logement, il faut trouver un boulot.
01:42 On ne peut pas vivre ici sans travail, c'est sûr.
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01:49 Ce qui m'a vraiment frappée ici, c'est l'intégration à part entière des féminines dans le projet du club.
01:56 On voit que l'accent est vraiment mis sur la promotion du sport féminin et le développement, la professionnalisation du sport féminin.
02:04 C'est vrai qu'on a des infrastructures ici au Harlequin qui sont démentielles et qu'on utilise au même titre que les garçons.
02:11 Et ça, c'est un vrai plus.
02:13 Si on veut vraiment mettre les joueuses dans un bon environnement, très professionnalisant, très performant,
02:20 c'est vrai que tout ce qui est à dispo des garçons, on veut bien l'utiliser.
02:24 C'est ce qu'ils ont bien compris ici pour rendre le jeu plus attractif.
02:28 On a un staff qui est vraiment professionnalisé ici, avec notamment un docteur, deux physios et demi.
02:36 On a évidemment un entraîneur des avants, entraîneur des trois quarts, on a un manager.
02:41 On a deux personnes qui gèrent les GPS et toute la data, deux analystes vidéo.
02:48 Vraiment, on a des personnes qui sont vraiment là pour la performance.
02:52 Là, on est exactement dans les mêmes lieux que les garçons partagent en journée.
03:00 Et on peut voir que les garçons passent devant Sposer tous les jours.
03:05 Et ça, c'est déjà quelque chose... Enfin, pour moi, je trouve qu'il y a une vraie reconnaissance, en fait,
03:12 qu'on existe et on nous montre.
03:14 Là, tu as les garçons avec la coupe.
03:16 Et de l'autre côté, tu as les filles aussi qui sont juste à côté.
03:20 On ne demande pas d'être plus.
03:24 On demande juste d'avoir les mêmes conditions d'entraînement
03:27 et au moins qu'on nous donne la possibilité de performer, en fait, de rendre notre jeu attractif.
03:32 Et que demain, il y a des médias, il y a des sponsors qui viennent
03:36 rendre aussi financièrement les choses possibles.
03:40 On m'a souvent dit "mais en fait, le rugby féminin, ce n'est pas rentable".
03:43 Mais en fait, est-ce que le rugby masculin aujourd'hui est rentable ?
03:47 Est-ce que le sport masculin est rentable ?
03:50 Aujourd'hui, il y a des clubs qui ont des millions de déficits, et notamment ici en Angleterre.
03:54 Et on se pose la question de la rentabilité.
03:56 Enfin, je me dis, moi, ça m'interroge en tout cas.
04:01 Ça m'interroge.
04:02 Et en tout cas, qu'on ne vienne plus me dire que le sport féminin, ce n'est pas rentable, en fait.
04:05 C'est comment tu peux faire justement pour le rendre plus attractif.
04:08 Et ici, je pense qu'ils ont une partie de la solution.
04:11 On a eu la dotation complète, comme les garçons.
04:15 Et en France, si on nous donne de T-shirts, de shorts, c'est bien.
04:20 Mais voilà, les choses viendront petit à petit.
04:24 Je pense que certains clubs en France ont commencé déjà aussi à donner un peu plus de dotation.
04:28 Ici, c'est quasiment tous les clubs d'élite qui ont donné une dotation que les filles méritaient, en fait.
04:35 Aux mêmes titres que les gars.
04:36 Et ça, juste ça, la reconnaissance, c'est énorme, en fait.
04:42 Là, c'est l'espace vraiment des garçons.
04:45 C'est là où sont soignés les garçons des airs-lopins durant la journée.
04:49 Comme ils ne s'entraînent plus en soirée, c'est nous qui rentrons dans les lieux.
04:54 Et on a deux kinés, on a même trois kinés rien que pour nous.
04:58 Et ça, c'est énorme, en fait.
05:00 Parce que du coup, les filles, en France, on a tendance à dire "Bon, maintenant, le petit bobo qui traîne, on verra ça plus tard".
05:07 Mais en fait, ici, ils ne laissent rien au hasard.
05:10 Et tous les jours, on a un questionnaire de bien-être à répondre pour dire comment on se sent, si on a bien dormi, quel est notre état de fatigue.
05:18 On a nos règles en ce moment, quels sont nos symptômes.
05:23 Et ça, en fait, on va à fond dans la performance, le bien-être de la joueuse.
05:30 Vraie intelligence collective pour ne pas faire n'importe quoi et pour éviter les blessures des joueuses.
05:35 Donc, tout a été imaginé pour le bien des sportives et du staff et pour la performance.
05:42 Il y a de plus en plus de clubs de top 14 en France qui prennent conscience que d'avoir une équipe féminine,
05:48 ça peut être aussi un bon levier de développement du club.
05:51 Mais ici, ils ont pris une avance qui est monumentale.
05:54 On sent qu'ils y mettent les moyens, on sent qu'ils y mettent l'énergie, on sent qu'ils ont les ressources humaines aussi.
05:59 Ce n'est pas la même culture. Il y a un vrai engouement pour le sport.
06:03 Ici, le week-end, c'est tout le monde dehors, tout le monde va voir un match.
06:06 Ce n'est pas pareil.
06:09 Déjà, à l'école, on voit que l'après-midi, les jeunes sont tous en train de faire du sport.
06:14 D'autant plus ici, c'est quand même le pays du rugby.
06:17 Nous, ce n'est pas la même chose.
06:20 On a un modèle éducatif. On est à trois heures de sport au collège.
06:24 Donc, il y a là le problème.
06:26 Là, direction la gym.
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06:52 Le jeu à l'anglaise est très structuré, très organisé, très cadré.
06:56 C'est le modèle anglais qui est un petit peu différent du modèle français.
07:00 Nous, on a un cadre, mais on peut en sortir un petit peu.
07:04 On a un jeu où on aime les courses avec des grandes envolées.
07:08 On aime les passes après contact.
07:11 Et ça, c'est une vraie force parce qu'on est imprévisible.
07:16 Je pense que Linnea a un bon sentiment pour le jeu.
07:19 Et je pense que c'est probablement son plus grand facteur.
07:22 On peut créer quelque chose de rien, et faire des courses plus éloignées,
07:26 et battre un défenseur, et un offload.
07:28 Donc, cette diversité et ce talent sont vraiment bons.
07:32 Le fait aussi d'avoir plus de 50 joueuses qui sont dans le groupe,
07:37 du coup, ça amène de la concurrence.
07:39 La concurrence tène, mais qui pousse tout le monde à se dépasser
07:43 et qui pousse le groupe vers le haut.
07:45 Et ça, ça fait la différence.
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08:06 Je rêve d'un sport qui soit plus durable.
08:09 Les Hurloquins sont aujourd'hui partie des clubs les plus RSE,
08:12 Responsabilité Societale de l'Entreprise.
08:15 Mon engagement environnemental ne date pas d'hier.
08:18 J'ai déjà une famille qui m'a éduquée dans ces valeurs
08:22 de respect de l'environnement, respect des ressources.
08:25 Quand j'ai eu 20 ans, je me suis engagée pour deux associations environnementales
08:29 quand j'étais à Rennes.
08:30 Rennes-Pisque, on connaît très bien dans l'engagement à ses activistes.
08:33 Et Aux Rivières de Bretagne, qui lutte contre les algues vertes.
08:36 Et tout ça m'a appris à comprendre les problématiques environnementales
08:39 et de voir comment je pouvais, moi, agir dans ma vie, dans mon quotidien.
08:44 Ensuite, j'ai joué pendant de longues années en équipe de France, pendant 10 ans.
08:49 Et j'avais mis un petit peu de côté cet engagement,
08:52 même si, évidemment, dans mon quotidien, je faisais attention à mes déchets,
08:55 de prendre un minimum ma voiture et plutôt prendre les transports en commun
08:59 et faire attention aux températures.
09:01 Chez moi, j'ai installé un thermomètre qui permet de ne pas chauffer la maison
09:05 quand je ne suis pas là.
09:06 Enfin, plein de petites actions.
09:07 Mais au final, professionnellement, j'étais joueuse de rugby,
09:11 je prenais l'avion très régulièrement pour mes compétitions sportives
09:14 et j'ai décorrélé un petit peu cet engagement.
09:17 On parle beaucoup de sobriété dans la société
09:20 et je pense que le sport ne doit pas rester en retrait de tout ça.
09:24 Au contraire, il doit booster, il doit justement être ce vrai catalyseur
09:29 pour faire changer les comportements.
09:31 Et je pense qu'on a un moyen fabuleux, qui est le sport, de faire changer tout ça.
09:35 Je pense que les athlètes ne se rendent pas compte de l'influence
09:40 et du rôle qu'ils peuvent avoir.
09:44 Tu as tout, tu peux retrouver la mêlée, tu peux retrouver les entraînements,
09:55 tu peux retrouver contre les wasps, les waspers quand on les joue,
09:59 le projet de jeu.
10:02 Et là, moi, je suis intéressée par les touches,
10:05 donc du coup, je touche sur touche.
10:07 C'est... oui, ouf.
10:10 Oui, le petit stress, la petite adrénaline,
10:15 l'envie de bien faire, l'envie de s'amuser,
10:19 l'envie de respecter le projet de jeu d'équipe.
10:22 Oui, ça, ça ne change pas.
10:27 Les années changent, mais ça, ça ne change pas.
10:30 Pour la petite histoire, en 2020,
10:34 la France entière s'est retrouvée enfermée chez soi.
10:37 Et pendant ce moment-là, j'ai eu une vraie réflexion
10:41 autour de ce que je voulais faire de ma vie
10:44 et qu'est-ce que je ferais après le rugby.
10:45 Et comment, après avoir eu la chance d'être professionnelle dans son sport,
10:51 de vivre de sa passion, tous les jours se lever et de dire
10:54 « Mon boulot, c'est de jouer »,
10:56 c'est-à-dire comment demain je vais trouver un boulot
10:59 qui me passionne, qui me fasse vibrer autant.
11:01 Et pendant le confinement, j'ai eu la lumière qui m'est apparue
11:05 et je me suis dit « Mais est-ce que je ne pourrais pas travailler
11:08 pour l'environnement dans ma vie professionnelle ? »
11:11 Mes ambitions pour la suite ?
11:14 M'épanouir dans la vie, être heureuse.
11:18 Je pense que ça, c'est déjà quelque chose de gros.
11:22 Si je pouvais me finir ma saison avec un titre de championne d'Angleterre,
11:26 j'adorerais.
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