8-Mai : la directrice du musée de la Libération insiste sur la nécessité de "se souvenir de l'action" de Jean Moulin

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Sylvie Zaidman, directrice du musée de la Libération de Paris -musée du général Leclerc - musée Jean Moulin, le 8 mai 2023 sur franceinfo.

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Transcription
00:00 Cette journée de commémoration du 8 mai 1945 ne sera pas tout à fait comme les autres.
00:04 Il y aura bien sûr dans la matinée les cérémonies habituelles pour célébrer la
00:07 victoire des alliés sur l'Allemagne nazie, devant la statue du général de Gaulle à
00:11 Paris, sur la tombe du soldat inconnu sous l'arc de triomphe.
00:14 Mais ensuite, Emmanuel Macron se rendra à Lyon pour rendre hommage à la résistance
00:18 française, en particulier à Jean Moulin, 80 ans après son arrestation par la Gestapo
00:23 puis sa mort quelques semaines plus tard.
00:25 Bonjour Sylvie Zedman.
00:26 Bonjour.
00:27 Vous êtes docteur en histoire, directrice du musée Jean Moulin mais aussi des musées
00:30 de la Libération de Paris et le musée du général Leclerc.
00:33 Pourquoi est-ce si important aujourd'hui de rendre hommage à Jean Moulin ?
00:38 Alors ce qui est important c'est de se souvenir et puis surtout de connaître l'action de
00:44 Jean Moulin.
00:45 Je pense que dans une perspective historique, c'est important de remettre les choses à
00:50 leur place historique et comprendre ce qu'a apporté en fait cette résistance à la libération
00:56 de la France.
00:57 Est-ce que cela veut dire que peut-être jusqu'à maintenant, on n'a pas donné assez de place
01:02 dans ces commémorations à ces héros, à ces héroïnes selon vous ?
01:06 Alors je pense que la commémoration c'est une façon de faire, c'est une façon de se
01:12 souvenir, ça n'est pas la seule.
01:13 Et nous notre travail dans les musées, notre travail d'historien, c'est de resituer, de
01:20 contextualiser et puis surtout d'apporter des éléments de compréhension.
01:24 Parce que c'est une chose de commémorer, c'est une autre de savoir pourquoi.
01:28 Et vous le faites à merveille, ce travail notamment dans le musée Jean Moulin où l'on
01:32 constate qu'on ne n'est pas résistant.
01:35 Évidemment avant l'arrivée des Allemands en France, il n'y avait pas de résistance.
01:38 Certains le sont donc devenu et pour Jean Moulin, la bascule, c'est en 1940 quand il
01:44 est préfet de Chartres.
01:45 Alors Jean Moulin est né en 1899.
01:49 Donc il mène une vie de haut fonctionnaire, de préfet.
01:55 Avec un talent précoce.
01:56 Avec un talent préfet.
01:57 Il est plus jeune sous préfet de France et puis après plus jeune préfet de France.
02:02 Et on voit bien que quand il participe au ministère et notamment dans les ministères
02:07 du Fonds Populaire, il y a quand même quelque chose qui se met en place chez lui.
02:11 Il fait partie de ceux qui amènent de l'aide de manière assez clandestine à la République
02:17 nationale contre les franquistes.
02:19 Et ce qui se passe le 17 juin 1940 est certainement fondateur.
02:24 Donc en fait il voit les Allemands arriver à Chartres.
02:28 Il les attend en uniforme de préfet, sous le drapeau français, devant la préfecture.
02:33 Et les Allemands vont le rudoyer.
02:36 Il va être torturé.
02:38 Et c'est là que tout va se déclencher pour lui.
02:40 Alors ce qui se passe c'est que Jean Moulin a vu déferler sur sa ville de Chartres tous
02:46 les réfugiés de l'Exode.
02:47 Vous savez que dans cette période du 12-14 juin 1940, la moitié de la France est sur
02:53 les routes.
02:54 Il y a en fait 8 millions de personnes sur les routes qui sont complètement terrorisées
02:59 par l'arrivée et l'avancée fulgurante des troupes allemandes.
03:03 Et c'est là que Jean Moulin décide de rester à son poste et de les accueillir.
03:07 Il les accueille en faisant comme il peut.
03:11 Lorsque les Allemands arrivent dans Chartres, ils essayent de lui faire signer un protocole
03:18 qui incrimine les troupes noires, les tirailleurs sénégalais, de massacre qu'ils n'ont pas
03:23 commis.
03:24 Et il refuse ?
03:25 Il va refuser.
03:26 Il va se rédire.
03:27 Au nom de la France, au nom de l'honneur de la France, au nom de l'honneur de l'armée.
03:32 Et il refuse donc de signer ce protocole.
03:34 Et les Allemands le molestent.
03:37 Et lui-même se dit "bon, à un moment donné, je risque de ne pas tenir".
03:41 Et donc il prend un morceau de verre et il essaye de se trancher la gorge.
03:46 Et quand les Allemands vont le découvrir baignant dans son sang, finalement il ne va
03:51 plus être question de protocole.
03:53 Monsieur le préfet va être soigné.
03:55 Et là on est donc bien avant, 1943, la fondation du Conseil national de la résistance.
04:02 Mais c'est à ce moment-là que l'on comprend que plus que tout, et plus que le prix de
04:07 sa vie d'ailleurs, il ne trahira jamais la France.
04:09 Et c'est ça qui va le guider jusqu'à sa mort d'ailleurs.
04:11 Alors c'est comme ça qu'il faut voir les choses, effectivement.
04:16 Il l'a consigné lui-même dans ses mémoires, qu'il a écrits rapidement pour se souvenir,
04:23 et qu'il a confié à sa sœur.
04:25 Et on sent qu'il se joue quelque chose.
04:28 Et à partir de là, il va essayer, il va se dire qu'il faut faire quelque chose.
04:32 Il va rentrer déjà dans une résistance.
04:35 Et a priori, c'est assez paradoxal, mais il n'entend pas l'appel du 18 juin du général
04:40 de Gaulle, c'est bien plus tard qu'il va le rencontrer et qu'il va se voir confier
04:44 cette mission, unir la résistance, et il va le faire très bien et plutôt très vite
04:48 jusqu'à l'aboutissement du Conseil national de la résistance.
04:50 Voilà, ce que de Gaulle va lui confier comme mission, c'est d'abord d'organiser la résistance,
04:55 qui est dans ses années 41, assez éparse, assez éparpillée.
05:01 Donc il va être en zone sud, il va s'installer à Lyon, et là il va commencer à organiser
05:06 la résistance avec l'aide d'une poignée de résistants.
05:11 C'est une résistance politique qui s'installe là, avec des liens entre les mouvements de
05:16 résistance et Londres.
05:17 Et beaucoup de logistique aussi, ce qui est aussi son point fort.
05:19 C'est ça, c'est un organisateur né, Jean Moulin.
05:23 Et bien plus tard, très rapidement après d'ailleurs la fondation du Conseil national
05:28 de la résistance, il est arrêté par la Gestapo à Lyon, et c'est d'ailleurs dans
05:33 la cellule qu'il a occupée que va se rendre tout à l'heure le président Emmanuel Macron
05:38 à la prison de Montluc, qui est devenu un mémorial.
05:41 C'est un symbole important.
05:43 Aujourd'hui c'est aussi là qu'a été incarcéré plus tard Klaus Barbie, le responsable de
05:46 l'arrestation de Jean Moulin.
05:48 Alors ce qui est important, c'est de resituer les lieux, de comprendre comment cette arrestation
05:55 s'est faite, elle s'est faite donc le 21 juin à Calvire et Cuir, 21 juin 1943.
06:00 Et en fait, Jean Moulin va être incarcéré à Montluc, il va être torturé, torturé
06:07 par Klaus Barbie.
06:08 Il va être envoyé ensuite en région parisienne, à Neuilly, où il va probablement être torturé
06:14 à nouveau, puis envoyé en Allemagne, et c'est dans le train, aux alentours du 8 juillet,
06:19 qu'il va mourir.
06:20 Voilà, les conditions de sa mort restent assez mystérieuses, en tout cas difficiles
06:22 à établir avec précision.
06:25 Donc cet hommage aujourd'hui d'Emmanuel Macron à Jean Moulin, à Rex de son nom de résistant.

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