La boutique en ligne chinoise, symbole de l'ultra fast fashion, est très décriée sur le plan social et environnemental. Une boutique éphémère a ouvert ce vendredi dans le Marais, dans la capitale.
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00:00 Il est un peu plus de 8h20, retour sur le plateau de première édition, le 7 minutes pour comprendre si la consommation low cost, low low cost, n'incite pas à s'asseoir parfois sur la morale.
00:10 On en parle avec Pascale Hébel, directrice associée chez Seaways, experte de la consommation.
00:20 Bonjour et merci d'être avec nous.
00:21 À vos côtés, Naila Ajaltouni, vous êtes déléguée générale du collectif Éthique sur l'étiquette.
00:26 On voulait parler de tout ça avec vous ce matin parce qu'on a été étonnés de l'influence dingue devant cette boutique éphémère,
00:34 ouverte vendredi à Paris par l'enseigne chinoise Xin, qui normalement n'est que sur Internet,
00:39 et qui ouvre ce qu'on appelle des pop-up stores, des magasins éphémères, 4 jours d'ouverture et des files d'attente interminables depuis vendredi
00:48 aux abords de ce magasin parisien où se sont rendus Maude Petit-Jovet, Julienne Roland, Valentin Rivolier et Blandine Dallena.
00:54 On regarde le reportage avant de vous entendre.
00:57 Ces derniers jours, une interminable file d'attente s'est formée dans le Marais à Paris.
01:01 Jusqu'à 2 heures de queue avant d'enfin atteindre le magasin objet de toutes les convoitises,
01:06 celui de la marque Xin, d'habitude uniquement en ligne, la marque préférée des jeunes.
01:12 Il y a beaucoup de réductions, c'est pas cher, je suis étudiante donc je cherche le moins cher possible.
01:15 C'est déjà la diversité du style, il y a un petit peu tous les styles, aussi au niveau des tailles.
01:19 Il y a beaucoup plus de choses.
01:20 En effet, lorsque l'on se rend sur le site, on y trouve des centaines de milliers de références,
01:25 à des prix imbattables comme cette robe à 8,99 euros.
01:28 En quelques années, le géant chinois du prêt-à-porter est devenu le symbole de la fast fashion
01:33 et de toutes ses dérives.
01:35 L'impact environnemental de ses vêtements est jugé désastreux
01:38 et la marque est accusée de travail forcé.
01:40 Xin ne souffre pour autant pas de sa mauvaise réputation.
01:44 En 2021, ses ventes ont bondi de 60% propulsant son chiffre d'affaires à 16 milliards de dollars.
01:51 Pascal, lorsqu'on voit ça, à la fois les prix, à la fois l'offre,
01:54 on se dit que le concept est imbattable, non ?
01:57 Oui, tout à fait, puisque toute la concurrence se fait sur le prix.
01:59 Donc, en termes de prix, on n'a pas moins cher sur le marché, y compris sur Internet.
02:05 Donc, c'est vraiment par le prix que cette enseigne gagne,
02:08 mais c'est vraiment ce qu'on appelle du low cost,
02:10 c'est-à-dire que ça arrive sur un marché où il y avait d'autres types de gamme
02:15 et plus c'est bas prix, plus on va attirer des consommateurs.
02:19 On a ce qu'on appelle un effet sablier, c'est-à-dire qu'en ce moment,
02:22 ce qui fonctionne, parce qu'on a une tension sur le pouvoir d'achat,
02:25 c'est le low cost et le luxe.
02:28 Et au mieux, ça ne fonctionne pas ?
02:30 Au mieux, ça ne fonctionne pas du tout.
02:32 On a vu toutes ces enseignes qui ont fermé, Kamaeu, etc.
02:35 Mais vous avez évoqué une notion importante, c'est qu'il y a l'inflation.
02:40 Et donc, pour beaucoup de familles, il faut essayer de faire des économies.
02:44 On commence à les faire peut-être par là aussi.
02:46 Oui, tout à fait.
02:47 Alors quand même, il faut ajouter que le secteur de la mi-ban se porte pas bien du tout.
02:51 On est à moins 5% en volume par rapport à avant Covid.
02:56 Mais pour ceux qui ont besoin de s'habiller,
02:59 donc notamment sur le marché des adolescents, on grandit,
03:03 donc on a besoin de s'acheter des vêtements,
03:05 même si au bout de trois lavages, c'est à jeter, on achète quand même.
03:10 La qualité est pourrie, il faut bien dire.
03:11 La qualité n'est pas bonne, mais ça fait l'usage d'avoir un vêtement,
03:16 comme on l'a vu dans le reportage, qui change, qui est différent.
03:20 Quand on a des adolescentes à la maison, c'est difficile de résister.
03:26 Naila, comment vous inspire l'ouverture de ce genre de boutique éphémère ?
03:29 Chine, depuis que Chine existe, on a toujours entendu que ce n'est pas des bons produits.
03:34 Est-ce que c'est une façon aussi de se racheter un petit peu une image,
03:38 d'ouvrir un beau magasin dans un beau quartier de Paris,
03:41 tout en pratiquant des prix, comme on l'a vu dans le reportage ?
03:45 Oui, je pense que ça fait tout à fait partie de la stratégie de gains en respectabilité
03:50 qu'essaye de développer Chine, parce que depuis quelques mois,
03:52 après être passé sous les radars pendant plusieurs années,
03:56 son modèle est extrêmement décrié, à la fois pour ses impacts environnementaux,
03:59 les dégâts considérables qu'il va accroître quant à l'impact de la mode,
04:04 mais aussi aux conditions de travail déplorables qui permettent d'arriver à un tel niveau de prix.
04:09 Ce n'est pas étonnant aussi qu'il s'installe dans une zone plutôt riche
04:15 et très commerciale à Paris pour justement gagner cette respectabilité.
04:22 Puis simplement, je voulais dire aussi que Chine, c'est vrai que c'est vraiment une stratégie prix,
04:27 mais c'est aussi le produit d'une stratégie marketing très agressive
04:30 qui cible évidemment les jeunes à travers les réseaux sociaux, à travers les influenceurs.
04:35 Donc, il y a vraiment un modèle économique qui passe aussi par la consommation à outrance.
04:40 Mais compte tenu de tout ce que vous dites,
04:41 à la fois en termes de qualité de condition de production sur lesquelles vous allez revenir,
04:45 comment se fait-il que ça passe sous les radars ?
04:48 Ça passe sous les radars ?
04:49 Sur le web, on peut le comprendre.
04:51 Mais un magasin physique qui vend des habits produits par des enfants,
04:54 je crois que vous pouvez nous raconter ça aussi.
04:56 Oui, qu'est-ce qu'on sait de la façon dont sont produits les vêtements sur Chine ?
05:02 Alors, c'est toujours difficile d'aller enquêter en Chine.
05:05 Et puis, on a évoqué la question de travail forcé des Ouïghours,
05:08 qui est probable en fait dans ces usines, mais qui est extrêmement difficile à documenter.
05:12 Ce qu'on sait toutefois, c'est que c'est vrai que la marque indique que les travailleurs gagnent
05:17 un peu le double du salaire minimum local dans ces petites myriades de fournisseurs
05:22 qu'ils font travailler pour produire ces vêtements.
05:24 Mais c'est au prix de 12 à 14 heures de travail par jour.
05:27 Donc, ça fait 90 heures par semaine.
05:29 Ce sont des travailleurs qui travaillent sans contrat, donc sans protection sociale
05:33 et avec une pression extrême sur les coûts, les conditions de production
05:37 à travers une myriade de petits producteurs, de petits fabricants.
05:41 Ils vont tester des produits.
05:42 Il n'y a pas une grande usine Chine.
05:43 Absolument. Ils vont tester des produits avec des centaines, des milliers de références
05:47 quasiment en même temps sur le site et ensuite les déployer, les développer.
05:51 Et ça passe sous les radars parce qu'aujourd'hui, on n'a pas de régulation assez contraignante
05:55 pour interdire ce type de modèles.
05:57 On pensait que cette nouvelle génération était intéressée par l'impact environnemental,
06:01 par l'impact social.
06:02 Ça veut dire que le prix écrase tout en fait ?
06:04 Alors évidemment, dans la population des jeunes, on a plusieurs types de clientèle.
06:08 Et en effet, on a...
06:09 Alors, c'est que 20% des jeunes de 18 à 24 ans qui ont acheté du Chine
06:13 depuis le début de l'année.
06:14 Mais on a ceux qui ont peu de moyens et qui, en effet, n'achètent pas beaucoup au global.
06:20 Et ceux qui sont plus de l'autre côté, plus réfléchis et qui vont acheter
06:26 que des vêtements d'occasion.
06:27 C'est-à-dire qu'on a ceux qui refusent d'acheter du neuf.
06:29 On a vraiment ça du côté des plus jeunes qui, en effet, sont beaucoup plus sensibles
06:33 aux changements climatiques et aux enjeux écologiques.
06:35 Et c'est un petit peu cette polarisation que l'on a.
06:37 Et ces jeunes-là, ils vont sur des sites de seconde main type VTF ?
06:39 Tout à fait.
06:40 Voilà, on est vraiment le pays d'Europe où, quand on pose la question dans une enquête
06:45 "Qu'est-ce que vous préférez, un vêtement neuf, pas très cher ou un vêtement d'occasion ?"
06:49 la moitié des Français vous disent qu'ils préfèrent un vêtement d'occasion.
06:52 Dans une enquête européenne, il y a seulement 36% des Européens qui vont répondre
06:56 qu'ils préfèrent l'occasion.
06:57 Donc on est très axés sur les achats d'occasion.
07:00 Il faut quand même dire aussi qu'on est le pays d'Europe qui consacre le moins d'argent
07:04 à l'habillement.
07:05 On est vraiment dans une économie, ce n'est pas ce qui fait rêver le plus.
07:10 Les Français ont se détaché de ces achats de vêtements.
07:12 Mais je voudrais qu'on revienne sur la régulation.
07:14 Il n'y a pas moyen de réguler tout ça.
07:16 Je crois qu'il y a une directive européenne qui est attendue sur ce qu'on appelle le devoir
07:19 du vigilant.
07:20 C'est ça, Naila ?
07:21 Oui, absolument.
07:22 Cette directive, elle vient d'une loi française pour laquelle la France a été pionnière,
07:28 qui a été adoptée en 2017.
07:29 C'est l'effondrement du Rana Plaza, cet immeuble au Bangladesh qui a conduit à la mort de
07:34 1138 ouvrières de l'habillement, qui était déjà un choc et qui aurait dû être un
07:38 point de non-retour en fait, dans cette dérégulation, dans cette interpunité dont bénéficient
07:42 les multinationales.
07:43 Et on a poussé l'État français à adopter cette loi.
07:46 Ça devient aujourd'hui une directive européenne sur le devoir du vigilant.
07:49 On est en pleine négociation.
07:50 Alors, ce n'est pas une directive qui s'attache particulièrement à l'habillement, mais qui
07:53 vient enfin rendre responsable juridiquement les multinationales.
07:59 Lorsqu'elles exploitent la main d'œuvre, lorsqu'elles violent de façon dramatique
08:04 les droits fondamentaux ou qu'elles polluent de manière irréversible la planète.
08:08 Donc, on est en pleine négociation pour qu'enfin, on puisse mettre un terme à cette impunité
08:13 qui permet en fait à Deschihine, mais à d'autres enseignes, d'exploiter la main d'œuvre
08:18 et de polluer.
08:19 Oui, malheureusement, c'est le modèle dominant dans la mode actuellement.
08:23 La fast fashion, c'est arrivé avec Zara, H&M, Primark, avec en effet cette incitation
08:32 par le prix.
08:33 Mais ce sont aussi des modèles économiques.
08:35 On a des générations qui se sont habillées autrement et aujourd'hui, on a laissé proliférer