L'édito de Mathieu Bock-Côté : «La tentation insurrectionnelle de Jean-Luc Mélenchon»

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Dans son édito du 02/05/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00 - Et c'est ça qui explique la dénonciation de plus en plus
00:03 violente des forces de l'ordre?
00:04 - Oui, je crois. Je crois.
00:06 C'est-à-dire, on est devant quelqu'un qui doit toujours
00:08 pousser plus loin. Jean-Luc Mélenchon n'a pas d'avenir
00:11 comme chef politique modéré appelé à discuter avec
00:13 la social-démocratie centriste.
00:14 Dans ce rôle, il est très mauvais. Mais on n'imagine pas,
00:17 Jean-Luc Mélenchon, je reviendrai, vouloir quitter
00:19 la scène. Un homme politique comme ça ne veut pas quitter
00:22 la scène. Il veut mourir sur scène. Il veut être là jusqu'à
00:24 la fin. Il veut faire son spectacle jusqu'à la fin,
00:27 aussi pathétique soit-il.
00:28 Dès lors, il a besoin d'en rajouter toujours. Plus la
00:31 situation est explosive, plus il est histrionique, plus il
00:34 prépare une scène qui lui convient. Il y a aussi une
00:36 dimension, soit dit en passant, électorale. Je m'y attarde pas,
00:39 mais ça compte. Jean-Luc Mélenchon croit, par ailleurs,
00:42 fidéliser une partie du vote des banlieues en utilisant
00:45 la rhétorique antipoliciaire, en cherchant à convaincre
00:48 les populations des banlieues qu'elles sont victimes
00:50 d'une forme de harcèlement néocolonial et les policiers
00:53 seraient les représentants en France de l'ordre colonial
00:56 qui auraient persécuté leurs parents chez eux. Donc ça,
00:59 il joue, il crée ce sentiment.
01:00 Lorsque ce sentiment est mineur, il l'amplifie. Lorsqu'il est
01:03 absent, il le crée avec cette idée que c'est ainsi qu'il
01:06 sera capable d'augmenter sa base électorale. Cela dit, faisons
01:09 la liste pour le plaisir de quelques-unes de ses
01:11 déclarations sur trois ou quatre ans. Voir jusqu'où peut-il
01:14 aller lorsqu'il parle des policiers. Et je vais du plus
01:17 récent au plus ancien.
01:18 Mars 2023, à propos des bravehèmes, il est anormal de
01:21 monter sur une moto pour tabasser un policier. C'est
01:24 un mot de l'ordre. C'est un mot de l'ordre. Il est anormal de
01:27 monter sur une moto pour tabasser des gens. Nous enverrons
01:30 ces gens se faire soigner.
01:31 Jean-Luc Mélenchon psychiatrise les policiers, psychiatrise ceux
01:34 qui risquent leur vie pour assurer l'ordre public. Ces gens
01:37 ont besoin d'être soignés. Pour lui, les policiers,
01:40 les gens de la bravehème, sont des malades. C'est quand même
01:42 assez particulier, mais c'est une déclaration forte qui nous
01:45 en dit beaucoup pour lui. La rationalité, elle n'est pas
01:48 du côté de l'ordre, elle est du côté de ceux qui veulent,
01:51 d'une manière ou de l'autre, faire tomber l'ordre, quitte
01:54 à faire tomber l'ordre. 26 mars, assez de violences policières
01:57 à Sainte-Soline, assez. Sans les bravehèmes, sans ce cirque,
02:00 il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche
02:02 dans les champs. Ça, c'est génial. Ça veut dire que
02:05 globalement, si jamais vous entrez chez moi, vous cherchez
02:08 à tout dévaliser, à tout voler, si je ne vous résiste pas,
02:11 bien, je ne risque rien. Mais si je résiste pour défendre
02:14 mon bien, c'est de ma faute si finalement je me retrouve avec
02:17 un coup de poing sur la gueule ou autre chose. Autrement dit,
02:19 ne vous défendez pas lorsqu'il y a des milices d'ultragauche
02:22 qui viennent de tout saccager et faire un immense chaos,
02:25 parce que si vous vous défendez, c'est de votre faute que vous
02:28 serez le responsable de la chose.
02:30 21 février 2021, il assimilait, dans le cadre d'une émission de...
02:32 c'était reconduit dans le cadre d'une émission de série
02:35 "La Nuna", les policiers à des barbares. Et il considérait
02:38 que ceux qui se taisaient dans la police devant les actes
02:41 barbares des uns et des autres étaient eux-mêmes des barbares.
02:44 Est-ce que je comprends que pour Jean-Luc Mélenchon,
02:47 lorsqu'on se tait devant la violence de certains,
02:49 on est barbare? Que dois-je dire, puisqu'il se tait
02:52 devant la violence des milices d'ultragauche?
02:54 Je lui laisse le raisonnement.
02:56 14 juin 2020, il plaidait dans les suites de l'affaire Floyd
02:59 aux États-Unis, comme quoi ce grand patriote français
03:01 hexagonal et jacobin prend son agenda quelques fois
03:04 aux États-Unis. Eh bien, il plaidait pour une police
03:07 aussi désarmée que possible.
03:09 Là, si on trouvait des déclarations prises
03:12 chez les insoumis, rappelons-nous simplement
03:14 celles de M. Boyard... M.... je sais pas trop... Louis Boyard,
03:16 allons-y comme ça. Ou Boyard. Ou Louis. Rappelons-le, Louis.
03:19 Louis qui considérait que la police tue. La police tue.
03:22 Donc faites la liste de ces déclarations et il y en aurait
03:24 beaucoup d'autres. J'aurais pu en énumérer pendant plusieurs
03:27 minutes encore. Qu'est-ce que vous avez? Vous avez
03:29 une stratégie consciente, pensée de délégitimation de la police,
03:32 délégitimation des forces de l'ordre, de délégitimation
03:34 de l'État. On oublie pourtant de le traiter d'antirépublicain.
03:37 - Je peux citer une ou deux encore?
03:39 - Mais allez-y!
03:41 - J'ai vu "la police tue", et comme vous l'avez dit,
03:44 le groupe factueux Allianz justifie les tirs et la mort
03:46 pour un refus d'obtempérer. La honte, c'est quand?
03:49 Juin 2022. J'ai vu "les barbares", vous l'avez dit.
03:51 J'ai vu encore "cette police violente qui fait ce qu'elle
03:54 veut quand elle veut". Et c'est intéressant de s'arrêter
03:57 sur la multiplication, effectivement, de ces propos.
03:59 - Ah bah oui, c'est plus un dérapage. C'est un discours,
04:02 c'est une stratégie.
04:03 - Alors reprenons Mathieu Bocotte. La première question.
04:06 Quelle stratégie y a-t-il, justement, derrière ce rapport
04:09 à la police? Jean-Luc Mélenchon veut vraiment plonger la France
04:11 dans le mur. - Je ne sais pas.
04:13 - Dans ce rapport à la police. Jean-Luc Mélenchon veut vraiment
04:16 plonger la France dans le chaos. Oui ou non? Ce n'est pas
04:18 seulement du théâtre, comme certains le prétendent, non?
04:21 - Vous savez, on en dit souvent, Jean-Luc Mélenchon,
04:23 c'est un discours chez certains, des gens qui l'ont connu
04:26 autrefois. Vous savez, on l'a connu, vieux sénateur
04:29 socialiste, il joue à la radicalité, mais il n'y croit
04:31 pas. Moi, je crois qu'il y croit. Je l'ai acquis au fil
04:34 des temps de conviction. Aucun homme politique ne peut
04:36 demeurer sur la scène s'il ne croit pas qu'il y a une chance
04:39 sur un million qu'un miracle se produise et puisse le propulser
04:41 au premier rang pour qu'il en rencontre enfin son destin.
04:44 Donc, il y a probablement une partie du cerveau de Jean-Luc
04:47 Mélenchon qui croit qu'il pourra devenir sur le tard...
04:49 Vous savez, De Gaulle ne voulait pas devenir un dictateur à 67
04:52 ans, mais Jean-Luc Mélenchon a des espoirs contraires. Et on
04:54 peut s'imaginer qu'il souhaite devenir à sa manière une forme
04:57 de Castro hexagonale tardif pour enfin accomplir son destin
05:00 si les circonstances lui permettaient. Mais je crois
05:03 qu'il ne deviendra pas le Castro qu'il souhaite devenir.
05:06 Donc, plus concrètement, cette rhétorique histrionique,
05:08 cette rhétorique violente, cette rhétorique révolutionnaire
05:11 vraiment sert d'abord à assurer sa place dans le paysage
05:14 politique. Vous connaissez la phrase de Jean-Marie Le Pen
05:17 "Un front national modéré, ça n'intéresse personne."
05:20 Mais Jean-Luc Mélenchon pense de la même manière.
05:23 Un Jean-Luc Mélenchon modéré, ça n'intéresse personne.
05:26 La condition de sa présence dans l'espace public, c'est
05:28 un Jean-Luc Mélenchon toujours plus radical, toujours plus
05:31 explosif. Ça lui permet d'ailleurs de contrôler ses
05:33 troupes. Parce que si quelqu'un décide d'être en dissidence
05:36 et de prétendre un propos insurrectionnel, c'est l'occasion
05:39 de dire "Vous êtes infidèles, vous êtes déloyales, d'or."
05:42 Donc, c'est une manière de contrôler véritablement son
05:44 parti, son mouvement. Puis à travers tout ça, réhabilitation
05:47 d'une imaginaire révolutionnaire qui percole dans la société,
05:50 la violence politique est de retour, aussi bien dans les
05:52 mouvements trans, radicaux, on en a souvent parlé, lorsque
05:55 le tribunal juridique normal est sacrifié au nom du tribunal
05:58 populaire dans la question des violences sexuelles, quand la
06:01 gauche numérique décide de pratiquer des lynchages à
06:04 répétition sur les réseaux sociaux, quand Libé dénonce la
06:06 violence policière, mais ne dit pas un mot sur l'ultra-gauche
06:09 militienne et agressive, bien, l'héritage de Jean-Luc
06:12 Mélenchon, finalement, lorsqu'il ne sera pas devenu fidèle
06:15 Castro, ce sera un héritage d'une passion révolutionnaire
06:17 réactivée, une théorie de la violence légitimée et une haine
06:20 de la police normalisée.
06:22 - On allait passer le temps, mais j'ai une petite question
06:24 subsidiaire. La NUPES va fêter ses un an, ce week-end.
06:27 Jean-Luc Mélenchon a gagné?
06:28 - Oui, c'est-à-dire, il n'est pas président, mais oui, il a
06:31 gagné parce qu'il demeure au coeur du jeu politique.
06:33 Fondamentalement, c'est lui qui tire avantage, c'est pas le
06:36 seul, mais il a tiré avantage de la crise des retraites, il est au
06:38 coeur de son mouvement, c'est lui qui domine la gauche radicale,
06:41 c'est lui qui tire un langage insurrectionnel et il réussit à
06:43 capter l'attention de tous, l'imaginaire de tous et il
06:46 normalise une culture de la violence politique qui cadre
06:48 avec son imaginaire très 1793.
06:50 De ce point de vue, je ne sais pas si lui a gagné, mais il
06:52 crée des conditions pour que le mélenchonisme se perpétue.
06:56 ♪ ♪ ♪
06:59 [SILENCE]

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