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Les gaz lacrymogènes sont-ils dangereux pour la santé ? Depuis plusieurs années, la nocivité des gaz commence à être connue et dénoncée par différents acteurs. Associations, chercheurs et même policiers s’en inquiètent.

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00:00 Si vous avez mis les pieds dans une manifestation contre la réforme des retraites, il y a de
00:08 grandes chances que vous ayez été exposé au gaz lacrymogène.
00:10 Depuis plusieurs années, cette arme est utilisée presque systématiquement pour disperser
00:16 les manifestants.
00:17 Pourtant, des chercheurs, des observateurs et même des policiers le considèrent dangereux
00:25 et aucune étude n'a été menée pour déterminer les effets à long terme de ce gaz sur la
00:28 santé.
00:29 Si vous sortez du nuage, là il existe un risque très très sérieux pour votre santé.
00:34 Les forces de police déploient sur des manifestations vraiment ce cocktail de gaz non testé dans
00:38 des concités extrêmes sans avoir vraiment aucune connaissance de l'impact que ça a
00:44 sur la santé à long terme.
00:45 Le foie, les reins et surtout le cerveau peuvent avoir des attentes.
00:49 La plus grosse prise de gaz lacrymogène c'était le soir du 20 mars et je rentre chez moi.
00:59 Je passe une nuit horrible avec les yeux qui pleurent, des éternuements en continu.
01:05 J'ai même eu jusqu'à avoir des arrêts.
01:07 La nuit suivante c'est pareil, je dors mal.
01:09 Le mercredi, je décide de prendre rendez-vous chez le médecin.
01:11 Le médecin me dit très vite qu'il n'y a pas de bactéries, il n'y a pas de virus.
01:16 C'est quand je lui explique que le lundi soir j'étais en manifestation, que j'ai
01:19 été exposée au gaz lacrymogène, que moi je fais le lien, elle ne l'affirme pas.
01:25 Elle me dit que c'est possible.
01:27 Et elle me met juste sous anti-allergène pendant 30 jours.
01:32 Pachi est street-médic, depuis 4 ans, il intervient très souvent dans les manifestations
01:40 à Bordeaux.
01:41 Les manifestations commencent très régulièrement en place de la Bourse.
01:44 Et justement, il y a deux rues parallèles qui permettent d'accéder au centre-ville.
01:49 Dès lors que les manifestants essaient de se rapprocher de ces endroits-là, systématiquement
01:54 à ce moment-là, les forces de l'ordre emploient des grenades lacrymogènes.
01:57 Des exemples comme celui de Justine, il en a vu beaucoup sur le terrain.
02:02 Tous les quartiers étaient cernés, il y avait un assage assez important de toute la place.
02:07 Il y a eu des échanges entre les manifestants et les forces de l'ordre.
02:11 Et les forces de l'ordre ont immédiatement répliqué par l'utilisation en enseignement
02:16 de l'LBD, mais aussi l'utilisation de gaz.
02:20 Et malgré nos masques, on n'y voilait pas à 1 mètre.
02:23 J'ai le souvenir justement en tête d'un manifestant, qui n'arrivait pas ni à se
02:29 repérer, qu'elle n'arrivait pas non plus à se relever.
02:31 On s'est évidemment posé des questions, à savoir si cette personne va réussir à
02:35 s'en sortir.
02:36 Il y avait une détresse respiratoire, la respiration rapide et superficielle, et puis
02:42 des sensations, cette sensation intense qui était causée par la peur de mourir.
02:47 Dans une grenade lacrymogène, il y a une multitude de composants chimiques, dont le
02:55 fameux CS.
02:56 C'est lui qui cause les picotements dans les yeux et les poumons.
02:59 Ce n'est pas simplement du gaz qui vous fait pleurer et qui pique les poumons.
03:03 C'est aussi quelque chose qui est absorbé.
03:05 Donc au cours du temps, un risque peut s'établir.
03:08 Guillaume Groulx fait partie de la police scientifique.
03:10 Il est secrétaire général d'un syndicat.
03:12 Il s'intéresse de près à l'usage du gaz lacrymogène.
03:14 Pour pouvoir parler d'empoisonnement, il faut quand même bien prendre le recul par
03:18 rapport à ça, il faut que les conditions soient extrêmement délétères.
03:23 Si vous ne vous trouvez pas dans un cas où toutes les conditions de sécurité sont réunies,
03:30 si par exemple la foule est bloquée, qu'elle se retrouve à être forcée à rester au
03:36 sein d'un nuage, le risque va augmenter.
03:40 Si d'autres munitions sont tirées entre temps, le nuage va devenir plus dense, le
03:44 risque va augmenter.
03:45 C'est-à-dire qu'en temps normal, vous n'êtes pas censé en avoir peur.
03:48 Par contre, s'il se produit quelque chose de non sécuritaire, là, il peut commencer
03:55 à y avoir des problèmes.
03:56 Alexandre Samuel est docteur en microbiologie.
04:04 Après le mouvement des gilets jaunes, il a monté un dossier de 127 pages avec un chercheur
04:08 du CNRS sur le gaz lacrymogène et le CS.
04:11 Cette molécule est également absorbée par la peau et par les voies respiratoires.
04:15 Et ensuite, à l'intérieur du corps, elle est coupée en morceaux.
04:17 Et un des morceaux, c'est du cyanure.
04:19 Le cyanure, il bloque la chaîne respiratoire, on appelle ça la chaîne respiratoire.
04:25 Et c'est comme si on n'arrivait pas à utiliser son oxygène.
04:28 Il va se mettre à la place de l'oxygène.
04:30 Et donc on va continuer à absorber de l'oxygène, mais on ne va pas pouvoir l'utiliser.
04:33 Et c'est comme si on nous étranglait.
04:36 Quand on nous étrangle, on n'a pas d'oxygène qui est apporté aux différents organes.
04:40 Il peut y avoir ce qui s'appelle un stress oxydatif qui va causer des dégâts à l'organisme.
04:44 Donc le foie, les reins et surtout le cerveau peuvent avoir des attentes.
04:49 Parce que c'est celui qui consomme le plus d'oxygène qui a besoin de plus d'énergie pour fonctionner.
04:53 Un groupe de chercheurs de l'Université de Londres a étudié une manifestation du mouvement
04:59 Black Lives Matter le 9 juin 2020 aux États-Unis.
05:02 Un jour où la police américaine a tiré 138 grenades lacrymogènes,
05:06 il était surnommé le "Tirgaz Tuesday".
05:09 On a simulé le mouvement du gaz lacrymogène ce jour-là.
05:14 Sur ces 15 points de mesure, au final, le seuil de 2 mg par mètre cube,
05:20 au-delà duquel l'exposition est considérée comme immédiatement dangereuse
05:24 pour la vie et la santé par les agences fédérales américaines elles-mêmes,
05:28 a été dépassé.
05:30 La concentration maximale qu'on a pu observer dans l'air était d'environ 4 500 mg par mètre cube.
05:36 Les manifestants ont été soumis à des concentrations qui sont extrêmement élevées
05:40 de produits chimiques dangereux,
05:42 à des niveaux qui sont considérés comme mettant leur vie en danger.
05:45 Oui, alors là, on est quasiment sur de l'empoisonnement.
05:52 Si lors des événements de manifestation à Portland,
05:55 on est sur du 4 500 mg par mètre cube de gaz,
05:59 là, vous avez un risque de toxicité aiguë associé à l'absorption de gaz lacrymogène.
06:05 Parce que potentiellement associé au fait d'absorber du cyanure, de métaboliser du cyanure.
06:10 Donc à 4 500 mg par mètre cube, si vous n'avez pas de moyens de sortir du nuage,
06:16 là, il existe un risque très très sérieux pour votre santé.
06:20 La police américaine a donc atteint des taux d'enjeu avec 138 munitions.
06:24 Pour plusieurs de ces responsables qu'on a appelés,
06:27 cette quantité de grenades lacrymogènes est presque risible
06:29 par rapport à ce qui est utilisé pendant la contestation contre la réforme des retraites.
06:33 Ce qu'on observe, c'est que les particules de CS peuvent rester dans l'air
06:40 bien après leur déploiement initial des munitions.
06:44 Et elles peuvent se déposer assez loin de leur source,
06:47 près d'écoles, de restaurants, dans les habitations aux alentours.
06:50 On a également pu observer, ou en tout cas dans les témoignages,
06:54 des personnes qui ne faisaient pas partie de la manifestation
06:58 et qui en fait passivement ont été exposées à des munitions.
07:02 Elles ont été exposées à des concentrations de gaz
07:05 qui leur ont causé des symptômes similaires à ceux des manifestants,
07:10 mais depuis leur domicile, etc.
07:14 À la suite des manifestations, on ressent tout un éventail de symptômes.
07:22 L'asthme, les boulevards chimiques, les lésions pulmonaires,
07:26 les troubles sur le cycle mensicuel, ça c'est quelque chose qui revient très souvent.
07:31 Mais en revanche, ce qui est vraiment important de noter aussi,
07:34 c'est qu'aujourd'hui on a très peu d'études qui ont été faites
07:36 sur l'impact des agents chimiques sur la santé à long terme.
07:39 Et c'est pour moi déjà la source du problème.
07:42 Ce qui se passe, c'est que les forces de police déploient sur des manifestants
07:45 ce cocktail de gaz non testé dans des quantités extrêmes,
07:48 sans avoir vraiment aucune connaissance de l'impact que ça a sur la santé à long terme.
07:54 Je pense que pour moi c'est le plus compliqué,
07:56 c'est l'incertitude liée aux effets du gaz lacrymogène.
07:59 Moi je suis atteinte d'endométriose,
08:01 et à chaque cycle depuis le mois de janvier,
08:04 j'ai l'impression que chaque cycle est plus difficile et plus douloureux.
08:07 Et je pense que des fois j'ai envie de me dire
08:10 "Ah mais est-ce que le gaz lacrymo n'aurait pas un impact ?"
08:12 et c'est l'incertitude de me dire "Je ne sais pas".
08:14 Aujourd'hui si je veux tenter de comprendre
08:16 quels sont les effets des gaz lacrymogènes sur moi,
08:18 je ne sais pas vers qui me tourner, je ne sais pas quoi lire.
08:23 En fait je ne sais pas quelles sont les sources fiables
08:26 pour connaître les effets des gaz lacrymogènes.
08:28 Du fait qu'il existe des situations
08:30 dans lesquelles le gaz lacrymogène n'est pas sans danger,
08:33 dans lesquelles il peut y avoir une toxicité très importante
08:36 qui peut être impliquée,
08:38 nécessairement, normalement, on devrait avoir des données extensives
08:41 sur sa sécurité d'usage,
08:45 et sur les éventuels risques associés.
08:48 Même lorsqu'ils sont rares,
08:50 de manière à pouvoir suivre les personnes exposées
08:53 en cas de difficulté médicale,
08:55 les personnels en cas de maladie professionnelle,
08:57 et de pouvoir, lorsqu'on les forme,
08:59 leur expliquer l'existence de ces risques.
09:02 Et ces données-là, à ma connaissance, du moins, on ne les a pas.
09:06 Ce n'est pas une question d'avoir des personnes en face qui pensent à mal,
09:09 mais c'est aussi une question de savoir comment on les a formées
09:11 et ce qu'on leur a dit.
09:13 Ou si on ne leur a rien dit aussi.
09:15 Aujourd'hui, l'utilisation du gaz lacrymogène en France
09:22 interroge des observateurs internationaux.
09:24 Dans les droits internationals,
09:26 l'utilisation du gaz lacrymogène doit être utilisée
09:30 comme dernier recours.
09:32 Donc, dans les situations de violence généralisée.
09:36 Mais on voit souvent qu'en France,
09:39 c'est utilisé comme premier recours,
09:42 et que c'est quasiment la seule manière,
09:45 la seule tactique utilisée par les forces de l'ordre
09:47 pour disperser les gens.
09:49 Ça peut monter au niveau potentiel,
09:53 mais c'est un traitement cruel, inhumain et dégradant.
09:56 Parce que l'objectif de l'utilisation du gaz lacrymogène,
10:01 en principe, c'est de disperser les gens.
10:03 S'il n'y a pas de chemin,
10:05 il n'y a pas d'options,
10:07 de routes pour disperser,
10:10 cet objectif ne peut pas être réalisé.
10:14 La subutilisation du gaz lacrymogène,
10:19 ses risques potentiels sur la santé
10:21 et la peur que ça peut inspirer aux manifestants,
10:23 tout ça contribue à entraver le droit de manifester en France.
10:26 Ça mérite des enquêtes indépendantes
10:32 pour effectuer des changements.
10:35 Parce que les changements dans les lois
10:37 et dans les règles de l'utilisation du gaz lacrymogène,
10:41 pour mieux protéger le droit de manifester en France,
10:44 c'est urgent.
10:46 La plus grande question, c'est de savoir
10:48 si on peut aller en manifestation de manière sereine,
10:52 en sachant qu'aujourd'hui,
10:54 le gaz lacrymogène est utilisé à chaque manifestation.
10:57 C'est juste que tout ce sujet,
10:59 pour moi, c'est plein de points d'interrogation dans ma tête.
11:02 Je suis encore déterminée,
11:08 mais c'est sûr que c'est possible
11:10 que j'arrête d'aller en manifestation.
11:12 Je ne sais pas, on verra.
11:15 Sous-titrage ST' 501
11:17 © Sous-titrage ST' 501
11:19 [Bruit de pas]
11:21 [Bruit de pas]

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